Mise à jour: 24-Sep-2002 | Revue de l'OTAN |
Edition Web
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Initiatives régionales en matière de sécurité et relations entre le Japon et l'OTAN
Hiroshi Fukuda
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Le Japon a tout mis en oeuvre pour qu'une telle approche multiple prenne
corps en Asie, notamment en proposant la création d'un centre de
débat politique pour renforcer la confiance entre les pays de la
région. Un dialogue sur la sécurité de la région
s'est ainsi instauré avec la participation de la Chine, de la Russie,
du Vietnam et d'autres pays et, en 1994, s'est tenue, à
Bangkok, la première réunion du Forum régional de
l'ASEAN(1).
Les Etats-Unis et Ia sécurité de l'Asie
Le Japon et les Etats-Unis ont fort heureusement la même conception d'une approche multiple pour garantir la sécurité dans la région Asie-Pacifique. Les deux pays sont en particulier fermement convaincus que le facteur le plus important pour assurer la stabilité de cette région est la présence continue des forces américaines et que les arrangements de sécurité entre le Japon et les Etats-Unis sont le pilier central de cette présence.
Dans le numéro de septembre 1993 de Bottom Up Review et dans celui
de février 1995 du East Stratégie Report, le gouvernement
des Etats-Unis, dans un même esprit constructif, déclarait
clairement que les Etats-Unis maintiendraient une présence de 100
000 soldats dans la région asiatique.
Il faut rappeler que le Japon contribue notablement au maintien de la
présence continue de ces forces dans la région asiatique.
En effet, le soutien du Japon en tant que pays hôte des forces américaines
stationnées sur son territoire s'est élevé, pour
l'exercice 1994 à la somme de 5,6 milliards de dollars.
Les arrangements de sécurité américano-japonais ne
sont pas seulement essentiels à la défense du Japon; ils
sont devenus un réel facteur de stabilisation pour la région
dans son ensemble. En outre, cette alliance constitue le point d'ancrage
des inébranlables relations d'amitié entre le Japon et les
Etats-Unis qui, à eux deux, représentent 40 pour cent du
PIB mondial. Elle garantit l'engagement du Japon de ne pas chercher à
devenir une puissance militaire de premier plan.
Si l'on considère tous ces facteurs dans une perspective globale,
il devient patent que le maintien résolu des Arrangements de sécurité
entre le Japon et les Etats-Unis est et demeurera décisif pour
la sécurité de la région Asie-Pacifique dans son
ensemble.
Coopération et dialogue au niveau de la région
Le Forum régional de l'ASEAN (ARF), qui s'est tenu en juillet
1994 en Thaïlande et qui est la première enceinte à
instaurer dans cette zone un dialogue sur les problèmes politiques
et de sécurité à l'échelle de la région,
réunissait les ministres des Affaires étrangères
de 17 pays, dont la Chine, la Russie et le Vietnam, plus l'Union européenne.
Ce Forum a aujourd'hui pour mission d'accroître la transparence
des politiques des pays de la région et de renforcer un sentiment
de confiance mutuelle -et un départ prometteur a été
pris. Lors de ce premier Forum, le Vice-Premier ministre et ministre des
Affaires étrangères du Japon, Yohei Kono, a proposé
une triple action au service des objectifs de l'ARF. Il convient, 1) de
partager l'information grâce à la publication de livres blancs
sur la défense et d'autres documents du même ordre; 2) de
promouvoir des échanges de personnel qui travaillent dans le domaine
de la défense, et 3) de coopérer en vue de faire progresser
les activités globales, comme les opérations de maintien
de la paix et de non-prolifération. Dans son discours de clôture,
le Président a annoncé qu'à l'occasion de ce forum,
qui aura lieu chaque année, diverses mesures seront envisagées
pour améliorer la diplomatie préventive et renforcer la
confiance, et que l'on examinera également des concepts globaux
de sécurité adaptés à cette région.
Etant donné que le Forum régional de l'ASEAN, quoique différent
par essence de l'Organisation pour la sécurité et la coopération
en Europe (OSCE), partage néanmoins certains de ses objectifs,
je pense qu'il serait utile que ces deux instances engagent des discussions
sur une éventuelle coopération, en laissant cependant à
l'ARF le temps de se consolider.
