Revue de l'OTAN
Mise à jour: 24-Sep-2002 Revue de l'OTAN

Edition Web
Vol. 43- No. 6
Nov. 1995
p. 30-35

La structure de sécurité européenne:
une pléthore d'organisations?

Anne-Else Højberq
Division des Affaires politiques de l'OTAN

La création d'un système d'institutions se renforçant mutuellement dans le domaine de la sécurité européenne est rendue plus complexe par le nombre d'organisations qui s'occupent de sécurité et par la confusion qui règne quant à leurs rôles respectifs. Il apparaît essentiel d'améliorer la coopération concrète et de lutter contre toute rivalité entre ces organisations. Cet article décrit les possibilités d'interaction entre les diverses institutions chargées de la sécurité européenne et présente quelques réflexions, sans pour autant prétendre couvrir tout l'éventail des contacts établis ou des objectifs poursuivis, sur les conditions requises pour réaliser une structure de sécurité européenne fondée sur la coopération.

La question la plus fréquemment posée au sujet de l'ordre de sécurité européen est la suivante: pourquoi une telle multitude d'institutions? Ne nuit-elle pas à une gestion efficace des crises en Europe? Ne produit-elle pas des chevauchements inutiles et une division plutôt néfaste des responsabilités? Sur le plan pratique, la résolution des crises, serait sans nul doute facilitée si moins d'institutions intervenaient. Le conflit dans l'ancienne Yougoslavie a montré à quel point il peut être difficile de faire fonctionner ensemble efficacement plusieurs institutions internationales.

Mais il faut aussi reconnaître que les fonctions des institutions en question ne se limitent pas aux conflits en cours - leur participation, en amont, à la prévention des conflits, est tout aussi importante. Autrement dit, elles doivent créer un cadre d'équilibrage et de conciliation d'intérêts bien souvent divergents. Si la plupart des institutions ont mis en place des mécanismes internes qui visent à réduire les risques de dissension en guidant les opposants vers le compromis et une finalité commune, aucun dispositif du même genre ne joue ce rôle essentiel entre institutions.

Il est donc d'autant plus important de maintenir l'effort produit pour transformer le potentiel de renforcement institutionnel mutuel, dans le domaine de la sécurité, en véritable coopération concrète. Pour cela, il faut d'abord bien comprendre les buts et objectifs des institutions ayant des responsabilités en rapport avec la sécurité européenne (l'ONU, l'OSCE, le Conseil de l'Europe, l'UE, l'UEO et l'OTAN - cf. schéma). Il importe également de comprendre les changements que ces institutions ont subi par suite de la fin de la Guerre froide et les principaux défis auxquels elles font désormais face dans leur interaction.

Les Nations unies

L'Organisation des Nations unies a été créée en 1945, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans le but essentiel d'éviter une troisième guerre mondiale. Par sa composition et ses compétences, elle représente presque tous les pays du monde. Pendant cinq décennies, elle a assumé de grandes responsabilités dans les domaines de la sécurité, des affaires socio-économiques, de la culture, de l'aide humanitaire, etc. Si pendant la période de la Guerre froide, la division Est-Ouest a paralysé l'ONU sur le plan de la sécurité, les Nations unies ont, par la suite, et en particulier le Conseil de sécurité, commencé à jouer un rôle plus marqué dans la coopération internationale en matière de sécurité, principalement en Europe. Si en 1990, 11.500 soldats de la paix étaient déployés dans le cadre de neuf opérations, ce nombre est passé à 70.000 dans le cadre de dix-sept opérations en 1994.

Mais il n'a pas été facile, pour l'ONU, d'assumer une multitude de tâches nouvelles d'une grande ampleur. Les opérations engagées en Somalie et en Bosnie-Herzégovine ont posé des problèmes considérables, et cette organisation a été critiquée pour son incapacité à mener efficacement de telles missions.

