Edition Web
Vol. 43- No. 3
Mai
1995
p. 14-18
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La
coopération autour de la Baltique:
perspectives et initiatives danoises
Hans Haekkerup
Ministre de la défense du Danemark
Le Danemark a décidé qu'en matière de coopération
avec l'Europe centrale et orientale, il peut apporter une contribution
plus efficace en concentrant ses ressources limitées sur la coopération
dans la région de la Baltique. Il a en conséquence lancé
un certain nombre d'initiatives visant à renforcer la coopération
autour de la mer Baltique, dont une série d'accords bilatéraux
de coopération militaire avec la Pologne, la Lettonie, la Lituanie,
l'Estonie et la Russie. Tous ces accords ont été spécifiquement
conçus pour répondre aux besoins et aux intérêts
des pays concernés et s'inscrivent dans le cadre du Partenariat
pour la paix. Le maintien de la paix est le thème central de cette
opération, dont l'objectif général est d'assurer
la stabilité dans la région.
Pour la première fois depuis très longtemps, la mer Baltique
n'est plus au cur d'une région de tumulte et de conflits.
Ces dernières années, elle est devenue un trait d'union
entre les pays qui l'entourent, ouvrant ainsi des perspectives et des
possibilités nouvelles à un pays comme le Danemark, qui
peut établir des liens de coopération étroits avec
ses voisins de l'autre rive de la Baltique.
C'est en général quand elle a un contenu concret que la
coopération porte le plus de fruits. Tel a été un
des principes sous-tendant les accords bilatéraux de coopération
militaire conclus entre le ministre de la défense du Danemark et
cinq autres pays riverains de la Baltique. Le premier de ces accords a
été signé avec la Pologne, en octobre 1993, et des
accords similaires ont été conclus avec la Lettonie, la
Lituanie, l'Estonie et, pour finir, la Russie en 1994. Tous sont conçus
selon le même principe c'est-à-dire que dans le cadre de
ces accords, un exposé conjoint et détaillé du contenu
concret de la coopération bilatérale a lieu chaque année.
Ces accords spécifient qu'ils s'inscrivent dans le cadre du Partenariat
pour la paix (PfP) et respectent l'esprit des autres obligations conventionnelles
souscrites par les parties.
Le Danemark et les autres pays concernés entendent ainsi développer
et renforcer leurs relations mutuelles dans le domaine militaire à
l'intérieur du cadre du PfP et du Conseil de coopération
nord-atlantique (CCNA). Les activités en coopération peuvent
inclure des visites réciproques, des entretiens entre états-majors,
des exercices militaires et des stages de préparation conjoints,
la participation à des cours des Nations unies, ainsi que des opérations
de recherche et de sauvetage aériennes et maritimes, des visites
alternées de navires de guerre, d'avions militaires et d'unités
militaires, des échanges d'étudiants et des consultations
à tous les niveaux entre officiers.
Les thèmes de la coopération peuvent inclure un dialogue
bilatéral sur le rôle et les fonctions des forces armées
dans une société démocratique, les concepts de la
défense, la sécurité et le désarmement, l'éducation
et l'environnement. En ce qui concerne le maintien de la paix, nous devons
nous efforcer d'échanger nos idées et notre expérience,
notamment en ce qui concerne la formation aux opérations de maintien
de la paix.
Ces accords soulignent la priorité à donner aux activités
liées à la région de la mer Baltique, étant
donné que le Danemark a choisi de se concentrer sur cette zone
dans le cadre de sa coopération avec les pays d'Europe centrale
et orientale. Il nous faut reconnaître que nous n'avons pas les
moyens nécessaires pour apporter une contribution notable au travers
d'une coopération individuelle avec chacun des PECO. C'est pourquoi,
plutôt que de faire peu en beaucoup d'endroits, nous tâcherons
de faire le maximum plus près de chez nous.
Toutefois, à la suite des événements de Tchétchénie
et en raison de l'attitude de la Russie dans ce conflit, il a été
décidé de suspendre temporairement la mise en uvre
de la coopération militaire avec la Russie et on ne sait pas encore
quand ces activités pourront reprendre.
Au lendemain de la fin de la guerre froide, la Russie, la Pologne et les
trois Etats baltes se retrouvent dans des situations très différentes
en matière de défense. En effet, les pays baltes partent
de zéro dans bien des domaines, tandis que la Pologne possède
un système de défense relativement perfectionné et
que la Russie se débat pour s'adapter aux conditions nouvelles
avec ce qui a été la plus grande armée du monde.
