Revue de l'OTAN
Mise à jour: 10-Sep-2002 Revue de l'OTAN

Edition Web
Vol. 42- No. 3
Juin 1994
p. 12-15

La République tchèque, un partenaire actif de l'OTAN

Jaromir Novotny
Directeur de la section Relations étrangères du Ministère
de la défense de la République tchèque

Nous vivons une époque de tumulte. L'humanité est confrontée au besoin urgent de trouver des solutions non seulement aux problèmes liés à l'évolution de la civilisation au XXe siècle, mais aussi aux problèmes pressants que la génération actuelle a hérités de la période de la Guerre froide.

La désintégration de l'Union soviétique, la destruction de la Yougoslavie, la division de la Tchécoslovaquie et l'unification de l'Allemagne ont sensiblement modifié la carte de l'Europe. Dans les territoires limitrophes de l'Allemagne et de la Russie, on a vu se créer de nouveaux États dont la sécurité n'est garantie ni par les superpuissances, ni par un système régional de quelque nature que ce soit. Quelqu'un de superstitieux pourrait se croire revenu aux années 30: la récession, le chômage et une Europe divisée en régimes de droite et de gauche avec un centre sans grand pouvoir. Or, justement, les superstitieux semblent de plus en plus nombreux. Mais, pourrait-on rétorquer, l'incertitude nous rappelle le conseil de Mark Twain: si vous ne savez que faire, faites ce qu'il faut.

Le Partenariat pour !a paix - des perspectiwes nouvelles

La République tchèque s'est trouvée dans un vide stratégique qui l'oblige à établir des liens avec des organisations de défense et des systèmes de sécurité existants. Dans le même temps, plusieurs épisodes de notre histoire nous confirment qu'il est dans notre intérêt que ces structures se renforcent. Le projet de Partenariat pour la paix, qui est l'expression du soutien que l'Occident apporte aux forces démocratiques des pays d'Europe centrale et orientale, est sans nul doute un pas dans la bonne direction.

En signant le document cadre du Partenariat pour la paix en mars dernier et en préparant avec le plus grand soin le document de présentation remis le 17 mai, la République tchèque a confirmé son intérêt pour une coopération étroite avec l'Alliance atlantique. Nous n'avons pas l'intention d'assister aux événements en spectateur passif, mais bien d'y participer activement. Nous voyons le Partenariat pour la paix comme une sorte d'épreuve de maturité pour les aspirants à l'adhésion, à terme, à l'OTAN.

Dans l'avenir, le Partenariat pour la paix permettra non seulement de dresser la liste de nos réalisations, mais aussi de préciser les objectifs de la politique de sécurité tchèque. La coopération entre les pays post-communistes et l'Alliance aide à garantir le caractère démocratique des changements en cours en Europe et pourrait servir de base à de futures structures de sécurité paneuropéennes. Elle ouvre peut-être la voie menant à un système international de coopération capable de résoudre les problèmes globaux - autrement dit un système qui pourrait aussi devenir le principal garant de la souveraineté et de l'indépendance de la République tchèque.

De notre point de vue, un des aspects primordiaux du Partenariat pour la paix est la possibilité de consulter l'Alliance à "16 + 1"(1) au cas où nous percevrions qu'une menace directe pèse sur notre intégrité territoriale, notre indépendance politique ou notre sécurité. Notre participation au Partenariat s'appuie sur des bases solides, créées au cours de ces quatre dernières années, notamment par un élargissement de la coopération bilatérale avec divers Etats membres de l'OTAN. Pour toutes ces raisons, nous voyons dans le programme de Partenariat pour la paix un prolongement naturel de la transformation des forces armées tchèques.

La transformation de l'appareil militaire tchèque

Le nouveau concept qui préside à la transformation de l'appareil militaire tchèque vise à créer, avant la fin de 1995, des forces années répondant aux besoins d'un petit État européen. Dans le même temps, nous nous efforçons de combler progressivement le fossé structurel et qualitatif entre nos forces armées et celles des pays développés d'Europe de l'Ouest et de rendre possible leur intégration dans les structures militaires de l'OTAN.
Pour la période allant jusqu'en 1996, notre concept reflète la nouvelle situation de l'Europe et du reste du monde en matière de sécurité tout en respectant les changements géopolitiques qui se sont produits en Europe. Il est adapté aux risques réels et aux menaces potentielles qui pèsent sur la République tchèque et tient compte de la nécessité de défendre le pays par nos propres moyens et sans montrer du doigt un adversaire particulier.

Les caractéristiques fondamentales de la transformation des forces armées tchèques sont les suivantes:

  • passage à un système de commandement à trois niveaux: stratégique, opérationnel et tactique;
  • mise en place d'une structure d'organisation reposant sur des brigades;
  • revalorisation du rôle de l'armée territoriale;
  • création de forces logistiques; et
  • introduction, d'ici à la fin de 1995, d'un système d'établissement des plans, des programmes et des budgets.

