Mise à jour: 09-Sep-2002 | Revue de l'OTAN |
Edition Web
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Les relations transatlantiques au lendemain du Sommet de Bruxelles
Stanley Sloan
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Les diplomates européens en place à Washington, que l'on
avait rassurés en leur affirmant que les Etats-Unis pouvaient poursuivre
une politique asiatique active sans sacrifier pour autant ses bonnes relations
avec l'Europe, se sont demandés ce qui s'était passé.
Certains se sont efforcés de minimiser l'importance de ce glissement
apparent vers l'Asie en l'interprétant comme une tactique pour
obtenir des concessions dans la phase finale des négociations du
GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce).
Ils espéraient que les Etats-Unis n'avaient pas repoussé
une politique globale unificatrice au profit d'une nouvelle approche opposant
deux régions du monde qui risquerait de semer la discorde.
Heureusement pour les relations transatlantiques, les négociations
du GATT ont abouti à un compromis, ce qui a éliminé
une cause apparente d'attaques contre l'Europe de la part de l'Administration
américaine et un obstacle possible à la réussite
du Sommet transatlantique.
Face à l'énorme défi de la rénovation de l'Alliance,
les dirigeants des pays de l'OTAN ont pris des décisions qui résolvaient
peu de problèmes mais fournissaient néanmoins des mécanismes
permettant de faciliter l'ajustement de l'OTAN à un tableau européen
et international en pleine mutation dans le domaine de la sécurité.
Le Partenariat pour la paix a constitué un habile compromis qui
permet à tous les Etats d'Europe centrale et orientale qui le souhaitent
de se rapprocher de l'Alliance à leur propre rythme, mais repousse
des décisions qui, tôt ou tard, devront être prises
pour répondre au vif désir de plusieurs démocraties
nouvelles de devenir membres de l'OTAN à part entière.
Le soutien apporté, dans la Déclaration des chefs d'Etat
et de gouvernement qui ont participé au Sommet, au processus de
coopération en matière de sécurité et de défense
européennes, a aidé les Alliés à dépasser
un débat franco-américain qui avait inutilement entravé
la coopération transatlantique. (2) S'il est
mis en uvre, l'accord sur la restructuration des forces de l'OTAN
en vue de former des Groupes de forces interarmées multinationales
permettrait d'utiliser les forces de l'OTAN avec une plus grande souplesse
afin de faire face aux besoins militaires à l'intérieur
comme à l'extérieur de l'Europe. Par ailleurs, les chefs
d'Etat et de gouvernement ont réaffirmé l'engagement de
l'OTAN à faire usage de la force, en Bosnie, afin de mettre fin
aux brutalités que doivent subir des civils innocents. Et surtout,
le Sommet a consolidé le rapprochement franco-américain
en matière de sécurité. Ce progrès a été
facilité par un changement d'attitude, tant à Washington
qu'à Paris, au sujet de différends philosophiques de longue
date sur les relations transatlantiques.
A Paris, le gouvernement français a adopté une attitude
plus pragmatique vis-à-vis de la coopération militaire avec
l'OTAN en participant directement aux préparations à des
missions de paix et, plus récemment, au sujet de la position de
l'Alliance concernant la situation bosniaque.
De son côté, à Washington, l'équipe du président Clinton a fait un effort en balayant le scepticisme de l'Administration Bush quant à la coopération en matière de sécurité et de défense européennes. Cette particularité de la politique de l'Administration Clinton à l'égard de l'Europe s'est traduite, dans la Déclaration du Sommet, par de multiples références à l'importance de cette coopération et au rôle constructif de l'Union de l'Europe occidentale (UEO) - la Déclaration mentionne huit fois l'UEO, sept fois l'identité européenne de sécurité et de défense, sept fois l'Union européenne, deux fois le Traité de Maastricht sur l'Union européenne et deux fois l'objectif commun de l'Union en ce qui concerne la politique étrangère et de sécurité. Ce chaleureux soutien des objectifs unitaires et des institutions de l'Europe a comblé le fossé qui avait précédemment paralysé certains aspects de la coopération en matière de sécurité qui, par ailleurs, semblaient être dans l'intérêt de la France et des Etats-Unis.
Les participants au Sommet ont donc non seulement su éviter une agressivité ouverte, mais même réussi à améliorer l'impression donnée par la stratégie apparemment anti-européenne des Etats-Unis. Pourtant, malgré ces points positifs, de graves problèmes se posent encore.
Le fossé entre les mots et la réalité
L'orientation constructive des relations franco-américaines ne suffit pas, à elle seule, à garantir que l'Europe sera désormais mieux à même de faire face aux tâches qui lui incombent en matière de sécurité. Les références à l'unité européenne dans la Déclaration du Sommet sont plus des amabilités américaines que de nouvelles réalisations ou de nouveaux objectifs des membres de l'Union européenne. En fait, avec la dégringolade actuelle des dépenses de défense de la plupart des Alliés européens (à l'exception de la France), les capacités militaires disponibles pour des missions européennes ou alliées en coopération s'effritent rapidement.
Qui plus est, il n'est pas impossible que l'amélioration des relations franco-américaines en reste là. En effet, le président Mitterrand semble peu disposé à permettre un plus grand rapprochement entre la France et l'OTAN. Peut-être faudra-t-il attendre les élections présidentielles de 1995 et le successeur de M. Mitterrand.
