Revue de l'OTAN
Mise à jour: 08-Sep-2002 Revue de l'OTAN

Edition Web
Vol. 41- No. 6
Déc. 1993
p. 6-11

L'image de l'Alliance:
évaluation du soutien de l'opinion publique

Erika v.C. Bruce
Directrice de l'information et de la presse de l'OTAN

Poursuivant ses efforts constants en vue de cerner la perception qu'a l'opinion publique - au sein de l'Alliance et des pays partenaires de la coopération - de la sécurité européenne et des défis auxquels l'Alliance est confrontée, le Bureau de l'information et de la presse de l'OTAN a organisé son sixième séminaire annuel sur l'opinion publique à Bruxelles, le 8 novembre. L'événement a rassemblé des experts venus de Bulgarie, du Canada, d'Allemagne, de Russie, du Royaume-Uni et des Etats-Unis.

Ces séminaires contribuent à évaluer l'ampleur du soutien - politique et financier - que l'OTAN suscite dans le public et à déterminer les tendances futures. L'image qui se dégage ne concerne pas uniquement l'Alliance, puisque des défis identiques se posent aux Nations unies, à l'Union européenne, à l'UEO et à la CSCE, avec lesquelles l'Alliance coopère pour l'élaboration d'une approche collective fiable pour le maintien de la sécurité et de la stabilité européennes.

  • A cette occasion, les thèmes abordés étaient au nombre de trois:
  • l'image de l'engagement nord-américain vis-à-vis de l'Europe,
  • les forces armées et l'opinion publique à l'ère du maintien de la paix,
  • l'opinion publique et l'ex-Yougoslavie: l'image des institutions internationales.

Isolationnisme ou internationalisme?

S'il y a une question prédominante dans le débat actuel sur les relations internationales, c'est bien celle du rôle des Etats-Unis dans les opérations actuelles et futures de maintien de la paix. La guerre dans l'ex-Yougoslavie et les crises en Somalie et en Haïti - ainsi que le rôle des Etats-Unis dans ces événements -en sont venus, dans ce pays, à constituer une question cruciale compte tenu de l'attitude de la population et du congrès américains, a déclaré M. Stephen Shaffer, du Bureau de recherche de l'Agence d'information des Etats-Unis (USIA).

L'éternelle question de l'équilibre entre un engagement envers une participation active au sein de la communauté internationale et un retour à l'isolationnisme a resurgi dans le cadre du débat public sur les politiques étrangère et de défense. Cette controverse qui se poursuit, mais qui est actuellement éclipsée par les événements en Europe, en Afrique et aux Caraïbes, remet sur le tapis une série de questions connexes, telles que les objectifs de la politique étrangère américaine, ainsi que l'importance et les priorités en ce qui concerne les intérêts nationaux et internationaux.

La majorité, au sein de l'opinion américaine, rejette l'isolationnisme en tant que politique étrangère viable, a fait observer M. Shaffer. Entre 60 et 70% des Américains sont en faveur d'une approche en coopération et d'un partage des responsabilités avec les autres pays, mais ils ne sont qu'un tiers à penser que les Etats-Unis doivent assumer le rôle majeur dans les affaires internationales. Ajoutons toutefois que les opinions diffèrent sur ces questions entre les élites et le grand public car les premières sont davantage en faveur d'une implication active des Etats-Unis dans les affaires internationales et pensent que leur pays devrait assumer un rôle de premier plan en la matière. Une différence apparaît également lorsqu'on en arrive à l'évaluation de l'importance que le gouvernement devrait attacher à une région en particulier. Les élites pensent qu'une plus grande priorité devrait être accordée à la région du Pacifique, alors que le grand public montre une préférence pour l'Europe.

Le rôle des Etats-Unis dans le monde reste un réel sujet de préoccupation, bien compréhensible, au sein de la communauté internationale, en particulier parmi les alliés européens et le Canada. M. Shaffer a toutefois conclu qu'il est clair que l'opinion publique aux Etats-Unis insistera pour avoir davantage son mot à dire dans la formulation de la politique étrangère. Dans ces circonstances, des efforts considérables devront être entrepris pour tenir le public informé. Ce sentiment est étayé par l'insistance des Américains à voir dans les questions intérieures la première des priorités de la politique gouvernementale.

