Revue de l'OTAN
Mise à jour: 09-Sep-2002 Revue de l'OTAN

Edition Web
Vol. 42- No. 1
Fév. 1994
p. 19-23

La Russie et l'Occident: une relation menacée?

Alexei Pushkov
Rédacteur en chef adjoint des Moscow News

La perspective de l'élargissement de l'OTAN aux pays d'Europe centrale et orientale est devenue un point clé de l'évolution de la politique étrangère russe. En effet, la vive réaction qu'elle a provoquée en Russie a également fait naître une certaine appréhension à l'Ouest, laquelle était sensible dans l'atmosphère du sommet de Bruxelles en janvier. Certains observateurs croient qu'ils ont détecté la réémergence de tendances impérialistes dans la politique russe à l'égard de l'Europe centrale et orientale.

Toutefois, pour pouvoir comprendre et juger en toute connaissance de cause la réaction russe à l'extension possible de l'OTAN vers l'Est, il faut la remettre en perspective. Elle est conditionnée par un certain nombre de facteurs, dont l'histoire récente de la Russie et le développement de ses relations avec l'Ouest à la suite de l'effondrement de l'Union soviétique.

Le syndrome de l'empire perdu

Les résultats inattendus qu'ont obtenu, lors des élections législatives de décembre dernier en Russie, Vladimir Jirinovski et son "Parti libéral-démocrate" ultra-nationaliste, ainsi que les Communistes et leurs alliés, n'étaient pas seulement le reflet du mécontentement général suscité par la politique économique et sociale de Boris Eltsine. Ces résultats signifiaient aussi clairement que pas moins de quarante pour cent des cent sept millions d'électeurs russes n'appréciaient pas non plus les objectifs de sa politique étrangère.

M. Eltsine a eu deux ans pour jeter les fondations d'un consensus national sur la politique étrangère russe. Certes, la tâche n'était pas facile: la Russie devait se libérer de l'héritage de la guerre froide, établir une relation qualitativement nouvelle avec les nations de la Communauté d'États Indépendants (CEI) et définir son nouveau rôle international.

Cet objectif a été partiellement atteint. En effet, Moscou n'a jamais été en aussi bons termes avec l'Ouest qu'aujourd'hui. Elle a réussi à éviter des conflits majeurs avec les autres anciennes républiques de l'Union soviétique, en dépit de quelques graves désaccords politiques, notamment avec l'Ukraine. Et elle a commencé à mettre en place un nouveau réseau de relations avec l'OTAN, l'Union européenne et le GATT.

Pourtant, après avoir renoncé à la confrontation avec l'Ouest, qui était au cœur de la politique soviétique depuis le début de la guerre froide, la Russie n'a pas su se définir un nouveau rôle international. La Russie d'aujourd'hui semble n'être qu'un pâle reflet de la puissante et influente Union soviétique. Bien qu'elle ait hérité du siège de membre permanent de celle-ci au sein du Conseil de sécurité de l'ONU, elle n'a pas su se tailler une place de premier rang aux Nations unies et éviter de n'être que dans le sillon des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France.

Il semble également que Moscou ait perdu la dimension asiatique d'autrefois. Sa relation avec la Chine est stable et non conflictuelle, mais sur le plan stratégique, Beijing et Moscou sont toujours aussi éloignées l'une de l'autre. La question des îles Kouriles continue d'empêcher l'établissement de rapports économiques et commerciaux potentiellement rentables avec le Japon. Les anciennes "relations spéciales" avec le Vietnam et la Corée du Nord n'existent plus, laissant Moscou sans levier ni influence sur les politiques de ces pays. Et les nouveaux liens commerciaux instaurés avec l'ASEAN (l'Association des nations du Sud-Est asiatique), ainsi qu'avec la Corée du Sud et Taiwan, sont bien fragiles.

Par ailleurs, la rupture idéologique et politique avec le régime de Fidel Castro, à Cuba - régime qui est lui-même au bord de la faillite - et la défaite des Sandinistes au Nicaragua ont aissé Moscou sans alliés ni bastion en Amérique du Sud. Et la même chose, ou à peu près, s'est produite en Afrique: avec le renversement de Mengistu Haile Mariam en Ethiopie et le MPLA, en Angola, qui s'efforce d'établir un dialogue avec les États-Unis depuis que Moscou n'est plus une valeur sûre, sa présence autrefois fortement marquée sur le continent africain est désormais à peine plus qu'un souvenir.