Parallèlement au dialogue à l'échelle régionale,
un dialogue sur la sécurité au niveau sous-régional
est également en bonne voie dans l'Asie du Nord-Est. En effet,
la stabilité de cette région, qui comprend le Japon, les
Etats-Unis, la Chine, la Russie, la Corée du Nord et la République
de Corée, est un des principaux facteurs de la sécurité
de la région Asie-Pacifique tout entière.
Il est rassurant de constater qu'exception faite de la Corée du
Nord, tous les pays concernés se montrent favorables à un
tel dialogue. Depuis 1993, une série de réunions informelles
(avec la participation, à titre personnel, de responsables gouvernementaux)
se sont tenues à San Diego (EU), à Tokyo, et à Moscou.
Les questions qui devaient y être traitées comprennent la
participation de la Corée du Nord et l'instauration d'un dialogue
au niveau gouvernemental.
Le dynamisme du développement économique de la région
Asie-Pacifique a eu un effet d'entraînement sur la coopération
économique à l'échelle régionale. Sous cette
impulsion, la première réunion de l'APEC (Asia-Pacific Economie
Coopération) s'est tenue à Canberra en 1989 . En 1993, à
l'initiative du Président Clinton, le premier sommet de l'APEC
a eu lieu à Seattle, aux Etats-Unis, et le deuxième à
Jakarta, en 1994 ; le troisième sommet devrait avoir lieu à
Osaka, au Japon, au mois de novembre.
On s'aperçoit, avec le recul, que le succès économique
des pays de l'Asie a, ces dernières années, largement contribué
à la stabilité de la situation politique de chacun des pays
concernés comme de la région tout entière. La coopération
économique à l'échelle régionale, évoquée
plus haut, peut encore renforcer cette évolution. En outre, si
l'on parvenait à renforcer la réciprocité des liens
économiques de la région et à ancrer le sentiment
"d'interdépendance", ce serait un bon moyen d'éviter
les conflits à venir, ce qui contribuerait à garantir l'engagement
des Etats-Unis envers la région Asie-Pacifique.
On voit donc également que la coopération économique
à l'échelle de la région joue un rôle capital
dans sa sécurité. Par ailleurs, les pays participants s'accordent
à reconnaître que cette coopération économique
régionale doit de toute évidence être conforme aux
critères de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) et qu'elle
doit être ouverte à d'autres régions.
Les relations entre le Japon et l'OTAN
Les discussions qui ont eu lieu dans le cadre de la troisième Conférence sur la sécurité entre le Japon et l'OTAN, réunie en octobre dernier à Bruxelles, me confortent dans l'idée qu'il existe de nombreux problèmes communs que le Japon et l'OTAN peuvent traiter ensemble pour garantir la stabilité mondiale, au travers d'une coopération et d'un dialogue étroits.
Une des plus grandes préoccupations du Japon et de l'OTAN est la question de la Russie . Nous sommes d'accord sur le fait que le succès de la réforme engagée en Russie est essentiel à la paix et à la stabilité du Japon et de l'Europe ainsi que de l'ensemble de la communauté internationale. Dans ce but, le Japon coopère étroitement avec les pays d'Europe et les Etats-Unis et a déjà mis en place une aide économique en faveur de la Russie de quelque 4,4 milliards de dollars. Nous sommes également préoccupés par divers problèmes liés à la disparition de l'Union soviétique, dont la dispersion de matériaux et de technologies liés au nucléaire, le traitement du plutonium et des déchets radioactifs à la suite du démantèlement des sous-marins nucléaires, et les relations futures entre la Russie et d'autres pays de l'ex-Union soviétique, notamment l'Ukraine.
Ces questions, plus que toute autre, ont des incidences au niveau mondial, et le Japon s'est efforcé, avec les pays d'Europe et les Etats-Unis, de les résoudre. Ainsi, il s'est engagé à donner 100 millions de dollars d'aide aux pays de l'ancienne Union soviétique pour le traitement des déchets nucléaires.
La guerre en Tchétchénie, qui a fait de nombreuses victimes,
dont des civils, et qui est déplorable du point de vue humanitaire,
est aussi une cause d'inquiétude quant à la tendance profonde
de la politique intérieure en Russie, où le processus d'élaboration
de la politique semble perdre de sa transparence. ÏÏ est important
que le Japon, l'Europe et les Etats-Unis continuent d'encourager la Russie
à poursuivre ses efforts visant à redéfinir ses orientations
politiques, économiques et diplomatiques, et pour sa part, le Japon
est disposé à continuer à la soutenu-dans cette voie.