L'opinion publique en Allemagne

S'exprimant sur la perception qu'ont les Européens du rôle de l'Amérique dans les affaites internationales, en particulier en Europe, Giinther Gillessen, professeur à l'Université de Mainz et ancien rédacteur en chef du Frankfurter Allgemeine, soutient que l'OTAN ne pourrait exister sans les Etats-Unis, et qu'il ne pourrait y avoir de présence militaire des Etats-Unis en Europe si les Américains n'étaient pas les bienvenus en Allemagne. Seuls les Etats-Unis, a-t-il déclaré, peuvent assumer le leadership dans le soutien d'une structure de sécurité européenne.

Pour ce qui a trait à l'évaluation de l'attitude de l'opinion publique face au maintien de forces américaines en Allemagne, M. Gillessen a souligné combien la formulation et le moment des sondages d'opinion sont importants si l'on veut éviter des résultats peu fiables et trompeurs. Il a cité comme exemple les résultats inexacts d'une enquête qui, commençant par rappeler que les forces russes étaient sur le point d'être totalement retirées d'Allemagne, poursuivait en cherchant à connaître l'opinion des personnes interrogées quant à un retrait complet des troupes américaines. Les résultats firent apparaître que 57% des personnes interrogées étaient en faveur du retrait et que 36% se prononçaient pour le maintien d'un nombre limité de soldats américains. Parallèlement, un sondage de l'USIA, effectué quelques mois plus tôt et qui se référait uniquement aux "événements récents en Europe de l'Est et en Union soviétique", avait montré que 34% des personnes interrogées seulement se prononçaient en faveur d'un retrait complet des troupes américaines.

L'attitude de l'Allemagne varie lorsque des événements spécifiques affectent le climat politique. C'est ainsi, par exemple, que le nombre de voix en faveur du retrait des troupes américaines s'accrut considérablement au lendemain de la visite du Chancelier Adenauer à Moscou en 1956, alors que les relations diplomatiques étaient restaurées et que l'on recommençait à croire à une possible réunification de l'Allemagne. En 1990, le soutien à l'OTAN décrut rapidement lorsque le gouvernement soviétique sembla prêt à permettre la réunification de l'Allemagne si celle-ci quittait l'Alliance. Inversement, le soutien à l'OTAN s'accrut graduellement lorsque Moscou accepta le maintien de la nouvelle Allemagne dans l'Alliance et il atteignit de véritables sommets au moment de la tentative de coup d'Etat à Moscou en 1991.

Des différences importantes dans l'attitude envers l'OTAN sont également susceptibles de se manifester entre les Allemands vivant dans la partie occidentale du pays et ceux qui habitent l'ancienne Allemagne de l'Est. Une longue histoire de propagande hostile à l'Amérique et à l'Alliance, l'importance du pacifisme en tant que mouvement de lutte contre le communisme, la relative absence d'une classe moyenne cultivée, l'interdiction prolongée de toute discussion publique sur les questions de politique étrangère et le caractère introverti de la société de l'Allemagne de l'Est communiste ont laissé leur empreinte sur l'attitude de l'opinion publique.

S'intéressant ensuite à l'opinion publique allemande au sens large, M. Gillessen a exprimé des doutes face aux affirmations actuellement en vogue suivant lesquelles l'Allemagne devient plus dominatrice, que sa politique étrangère est plus nationaliste et que ses électeurs sont moins disposés à ce que le gouvernement maintienne ses liens avec l'Occident. Suspectant que de telles opinions reposent sur des techniques de sondage inadéquates, il a déclaré qu'au contraire, l'Allemagne est plutôt encline à éviter de profiter de sa force à un moment où elle s'interroge toujours sur le rôle futur de ses forces armées et sur ses responsabilités en matière de paix et de sécurité internationales. Il considère que le soutien de l'Allemagne à l'OTAN demeure solide, mais que les dirigeants ont désormais l'obligation pressante d'expliquer le nouveau rôle de l'OTAN, qui consiste à projeter la sécurité au-delà des frontières de l'Alliance et de l'Allemagne.

