Edition Web
Vol. 44- No. 2
Mars 1996
p. 19-23
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Négocier
une nouvelle donne transatlantique
Stanley R. Sloan
Dans cet article, l'auteur soutient que le "pourquoi" et
le "comment" de l'avenir de l'OTAN devraient être déterminés
avant que les Alliés n'abordent le "qui" et le "quand"
de l'élargissement de l'Alliance. Il conviendrait donc d'entreprendre
une étude qui conduirait à un nouvel énoncé
des missions de l'OTAN et à un plan de réorganisation permettant
de les accomplir. Ayant ainsi finalisé la nouvelle donne, les Alliés
pourraient alors passer aux préparatifs des négociations
d'accession. Mais la mise au point d'une nouvelle donne se heurte à
de sérieux défis. La réforme devra permettre l'adhésion
de nouveaux membres, l'établissement d'une relation constructive
avec la Russie, la prise en compte des aspirations à un pilier
européen au sein de l'OTAN une plus grande participation de la
France et le maintien de l'intérêt et de l'engagement des
Etats-Unis.
Au cours des quatre dernières années, les Etats membres
de l'Alliance atlantique ont négocié une nouvelle donne
transatlantique. Jusqu'ici, ces négociations ont été
largement déterminées par les problèmes de l'actualité:
la Bosnie, l'élargissement et les relations avec la Russie. Au
moment où les Alliés s'engagent dans l'opération
militaire la plus ambitieuse de l'histoire de l'OTAN, il peut paraître
injuste de demander plus. Mais quelle que soit la conclusion de la crise
bosniaque, les pays de l'OTAN doivent décider du "pourquoi"
et du "comment" de l'avenir de l'Organisation avant de passer
au "qui" et au "quand" l'élargissement de l'Alliance.
Les Alliés devraient donc maintenant aborder la phase finale du
processus de réforme en s'accordant pour redéfinir la mission
de l'OTAN et pour réorganiser ses structures. Le défi se
présente avec d'autant plus d'urgence que plusieurs démocraties
nouvelles souhaitent accéder à l'Alliance et que la Russie
est préoccupée par la mission de l'OTAN. Mais il reflète
aussi la nécessité de rééquilibrer les charges
et les responsabilités au sein de l'Alliance et de faire en sorte
que les opinions publiques et les parlements des pays alliés soient
convaincus que l'OTAN sert toujours leurs intérêts vitaux.
Certains prétendent que le processus de mise au point de la nouvelle
donne devrait être repoussé jusqu'à ce que l'issue
de la crise bosniaque soit claire. D'autres disent que les Alliés
devraient attendre les résultats de la Conférence intergouvernementale
(CIG) de l'Union européenne, qui abordera cette année la
question de la coopération future, au niveau européen, en
matière de défense. Cependant, si les Alliés pensent
qu'ils auront besoin de l'OTAN dans l'avenir, ils ne peuvent rester les
bras croisés.
C'est pourquoi les ministres des Affaires étrangères des
pays membres de l'OTAN devraient, lorsqu'ils se réuniront à
Berlin, au mois de juin, autoriser le lancement d'une étude sur
la réforme de l'OTAN. Cette étude devrait conduire à
un nouvel énoncé des missions de l'OTAN dans le monde de
l'après-Guerre froide et à un plan de réorganisation
permettant de les accomplir. Les résultats devraient en être
approuvés lors d'un Sommet de l'OTAN à la mi-97.
Une fois la nouvelle donne mise au point, les Alliés pourraient
se préparer à ouvrir les négociations d'accession,
en 1998, avec tous les Etats qui auraient montré la volonté
et la capacité de remplir les conditions qu'imposé l'appartenance
à l'OTAN. Un tel calendrier ferait des négociations sur
l'élargissement de l'OTAN et de l'UE des processus parallèles,
puisque tous deux débuteraient en 1998, les dates d'accession dépendant
des spécificités de chaque pays candidat.
Changement et continuité
Les gouvernements des Etats-Unis, du Canada et des pays membres européens
de l'OTAN sont bien convaincus que le maintien de l'Alliance transatlantique
servira leurs intérêts vitaux. Mais il n'y a pas de consensus
dans les pays membres, ni entre eux, quant à ce que devraient être
les missions de l'Alliance dans la période de l'histoire qui suit
la Guerre froide.