Ce processus de transformation respecte les niveaux d'armement définis par le Traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE): 957 chars, 1367 véhicules blindés de combat, 767 systèmes d'artillerie d'un calibre de 100 mm ou plus, 227 avions de combat et 50 hélicoptères d'attaque. Si les changements structurels sont limités par des considérations budgétaires, l'orientation choisie est néanmoins claire.

Le contrôle démocratique des forces armées

Pour son passage au contrôle démocratique des forces armées, la République tchèque s'inspire des mécanismes les plus courants au sein des démocraties avancées. Le Ministère de la défense correspond déjà de près au modèle occidental, puisqu'il s'agit d'une administration civile à laquelle est subordonné un état-major des forces armées.
Le Commandant en chef des forces armées tchèques est le Président de la République, qui est élu par le parlement. La Présidence est l'un des organes exécutifs du gouvernement tchèque.

Le Ministère de la défense est dirigé par un Ministre de la défense qui est membre du Cabinet. Le gouvernement est la plus haute instance de l'exécutif et est responsable devant le Parlement. Une transformation de l'autorité consultative nationale en matière de sécurité est actuellement en cours; il s'agit d'assurer la succession de l'ancien Conseil de la défense de l'État.

Les instruments du contrôle qu'exercé le Parlement sur les forces armées sont l'approbation du budget militaire et le dépôt, 1' adoption et la surveillance des textes de loi relatifs à la défense.

Les forces armées tchèques sont apolitiques, toute activité dans ce domaine étant interdite au sein de l'appareil militaire.

A compter de 1996, le système de commandement et de contrôle des forces armées tchèques comportera trois niveaux de compétence: stratégique, opérationnel et tactique. Chacun de ces niveaux verra ses attributions définies de telle sorte que ses responsabilités correspondent directement à son pouvoir.

Le niveau stratégique sera celui du Ministère de la défense qui, en
tant qu'autorité centrale de l'administration d'État, fera partie du pouvoir exécutif de l'État et sera responsable de la défense de la République tchèque, de la mise en œuvre de la politique nationale de défense et de l'administration de l'État dans les domaines prévus par la loi. Le Ministère comprendra l'état-major général, organe directement responsable du commandement et du contrôle de nos troupes.

Le niveau opérationnel sera composé, en temps de paix comme en cas d'état d'urgence, des commandements de corps d'armée. Ces commandements relèveront directement du Chef de l'état-major général, qui exercera le commandement par l'intermédiaire des inspecteurs des forces terrestres, des forces aériennes, des forces de défense aérienne et des forces logistiques.

Le niveau tactique sera composé, en temps de paix comme en cas d'état d'urgence, des commandements des brigades, régiments et bataillons des forces terrestres, de défense aérienne et logistiques, ainsi que des commandements des bases aériennes, pour les forces aériennes et de défense aérienne, et de ceux des entrepôts et autres installations des forces logistiques.
Les forces armées tchèques se composeront donc de forces terrestres, de forces aériennes, de forces de défense aérienne et de forces logistiques. Un statut relativement indépendant sera accordé au service de santé et à la police militaire.

Les forces terrestres, en coopération avec les forces aériennes et de défense aérienne, joueront un rôle majeur dans la défense de la République tchèque. Elles seront placées sous le contrôle de l'état-major de l'armée de terre, à la tête duquel se trouvera l'inspecteur des forces terrestres, et se composeront d'une brigade de déploiement rapide, du 1er et du 2e corps d'armée, qui comprendront des brigades mécanisées et des unités de soutien. L'élément principal sera la force de campagne, qui devra avoir une puissance de feu, une capacité de frappe et une manœuvrabilité adéquates, mais qui devra également être capable d'assurer une défense active et des missions d'attaque. Les forces de déploiement rapide auront à faire face dans les plus brefs délais à des crises inattendues.

Les forces de défense territoriale seront chargées d'assurer la défense et la sécurité des installations, voies de communication et zones essentielles, des centres administratifs et économiques, et de combattre les unités de reconnaissance et les troupes aéroportées de l'ennemi.

Le rôle des forces aériennes et des forces de défense aérienne consiste à défendre l'espace aérien de la République tchèque et à soutenir les activités de combat des forces terrestres sur un théâtre d'opérations donné. Elles relèveront des états-majors des forces aériennes et de défense aérienne, lesquels auront chacun à leur tête un inspecteur. Elles se composeront d'un corps aérien tactique et d'un corps de défense aérienne, subdivisés en bases aériennes, en brigades de missiles antiaériens et en régiments.
Les forces logistiques qui sont créées constitueront un nouvel élément au sein de la structure de nos forces armées. En temps de paix et dans les situations d'urgence, elles devront fournir le matériel et les services nécessaires en recourant le plus possible à nos ressources territoriales. Il s'agira d'un système intégré permettant de réagir avec plus de souplesse dans l'environnement d'une économie de marché, de réduire graduellement les effectifs et de transférer certaines activités au secteur civil.