Enfin, en transformant sa politique moyen-orientale d'un soutien exclusif aux régimes arabes radicaux et à l'Organisation de Libération de la Palestine en une approche équitable des Arabes et des Israéliens, et en tournant le dos à l'Irak de Saddam Hussein, Moscou a perdu presque toute son influence passée dans cette zone critique, sur le plan stratégique, où elle jouait traditionnellement un rôle actif.

On peut penser que le rejet de l'idéologie communiste et de son système politique devait inéluctablement entraîner la plupart de ces revirements. En effet, dans une Russie en quête de démocratie et de partenariat avec l'Ouest, un programme de politique étrangère qui en avait fait l'ennemi numéro un de l'Occident n'avait plus de raison d'être.

Il est cependant impossible d'évaluer pleinement le choc psychologique que ce séisme géopolitique a produit sur les Russes. Si ce processus - qui pourrait paraître "normal" et "logique" à quelqu'un de l'extérieur - a été si pénible pour le Russe moyen, c'est à cause de sa grande brutalité. Avec l'accession de Boris Elstine au Kremlin, plus de soixante-dix années d'héritage géostratégique ont tout à coup été balayées au profit d'un partenariat avec l'Ouest. Qui plus est, comme pour donner un tour encore plus tragique à ce bouleversement, il est apparu que le nouveau souhait de la Russie d'entrer rapidement dans la famille des nations libres et prospères était tout aussi utopique que le rêve bolchevique de renverser l'Amérique et de reléguer le capitalisme aux poubelles de l'histoire. Il n'était simplement pas possible pour la Russie de devenir partie intégrante du monde occidental ou du Groupe des Sept en un ournemain. Lorsque cela est devenu évident, les Russes ont éprouvé une nouvelle grande déception.

Le sentiment d'humiliation dû à la "perte" de la guerre froide et au fait de n'être plus, tout à coup, qu'un pauvre cousin lointain des riches États-Unis et pays d'Europe de l'Ouest a été renforcé par une autre perte, celle de terres qui constituaient l'ex-Union soviétique et que des millions de Russes considéraient comme leurs. Ce sentiment est particulièrement fort en ce qui concerne la Crimée - qui a été annexée à l'Ukraine par Nikita Khrouchtchev en 1954 - et les territoires septentrionaux du Kazakhstan, peuplés en majeure partie par des Russes.

Les frictions au sein de la CEI

La dissolution de l'Union soviétique a été un grand choc pour les Russes: quelques mois plus tôt seulement, lors du référendum national du 17 mars 1991, une majorité absolue avait voté en faveur du maintien de l'URSS comme un État fédéré unique. Les véritables dimensions de ce choc n'ont toutefois pu être appréciées qu'avec le temps, une fois qu'il est devenu clair que la Communauté d'États Indépendants - proclamée le 12 décembre 1991 en lieu et place de feu l'Union soviétique - ne la remplacerait justement pas mais n'entraînerait, au contraire, que tensions et conflits.

Le président russe et son Ministre des affaires étrangères, Andrei Kozyrev, avaient parlé de la CEI comme d'une communauté harmonieuse d'États politiquement indépendants, mais économiquement et militairement associés. A l'intérieur de cet ensemble, les frontières devaient permettre la libre circulation des biens et des personnes - bref, c'était une sorte de nouveau marché commun. La réalité est apparue bien différente.

La Russie a presque tout de suite été engagée dans un long conflit politique vec l'Ukraine au sujet du sort de l'héritage nucléaire soviétique, de l'avenir de la flotte de la mer Noire et de Sebastopol - la principale base militaire en Crimée. L'attitude adoptée par quelques-uns des leaders ukrainiens lors de ces heurts politiques a été considérée par un certain nombre de Russes comme délibérément offensante. La situation a été compliquée par des tensions entre Moscou et Kiev aux plus hauts niveaux. Tandis que Moscou essayait sans cesse de faire valoir son rôle de chef de file au sein de la CEI et son statut de succèsseur de l'URSS sur la scène mondiale, pour les Ukrainiens, la seule façon d'affirmer leur toute nouvelle identité au niveau international consistait à le faire aux dépens de Moscou.