Par rapport à la situation du temps de la Guerre froide, le maintien de la paix est beaucoup plus difficile en raison du changement radical qu'a connu l'environnement sécuri-taire. Les conflits de l'après-Guerre froide sont pour la plupart de nature intérieure et ils se caractérisent par des facteurs incontrôlables comme les querelles ethniques, les différends religieux, le nationalisme, etc. Au lieu d'intervenir entre les parties comme dans le cadre des conflits interétatiques classiques de la Guerre froide, les troupes de maintien de la paix doivent maintenant, bien souvent, intervenir au cœur d'un conflit, voire dans un contexte de combats continus, comme dans l'ex-Yougoslavie. De surcroît, le soutien financier requis par ces opérations est devenu de plus en plus problématique.

Face à une pénurie de moyens financiers et de capacités opérationnelles pour s'acquitter de la tâche requise, les Nations unies se sont ralliées au vœu de certains pays membres de mettre en œuvre les résolutions du Conseil de sécurité au travers de structures régionales. Ainsi, depuis 1992, les pays membres de l'Alliance utilisent les structures, procédures et forces militaires intégrées de l'OTAN pour appliquer ces résolutions. Les opérations maritimes de l'OTAN dans l'Adriatique - pour faire respecter l'embargo et les sanctions prévues - ainsi que ses opérations aériennes dans F ex- Yougoslavie en sont des exemples éclatants. Et de son côté, l'OTAN a dû modifier sa politique afin de pouvoir répondre positivement à des demandes des Nations unies. Du temps de la Guerre froide, un consensus politique rassemblait les pays de l'OTAN sur le fait que ses structures ne devaient pas être utilisées hors du territoire de ses membres. Il avait été décidé qu'il convenait d'assurer le rôle défensif de l'OTAN et d'empêcher que des pays membres ne soient entraînés dans une guerre par personnes interposées qui pourrait tourner au conflit entre les superpuissances. Aujourd'hui, au contraire, l'OTAN est prête à apporter sa contribution en dehors de son territoire, mais à la condition expresse d'être mandatée à cette fin par l'ONU ou l'OSCE.

La coopération actuelle entre l'ONU et l'OTAN reflète la nature du nouvel environnement sécuritaire de l'après-Guerre froide. Tout au long de celle-ci, il aurait été impossible de parvenir à un accord, au sein du Conseil de sécurité, pour demander l'intervention de l'OTAN pour l'application d'une résolution sur le terrain. Or aujourd'hui, comme nous avons pu le voir dans l'ex-Yougoslavie, c'est devenu possible.

'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe

L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), ancienne Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE), était au départ un processus consultatif de nature politique. Elle rassemble aujourd'hui 53 Etats.(1) Créée en 1975 après la signature de l'Acte final d'Helsinki, la CSCE a été un produit de la Guerre froide en ce sens qu'elle avait pour objet de constituer un mécanisme d'instauration de la confiance aidant à surmonter la division Est-Ouest.

Les outils de diplomatie préventive de l'OSCE ont été considérablement renforcés depuis la fin de la Guerre froide, à partir des changements apportés dans la Charte de Paris, en 1990. Le Sommet de Budapest, en décembre 1994, a marqué le début de la transformation d'un processus de coopération en une véritable organisation. Aujourd'hui, l'OSCE a trois fonctions principales, et notamment d'agir comme:

o cadre pour la création de normes dans la zone de l'OSCE, dans les domaines du droit international, des droits de l'homme, des droits des minorités, de la démocratie, de l'Etat de droit et de l'économie de marché;
o cadre d'évolution du processus de la maîtrise des armements en Europe et
o cadre d'alerte rapide, de prévention des conflits et de résolution des conflits étayé par des mécanismes d'instauration de la confiance et par la présence d'un Haut Commissaire pour les minorités nationales.