Depuis la fin de la Guerre froide, les pays de l'OTAN ont assez bien réussi
à adapter les politiques et les programmes de l'Alliance aux nouvelles
réalités internationales en Europe. Ils ont créé
le Conseil de coopération nord-atlantique (CCNA) et le programme
du Partenariat pour la paix (PfP) afin de promouvoir les consultations
et la coopération entre les Alliés et les anciens Etats
du Pacte de Varsovie, les ex-Républiques soviétiques et
les anciens pays neutres. Ils se sont engagés dans la voie d'un
élargissement et ont commencé à instaurer une relation
particulière entre l'OTAN et la Russie. Ils sont aussi convenus
d'ajouter des quartiers généraux de Groupes de forces interarmées
multinationales (GFIM) à la structure de forces de l'OTAN afin
de doter l'Alliance d'un dispositif souple lui permettant de réunir
des ensembles de forces spécialement adaptés à des
crises ou à des circonstances particulières.
Cependant, les Alliés hésitent à apporter des changements
de structure fondamentaux à l'Organisation elle-même, et,
de ce fait, l'initiative des GFIM n'a pas encore pu être mise en
uvre. Cette hésitation a plusieurs causes. L'une d'elle est
l'idée de base selon laquelle "on ne change pas une équipe
qui gagne": l'unité des Alliés a été
une grande force qui a permis de mettre fin à la Guerre froide
en précipitant la chute du Pacte de Varsovie et de l'Union soviétique,
et la structure éprouvée de l'OTAN a contribué à
créer cette unité. Dans cette optique, il faudrait que les
nouvelles dispositions structurelles proposées soient manifestement
meilleures que celles qui sont en place pour que l'on réussisse
à vaincre l'inertie née des succès passés.
Une autre source de résistance tient au fait que presque tout changement
structurel de l'OTAN réduirait probablement le rôle des Etats-Unis
au sein de l'Alliance par rapport à celui des Alliés européens.
Trouver une formule qui permette d'introduire des changements sans nuire
à la qualité de l'engagement des États-Unis reste
un dilemme. En outre, même si les gouvernements des pays européens
admettent que "l'Europe" devrait assumer une plus grande responsabilité
collective au sein de l'Alliance, un effort de défense européen
véritablement unitaire risque de ne pas voir le jour avant des
décennies.
Un autre problème fondamental est celui de l'absence d'un consensus
entre les Alliés sur ce que devrait être la mission future
de l'OTAN. Certains observateurs continuent de voir l'Alliance surtout
comme une assurance contre un réveil de la puissance russe. Pour
d'autres, l'OTAN est un vecteur de stabilité et de démocratisation
dans les nouvelles démocraties d'Europe centrale. D'autres encore
considèrent l'Alliance comme un instrument permettant de mettre
au point des réponses multilatérales aux nouveaux problèmes
qui se posent en matière de sécurité, notamment dans
le domaine de la gestion des crises en Europe et au-delà. Certains
hauts fonctionnaires américains, dont des membres du Congrès,
voient l'OTAN comme un moyen d'assurer un partage effectif des charges
avec leurs alliés. Pour de nombreux Européens, l'OTAN est
avant tout un moyen de maintenir les Etats-Unis à l'intérieur
de l'Europe. D'autres enfin pensent au cadre rassurant que l'Alliance
représente pour l'Allemagne.
Certains partisans de l'élargissement de l'OTAN ont affirmé
qu'il apporterait la principale réponse au problème de la
mission future de l'Organisation. Mais en fait, l'élargissement
est devenu une partie de ce problème.
En outre, la crise bosniaque a mis les Etats membres de l'OTAN dans l'obligation
de décider du rôle que l'Alliance devrait jouer dans de telles
circonstances et du type de relations qu'elle devrait avoir avec les Nations
unies et d'autres institulions, notamment l'Organisation pour la sécurité
et la coopération en Europe (OSCE), l'Union de l'Europe occidentale
(UEO) et l'Union européenne (UE).
Si les pays membres veulent que l'Alliance soit plus qu'une police d'assurance,
et s'ils entendent l'ouvrir à de nouveaux membres dans les prochaines
années, il faudra que certaines questions relatives à sa
structure soient abordées à bref délai. Et si, en
particulier, l'OTAN doit servir à trouver des réponses à
un large éventail de nouveaux problèmes relatifs à
la sécurité en Europe et au-delà, il pourrait devenir
de plus en plus important d'assouplir les processus de prise de décision
et de mise en uvre de l'Alliance par rapport à ce qu'ils
étaient au temps de la Guerre froide.