Chacun des accords que le Danemark a conclus a été spécialement
ajusté aux besoins et aux intérêts du pays concerné,
de même que les programmes annuels. En effet, pour que les différentes
activités entreprises aient le moindre impact durable pour ces
pays, il importe qu'elles soient centrées sur les domaines dans
lesquels ils ont besoin d'être aidés et encouragés.
Chaque année, les activités de l'année suivante sont
arrêtées par négociation directe sur la base des suggestions
faites par les deux parties.
Avec la conclusion des cinq accords mentionnés, nous pensons avoir
circonscrit les efforts à engager pour établir des relations
de coopération avec nos voisins de la Baltique. L'objectif global
de cette coopération est d'assurer la stabilité dans la
région, mais nous envisageons également notre coopération
avec chaque pays dans une perspective plus spécifique. Ainsi, l'Estonie,
la Lettonie et la Lituanie, qui étaient des pays indépendants
bien avant l'occupation soviétique, sont des pays neufs en matière
de défense. Nous souhaitons leur apporter une partie de l'aide
dont ils ont besoin et uvrer à leur intégration dans
les réseaux occidentaux de coopération et de dialogue. Pour
sa part, la Pologne souhaite accéder à l'OTAN avant la fin
de la décennie, et nous chercherons donc à la rapprocher
des structures occidentales. L'essentiel consiste maintenant à
s'assurer de la nature aussi concrète et utile que possible de
ces relations de coopération.
Des initiatives nouvelles au niveau régional
Le travail effectué à l'échelle multinationale est
d'une importance capitale pour permettre aux pays d'Europe centrale et
orientale de se rapprocher des structures et des forums de coopération
de l'Occident. Le Danemark participe activement à ce processus,
tant au niveau global, à travers les Nations unies, qu'au niveau
régional, à travers l'OTAN, le CCNA et l'Organisation pour
la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). J'ai
été particulièrement heureux de voir l'initiative
du Partenariat pour la paix prendre forme et devenir l'instrument majeur
d'une intégration et d'une coopération accrues. C'était
exactement le type de mécanisme qu'il fallait en un moment de grand
changement, mais aussi de grandes espérances. Il nous permettra
de multiplier nos liens et nos activités avec nos partenaires du
PfP, à leur rythme, tout en travaillant sur les nombreuses questions
que soulève la décision relative à l'élargissement
de l'OTAN et sur les multiples possibilités qui s'offrent à
nous.
Les Nations unies, l'OTAN et l'OSCE sont les pierres angulaires de notre
politique de sécurité et nous continuerons de soutenir les
travaux de ces organisations. Par ailleurs, nous sommes persuadés
qu'il est essentiel que l'OTAN poursuive le réexamen de son rôle
afin qu'elle puisse faire face aux nouveaux défis avec le même
succès que par le passé.
Toutefois, à côté de ces engagements multinationaux,
il nous est apparu que la région où le Danemark, en tant
que pays individuel, peut changer quelque chose, est la nôtre, celle
de la mer Baltique. D'où la conclusion de ces accords, mais aussi
le lancement d'autres initiatives.
BALTE AT, le bataillon conjoint de maintien de la paix est l'une de ces
initiatives. La décision d'assister les pays de la Baltique dans
sa mise en place a été prise par les ministres de la défense
des pays nordiques en mai 1994. Le Royaume-Uni, qui a aidé à
créer le bataillon fourni par les quatre pays nordiques - le Danemark,
la Finlande, la Norvège et la Suède -participe activement
aux travaux et assurera la préparation élémentaire
de l'infanterie ainsi qu'une formation linguistique. Les Etats-Unis, la
Pologne et l'Allemagne fournissent de l'équipement et les PaysBas
et la France ont participé à titre d'observateurs. L'ensemble
du projet est coordonné par le Danemark. Le bataillon devrait être
prêt à être déployé en 1996.
Le motif qui a présidé à sa création a été
le désir d'aider les pays de la Baltique à se préparer
à participer au maintien de la paix internationale en un moment
où dans le cadre des opérations menées sous l'égide
des Nations unies, le besoin de personnel qualifié et bien équipé
envoyé par de nouveaux pays se fait cruellement sentir. En outre,
ce bataillon favorise une coopération accrue entre les pays de
la Baltique. BALTBAT est un projet ambitieux mais jusqu'ici, tout indique
qu'il sera à la hauteur des efforts fournis.
