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Mise à jour: 09-Sep-2002 | Revue de l'OTAN |
Edition Web
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Le sommet de Bruxelles -Un point de vue militaire
Field Marshal Sir Richard Vincent
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Le concept de Groupes de forces interarmées multinationales, entériné
lors du récent Sommet de Bruxelles, prévoit l'établissement
de quartiers-généraux multinationaux des armées de
terre, de l'air, et de la marine. Ils seront fondés sur des éléments
autonomes déployables de la chaîne de commandement existante
qui seront réadaptés, là où c'est nécessaire,
afin d'y incorporer des éléments de nations de l'OTAN qui
ne font pas partie, à l'heure actuelle, de nos structures de forces
intégrées. Ces Q.G., qui puiseront dans les ressources opérationnelles
actuelles de l'Alliance, devront aussi définir, parallèlement
au processus du Partenariat pour la paix, les moyens d'intégrer
plus efficacement les forces et les états-majors des pays qui ne
sont pas membres de l'OTAN et qui décideront de participer, aux
côtés de l'Alliance, à des opérations hors
zone. Si l'OTAN décide de ne pas intervenir dans une situation
donnée, les Groupes de forces interarmées multinationales
devront aussi être en mesure de répondre, sous l'égide
du Conseil de l'Atlantique nord, à des initiatives conduites par
l'Union européenne et/ou l'UEO. Avec cette nouvelle adaptation
des forces de l'Alliance qui leur permet d'être séparables
mais non séparées des structures existantes, nous évitons,
alors que l'heure est à la réduction des budgets de la défense,
la coûteuse duplication de capacités excessivement onéreuses.
En même temps, nous maintenons une structure de commandement intégré
unique pour ne pas nuire à l'efficacité de notre capacité
de défense globale, qui demeure une fonction essentielle en vertu
de l'Article 5 du Traité de Washington.
La création de Groupes de forces interarmées multinationales
n'est pas la seule adaptation nouvelle qui ait été demandée
au Sommet, lequel a également reconnu la nécessité
de réviser les structures et procédures militaires et politiques
dont l'Alliance a besoin pour se doter d'une capacité de gestion
des crises moins lourde en vue d'opérations non prévues
par l'Article 5. Le besoin croissant de coordination avec les Nations
unies, la CSCE et l'UEO, et la nécessité éventuelle
de travailler en liaison plus étroite avec des pays non membres
de l'OTAN et qui pourront participer à des opérations multinationales,
seront quelques-uns des problèmes abordés lors de l'examen
de nos dispositifs actuels de gestion des crises.
Le Partenariat pour la paix
Considérant les événements en cours et les nouvelles
aspirations des pays d'Europe centrale et orientale, les participants
au Sommet se sont également interrogés sur les mesures supplémentaires
nécessaires pour concevoir et soutenir plus efficacement la sécurité
dans cette région.
L'initiative du Partenariat pour la paix offre à nos futurs partenaires un moyen de participer, à un rythme et un niveau qu'ils pourront déterminer eux-mêmes, à un éventail beaucoup plus vaste d'activités en commun. Cette coopération se situera pour une bonne part dans le domaine militaire, avec des exercices et des formations conjointes en vue d'opérations de maintien de la paix, de sauvetage et d'aide humanitaire. En outre, d'autres aspects de la planification et de l'organisation de leur défense leur offriront la possibilité de se mettre de plus en plus en phase avec l'Alliance, ce qui devrait ouvrir des perspectives d'intégration et d'approche communes. A terme, cela devrait leur permettre de s'intégrer plus efficacement à des opérations multinationales aux côtés des forces de l'Alliance, voire au sein des Groupes de forces interarmées multinationales. Et les nations qui participeront activement à ces diverses formes de coopération et répondront aux conditions plus larges du Partenariat pour la paix auront aussi l'importante possibilité de consulter l'Alliance si elles percevaient une menace directe à rencontre de leur intégrité territoriale, de leur indépendance politique ou de leur sécurité.
La prolifération
Dans la nouvelle situation internationale - dont il faut dans l'ensemble se féliciter - la menace stratégique massive que faisait peser l'ex-Union soviétique a disparu. Mais elle a été remplacée par d'autres risques pour la paix et la stabilité qui sont moins bien définis. En effet, il est bien difficile, de nos jours, de prédire avec certitude où et comment se produiront les événements déstabilisateurs de demain et de quelle manière ils mettront en péril les intérêts essentiels des nations de l'Alliance en matière de sécurité. Aujourd'hui, ces risques sont fortement exacerbés par les énormes stocks d'armes - et notamment d'armes de destruction massive - laissés à l'abandon après la disparition de l'ancien Pacte de Varsovie. Or ceux-ci ont, à leur tour, élargi le champ ouvert à une bien plus grande prolifération de ces systèmes et de leurs vecteurs en constituant une offre tentante, ce qui ne fait qu'accroître les risques et les incertitudes déjà mentionnés. Préoccupés par ces questions, les chefs d'État et de gouvernement présents au Sommet ont décidé d'intensifier et de diversifier les efforts de l'OTAN contre la prolifération, tant sur le plan politique que sur celui de la défense, et les autorités militaires de l'Alliance sont prêtes à soutenir ces initiatives dès qu'un cadre politique général aura été arrêté.
