Revue de l'OTAN
Mise à jour: 08-Sep-2002 Revue de l'OTAN

Edition Web
Vol. 41- No. 6
Déc. 1993
p. 15-18

Le Collège de défense de l'OTAN s'ouvre à l'Est

Lieutenant-Général Richard J. Evraire,
Commandant du Collège de défense de l'OTAN

Fondé en 1951 pour constituer la principale institution de l'Alliance chargée d'une mission pédagogique, le Collège de défense de l'OTAN s'est très rapidement adapté à l'évolution de la situation en Europe.

Le Secrétaire général M. Manfred Wôrner n'a pas manqué de souligner ce fait, lorsqu'il s'est adressé au Collège à Rome, en octobre 1991, à l'occasion de la célébration de son 40ème anniversaire. Il a fait remarquer que, outre la formation du personnel militaire ainsi que des responsables de l'OTAN, et le rôle qu'il joue pour mettre en avant les valeurs et principes communs de la Communauté atlantique, le Collège est désormais confronté à des tâches nouvelles: renforcer la confiance, établir des contacts et promouvoir les valeurs et principes communs avec les anciens adversaires de l'Alliance. M. Wôrner a poursuivi en déclarant: "II s'agira-là d'une importante contribution à la nouvelle Europe. Sans confiance, ni un partage des perspectives et des aspirations, la création d'une communauté euro-atlantique s'étendant de Vancouver à Vladivostok ne serait pas possible."

Dès 1989 d'ailleurs, avec l'approbation préalable du Comité militaire de l'OTAN et du Conseil de l'Atlantique Nord, le Collège avait commencé à inviter des orateurs en provenance des pays du Pacte de Varsovie. Dans le même esprit, un nouvel élément du programme d'enseignement, intitulé Défis globaux, fut créé à cette époque pour les auditeurs. Parmi les questions de sécurité non traditionnelles, la prolifération des armes de destruction massive et l'interruption du flux des ressources vitales figuraient au programme et ces sujets devaient d'ailleurs être traités dans la Déclaration de Rome de 1991 de l'Alliance (paragraphe 19) (1).

En outre, en septembre 1991, une délégation du Collège se rendit à Moscou à l'invitation de ce qui était alors l'Académie militaire de l'Etat-major général soviétique et, quelques jours plus tard, les tout premiers participants n'appartenant pas à des pays de l'OTAN assistèrent à notre Séminaire international.

Quelques semaines après l'allocution de M. Wörner, le Collège poursuivit sur sa lancée, en accueillant des auditeurs de pays d'Europe centrale et orientale, ainsi que d'Etats neutres et non alignés, pour le premier Stage spécial CSCE.
Cette évolution des activités doit être considérée dans le contexte de l'objectif original du Collège, qui consistait à développer les connaissances et la compréhension d'officiers et de fonctionnaires civils triés sur le volet à propos des facteurs et problèmes qui affectent, ou peuvent affecter, l'Organisation du Traité de l'Altantique Nord, afin qu'ils maîtrisent de manière approfondie le concept politico-militaire de l'Alliance, son organisation et ses méthodes de travail.

Installé à Rome, le Collège, qui constitue une agence du Comité militaire de l'OTAN, offre traditionnellement deux cycles d'enseignement de vingt-deux semaines par an, qui s'adressent à des colonels, à des lieutenants-colonels et à des civils d'un rang équivalent. Soixante-quatre auditeurs forment en moyenne chaque promotion. Par le biais de conférences et débats, de travaux individuels ou en comité, d'examen de solutions à apporter à des problèmes spécifiques et de voyages d'étude dans les pays membres et divers sièges de l'OTAN, le Collège offre à ses auditeurs l'occasion d'assister à des exposés et de participer à des discussions qui présentent un intérêt pour l'OTAN dans les domaines militaire, politique, économique, financier, social et culturel.

Dès le moment où le Collège a commencé à travailler avec les anciens adversaires de l'OTAN, il a été constaté que ceux-ci avaient également tout à gagner de cette approche. Il apparut en outre tout aussi manifestement que les idéaux et les institutions démocratiques de l'Occident (dont l'OTAN) étaient mal connus, surtout chez les militaires - une situation qui fut considérée comme potentiellement dommageable pour le développement politique des pays d'Europe centrale et orientale, ainsi que pour les relations Est-Ouest en général.

Cherchant les moyens de remédier à cette situation, le Comité militaire octroya au Collège tous les stimulants nécessaires à la meilleure utilisation de son rôle académique traditionnel pour promouvoir la coopération avec les nouveaux partenaires de l'OTAN.

En réponse à l'appel lancé par l'Alliance lors du Sommet de Rome de novembre 1991 en faveur de l'édification d'une région euro-atlantique de coopération, le Collège proposa l'inclusion, dans tous ses projets spéciaux prévus pour 1992, de participants provenants d'Etats membres de la CSCE, et particulièrement des pays d'Europe centrale et orientale. C'est ainsi que des représentants de ces pays participent désormais à presque toutes les parties du Programme académique. Ces activités sont étroite-ment liées au Programme de travail du Conseil de coopération nord-atlantique (CCNA), qui mentionne spécifiquement la participation des partenaires de la coopération aux cycles d'enseignement spéciaux ou réguliers du Collège. Ajoutons que certains des domaines désignés par le Programme de travail parmi les activités de coopération s'inscrivent dans les compétences du Collège.