Enfin, l'OTAN n'aurait rien à gagner si la plus grande ouverture
dont fait preuve l'Administration Clinton à l'égard de la
coopération en matière de sécurité et de défense
européennes devenait simplement un moyen, pour les Etats-Unis,
de réduire leur rôle en Europe alors que l'Alliance n'est
pas encore tellement en mesure de se passer du leadership américain.
Chose ironique, l'évolution positive des relations entre les Etats-Unis
et la France risque de l'être moins pour celles des Etats-Unis avec
le Royaume-Uni et l'Allemagne. En effet, l'équilibre politique
des relations transatlantiques depuis que la France a quitté la
structure de commandement intégré de l'OTAN, autour de 1965,
a été fortement influencé par sa position indépendante
et, dans une perspective américaine, difficile. Par contrecoup,
le Royaume-Uni et l'Allemagne ont eu à jouer des rôles spéciaux
et ont connu des problèmes.
Après le départ de la France, l'Allemagne est devenue le premier partenaire sur le continent des Etats-Unis au sein de l'Alliance. La coopération entre ces deux pays sur les problèmes de politique garantissait inévitablement l'accord de l'ensemble des Alliés. Par ailleurs, l'Allemagne a également commencé à jouer, pour les Etats-Unis, un rôle particulier vis-à-vis de la France. S'il était difficile, pour elle, de trouver des compromis entre des lignes de conduite françaises et américaines souvent divergentes, cela lui a cependant conféré un certain statut. Or si les Etats-Unis reprennent un dialogue plus direct avec la France, l'Allemagne occupera peut-être dans l'Alliance une position moins délicate, mais aussi moins importante, surtout du fait des limitations imposées aux contributions militaires de ce pays aux opérations de sécurité hors de son territoire.
Il se pourrait bien que les relations anglo-américaines soient elles aussi affectées. En effet, si les Etats-Unis rétablissent des relations satisfaisantes avec la France, cela mettra en question le rôle d'interprète des vues américaines joué par le Royaume-Uni, auprès de l'Europe et vice versa. En outre, l'aide que de hauts fonctionnaires britanniques auraient apportée en faveur de la réélection manquée de George Bush avait déjà fait naître des doutes, au sein de l'Administration Clinton, au sujet du gouvernement conservateur de John Major. Le rapprochement entre les Etats-Unis et la France et les différends entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne au sujet de la Bosnie et de l'Irlande du nord semblent avoir creusé un fossé suffisant entre Américains et Britanniques pour que certains diplomates américains déplorent que le Royaume-Uni, qui était leur partenaire le plus utile au sein de l'Alliance, soit devenu un des plus difficiles. La visite réussie du premier ministre britannique à Wasl p.igton, au début de 1994, semble avoir résolu les problèmes du moment, mais à long terme les relations américano-britanniques pourraient encore s'avérer difficiles.
La raison d'être de l'OTAN
L'inconnue la plus sous-évaluée, dans l'équation transatlantique, est peut-être le rôle du Congrès américain et sa perception de l'utilité future de l'Alliance. A l'heure actuelle, de nombreux membres du Congrès semblent prêts à juger l'OTAN d'après ses initiatives au sujet de la Bosnie. Or à cette aune, ils risquent de trouver peu de raisons de soutenir le maintien de l'investissement américain dans l'Alliance. Pourtant, indépendamment de ce qui peut ou ne peut pas être fait pour la Bosnie, des arguments importants militent en faveur du soutien de la coopération atlantique.
Si la coopération militaire au sein de l'OTAN n'était pas maintenue, les Etats-Unis et ses Alliés auraient beaucoup de mal à mener le genre d'opérations militaires coalisées qui ont tant contribué à leur succès dans la guerre contre l'Irak. Des unités militaires de plusieurs pays, dotées d'équipement différents et ayant chacune ses traditions et pratiques militaires, ne peuvent travailler ensemble efficacement sans une formation poussée aux communications et aux opérations en commun. C'est une coopération militaire continue au sein de l'OTAN qui crée son potentiel d'intervention militaire conjointe dans des situations qui menacent la paix, tant en Europe qu'au-delà de ses frontières.
Les gouvernements des pays membres de l'OTAN n'ont pas encore voulu ou su exposer ces raisons de façon convaincante au Congrès américain - ou aux parlements européens - où, en l'absence de mission impérieuse pour l'OTAN, beaucoup préconisent une réduction des versements à l'Alliance.
Après Bruxelles
Avec les questions de mission, d'adhésion et de méthodologie,
l'agenda de l'OTAN paraît chargé. Aucun des problèmes
qui se posent ne semble facile à résoudre, et bon nombre
d'entre eux risquent de créer des dissensions entre les Alliés.
Dans ces conditions, la stratégie relative à l'évolution
future des relations transatlantiques aurait avantage à s'inspirer
des réflexions suivantes:
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Pour conclure, il convient de dire que l'avenir du système international et de la sécurité européenne dépendra de la capacité des Etats-Unis, du Canada et de leurs Alliés européens de faire face à ces défis dans un esprit de coopération au moins aussi grand que du temps de la guerre froide. Il reste à voir s'ils sauront se montrer à la hauteur de cette tâche.
(1) les propos tenus dons cet article représentent
exclusivement les vues personnelles de l'auteur.
(2) Cf. texte in Revue à l'OTAN n°\, février
1994, pp. 30 à 33.