L'ex-Yougoslavie
En dépit de la grande résolution dont ont fait preuve les
chefs d'État et de gouvernement de l'OTAN dans leur déclaration
finale, certains continuent d'accuser les pays de l'Alliance de manquer
de volonté lorsqu'il s'agit de prendre les mesures nécessaires
pour régler la situation de plus en plus dégradée
de l'ex-Yougoslavie. Mais ces critiques semblent méconnaître
le niveau d'engagement collectif déjà très élevé
de l'OTAN, qui a répondu positivement à tous les appels
à l'aide de l'ONU en vertu de résolutions du Conseil de
sécurité. Bien entendu, les initiatives militaires possibles
sont déterminées par les modalités qui ont été
définies pour les mandats correspondants des Nations unies, lesquels
constituent la principale base juridique internationale de toutes les
opérations actuelles dans l'ex-Yougoslavie. Dans l'état
actuel des choses, des forces aériennes de l'OTAN interviennent
à l'appui de la FORPRONU, dont les opérations au sol sont
de nature essentiellement humanitaire, tandis que l'embargo maritime fort
efficace qui a été mis en place a été organisé
conjointement avec l'UEO en application de la Résolution 820 du
Conseil de sécurité des Nations unies. En outre, l'Alliance
a plusieurs fois réaffirmé sa détermination à
soutenir, sous mandat de l'ONU, la mise en uvre d'un accord de paix
conclu librement et en toute bonne foi par les parties au conflit. A ce
sujet, plusieurs plans sont déjà bien avancés et
leur mise au point se poursuit parallèlement aux événements
sur le terrain dans le cadre des différentes séries de négociations
de paix qui se déroulent à Genève et aux Nations
unies, à New York.
Aujourd'hui, la réalité des faits est que ce sont les forces
intégrées de l'OTAN qui, unitairement, contribuent le plus
à l'effort international entrepris en exYougoslavie. Si l'on exclut
les forces directement placées sous le commandement des Nations
unies, il y a à l'heure actuelle plus de cent avions, plus d'une
douzaine de navires de grande capacité et quelque dix milles hommes
et femmes des nations de l'Alliance qui conduisent, vingt-quatre heures
sur vingt-quatre et sept jours sur sept, des opérations maritimes
et aériennes intégrées de l'OTAN à l'appui
des Nations unies. Et ce ne sont là que les forces engagées
à un moment donné; pour pouvoir les maintenir pendant de
longues périodes et permettre de relever périodiquement
les hommes et le matériel, il faut en réalité multiplier
ces chiffres par trois ou quatre. En outre, quinze mille hommes de plus
sont affectés directement aux opérations de la FORPRONU
par les pays de l'Alliance. Sur un total d'environ trente-quatre mille
personnes engagées à l'appui des opérations des Nations
unies en rapport avec l'ex-Yougoslavie, près de vingt-cinq mille
d'entre elles - soit quasiment les trois quarts - viennent, directement
ou à travers l'Alliance, de pays de l'OTAN.
Parallèlement aux opérations en cours, les participants au récent Sommet se sont engagés à soutenir résolument l'élimination des obstacles à l'accomplissement des mandats de la FORPRONU et à cette fin, nous sommes prêts à fournir des moyens aériens de l'Alliance afin de protéger les forces de la FORPRONU et, plus largement, de les assister dans leurs autres missions autorisées. La communauté internationale a sans nul doute de nombreux enseignements à tirer de l'expérience tragique bien durement acquise de l'ex-Yougoslavie, mais on ne peut en aucun cas alléguer d'un manque de contribution des forces des pays de l'Alliance à cette tâche d'une extrême difficulté, qui ne peut s'arrêter à des solutions militaires simples.
La rénovation de l'Alliance, entamée au Sommet de Londres de 1990 et poursuivie à Rome, à la fin de 1991, a donc permis à l'OTAN d'évoluer afin de faire face à un environnement stratégique changeant et d'uvrer dans le sens d'une paix et d'une stabilité régionales élargies. Le Sommet de Bruxelles a marqué un nouveau progrès sur cette voie en assurant la réadaptation des forces et des capacités de gestion des crises de l'OTAN à ses tâches futures et en prenant des mesures supplémentaires en ce qui concerne la prolifération des armes de destruction massive.
Avec le Partenariat pour la paix, l'Alliance a offert une nouvelle chance très opportune d'établir peu à peu une coopération concrète plus étroite, fondée sur des relations approfondies, avec les pays d'Europe centrale et orientale et de l'ex-Union soviétique. Le Sommet a ainsi réaffirmé très clairement que l'Amérique du nord et l'Europe sont engagés de façon permanente pour leur sécurité commune et indivisible et il a signifié sa volonté de maintenir son aide aux opérations des Nations unies dans l'ex-Yougoslavie. Au vu des directives très claires et de la détermination renouvelée qui ont été exprimées lors du Sommet, le Comité militaire de l'OTAN, en association avec les plus hauts Commandants de l'OTAN, espère maintenant que ces décisions importantes et opportunes seront mises en pratique.
(1) Cf. texte in Revue de l'OTAN n° 4, août
1990, p. 32-33
(2) Cf. texte in Revue de l'OTAN n° 6, décembre
1991, p. 25-32.
(3)lbid.,p.l9-22.