De par sa composition, qui englobe tous les Etats européens et d'Amérique du Nord, et son statut d'organisation régionale aux termes du Chapitre VIII de la Charte des Nations unies, l'OSCE a une forme de légitimité unique. Son axe de travail principal est la prévention des conflits, et non la résolution de crises déjà éclatées. C'est pourquoi elle devrait, en coordination avec d'autres structures, être en mesure de se doter de moyens de désamorcer des querelles interethniques et de neutraliser des tendances nationalistes extrêmes, qui constituent sans doute actuellement deux des principales menaces à rencontre de la stabilité en Europe. Cependant, le succès de l'OSCE dépend en dernier ressort de la volonté politique des pays membres d'utiliser pleinement la capacité de l'organisation et de remédier, par le biais de la coopération avec d'autres institutions européennes, à toute imperfection qu'elle pourrait présenter.

Le principe de la coopération avec d'autres institutions a été agréé lors du Sommet d'Helsinki de 1992. Il constitue le fondement des propositions d'assistance répétées de l'OTAN, illustrées par l'expression, par les pays alliés, de leur disposition à soutenir, au cas par cas, des activités de maintien de la paix sous l'égide de l'OSCE. L'OTAN a également contribué aux travaux de l'OSCE dans le domaine de la sécurité, et notamment à la définition de son approche de la prévention des conflits et de la gestion des crises par sa participation à des séminaires de l'OSCE et divers autres apports conceptuels.

Le Conseil de l'Europe

Le Conseil de l'Europe a été créé en 1949. Ses fonctions essentielles, qui n'ont pas changé depuis sa fondation, consistent à soutenir les principes de la démocratie parlementaire et à fournir une structure au sein de laquelle puissent être abordées les questions liées aux droits de l'homme.

Aujourd'hui, cette Organisation contribue à la sécurité européenne globale en aidant les pays d'Europe centrale et orientale à mettre en place des démocraties stables. Elle achève actuellement la rédaction d'une Convention pour la protection des droits des minorités qui fournira aux autres organisations et aux Etats un ensemble d'orientations concernant la conduite à tenir vis-à-vis des minorités. Ce processus de "normalisation" est nécessaire pour disposer de critères pour une évaluation objective et pour l'application de certaines mesures. Depuis la fin de la confrontation Est-Ouest, il existe bien d'autres champs d'intérêts communs entre l'OTAN et le Conseil de l'Europe. Les deux institutions devraient pouvoir tirer parti de l'expérience et de l'expertise de l'autre dans des cas où des droits fondamentaux sont impliqués dans le contexte plus large d'une situation susceptible d'avoir une dimension sécuritaire.

Le statut du Conseil de l'Europe ne lui confère pas le droit de traiter des questions de défense. C'est ce qui lui a permis, sans soulever trop de controverses, d'être la première institution démocratique occidentale à s'ouvrir aux nouvelles démocraties d'Europe centrale et orientale. Il est bien évident que l'OTAN, au cours de son processus d'élargissement, pourra tirer des enseignements de l'expérience du Conseil de l'Europe.

L'Union européenne

Le Traité de Rome signé en 1957, constituait un cadre économique et politique. Lors du Traité de Maastricht, en décembre 1991, les pays de la Communauté européenne ont adopté un Traité sur l'Union politique et un Traité sur l'Union économique et monétaire qui, ensemble, constituent le Traité sur l'Union européenne (UE). L'UE assume désormais un certain nombre de fonctions d'une importance fondamentale pour la sécurité européenne. Sur le plan intérieur, elle unit les grandes puissances européennes et assure la stabilité à travers l'intégration en offrant aux démocraties un cadre dans lequel elles peuvent se développer et prospérer. Les Etats membres de l'UE ont atteint un niveau d'intégration qui les rend dépendants les uns des autres. Sur le plan extérieur, elle contribue à un processus de stabilisation en profondeur en Europe, grâce à ses moyens et ressources - politiques et économiques - par exemple au travers des Accords européens avec les pays d'Europe centrale et orientale et des programmes TACIS/PHARE, qui soutiennent les processus de réforme économique dans ces pays en leur apportant une assistance et une aide techniques.