Activités d'ouverture

Plus spécifiquement, les activités d'ouverture suivantes ont été entreprises depuis 1991.

Stage spécial pour les membres de la CSCE. Le Collège a organisé le premier cours de ce type, d'une durée d'une semaine, en octobre 1991, puis un deuxième en avril 1992. Le troisième, organisé en novembre de la même année, vit sa durée portée à deux semaines et fut, pour la première fois, intégré au programme d'enseignement normal. La même formule a été conservée pour les sessions de mai et de novembre 1993, et a d'ores et déjà été adoptée pour les futurs cycles d'enseignement. Un thème d'étude quelque peu modifié par rapport au programme d'enseignement normal et intitulé "L'OTAN dans un monde en mutation" a été choisi comme contenu académique.

Séminaire international. Depuis plusieurs années, le Collège organise chaque année un séminaire international destiné aux leaders d'opinion, où sont étudiées les questions difficiles auxquelles l'Alliance est confrontée. Les tout premiers ressortissants de pays n'appartenant pas à l'OTAN à prendre part aux activités du Collège furent invités en septembre 1991 à ce séminaire, intitulé en cette occasion "L'OTAN à la croisée des chemins". En décembre de l'année suivante, le contenu et l'objectif du séminaire furent modifiés, et celui-ci prit le nom de "Séminaire de recherche international sur la sécurité euro-atlantique". Il devint, ainsi, le vecteur essentiel du resserrement des relations académiques et de recherche avec les nouvelles démocraties. Le Séminaire de 1992, ayant pour thème "Le rôle de la formation militaire dans la restructuration des forces armées", fut organisé en collaboration par le Collège et par l'Institut pour l'économie mondiale et les relations internationales (IEMRI) de Moscou. La même formule a été conservée pour le séminaire du mois de décembre de cette année, organisé cette fois en collaboration avec le Centre ukrainien pour les études de sécurité internationale de Kiev, avec pour thème: "Le maintien de la paix: des défis en Europe".

Le symposium de l'OTAN. Ce symposium annuel est organisé conjointement par le Collège et par la National Défense University des Etats-Unis; il se tient alternativement à Washington et à Rome. Son thème porte normalement sur des questions présentant un intérêt particulier pour les membres de l'Alliance. Le XVème symposium, organisé à Rome en avril 1992, a accueilli pour la première fois des participants de pays n'appartenant pas à l'OTAN. Intitulé "Les forces armées dans une communauté de valeurs partagées", il était axé sur le rôle des forces militaires, particulièrement dans les Etats issus de l'ex-Union soviétique et les pays d'Europe centrale et orientale. La participation hors OTAN s'est répétée au XVIème symposium organisé à Washington en avril dernier, et sera à nouveau recherchée à Rome, en mars 1994.

La conférence des commandants. Cette rencontre annuelle rassemble normalement les commandants des institutions académiques de défense des pays de l'OTAN, dans le but de discuter de matières liées à la formation militaire des officiers supérieurs. La XXIème conférence de ce type, qui s'est tenue à Rome en avril 1992, a été élargie à des commandants de collèges de défense de pays de la CSCE. Une journée fut consacrée à des réunions avec des commandants issus de pays n'appartenant pas à l'OTAN, durant lesquelles plusieurs questions présentant un intérêt commun furent examinées, entre autre le rôle des collèges de défense dans les démocraties et, plus spécifiquement, la réorganisation de l'Académie militaire de l'Etat-Major général à Moscou. Les commandants alliés ont marqué leur accord pour que la conférence soit en permanence élargie aux commandants des institutions similaires des pays de la CSCE.

Le Cours pour officiers de réserve de l'OTAN (NAROC). Le NAROC, cours d'une semaine organisé tous les deux ans, vise à familiariser les officiers de réserve avec les organisations, les procédures et les questions liées à l'OTAN. Le premier cours de ce type à avoir accueilli des participants de pays n'appartenant pas à l'OTAN était le neuvième de la série et s'est tenu en juin dernier. La plupart des Etats d'Europe centrale et orientale n'ayant pas de forces de réserve traditionnelles, ce cours s'est avéré riche d'enseignements pour les participants qui recherchent des approches nouvelles.

Le Cours pour officiers généraux. Ce cours annuel de deux semaines est réservé aux généraux à une ou deux étoiles et à des civils d'un rang équivalent, susceptibles d'être affectés ultérieurement à des postes clés au sein de l'OTAN ou à des fonctions nationales pour lesquelles une bonne compréhension de l'OTAN est essentielle. Les premiers participants de pays n'appartenant pas à l'OTAN ont suivi la première moitié du quatrième cours de cette série à Rome en novembre 1992. La seconde semaine de cours, organisée au SHAPE, près de Mons, en Belgique, et au commandement subordonné des Forces alliées Centre-Europe (AFCENT), à Brunssum, aux Pays-Bas, est réservée aux officiers des pays de l'OTAN. Le plus récent cours de ce type s'est déroulé en octobre de cette année.