L'évolution des points de vue en Russie

S'exprimant sur le thème des forces armées et de l'opinion publique à l'ère du maintien de la paix, M. Mikhaïl Lechtshinsky, analyste et correspondant de la chaîne de télévision russe Ostankino, a apporté certains éclaircissements sur le rôle prépondérant joué par les forces armées en URSS et sur la place qu'elles occupent désormais dans la nouvelle Russie.

La violente confrontation d'octobre dernier à Moscou a mis en lumière l'importance de l'armée. Elle constitue en outre le reflet de la situation dans tout le pays, confronté à de graves tensions sociales, à des structures étatiques instables, à la disparition des valeurs traditionnelles, ainsi qu'à un sentiment généralisé de démoralisation et de manque de confiance dans l'avenir.

M. Lechtshinsky a expliqué que les enquêtes d'opinion effectuées au cours des quatre dernières années indiquent que la confiance du peuple russe dans l'armée ne cesse de diminuer. Dans le système soviétique, l'Etat exerçait un contrôle complet et efficace de l'information. Par le biais de son réseau de propagande, il avait imposé l'idéologie du parti, qui inculquait notamment le respect pour l'armée en tant que seule garante de la paix dans un monde menacé par une Alliance occidentale agressive. Mais l'armée était plus que cela: elle constituait une puissante organisation utilisée à des fins politiques jusqu'à "l'effondrement du blocus de l'information en Union soviétique...", tandis que, parallèlement, le gouvernement prenait les mesures destinées à mettre fin à "l'aventure afghane... sanglante, très onéreuse... et peu glorieuse". Mais l'histoire ne s'arrête pas là. L'armée fut utilisée de manière répétée dans "une succession d'Afghanistans intérieurs... de luttes nationales et de guerres régionales sanglantes", depuis l'Asie centrale et la Moldova jusqu'au coup d'Etat avorté de 1991.

Le conflit et la violence d'octobre 1993 ne peuvent être considérés comme un affrontement entre l'armée et l'élite politique. Il s'agissait plutôt d'un combat dans les rangs même de ladite élite arrivée au pouvoir en 1991, qui a servi à illustrer les contradictions au sein des forces armées quant à leur rôle dans l'Etat et dans la lutte pour le pouvoir.

En dépit de ce contexte, les sondages effectués après les événements d'octobre montrent que 21% seulement de la population considèrent qu'une dictature militaire soit possible, tandis que 45% estiment qu'une petite chance existe pour qu'une telle situation survienne. M. Lechtshinsky a ajouté que 78% des personnes interrogées soutenaient l'implication des militaires dans la confrontation d'octobre dernier.

En Russie également, il peut y avoir des différences significatives entre les points de vue des élites et ceux de l'opinion publique en général. C'est ainsi que près de la moitié des premières accepterait l'envoi de troupes à la demande des autres républiques, tandis qu'un tiers seulement du grand public approuverait une telle décision. Ces chiffres diminuent substantiellement lorsque l'on demande à l'opinion publique si des forces russes doivent participer à des missions internationales en dehors des républiques de l'ex-Union soviétique.

Les personnes interrogées sont 9% seulement à faire confiance à l'OTAN, a ajouté M. Lechtshinsky, mais l'élite militaire serait très préoccupée si les voisins de l'Europe de l'Est étaient admis dans l'Alliance et que la Russie en était exclue.

Avec les risques de nouvelles violences dans les Etats de l'ex-Union soviétique et le déclin du prestige et du moral des forces armées russes, il n'en faudrait pas beaucoup pour pousser l'armée à une ingérence massive dans le domaine politique, a ajouté M. Lechtshinsky. Alors que l'Empire soviétique se désintègre et que l'armée demeure "presque la seule structure étatique compétente, la situation en cas de crise politique serait extrêmement dangereuse, non seulement pour la Russie et ses voisins, mais aussi pour le destin de l'humanité", a-t-il conclu.

