Edition Web
Vol. 41- No. 6
Déc. 1993
p. 15-18
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Le
Collège de défense de l'OTAN s'ouvre à l'Est
Lieutenant-Général Richard
J. Evraire,
Commandant du Collège de défense de l'OTAN
Fondé en 1951 pour constituer la principale institution de l'Alliance
chargée d'une mission pédagogique, le Collège de
défense de l'OTAN s'est très rapidement adapté à
l'évolution de la situation en Europe.
Le Secrétaire général M. Manfred Wôrner n'a
pas manqué de souligner ce fait, lorsqu'il s'est adressé
au Collège à Rome, en octobre 1991, à l'occasion
de la célébration de son 40ème anniversaire. Il a
fait remarquer que, outre la formation du personnel militaire ainsi que
des responsables de l'OTAN, et le rôle qu'il joue pour mettre en
avant les valeurs et principes communs de la Communauté atlantique,
le Collège est désormais confronté à des tâches
nouvelles: renforcer la confiance, établir des contacts et promouvoir
les valeurs et principes communs avec les anciens adversaires de l'Alliance.
M. Wôrner a poursuivi en déclarant: "II s'agira-là
d'une importante contribution à la nouvelle Europe. Sans confiance,
ni un partage des perspectives et des aspirations, la création
d'une communauté euro-atlantique s'étendant de Vancouver
à Vladivostok ne serait pas possible."
Dès 1989 d'ailleurs, avec l'approbation préalable du Comité
militaire de l'OTAN et du Conseil de l'Atlantique Nord, le Collège
avait commencé à inviter des orateurs en provenance des
pays du Pacte de Varsovie. Dans le même esprit, un nouvel élément
du programme d'enseignement, intitulé Défis globaux, fut
créé à cette époque pour les auditeurs. Parmi
les questions de sécurité non traditionnelles, la prolifération
des armes de destruction massive et l'interruption du flux des ressources
vitales figuraient au programme et ces sujets devaient d'ailleurs être
traités dans la Déclaration de Rome de 1991 de l'Alliance
(paragraphe 19) (1).
En outre, en septembre 1991, une délégation du Collège
se rendit à Moscou à l'invitation de ce qui était
alors l'Académie militaire de l'Etat-major général
soviétique et, quelques jours plus tard, les tout premiers participants
n'appartenant pas à des pays de l'OTAN assistèrent à
notre Séminaire international.
Quelques semaines après l'allocution de M. Wörner, le Collège
poursuivit sur sa lancée, en accueillant des auditeurs de pays
d'Europe centrale et orientale, ainsi que d'Etats neutres et non alignés,
pour le premier Stage spécial CSCE.
Cette évolution des activités doit être considérée
dans le contexte de l'objectif original du Collège, qui consistait
à développer les connaissances et la compréhension
d'officiers et de fonctionnaires civils triés sur le volet à
propos des facteurs et problèmes qui affectent, ou peuvent affecter,
l'Organisation du Traité de l'Altantique Nord, afin qu'ils maîtrisent
de manière approfondie le concept politico-militaire de l'Alliance,
son organisation et ses méthodes de travail.
Installé à Rome, le Collège, qui constitue une agence
du Comité militaire de l'OTAN, offre traditionnellement deux cycles
d'enseignement de vingt-deux semaines par an, qui s'adressent à
des colonels, à des lieutenants-colonels et à des civils
d'un rang équivalent. Soixante-quatre auditeurs forment en moyenne
chaque promotion. Par le biais de conférences et débats,
de travaux individuels ou en comité, d'examen de solutions à
apporter à des problèmes spécifiques et de voyages
d'étude dans les pays membres et divers sièges de l'OTAN,
le Collège offre à ses auditeurs l'occasion d'assister à
des exposés et de participer à des discussions qui présentent
un intérêt pour l'OTAN dans les domaines militaire, politique,
économique, financier, social et culturel.