Le programme de bourses du Collège. Ce programme, qui offre une bourse d'étude de trois mois à un ressortissant des pays partenaires de la coopération, a été lancé en 1992-1993. Le premier lauréat, sélectionné parmi plus de quarante candidats, fut le lieutenant-colonel Dimitri Trenin, alors maître de conférences à l'Institut militaire du ministère russe de la Défense, qui entreprit ses recherches au Collège au début de cette année. Sa thèse, qui s'intitule "La liaison entre la sécurité transatlantique et eurasienne: perspectives pour les opérations de paix", a été publiée.

Le programme de voyages d'étude du Collège inclut des visites dans presque tous les pays membres de l'OTAN. Le voyage d'étude en Europe, organisé en novembre et décembre de cette année, comporte, pour la première fois, une visite à un pays n'appartenant pas à l'OTAN, la Hongrie.

Liaison avec des institutions extérieures. Au cours des dernières années, le Collège a considérablement élargi ses contacts avec la communauté impliquée dans les études en matière de sécurité, afin de se tenir informé des développements les plus récents sur des questions spécifiques et de s'adjoindre les meilleurs conférenciers disponibles. A cet égard, il convient en particulier d'attirer l'attention sur nos activités de liaison avec des établissements d'anciens Etats communistes et de pays neutres ou non alignés. Depuis une première visite à Moscou en septembre 1991, les activités d'ouverture du Collège se sont considérablement étoffées. Le commandant et/ou des membres du corps enseignant se sont rendus en Russie, en Roumanie, en Bulgarie, en Hongrie, en République tchèque, en Albanie, en Ukraine et en Pologne, pour assister à des conférences et établir ou renforcer des contacts avec des institutions de ces pays. Plusieurs conférenciers de ces derniers ont en outre été invités à venir faire des exposés au Collège.

Notre expérience liée à ces activités d'ouverture s'avère extrêmement positive. Au sein de l'environnement à caractère universitaire du Collège, de nombreux auditeurs n'appartenant pas à des pays de l'OTAN n'hésitent pas à contribuer activement aux discussions et à exprimer, ouvertement et avec franchise, leurs opinions personnelles. La mise en oeuvre, à chaque fois que cela s'avère possible, d'un travail en comité, qui constitue la pierre angulaire de l'approche académique du Collège, contribue grandement à faciliter le dialogue et à promouvoir la camaraderie. Des activités sociales et culturelles, organisées par le Collège parallèlement au programme académique, stimulent également les contacts personnels entre les participants. La relative liberté avec laquelle le Collège peut désormais inviter les meilleurs conférenciers disponibles, qu'ils viennent d'Europe de l'Est ou de l'Ouest ou d'ailleurs, pour qu'ils s'expriment sur un sujet donné, s'avère très profitable.

Les perspectives

L'étoffement des activités du Collège au cours des trois ou quatre dernières années peut indiscutablement être considéré comme un succès, mais il convient que nous poursuivions sur notre lancée, car les possibilités qui s'offrent aujourd'hui ne sont peut-être que provisoires. En effet, les partenaires de la coopération adoptent actuellement des politiques nouvelles et établissent leurs propres institutions, ce qui pourrait rétrécir le champ de la coopération et des activités orientées vers le changement et réduire l'influence dont le Collège dispose pour le moment. Les succès enregistrés devraient, dès lors, nous inciter à poursuivre plus que jamais nos efforts. De nombreuses possibilités d'amélioration et d'expansion nous demeurent offertes. En voici des exemples:

  • le Collège pourrait inviter davantage d'auditeurs en provenance de pays partenaires de la coopération;
  • une intégration plus complète des auditeurs CSCE à notre cycle normal de formation et aux projets spéciaux pourrait s'avérer judicieuse;
    le Programme de bourses du Collège pourrait être étoffé;
  • le NAROC pourrait être organisé sur une base annuelle, ce qui refléterait l'importance croissante des forces de réserve à la suite des diminutions d'effectifs intervenant dans les forces régulières;
  • d'autres pays partenaires de la coopération pourraient être intégrés dans le programme de voyages d'étude qu'effectué chaque promotion du Collège.

En conclusion, et à titre personnel, j'aimerais souligner l'importance de la contribution à laquelle le Collège est redevable à mon prédécesseur, ainsi qu'aux membres du corps enseignant et du secrétariat. Lorsque j'ai pris le commandement en février 1993, j'ai hérité d'un Collège qui venait de relever avec succès le défi considérable consistant à s'adapter aux circonstances nouvelles. Je suis donc confiant en son aptitude d'aller de l'avant dans certaines des directions que je propose.


(1) Pour le texte, voir Revue de l'OTAN, No.6, décembre 1991, p.22.