En adoptant le Traité de Maastricht, en 1991, les membres de l'UE se sont engagés à définir une Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) qui englobera toutes les questions liées à la sécurité de l'Union, y compris, à terme, la mise en place d'une politique de défense commune qui pourrait déboucher ultérieurement sur une défense commune compatible avec celle qu'assuré l'Alliance atlantique. L'Union demanderait alors à l'UEO (qui est décrite dans le Traité comme faisant partie intégrante du développement de l'Union) de mettre en œuvre les décisions de l'Union ayant des implications dans le domaine de la défense. Le lancement de la PESC a cependant été difficile. Parmi les initiatives positives dignes d'être notées sur le plan plus large de la sécurité, citons les tables rondes du Pacte de stabilité qui, depuis mars 1995, sont placées sous la responsabilité de l'OSCE, et l'établissement d'un plan de paix pour la Bosnie-Herzégovine.

Pour que l'UE puisse travailler efficacement, tant sur le plan intérieur qu'avec d'autres structures, il faudra que lors de sa Conférence intergouvernementale de 1996, elle s'engage à procéder à des ajustements institutionnels afin que l'accroissement du nombre de ses membres ne l'affaiblisse pas. Dans le domaine de la sécurité, un accord sur une révision des clauses du Traité de Maastricht relatives à la PESC, et notamment sur son extension à une politique de défense commune, demeurera difficile sans une division efficace du travail avec d'autres organisations. L'OTAN considère que son propre élargissement et celui de l'UE constituent des processus qui se soutiennent mutuellement et sont parallèles. Ensemble, ils apporteront une importante contribution au renforcement de la structure de sécurité de l'Europe. Il n'y aura pas nécessairement un parallélisme rigoureux, mais chaque organisation devra prendre en compte l'évolution du processus chez l'autre.

L'Union de l'Europe occidentale

L'UEO a été créée par le Traité de Bruxelles de 1948, qui a ensuite été modifié en 1954. Cette initiative ouest-européenne visait à prévenir la résurgence de menaces militaires. Ce n'est que dans les années 80 que l'UEO s'est donnée pour tâche d'œuvrer au renforcement de l'identité européenne de défense. Elle est donc appelée à jouer un double rôle consistant, d'une part, à mettre en œuvre les mesures qui, dans le cadre de la Politique étrangère et de sécurité commune de TUE, auraient des implications dans le domaine de la défense et, d'autre part, à renforcer le pilier européen de l'Alliance. Les quatre catégories de membres de l'UEO (cf. schéma) sont le reflet de ce double rôle:

  • les membres de plein droit sont membres à la fois de l'UE et de l'OTAN;
  • les membres associés sont les membres européens de l'OTAN qui ne sont pas membres de l'UE;
  • les observateurs sont (à l'exception du Danemark) des pays traditionnellement neutres qui sont membres de l'UE, mais pas de l'OTAN; et
  • les associés partenaires sont les pays qui ont conclu des "Accords européens" avec l'UE, c'est-à-dire les pays d'Europe centrale et orientale qui devraient devenir membres de l'UE.

Avec le Traité de Maastricht, l'UEO est devenue une partie intégrante du développement de l'Union. A travers son double rôle de composante de défense de l'UE et de renfort du pilier européen de l'Alliance atlantique, elle apporte une dimension supplémentaire importante à la sécurité européenne. Lors du Sommet de l'OTAN, en 1994, les chefs d'Etat et de gouvernement des pays membres de l'OTAN ont reconnu cette double fonction et l'ont encore confirmée en se déclarant prêts à mettre à disposition les moyens collectifs de l'Alliance, sur la base de consultations au sein du Conseil de l'Atlantique Nord, pour des opérations de l'UEO menées par les Alliés européens en application de leur politique étrangère et de sécurité commune.
Par ailleurs, une fois qu'il aura été traduit en termes concrets, le concept de "Groupes de forces interarmées multinationales" permettra de procéder au partage des ressources entre l'UEO et l'OTAN et de tirer le meilleur parti possible des forces existantes.