Le désaccord politique entre la Russie et l'Ukraine a empoisonné l'atmosphère de la CEI et fait clairement apparaître qu'Eltsine était incapable de contrôler ou de diriger cette communauté incohérente. En outre, des frictions au sujet du nucléaire et sur des questions d'économie sont venues compliquer les relations de la Russie avec le Kazakhstan et l'Ouzbékistan. Mais ce qui a été plus grave encore pour l'image de Boris Eltsine, c'est qu'il n'a pas su défendre les droits des minorités russo-phones dans les ex-républiques soviétiques.

En fait, la négligence du gouvernement au sujet de ce problème très délicat et potentiellement explosif a été une erreur majeure. Les vingt-cinq millions de Russes qui vivent dans des États voisins se sont tout à coup sentis abandonnés par leur mère patrie. Et ceux du Moldova et des pays baltes se sont sentis particulièrement en danger. Ni le Président ni le ministre russe des affaires étrangères n'ont cependant accordé la moindre attention à ce problème, ce qui a créé un énorme "trou noir" dans la politique étrangère russe, lequel ne demandait qu'à être comblé par les slogans de Jirinovski.

De surcroît, l'attitude floue du gouvernement dans le conflit russo-japonais au sujet des îles Kouriles a donné un prétexte aux durs de l'ancien parlement russe et aux mass-media pour accuser le gouvernement de vouloir vendre les territoires russes à des puissances étrangères. Une fois encore, Eltsine et Kosyrev ont mésestimé leur marge de manœuvre vis-à-vis de l'opinion politique et publique. Ils n'ont pas réussi à trouver le juste milieu entre faire une croix sur l'héritage de la guerre froide et négliger ce que la majorité des Russes considéraient comme faisant partie de leurs intérêts nationaux.

Le syndrome de l'amour rejeté

Les résultats des relations établies entre la Russie et l'Occident, plutôt positifs selon un certain nombre de critères, sont néanmoins jugés peu convaincants par beaucoup de Russes, et l'on en trouve même pour qui cette politique est totalement contraire aux intérêts nationaux russes.

Cette réaction négative est due avant tout au quasi-échec des programmes d'assistance financière et économique occidentale en Russie. Certes, cette aide permet au gouvernement Eltsine de survivre, tout au moins sur le plan financier, mais elle est sans grand effet sur le plan politique ou comme exercice de relations publiques. La raison en est, en dépit de nombreux appels à l'élaboration d'un nouveau plan Marshall pour la Russie et la CEI, que l'on n'a pas défini de stratégie claire et nette. L'Occident a, bien au contraire, pris diverses décisions sans grand rapport les unes avec les autres qui ne forment pas une politique cohérente. Qui plus est, leur application a trop souvent été liée à des conditions financières et économiques que la Russie ne pouvait remplir.

La plus grosse erreur a été l'excès de tapage autour de cette aide destinée aux Russes. Bien entendu, les programmes d'aide économique arrêtés par le G-7, tout d'abord à l'initiative de George Bush, fin 1991 - l'enveloppe de 24 milliards de dollars - puis à l'initiative de Bill Clinton et de François Mitterrand, en mars-avril 1993 à Tokyo - l'enveloppe de 43 milliards de dollars - avaient pour but de faciliter les réformes en Russie. Mais les masses du pays n'ont jamais ressenti aucune hausse réelle de leur niveau de vie du fait de cette aide, clairement insuffisante. Certains Russes en sont même venus à penser que toute cette histoire de campagne d'aide économique étrangère n'était qu'une gigantesque supercherie, ou tout au moins que les pays riches d'Occident n'avaient rien à faire d'une Russie devenue faible et non menaçante sur le plan militaire.

De leur côté, les dirigeants occidentaux avaient évidemment besoin de ces campagnes pour faire accepter leurs politiques par leurs électeurs. Mais quel qu'ait été le profit que le Président Clinton ou le Président Mitterrand en ait tiré dans leur pays respectif, en Russie, elles n'ont produit que de la déception et une perte de confiance dans l'assistance étrangère.