Il devrait être clair, d'après ce qui précède, que la République tchèque en est à un stade avancé de la mise au point des mécanismes de planification et de contrôle de ses forces armées et qu'elle fait de son mieux pour se conformer d'aussi près que possible aux critères de l'OTAN.

La participation à des opérations de maintien de la paix

Le Partenariat pour la paix met fortement l'accent sur la coopération dans le domaine du maintien de la paix, domaine dans lequel nous avons une expérience solide. En effet, prenant la suite de la République fédérative tchèque et slovaque, la République tchèque a acquis une très grande
expérience au cours d'opération des Nations unies depuis 1989. Des experts civils et militaires tchèques ont participé, pour l'essentiel, à deux types d'opérations, à savoir: des missions d'observation et de maintien de la paix.
Au cours de ces quatre dernières années, la République tchèque a participé aux missions suivantes de l'ONU: MINUAI et II, en Angola, de 1989 à 1992; GANUPT, en Namibie, de 1989 à 1990; ONUSOM, en Somalie, entre 1992 et 1993 (la Slovaquie a pris la relève); UNGCI, en Irak, depuis 1992; UNOSCOM, en Irak, entre 1992 et 1993 (mission d'experts pour la liquidation des armes chimiques); FORPRONU, dans l'ex-Yougoslavie, depuis 1992 (un bataillon en Croatie); ONUMOZ, au Mozambique, depuis 1993; MONUL, au Libéria, et MONUG, en Géorgie, dans les deux cas depuis 1993.

D'un point de vue militaire, la plus importante de ces missions est la participation de la République tchèque à la FORPRONU, dans l'exYougoslavie, où nous avons déployé de loin le plus grand nombre de militaires affectés à des opérations des Nations unies. Un général tchèque est le commandant du secteur sud de la FORPRONU depuis le 22 avril et un officier tchèque est le commandant de la police militaire de la FORPRONU pour l'ensemble de l'ex-Yougoslavie. Notre participation a atteint 1 100 hommes, contribution qui, pour donner un exemple, correspond, toutes proportions gardées, à celle de la France.

Le potentiel offert par le Partenariat pour la paix

La participation de la République tchèque au Partenariat pour la paix est d'autant plus facile qu'il y a consensus entre les partis politiques au gouvernement mais aussi avec une partie de l'opposition sur ce dossier. Les officiers et commandants de nos forces armées sont d'ailleurs favorables, eux aussi, à cette décision.

Nous envisageons d'accepter l'offre de l'Alliance d'établir un bureau de liaison au siège de l'OTAN, à Bruxelles, et d'envoyer des officiers de liaison à la cellule de coordination du Partenariat pour la paix installée au SHAPE, près de Mons, en Belgique. L'appareil militaire tchèque entend coopérer concrètement avec l'OTAN et nous prévoyons de participer à des exercices conjoints ainsi qu'à des sessions de planification militaire conjointe qui nous permettront d'améliorer graduellement l'interopérabilité et la compatibilité de nos forces.

Mais nous ne voyons pas le Partenariat comme une voie à sens unique. Nous ne nous bornons pas à demander la coopération, nous l'offrons. Ainsi, nous pouvons proposer l'utilisation de certaines zones d'entraînement spécifiques en République tchèque par des forces de l'OTAN. Nous considérons comme un de nos points forts le cours international pour jeunes commandants d'unités affectés à des opérations de maintien de la paix, que nous avons organisé avec succès en 1993 et qui sera renouvelé cette année à l'intention de tous les pays du Conseil de coopération nord-atlantique (CCNA). L'année dernière, nous avons également mis sur pied un cours pour les officiers affectés aux centres de vérification de l'OTAN. Il sera repris cette année pour les inspecteurs des États signataires du Traité FCE.

Le domaine scientifique ou l'univers culturel et sportif recèlent d'autres promesses. Il n'en reste pas moins que l'aspect le plus important du Partenariat pour la paix tient sans aucun doute à sa dimension politique. En effet, selon nous, y participer implique la confirmation et le respect des principes fondamentaux qui doivent régir les relations entre États et leur comportement, tant sur le plan intérieur qu'extérieur. Nous considérons que c'est là que réside le potentiel politique majeur de ce projet et, en même temps, le critère à l'aune duquel il convient de jauger les partenaires de l'OTAN.