En outre, tout comme le rôle des Etats-Unis dans l'OTAN demeure
vital, le maintien de la présence militaire des Etats-Unis dans
la région Asie-Pacifique, articulée autour des Arrangements
de sécurité américano-japonais, est de plus en plus
important.
De ce point de vue, le Japon et l'OTAN ont tout autant intérêt
à renforcer l'engagement des Etats-Unis, et je suis convaincu qu'un
dialogue suivi entre nous servira nos intérêts communs.
Il va sans dire que le désarmement et la maîtrise des armements comptent parmi les problèmes lesplus importants que doivent aujourd'hui résoudre le Japon et l'Europe. Pour ce faire, nous devons renforcer notre action en faveur de la non-prolifération nucléaire. La dissuasion est et continue d'être la justification des armes nucléaires ; et, de fait, les stratégies nucléaires fondées sur ce concept ont donné de bons résultats jusqu'à présent - le fait que depuis la Seconde Guerre mondiale les armes nucléaires n'ont jamais été utilisées en témoigne. Une nouvelle tâche nous attend cependant: il nous faut empêcher que d'autres pays ne se procurent l'arme nucléaire. Et notre collaboration dans ce domaine est essentielle.
Les conflits régionaux
La fin de la guerre froide fut à la fois un défi, avec
le déchaînement de nombreux conflits régionaux et
une chance d'accroître notre aptitude à résoudre des
conflits au travers des Nations Unies. Il va sans dire que la coopération
internationale mise au service du règlement de conflits régionaux,
notamment par la diplomatie préventive et des opérations
de maintien de la paix, joue désormais un rôle important
pour assurer la sécurité et la paix mondiales. Depuis l'adoption,
en 1992, de la Loi sur la coopération internationale en faveur
de la paix visant à garantir la participation active du Japon aux
opérations de maintien de la paix des Nations unies, le Japon a
pris part à des opérations de ce type au Cambodge et au
Mozambique. Récemment, face au malheur qui frappe les réfugiés
rwandais au Zaïre, le Japon a envoyé quelque 400 membres de
ses forces d'autodéfense pour fournir une aide médicale,
faciliter l'approvisionnement en eau et soutenir les transports aériens.
Quant au conflit dans l'ex-Yougoslavie, le Japon soutient les efforts
de la communauté internationale pour restaurer la paix dans cette
région. Nous avons apporté d'importantes contributions à
des organisations comme le Haut Commissariat des Nations unies pour les
réfugiés afin de les aider dans leur mission humanitaire.
Nous avons également fourni des équipes dans le cadre de
missions conduites par l'Organisation pour la sécurité et
la coopération en Europe.
Dans le même temps, l'un des problèmes les plus graves auxquels
nous sommes confrontés est le décalage de plus en plus grand
entre les attentes de la communauté internationale en matière
de maintien de la paix et ses engagements réels à l'appui
de cette entreprise. C'est un problème qui doit être traité
par l'ensemble de la collectivité internationale, et là
encore, les efforts de coopération entre l'Europe et le Japon doivent
constituer l'exemple à suivre.
Pour finir j'aimerais parler de la façon dont le Japon voit sa
relation avec l'Europe dans le cadre des relations triangulaires entre
l'Europe, l'Amérique du Nord et le Japon. Les relations entre le
Japon et les Etats-Unis et celles entre les Etats-Unis et l'Europe étant
aujourd'hui très étroites, l'un des objectifs prioritaires
de la diplomatie japonaise a consisté à renforcer et à
étendre les rapports entre l'Europe et le Japon. Telle était
d'ailleurs l'origine des initiatives prises par le Japon qui ont abouti
à la déclaration commune entre le Japon et l'Union européenne
de 1991, ainsi que du dialogue instauré entre le Japon et l'OTAN.
Le Japon est résolu à poursuivre cette démarche afin
de favoriser une relation durable et à long terme avec l'Europe.
Cela créera de nombreux intérêts communs qui pourront
du même coup renforcer les liens entre l'OTAN et le Japon.
(1) Association des nations de l'Asie du Sud-Est dont les membres sont le Brunei, l'Indonésie, la Maloisie, les Philippines, Singapour et la Thaïlande.