Dès le moment où le Collège a commencé à
travailler avec les anciens adversaires de l'OTAN, il a été
constaté que ceux-ci avaient également tout à gagner
de cette approche. Il apparut en outre tout aussi manifestement que les
idéaux et les institutions démocratiques de l'Occident (dont
l'OTAN) étaient mal connus, surtout chez les militaires - une situation
qui fut considérée comme potentiellement dommageable pour
le développement politique des pays d'Europe centrale et orientale,
ainsi que pour les relations Est-Ouest en général.
Cherchant les moyens de remédier à cette situation, le Comité
militaire octroya au Collège tous les stimulants nécessaires
à la meilleure utilisation de son rôle académique
traditionnel pour promouvoir la coopération avec les nouveaux partenaires
de l'OTAN.
En réponse à l'appel lancé par l'Alliance lors du
Sommet de Rome de novembre 1991 en faveur de l'édification d'une
région euro-atlantique de coopération, le Collège
proposa l'inclusion, dans tous ses projets spéciaux prévus
pour 1992, de participants provenants d'Etats membres de la CSCE, et particulièrement
des pays d'Europe centrale et orientale. C'est ainsi que des représentants
de ces pays participent désormais à presque toutes les parties
du Programme académique. Ces activités sont étroite-ment
liées au Programme de travail du Conseil de coopération
nord-atlantique (CCNA), qui mentionne spécifiquement la participation
des partenaires de la coopération aux cycles d'enseignement spéciaux
ou réguliers du Collège. Ajoutons que certains des domaines
désignés par le Programme de travail parmi les activités
de coopération s'inscrivent dans les compétences du Collège.
Activités d'ouverture
Plus spécifiquement, les activités d'ouverture suivantes
ont été entreprises depuis 1991.
Stage spécial pour les membres de la CSCE. Le Collège
a organisé le premier cours de ce type, d'une durée d'une
semaine, en octobre 1991, puis un deuxième en avril 1992. Le troisième,
organisé en novembre de la même année, vit sa durée
portée à deux semaines et fut, pour la première fois,
intégré au programme d'enseignement normal. La même
formule a été conservée pour les sessions de mai
et de novembre 1993, et a d'ores et déjà été
adoptée pour les futurs cycles d'enseignement. Un thème
d'étude quelque peu modifié par rapport au programme d'enseignement
normal et intitulé "L'OTAN dans un monde en mutation"
a été choisi comme contenu académique.
Séminaire international. Depuis plusieurs années,
le Collège organise chaque année un séminaire international
destiné aux leaders d'opinion, où sont étudiées
les questions difficiles auxquelles l'Alliance est confrontée.
Les tout premiers ressortissants de pays n'appartenant pas à l'OTAN
à prendre part aux activités du Collège furent invités
en septembre 1991 à ce séminaire, intitulé en cette
occasion "L'OTAN à la croisée des chemins". En
décembre de l'année suivante, le contenu et l'objectif du
séminaire furent modifiés, et celui-ci prit le nom de "Séminaire
de recherche international sur la sécurité euro-atlantique".
Il devint, ainsi, le vecteur essentiel du resserrement des relations académiques
et de recherche avec les nouvelles démocraties. Le Séminaire
de 1992, ayant pour thème "Le rôle de la formation militaire
dans la restructuration des forces armées", fut organisé
en collaboration par le Collège et par l'Institut pour l'économie
mondiale et les relations internationales (IEMRI) de Moscou. La même
formule a été conservée pour le séminaire
du mois de décembre de cette année, organisé cette
fois en collaboration avec le Centre ukrainien pour les études
de sécurité internationale de Kiev, avec pour thème:
"Le maintien de la paix: des défis en Europe".