Cependant, pour l'UEO, la gageure résidera dans ses relations futures avec l'UE et en particulier dans celui des différents modèles possibles de renforcement de leur coopération qu'elle choisira. Elle pourrait conserver son statut conventionnel distinct, mais si elle optait pour un modèle plus large, elle pourrait aussi devenir le quatrième pilier de l'UE dans le cadre d'une dimension européenne de défense.

Au premier rang des arguments plaidant en faveur du maintien de l'UE et de l'UEO comme des institutions distinctes vient le fait que plusieurs pays membres de l'UE ne souhaitent pas devenir membres de plein droit de l'UEO. Par ailleurs, leur séparation permettrait l'admission des pays d'Europe centrale et orientale au sein de l'UE sans devoir impérativement les faire bénéficier des garanties de sécurité. En revanche, du fait du lien entre les garanties de sécurité fournies par l'UEO et celles fournies par l'OTAN, il est difficile d'imaginer qu'un pays puisse devenir membre de plein droit de l'UEO sans devenir - ou être déjà - membre de l'OTAN.

L'OTAN

L'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord a été créée en 1949 comme organisation de défense visant à renforcer la démocratie en Europe et à assurer la sauvegarde collective du territoire de ses Etats membres. A l'époque, la situation était extrêmement tendue, ce qui n'est pas le cas de nos jours, où la menace du communisme a disparu. Elle a toutefois été remplacée par un environnement fort imprévisible, dans lequel "les risques qui subsistent pour la sécurité des Alliés se présentent désormais sous des formes complexes et proviennent de directions multiples, ce qui les rend difficiles à prévoir et à évaluer".(2)

Le poids de l'OTAN tient au fait qu'il s'agit d'une organisation importante tant sur le plan politique que militaire, ce dernier rôle résultant d'une coopération étroite au travers de la structure militaire intégrée de l'OTAN. Mais l'Alliance s'est donnée des tâches nouvelles, au delà de son rôle traditionnel de défense du territoire de ses Etats membres: gestion des crises, y compris par le maintien de la paix, et rapprochement des pays d'Europe centrale et orientale.

En matière de gestion des crises et de maintien de la paix, l'OTAN est prête à répondre, au cas par cas, à des demandes des Nations unies ou de l'OSCE. Elle n'est disposée à opérer en dehors de son territoire que si ce mandat lui a été conféré.

Avec la création du Conseil de coopération nord-atlantique (CCNA), en 1991, et du Partenariat pour la paix (PfP), en 1994, l'Alliance met activement en place avec les pays d'Europe centrale et orientale, les pays de la Communauté des Etats Indépendants (CEI) et un certain nombre de pays neutres, une relation de familiarité, de confiance, et des habitudes de coopération qui existent depuis des décennies entre les Alliés. En fait, le PfP est bien plus qu'un moyen de préparation pour des pays qui souhaitent accéder à l'OTAN. C'est un élément-clé de la nouvelle architecture de sécurité: il rapproche Alliés et pays partenaires et constitue un cadre de contacts unique, au niveau quotidien, entre les personnels militaires. Il rassemble donc des pays en un réseau de coopération, améliorant ainsi la sécurité de l'Europe tout entière et complétant le futur processus d'élargissement de L'OTAN.