Parmi les difficultés, que rencontrent les pays désireux
de prendre part à des opérations internationales de maintien
de la paix, il y a la mise en place des programmes de formation nécessaires
et le recrutement d'instructeurs expérimentés. C'est pourquoi
le Danemark a décidé d'équiper et de former une section
lituanienne et de la déployer pendant six mois en Croatie au sein
d'un bataillon danois, DANBAT. Cette initiative s'est avérée
très utile pour les Danois comme pour les Lituaniens. En ce qui
nous concerne, elle a prouvé que nous étions capables de
transmettre des enseignements tirés de nos multiples années
de participation à des opérations de maintien de la paix
à travers le monde. Et pour la Lituanie, elle a été
une occasion d'acquérir de l'expérience dans le cadre direct
d'une mission des Nations unies, ce qui sera pour elle un atout unique
le jour où elle devra former ses futures troupes de maintien de
la paix. En ce moment, le Danemark s'emploie à former et à
équiper une autre section lituanienne ainsi qu'une section estonienne,
ESTPLA. Nous espérons qu'à terme, la Lettonie se joindra
également à nous.
La coopération trilatérale
Une autre forme de coopération dans la région de la Baltique
est la coopération trilatérale qui s'est instaurée
entre le Danemark, l'Allemagne et la Pologne. Il s'agit d'une initiative
relativement récente qui ne s'est pas encore concrétisée
sous forme de traité ou d'accord. Cette coopération est
fondée sur des rencontres semestrielles entre les ministres, et
sur le plan pratique, elle s'est jusqu'ici essentiellement traduite par
des exercices conjoints. Ainsi, en septembre 1994, un exercice trilatéral
de déminage a eu lieu en mer Baltique et en octobre 1994, des forces
danoises, allemandes et polonaises ont participé à la phase
de maintien de la paix d'un exercice terrestre appelé CARBON GAP
94, organisé au Danemark. En outre, en septembre 1994, des troupes
danoises et allemandes ont pris part à la phase de maintien de
la paix d'un exercice terrestre polonais, TATRY-94, et les trois pays
ont participé aux exercices COOPERATIVE BRIDGE et COOPERATIVE VENTURE,
organisés en automne dernier dans le cadre du PfP. L'exercice CARBON
GAP 95 aura lieu en septembre dans le Schleswig-Holstein, et ces trois
pays entendent y envoyer des troupes.
Nous espérons que dans les années à venir, cette
coopération trilatérale se renforcera. Un premier pas a
été fait dans la recherche de moyens de créer des
rapports de coopération entre des unités de maintien de
la paix danoises, allemandes et polonaises. Un groupe a été
chargé d'étudier les possibilités concrètes,
pour des unités spécifiques, de coopérer de façon
régulière. L'objectif d'une telle coopération est
de mieux préparer des unités danoises, polonaises et allemandes
à travailler ensemble dans le cadre d'opérations de maintien
de la paix des Nations unies. Des contributions conjointes aux forces
de réserve des Nations unies seraient un autre axe de coopération
qui demande à être étudié de plus près
dans l'avenir.
A travers ces efforts, nous espérons réaliser une coopération
étroite dans des domaines présentant un intérêt
pour nos trois pays et former des unités et des troupes dotées
de compétences pratiques et mieux à même de travailler
ensemble et de communiquer avec des troupes de nationalités différentes.
De surcroît, cette coopération trilatérale est un
moyen, pour la Pologne, d'entrevoir les possibilités et les obligations
liées à l'appartenance à l'OTAN.
L'objectif général de notre coopération avec les
pays de la Baltique est de leur permettre de se rapprocher des structures
et des modes de coopération de l'Occident.
Et leur souveraineté pourra sortir renforcée de ce processus.
En outre, tous les accords que le Danemark a conclus traduisent concrètement
l'intérêt que nous portons à ces pays et notre désir
de les aider dans leurs efforts pour adapter ou créer leurs structures
de défense conformément aux normes, aux principes et aux
valeurs pour lesquels nous avons nous-mêmes opté.
Le maintien de la paix, domaine prioritaire
Un des domaines de coopération auquel nous attachons la plus grande
importance et qui a été au centre de la plupart de nos projets
et activités est le maintien de la paix. Le Danemark a une longue
tradition de participation à des opérations de maintien
de la paix autour du globe, participation qui, numériquement, est
une des premières au monde. Elle s'est située à tous
les niveaux d'opération et dans le cadre de divers scénarios.