Le symposium de l'OTAN. Ce symposium annuel est organisé
conjointement par le Collège et par la National Défense
University des Etats-Unis; il se tient alternativement à Washington
et à Rome. Son thème porte normalement sur des questions
présentant un intérêt particulier pour les membres
de l'Alliance. Le XVème symposium, organisé à Rome
en avril 1992, a accueilli pour la première fois des participants
de pays n'appartenant pas à l'OTAN. Intitulé "Les forces
armées dans une communauté de valeurs partagées",
il était axé sur le rôle des forces militaires, particulièrement
dans les Etats issus de l'ex-Union soviétique et les pays d'Europe
centrale et orientale. La participation hors OTAN s'est répétée
au XVIème symposium organisé à Washington en avril
dernier, et sera à nouveau recherchée à Rome, en
mars 1994.
La conférence des commandants. Cette rencontre annuelle
rassemble normalement les commandants des institutions académiques
de défense des pays de l'OTAN, dans le but de discuter de matières
liées à la formation militaire des officiers supérieurs.
La XXIème conférence de ce type, qui s'est tenue à
Rome en avril 1992, a été élargie à des commandants
de collèges de défense de pays de la CSCE. Une journée
fut consacrée à des réunions avec des commandants
issus de pays n'appartenant pas à l'OTAN, durant lesquelles plusieurs
questions présentant un intérêt commun furent examinées,
entre autre le rôle des collèges de défense dans les
démocraties et, plus spécifiquement, la réorganisation
de l'Académie militaire de l'Etat-Major général à
Moscou. Les commandants alliés ont marqué leur accord pour
que la conférence soit en permanence élargie aux commandants
des institutions similaires des pays de la CSCE.
Le Cours pour officiers de réserve de l'OTAN (NAROC). Le
NAROC, cours d'une semaine organisé tous les deux ans, vise à
familiariser les officiers de réserve avec les organisations, les
procédures et les questions liées à l'OTAN. Le premier
cours de ce type à avoir accueilli des participants de pays n'appartenant
pas à l'OTAN était le neuvième de la série
et s'est tenu en juin dernier. La plupart des Etats d'Europe centrale
et orientale n'ayant pas de forces de réserve traditionnelles,
ce cours s'est avéré riche d'enseignements pour les participants
qui recherchent des approches nouvelles.
Le Cours pour officiers généraux. Ce cours annuel
de deux semaines est réservé aux généraux
à une ou deux étoiles et à des civils d'un rang équivalent,
susceptibles d'être affectés ultérieurement à
des postes clés au sein de l'OTAN ou à des fonctions nationales
pour lesquelles une bonne compréhension de l'OTAN est essentielle.
Les premiers participants de pays n'appartenant pas à l'OTAN ont
suivi la première moitié du quatrième cours de cette
série à Rome en novembre 1992. La seconde semaine de cours,
organisée au SHAPE, près de Mons, en Belgique, et au commandement
subordonné des Forces alliées Centre-Europe (AFCENT), à
Brunssum, aux Pays-Bas, est réservée aux officiers des pays
de l'OTAN. Le plus récent cours de ce type s'est déroulé
en octobre de cette année.
Le programme de bourses du Collège. Ce programme, qui offre
une bourse d'étude de trois mois à un ressortissant des
pays partenaires de la coopération, a été lancé
en 1992-1993. Le premier lauréat, sélectionné parmi
plus de quarante candidats, fut le lieutenant-colonel Dimitri Trenin,
alors maître de conférences à l'Institut militaire
du ministère russe de la Défense, qui entreprit ses recherches
au Collège au début de cette année. Sa thèse,
qui s'intitule "La liaison entre la sécurité transatlantique
et eurasienne: perspectives pour les opérations de paix",
a été publiée.
Le programme de voyages d'étude du Collège inclut
des visites dans presque tous les pays membres de l'OTAN. Le voyage d'étude
en Europe, organisé en novembre et décembre de cette année,
comporte, pour la première fois, une visite à un pays n'appartenant
pas à l'OTAN, la Hongrie.