Conclusion

II est évident que pour réaliser un système d'institutions responsables de la sécurité en Europe qui se renforcent mutuellement, il faudra que le processus d'ajustement qui a suivi la fin de la Guerre froide soit poursuivi. Les Nations unies s'efforcent d'améliorer la mise en œuvre des résolutions prises par le Conseil de sécurité; l'OSCE débat de son rôle au XXIe siècle; le Conseil de l'Europe s'ouvre à des démocraties nouvelles en continuant de viser le maintien d'un haut niveau de respect des droits de l'homme; l'UE cherche à trouver un équilibre entre le délicat compromis du Traité de Maastricht et l'élargissement à l'Est; l'UEO renforce sa capacité opérationnelle tout en débattant de sa position future au sein de la sécurité européenne; et l'OTAN a entrepris un processus d'élargissement tout en développant des relations parallèles avec la Russie et en prenant en compte l'évolution en cours au sein de l'UE et en Amérique du Nord.

La création de divers cadres et types de coopération, comme le Conseil de coopération nord-atlantique et le PfP, dont la composition recoupe celle des organisations traditionnelles, a été fort utile en améliorant la coordination entre organisations. Quatre grands défis peuvent cependant être identifiés en ce qui concerne le fonctionnement de ces institutions se renforçant mutuellement.

Premièrement, il subsiste une certaine rivalité entre les différentes organisations, et il est évident qu'il reste à préciser certains aspects de leur interaction future. Cette incertitude s'étend aux pays membres eux-mêmes, qui s'efforcent de soutenir l'institution qui sera la plus efficace, selon eux, mais désirent aussi avoir l'assurance que leur voix restera clairement entendue.
Deuxièmement, il faudra absolument qu'idéaux et capacités aillent de pair. En effet, les Nations unies comme l'OSCE peuvent conférer une légitimité aux actions menées, mais toutes deux manquent des structures opérationnelles et militaires nécessaires à la mise en œuvre de leurs décisions. Il faut donc maintenir des liens étroits entre les organisations aux mandats les plus étendus - l'ONU et l'OSCE - et celles qui disposent de moyens, comme l'OTAN ou, peut-être, l'UEO.

Troisièmement, une amélioration de la coopération concrète entre les organisations est essentielle. Ainsi, les secrétariats de l'OTAN et de l'UEO travaillent plus que jamais en étroite collaboration et quoiqu'il y ait peu de structures de coopération officielles entre les Nations unies et l'OTAN, les efforts ad hoc qui ont été entrepris en rapport avec l'ex-Yougoslavie ont nettement renforcé les contacts entre ces deux institutions sur le plan pratique. L'expérience ainsi acquise sera d'une utilité inestimable, dans l'avenir, face à de nouveaux défis.

Enfin, un important processus d'adaptation et d'élargissement est en cours au sein de toutes les organisations en vue de favoriser la stabilisation des pays d'Europe centrale et orientale dans le cadre d'un vaste système de sécurité européen. Mais les changements apportés au sein de chaque institution sont complexes et il n'est pas toujours facile de tirer parti des enseignements antérieurs.

Les différentes organisations de l'architecture européenne de sécurité qui émerge à l'heure actuelle ont toutes été créées avec des programmes différents et dans des situations différentes. Des travaux d'adaptation et d'établissement de relations de coopération entre elles, sont en cours. Pour sa part, l'OTAN s'emploie activement, avec l'ONU, l'OSCE, l'UEO, l'EU et divers pays à rechercher des moyens de réduire les risques qui pèsent sur la sécurité européenne sous des formes complexes et en provenance de directions multiples. Il convient d'exploiter pleinement les avantages des différentes institutions tout en poursuivant la recherche de solutions pragmatiques. Même si le nombre des organisations en présence peut paraître excessif, nous ne devrions pas nous en inquiéter outre mesure, car c'est précisément en raison de leur nombre qu'aucun problème ne sera négligé et qu'aucun pays ne doit se sentir exclus.


(1) A l'origine, il y avait 35 Etats participants. A l'heure actuelle, la République fédérale de Yougoslavie est suspendue et l'ancienne République yougoslave de Macédoine (FYROM) et le Japon sont observateurs.
(2) Le Concept stratégique de l'Alliance, approuvé à la réunion au Sommet de Rome, en 1991. (Voir texte dans la Revue de l'OTAHn0 6, décembre 1991.)