Le coup a été dur pour la politique étrangère d'Eltsine. Toute sa stratégie de partenariat avec l'Occident Kosyrev a même parlé, quelquefois, d'"alliance", ne faisant qu'accroître la confusion - était fondée sur l'hypothèse très répandue selon laquelle l'Ouest assisterait activement la nouvelle Russie démocratique et l'aiderait à s'adapter à l'économie mondiale. Or cette hypothèse résultait d'un préjugé idéologique et politique. Elle ne tenait compte ni de la réalité des capacités qu'avait l'Occident d'assister la Russie ni de la capacité de la Russie de tirer parti de cet apport. Elle n'a pas non plus prévu le conflit entre la Russie et les pays occidentaux sur les marchés internationaux au sujet des armements, de l'uranium, des technologies spatiales etc... De plus, elle était fondée sur une fausse prémisse, selon laquelle l'Ouest reconnaîtrait la Russie comme son alliée ou tout au moins comme un partenaire dès qu'elle aurait renié le système communiste. Or c'était ignorer l'appréhension naturelle des pays occidentaux à l'égard d'une très grosse puissance nucléaire qui venait de tourner le dos au communisme et n'était pas encore sortie d'une période de transition instable et potentiellement dangereuse.

Un regain de nationalisme russe a été provoqué par ce qui est apparu, au départ, comme un soutien sans réserve de Moscou à la ligne occidentale dans le conflit Yougoslave et au sujet des sanctions contre la Serbie, laquelle était vue comme une alliée historique de la Russie dans les Balkans. Andrei Kozyrev a clairement sous-estime les répercussions intérieures de cette prise de position, tout comme il a sous-évalué la vague d'amertume que suscitait son pro-américanisme déclaré. Beaucoup ont pensé que sur un certain nombre de points, dont les sanctions à l'encontre de la Serbie et de la Libye et l'affaire de la fusée cryogénique avec l'Inde, Moscou suivait aveuglément les États-Unis et l'Occident contre ses intérêts politiques et commerciaux et sans y gagner grand chose.

En fin de compte, l'image du gouvernement Eltsine comme celle de ses partenaires de l'Ouest s'en sont trouvées ternies. La déception résultant de son aventure avec l'Ouest a engendré le "syndrome de l'amour non partagé". Et communistes et nationalistes ont profité
de ce sentiment, se présentant comme ceux qui avaient averti les Russes de cette issue.

Les écueils sur la voie du partenariat

Dans ce contexte, la perspective de l'élargissement de l'OTAN ne pourrait engendrer que frustration, suspicion et même irritation à Moscou. En Russie, la question de l'ouverture de l'OTAN à l'Est est considérée dans une perspective bien différente de celle de l'Europe occidentale et des Etats-Unis. Comme une personne atteinte d'une maladie grave, la Russie se concentre sur la crise économique et géopolitique catastrophique qu'elle traverse et se méfie terriblement de tout plan susceptible de faire naître de nouvelles coalitions qu'elle pourrait avoir à affronter dans le futur. A cet égard, lors du Sommet de Bruxelles en janvier, les dirigeants des États membres de l'OTAN ont fait le bon choix.

Pour commencer, une décision officielle d'élargir l'OTAN à l'Est dans le futur proche porterait un coup fatal à la politique menée par Boris Eltsine en 1992-93, laquelle n'a connu aucun changement fondamental, en dépit d'un discours nouveau et plus vigoureux, notamment au sujet des États voisins les plus proches. Elle entraînerait non seulement la démission d'Andrei Kosyrev mais elle ferait également entrer un certain nombre de conservateurs dans la bureaucratie de l'État et placerait des militaires aux positions supérieures.