Liaison avec des institutions extérieures. Au cours des
dernières années, le Collège a considérablement
élargi ses contacts avec la communauté impliquée
dans les études en matière de sécurité, afin
de se tenir informé des développements les plus récents
sur des questions spécifiques et de s'adjoindre les meilleurs conférenciers
disponibles. A cet égard, il convient en particulier d'attirer
l'attention sur nos activités de liaison avec des établissements
d'anciens Etats communistes et de pays neutres ou non alignés.
Depuis une première visite à Moscou en septembre 1991, les
activités d'ouverture du Collège se sont considérablement
étoffées. Le commandant et/ou des membres du corps enseignant
se sont rendus en Russie, en Roumanie, en Bulgarie, en Hongrie, en République
tchèque, en Albanie, en Ukraine et en Pologne, pour assister à
des conférences et établir ou renforcer des contacts avec
des institutions de ces pays. Plusieurs conférenciers de ces derniers
ont en outre été invités à venir faire des
exposés au Collège.
Notre expérience liée à ces activités d'ouverture
s'avère extrêmement positive. Au sein de l'environnement
à caractère universitaire du Collège, de nombreux
auditeurs n'appartenant pas à des pays de l'OTAN n'hésitent
pas à contribuer activement aux discussions et à exprimer,
ouvertement et avec franchise, leurs opinions personnelles. La mise en
oeuvre, à chaque fois que cela s'avère possible, d'un travail
en comité, qui constitue la pierre angulaire de l'approche académique
du Collège, contribue grandement à faciliter le dialogue
et à promouvoir la camaraderie. Des activités sociales et
culturelles, organisées par le Collège parallèlement
au programme académique, stimulent également les contacts
personnels entre les participants. La relative liberté avec laquelle
le Collège peut désormais inviter les meilleurs conférenciers
disponibles, qu'ils viennent d'Europe de l'Est ou de l'Ouest ou d'ailleurs,
pour qu'ils s'expriment sur un sujet donné, s'avère très
profitable.
Les perspectives
L'étoffement des activités du Collège au cours des
trois ou quatre dernières années peut indiscutablement être
considéré comme un succès, mais il convient que nous
poursuivions sur notre lancée, car les possibilités qui
s'offrent aujourd'hui ne sont peut-être que provisoires. En effet,
les partenaires de la coopération adoptent actuellement des politiques
nouvelles et établissent leurs propres institutions, ce qui pourrait
rétrécir le champ de la coopération et des activités
orientées vers le changement et réduire l'influence dont
le Collège dispose pour le moment. Les succès enregistrés
devraient, dès lors, nous inciter à poursuivre plus que
jamais nos efforts. De nombreuses possibilités d'amélioration
et d'expansion nous demeurent offertes. En voici des exemples:
- le Collège pourrait inviter davantage d'auditeurs en
provenance de pays partenaires de la coopération;
- une intégration plus complète des auditeurs CSCE
à notre cycle normal de formation et aux projets spéciaux
pourrait s'avérer judicieuse;
le Programme de bourses du Collège pourrait être
étoffé;
- le NAROC pourrait être organisé sur une base annuelle,
ce qui refléterait l'importance croissante des forces de
réserve à la suite des diminutions d'effectifs intervenant
dans les forces régulières;
- d'autres pays partenaires de la coopération pourraient
être intégrés dans le programme de voyages
d'étude qu'effectué chaque promotion du Collège.
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En conclusion, et à titre personnel, j'aimerais souligner l'importance
de la contribution à laquelle le Collège est redevable à
mon prédécesseur, ainsi qu'aux membres du corps enseignant
et du secrétariat. Lorsque j'ai pris le commandement en février
1993, j'ai hérité d'un Collège qui venait de relever
avec succès le défi considérable consistant à
s'adapter aux circonstances nouvelles. Je suis donc confiant en son aptitude
d'aller de l'avant dans certaines des directions que je propose.
(1) Pour le texte, voir Revue de l'OTAN, No.6, décembre
1991, p.22.
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