Au cur de ce problème réside la question de savoir
si la structure militaire de l'OTAN devrait continuer de refléter
un rôle dominant des Etats-Unis ou s'il faudrait élaborer
de nouvelles approches traduisant des rôles plus équilibrés
des Etats-Unis et de l'Europe au sein de l'Alliance. Les États-Unis
et les Alliés européens vont devoir aborder ce problème
de front s'ils souhaitent arriver à des options plus souples pour
répondre aux nouveaux défis qui les attendent en matière
de sécurité.
Le context du changement
La mise au point de la nouvelle donne se heurte donc à de sérieux
défis. Il s'agit de répondre simultanément à
des exigences fondamentales et, parfois, concurrentes. La réforme
devra permettre l'entrée de nouveaux membres dans l'Alliance, laisser
la porte ouverte à une relation construc-tive avec la Russie, prendre
en compte les aspirations européennes à l'édification
d'un pilier européen au sein de l'OTAN, assurer une participation
régularisée de la France et préserver l'intérêt
et l'engagement des Etats-Unis.
Le terrain est en partie préparé: l'étude sur l'élargissement
de l'OTAN a exposé les raisons et les modalités de cet élargissement.
La participation russe à la Force de mise en uvre de la paix
en Bosnie (IFOR) et les arrangements spéciaux de consultation à
16 + 1 avec la Russie pourraient marquer le début d'un rapprochement
OTAN-Russie. L'IFOR pourrait créer des précédents
pour des opérations futures des GFIM. Le retour de la France à
une participation pleine et entière au Comité militaire
de l'OTAN et sa participation plus active aux réunions des ministres
de la défense des pays de l'OTAN sont de grands pas vers une régularisation
de la relation entre l'OTAN et la France. Mais il reste à faire
davantage.
Le partage des charges et des responsabilités
Si l'Alliance entend préserver une certaine unité de but
dans le
monde de l'après-Guerre froide, les Alliés devront revoir
l'approche de l'OTAN en matière de coopération militaire
dans le sens à'un partage, et non d'une division des charges et
responsabilités militaires. Ces dernières années,
la tendance était à la division: l'Amérique disait
aux Européens que la crise bosniaque était leur affaire,
tandis que certains Européens cherchaient comment remplacer les
approches transatlantiques des problèmes de sécurité
par des solutions européennes.
II est peu probable que l'Alliance puisse survivre si les tendances à
la division persistent. Il faut, au contraire, que les Alliés reviennent
à une approche de partage impliquant un engagement réitéré
de tous les gouvernements des pays membres de coopérer afin de
promouvoir la paix et la stabilité internationales.
Une approche de partage signifie en outre qu'il ne devrait y avoir aucune
frontière géographique artificielle à la coopération
militaire n'entrant pas dans le cadre de l'Article 5. Autrement dit, les
seules limites à ce type de coopération seraient la volonté
et la capacité des Alliés de participer à une action
donnée. L'engagement de défense mutuelle contenu dans l'Article
5 du Traité de l'Atlantique Nord'" demeurera sans doute limité
par sa couverture géographique telle que précisée
à l'Article 6 - à savoir le territoire des Etats membres
- mais rien, dans le Traité, ne limite géographiquement
la coopération militaire n'entrant pas dans le cadre de l'Article
5.
Redéfinir la mission de l'OTAN
L'OTAN est et sera toujours une alliance politique aussi bien que militaire.
Au début de l'après-Guerre froide, on entendait couramment
dire que l'OTAN devrait s'adapter aux circonstances nouvelles en se "politisant
davantage". Il est toutefois de plus en plus clair que l'unicité
fonctionnelle de l'Alliance réside toujours dans son utilité
comme moyen de promouvoir et de mettre en uvre la coopération
politico-militaire entre les Etats membres et les pays partenaires. Au
moment où tous les pays membres réduisent la taille et les
capacités de leurs forces armées, la possibilité
de former des coalitions pour faire face à un large éventail
de situations qui menacent la paix revêt une importance croissante.
Comme l'a dit en substance David Greenwood, analyste britannique des questions
de défense, l'OTAN est en train de passer d'une alliance existante
à une coalition en puissance; on pourrait peut-être, en allant
encore un peu plus loin, parler de coalitions en puissance variables.
La défense collective demeure au cur des engagements des
Etats-Unis et de leurs alliés envers l'Alliance. Mais elle ne sera
pas l'activité centrale de l'OTAN au cours de la période
à venir. D'ailleurs, si elle le restait alors que l'on s'efforce
d'élargir l'Alliance tout en maintenant une relation constructive
avec la Russie, cela créerait des dissensions sur le plan politique.
En fait, les activités ordinaires de l'OTAN s'écartent graduellement
de la défense collective pour s'orienter vers un partage des responsabilités
collectives dans une vaste gamme de domaines liés à la sécurité.