Ensuite, dans la situation actuelle, alors que le débat fait rage en Russie au sujet de l'orientation de sa future politique étrangère et qu'un consensus commence seulement à se dessiner sur ce point, une telle décision favoriserait certainement des sentiments isolationnistes et anti-occidentaux, non seulement au sein de l'opinion publique, mais aussi, ce qui est plus dangereux, au sein des organismes de décision de l'État et jusque dans l'entourage d'Eltsine.
Troisièmement, cela donnerait du poids aux arguments des durs selon lesquels l'Occident veut profiter des faiblesses de la Russie pour mettre la main, au moins politiquement et militairement, sur les anciens pays du bloc soviétique afin d'amener l'OTAN le plus près possible des frontières russes.
Enfin, l'accession à l'OTAN de pays d'Europe centrale et orientale pousserait de plus en plus les pays baltes et l'Ukraine à se porter eux aussi candidats à l'adhésion. Or cela serait vu, à Moscou, comme une menace directe à l'encontre de la sécurité nationale russe et M. Jirinovski et tout le mouvement ultra-nationaliste en seraient les grands bénéficiaires.

C'est pourquoi le concept de Partenariat pour la paix, qui établit un programme de coopération entre l'OTAN et les pays d'Europe de l'Est, Russie comprise, et laisse ouverte la question de l'admission jusqu'à ce que les choses soient plus claires dans notre pays, est la meilleure solution pour l'Occident comme pour la Russie. De plus, ce projet n'est pas non plus préjudiciable aux intérêts de l'Europe centrale, car contrairement à ce que l'on entend souvent dire, il n'y a aucun risque, dans l'avenir prévisible, que la Russie tente de faire pression sur ces pays, et encore moins d'agir agressivement contre eux. En tout état de cause, le Partenariat pour la paix éviterait de provoquer, en Russie, une réaction dangereuse contre l'OTAN, tout en permettant à l'Alliance de faire accéder ces pays à l'OTAN pratiquement du jour au lendemain en cas de réémergence d'une véritable menace russe.

La décision prise lors du Sommet de l'OTAN a certainement aidé Boris Eltsine à poursuivre sa politique de partenariat avec l'Occident. Lors de sa rencontre avec le Président Clinton à Moscou, du 12 au 15 janvier, le Président Eltsine a insisté sur le fait que le concept de partenariat est le résultat d'efforts conjoints des Américains et des Russes. Il peut désormais affirmer que le point de vue russe sur les questions internationales importantes est pris en compte.

Un certain nombre de dangers potentiels planent cependant sur ce partenariat, et les deux parties devraient veiller très soigneusement à éviter de commettre de graves erreurs. Il existe une tendance, au sein du Kremlin, à défendre avec plus de résolution ce que l'on considère comme les intérêts nationaux vitaux de la Russie, ce qui est bien normal tant que Moscou protège ces intérêts par des moyens pacifiques non-militaires. Mais dans le même temps, la Russie est tentée de parler durement lorsqu'elle traite avec les pays voisins comme l'Ukraine et les États baltes. Ce n'est pas un hasard si même le Ministre des affaires étrangères Kozyrev, "colombe" pro-occiden-tale, a fait usage d'un tel langage tout de suite après la visite du Président Clinton, ce qui a fait naître des inquiétudes dans les États baltes, mais aussi en Occident.

Les "démonstrations de force" de ce genre, qui sont inutiles et nuisent aux véritables intérêts nationaux de la Russie, ne peuvent qu'ajouter foi aux idées de ceux qui, en Occident, pensent que l'apaisement de la Russie aura des résultats particulièrement négatifs. L'Occident ne devrait cependant pas réagir trop vivement et interpréter systématiquement les initiatives russes en matière de politique étrangère comme des tentatives de rétablissement de l'ancien empire ou comme la conséquence de la pression exercée par la ligne dure. Il faut comprendre que la Russie est une puissance mondiale qui revient peu à peu à elle. C'est en gran-j de partie à l'Ouest qu'il incombe de veiller à ce que ce réveil ne se transforme pas en nostalgie à l'égard des anciennes politiques impérialistes. Il faut que les pays occidentaux reconnaissent que la Russie a ses intérêts nationaux propres - sur le plan politique, commercial et géopolitique - et qu'elle a le droit de les défendre par des voies légales. Il convient de bien faire la différence entre une telle protection et d'éventuelles politiques impérialistes. En prenant en considération les préoccupations légitimes de Moscou, l'Occident aiderait la Russie à s'affirmer comme un membre stable, actif et influent de la communauté internationale qui partage avec lui les valeurs fondamentales que sont la démocratie politique, l'économie de marché et une politique étrangère non agressive.