De plus, nous jouons actuellement un rôle majeur dans les travaux
relatifs à la standardisation de la préparation et de la
formation au maintien de la paix au sein du Conseil de coopération
nord-atlantique.
On le sait, les Nations unies ont atteint un stade où les réserves
en personnel et en équipement, tant pour les opérations
déjà engagées que pour les missions nouvelles, sont
pratiquement épuisées. Il devient difficile, pour le Département
des opérations de maintien de la paix de l'ONU, de se conformer
aux exigences de toutes les résolutions du Conseil de sécurité
en la matière, étant donné que les pays qui, traditionnellement,
envoyaient des troupes, peuvent difficilement augmenter leur contribution.
C'est pourquoi il importe que le groupe des pays qui contribuent activement
à ces opérations soit élargi. Ce processus est engagé,
et c'est une des raisons pour lesquelles le Danemark s'est montré
résolu à intégrer les pays de la Baltique à
des activités de maintien de la paix et à faire participer
les membres du conseil de coopération nord-atlantique aux travaux
sur la standardisation de divers aspects du maintien de la paix.
Très récemment, le Danemark a mis sur pied une brigade de
réaction internationale destinée à prendre part à
des missions internationales de maintien de la paix et à notre
défense nationale. Une partie de cette unité - une compagnie
du quartier général et des officiers d'état-major
- a été mise à la disposition des forces de réserve
des Nations unies, qui pourront ordonner son déploiement dans de
brefs délais, mais de nombreuses autres contributions sont nécessaires.
Cependant, même si les Nations unies ont cruellement besoin de nouvelles
contributions à leurs opérations de maintien de la paix,
les principes traditionnels qu'elles ont appliqués en la matière
doivent être maintenus. On ne saurait admettre que la pénurie
de troupes et de matériel entraîne un relâchement des
critères que nous avons établis en matière d'organisation
du maintien de la paix.
L'objectif que s'est fixé le Danemark, en coopérant avec
la Russie dans ce domaine, a été d'instaurer un vaste dialogue
et un échange d'expériences. Nous espérons que cela
nous permettra d'influer sur l'approche traditionnelle de la Russie du
maintien de la paix et, peut être, de la convaincre de modifier
son approche dans ce domaine, plutôt interventionniste. Il sera
néanmoins difficile de lui confier des missions des Nations unies
sur le territoire de l'ex-Union soviétique tant qu'elle n'aura
pas accepté l'ONU comme autorité supervisant toutes les
opérations de maintien de la paix et de se conformer aux critères
de cette organisation.
La perspective nordique
Dans l'optique danoise, la sécurité dans la région
nordique est indissociable de la sécurité dans l'ensemble
de la région de la Baltique. Les événements qui se
sont produits en Europe orientale ont provoqué d'énormes
changements de la situation mondiale et régionale en matière
de sécurité et, pour la première fois, les conditions
sont réunies pour la création d'un environnement sécuritaire
fondé sur la coopération et l'interdépendance. Mais
si nous voulons assurer la poursuite positive de l'évolution en
cours, il nous faut agir.
Ces nouvelles possibilités de création d'un environnement
sécuritaire en mettant l'accent sur l'ouverture et des activités
et initiatives conjointes ont fortement encouragé le Danemark dans
ses efforts en vue d'améliorer les contacts régionaux. Il
a été très stimulant, pour nous, de pouvoir changer
les choses chez nous et de voir presque immédiatement les résultats
produits. Il est évident qu'une grande partie d'entre eux ne seront
pas perceptibles avant longtemps, mais nous faisons le travail préparatoire
et espérons que la situation progressera dans le domaine militaire.
L'OTAN, l'OCSE et les Nations unies resteront les principaux forums de
la coopération internationale en matière de sécurité
et nous demeurerons sans aucun doute attachés au renforcement de
ces organisations. Toutefois, parallèlement, nous voulons nous
assurer que les pays baltes ne sont pas oubliés et que tous les
pays de la Baltique uvreront vers davantage de cohésion,
de transparence et de coopération. Nos conclusions, au terme de
quelques années de coopération avec nos voisins de cette
région, sont qu'elle est à la fois nécessaire et
très fructueuse. Et c'est également un pas essentiel vers
la stabilité et le progrès au-delà de la région
de la Baltique.
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