Si cette évolution se poursuit, la mission de l'OTAN sera de plus
en plus axée sur les objectifs suivants, qui se renforcent mutuellement:
- Préserver les habitudes de coopération militaire,
en préparant les commandants et les forces à participer
à des opérations militaires multilatérales,
afin d'assurer un haut niveau de préparation et d'interopé-rabilité
entre les forces de l'Alliance et des pays partenaires en vue
des missions que les pays de l'OTAN pourraient convenir d'entreprendre,
qu'elles soient ou non dirigées en passant par la structure
de commandement intégrée.
- Promouvoir la paix, en développant les relations militaires
de coopération avec les pays partenaires, y compris la
Russie, par le biais du programme du Partenariat pour la paix
et du Conseil de coopération nord-atlantique, et aussi
par l'emploi en coopération des forces militaires alliées
pour apporter, si la nécessité s'en présente,
une aide humanitaire et des secours en cas de catastrophe, et
en ayant recours à la coopération au sein de l'OTAN
pour dissuader des états réprouvés de lancer
des agressions et pour décourager la prolifération
des armes de destruction massive.
- Rétablir la paix, en menant des opérations militaires
multilatérales visant à rétablir ou à
imposer la paix après une agression ou d'autres sources
de conflit militaire.
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Tant qu'aucun pays de l'OTAN ne sera confronté au type de menace
que faisait autrefois peser l'Union soviétique, la stratégie
et les déploiements de forces de l'Alliance prendront une forme
sensiblement différente de celle qu'ils avaient au temps de la
Guerre froide. Cela signifie que, sauf si la situation devait changer,
l'engagement de défense mutuelle prévu à l'Article
5 restera mis de côté par l'OTAN. Il pourra être immédiatement
invoqué en cas de nécessité, mais il ne constituera
pas la préoccupation quotidienne de l'Alliance. Cela devrait aider
les Alliés à canaliser des ressources de défense
limitées vers les nouveaux défis tout en donnant à
la Russie et à d'autres pays non membres de l'OTAN l'assurance
que leurs intérêts ne seront pas menacés par la coopération
militaire qui se développe autour du noyau des Etats membres de
l'Alliance.
Réaffirmer le leadership et L'engagement des Etats-Unis
L'une des grandes variables du processus sera la question de savoir si,
oui ou non, les Etats-Unis pourront retrouver la confiance de leurs alliés
dans leur leadership et le soutien du peuple américain à
un rôle international du pays fondé sur une collaboration
avec les démocraties animées des mêmes sentiments.
Cela ne voudrait pas nécessairement dire qu'ils devraient déployer
plus d'hommes en Europe ou augmenter leurs dépenses de défense.
En revanche, cela demanderait que les politiques de l'exécutif
et du législatif américains soient plus claires sur le rôle
des Etats-Unis dans le monde, et singulièrement en Europe. Certes,
l'initiative américaine dans la crise bosniaque a réaffirmé
le leadership des Etats-Unis en matière de politique étrangère,
mais elle risque de ne pas constituer une assise très solide pour
l'avenir de l'OTAN.
Quelle que soit l'issue de l'effort engagé pour donner une chance
à la paix en Bosnie, il serait peut-être bon que la Chambre
des représentants et le Sénat débattent d'une Déclaration
conjointe du Congrès réaffirmant l'attachement de la nation
aux objectifs du Traité de l'Atlantique nord, lesquels n'ont pas
vieilli et reflètent encore les valeurs communes et les intérêts
partagés des Etats membres.
Cette déclaration conjointe pourrait souligner le fait que les
nouvelles formes de coopération indiquées ci-dessus dans
l'énoncé de la mission sont indispensables aux Etats-Unis
si ceux-ci cherchent à promouvoir la paix et la stabilité
internationales sans devenir le gendarme du monde.
Rééquilibrer L'Alliance
Lors de sa conférence de presse inaugurale au siège de
l'OTAN, en décembre dernier, le Secrétaire général,
M. Javier Solana, a déclaré que les Alliés devraient
avancer dans la transformation de l'OTAN, notamment pour "refléter
les responsabilités européennes croissantes en matière
de défense et de sécurité". Il est peu probable
que dans l'avenir prévisible, les membres européens de l'OTAN
renoncent totalement à leur souveraineté dans le cadre d'une
approche supranationale de la défense. En revanche, il est vraisemblable
qu'ils mettront au point, entre eux, les approches coopératives
qui se révéleront nécessaires ou intéressantes
sur le plan budgétaire, politique ou militaire. L'OTAN devra être
suffisamment souple pour s'adapter à un tel processus.
Une façon de s'adapter à un plus grand rôle de l'Europe
au sein de l'Alliance consisterait à faciliter le commandement
européen d'opérations conduites en grande partie par des
forces européennes sans porter préjudice à la structure
de commandement intégrée de l'OTAN ni briser l'unité
de commandement. Peut-être un jour viendra-t-il où les Alliés
seront prêts à accepter un Commandant suprême allié
européen. Mais dans l'avenir proche, il serait impossible de réunir
un consensus de l'Alliance sur une telle réforme. Des propositions
antérieures visant une alternance à ce poste entre officiers
américains et européens se sont déjà heurtées
à une résistance du même genre.(2)
Pourtant, un certain nombre de changements plus modestes permet-
traient d'avancer vers un accroissement des responsabilités européennes
au sein de l'Alliance. Il a été proposé, par exemple,
que le Commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR)
et le Commandement suprême allié de l'Atlantique (SACLANT)
restent des officiers américains, et leurs adjoints des officiers
européens, mais que le SACEUR et le SACLANT adjoints soient désignés
par les membres de l'Union de l'Europe occidentale ou de l'Union européenne,
ce qui serait un moyen de rapprocher le pilier européen de l'OTAN
du commandement militaire de l'OTAN. Ces désignations seraient
approuvées par le Conseil de l'Atlantique nord afin d'assurer la
participation des pays de l'OTAN qui ne sont pas membres de l'UEO ou de
l'UE. Les deux officiers européens pourraient aussi, logiquement,
être les officiers du rang le plus élevé dans toute
structure de défense de l'UEO ou de l'UE.
Selon cette nouvelle approche, si les Alliés décidaient
d'engager, en dehors du cadre de l'Article 5, une mission à laquelle
les Etats-Unis participeraient pleinement, c'est le SACEUR (ou le SACLANT)
qui en serait responsable, comme ce serait le cas selon les procédures
actuelles de l'OTAN. Les directives du Conseil seraient envoyées
au SACEUR par l'intermédiaire du Comité militaire de l'OTAN,
puis à un commandant des Groupes de forces interarmées multinationales
par l'intermédiaire d'un Haut commandement subordonné.
Si le Conseil de l'Atlantique nord décidait que l'opération
devrait être conduite en grande partie par les Alliés européens
avec un soutien des Etats-Unis, le SACEUR (ou le SACLANT) adjoint assumerait
la direction des opérations, en disposant pleinement des ressources
de la structure de commandement intégrée.
Dans un troisième scénario, si le Conseil décidait
que les Alliés européens devraient assumer pleinement la
responsabilité de l'opération, à l'exclusion de tout
rôle des Etats-Unis, le SACEUR (ou le SACLANT) adjoint prendrait
sa fonction de commandement européenne (dans le cadre de l'UEO
ou de l'UE) et dirigerait l'opération indépendamment du
soutien des Etats-Unis ou de l'OTAN.
Une telle organisation permettrait aux Alliés européens
d'assumer le leadership et les charges au sein de la structure de l'OTAN
alors qu'ils n'auraient pas encore mis au point, dans le cadre de l'UEO
ou de l'UE, une structure suffisante pour soutenir des opérations
demandant beaucoup de moyens militaires. Si ce système fonctionnait,
il pourrait servir à éviter les doubles emplois de structures
et de ressources qui pourraient résulter de la création
de capacités séparées de l'UEO et de l'UE. Par ailleurs,
cette approche présenterait aussi l'avantage de ne pas perturber
les relations de commandement normales du SACEUR adjoint ou du SACLANT
adjoint avec les GFIM par l'intermédiaire d'un Haut commandement
subordonné.
D'autres suggestions, plus modestes, relatives à un renforcement
des rôles de commandement européens sont maintenant à
l'étude, y compris l'idée de confier à un Européen
le commandement des forces alliées du Sud Europe. Le SACLANT, le
général Sheehan, a par ailleurs avancé d'intéressantes
propositions visant à conférer une plus grande souplesse
à la structure de commandement de l'OTAN. Dans le courant de cette
année, les Alliés devraient commencer à examiner
sérieusement toutes ces idées.
(1) L'Article 5 stipule que "Les parties conviennent
qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles survenant
en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée
comme une attaque dirigée contre toutes les parties..."
(2) Cf., par exemple, l'analyse de l'auteur dans The
Future of US-European Security Coopération, CKS Report for Congress
92-907 S, 4 décembre 1992.
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