L'attitude de l'opinion publique à l'égard du maintien de la paix

S'intéressant à la situation au Royaume-Uni et à la perception par l'opinion publique du rôle actuel des forces armées, M. Michael Clarke, du Centre pour les études dans le domaine de la défense au King's Collège, Université de Londres, a déclaré que les dirigeants politiques britanniques soit n'ont pas compris l'ampleur du soutien aux opérations de l'OTAN au-delà de ses frontières, soit ont choisi de l'ignorer. Il a ajouté que l'attitude britannique concernant le maintien de la paix et les opérations de l'OTAN diverge de celle des autres pays européens, puisque les sondages révèlent que l'opinion publique est plus désireuse que ses dirigeants d'accroître les contributions aux forces internationales.

D'après M. Clarke, les Britanniques sont traditionnellement prêts à jouer un rôle actif, constructif et responsable dans les affaires internationales, et, se fondant sur des années d'expérience, ils ont une grande confiance dans leurs forces armées, dans leur qualité et dans leur capacité à accomplir n'importe quelle tâche qui leur est assignée. Cette confiance du public n'est pas altérée par l'incapacité de mettre un terme au conflit en Irlande du Nord, car les Britanniques considèrent que la solution se trouve entre les mains des dirigeants politiques plutôt que dans les forces armées.

Une certaine inconstance se manifeste toutefois dans cette même opinion publique, de sorte que l'attitude envers les opérations internationales de maintien de la paix pourrait se modifier très rapidement. Examinant les raisons de cette situation, M. Clarke a expliqué que, avec la fin de la guerre froide, l'opinion publique - qui soutient l'OTAN à concurrence de 80% - ne perçoit plus aucune menace concrète pour l'Occident et que les objectifs de l'Alliance sont devenus plus abstraits et moins liés aux intérêts nationaux britanniques. En outre, la télévision fait continuellement et "sur le vif entrer les horreurs de la guerre et la souffrance humaine dans les foyers, révélant aux gens la réalité de la violence et le type de conflits auxquels leurs troupes pourraient être confrontées. Si M. Clarke estime que les Britanniques continueront d'appuyer la participation de leurs forces aux opérations internationales de maintien de la paix, il considère que l'échec d'une mission des Nations unies ou des pertes humaines pourraient réduire cet appui.

Examinant l'effet de la guerre dans l'ex-Yougoslavie sur l'image que le grand public a des institutions internationales, M. Kim Nossal, professeur à la McMaster University à Hamilton, au Canada, a affirmé que cette guerre continue de susciter la sympathie sur le plan humanitaire au sein de l'opinion publique nord-américaine en général. Dans cette partie du monde également, l'opinion publique considère que la communauté internationale n'est pas parvenue à relever le défi avec succès.

Les données liées à l'attitude de l'opinion publique face au conflit sont toutefois assez déroutantes. C'est ainsi, par exemple, qu'en janvier 1993, les Américains étaient à 63% en faveur du déploiement de forces américaines pour faire respecter la zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Bosnie, mais que cinq mois plus tard, alors que la possibilité d'une intervention au sol était envisagée, ce soutient était tombé à 36%. L'opinion publique canadienne a fluctué de façon similaire, même s'il semble que le soutien à un rôle plus actif soit légèrement plus grand et qu'une intervention humanitaire reste fortement souhaitée.

Si l'opinion publique canadienne ne tient ni les Nations unies ni l'OTAN pour responsables de l'échec dans l'arrêt des hostilités, le différend entre les Etats-Unis et leurs alliés sur la manière de procéder a eu un impact négatif sur le point de vue nord-américain quant à l'avenir de l'Alliance. En outre, ce genre de différend transatlantique est susceptible d'ajouter au scepticisme, alimenté par ce que l'on considère comme des échecs à Haïti et en Somalie, concernant la possibilité de mobiliser des missions d'imposition de la paix à l'avenir.

M. Nossal a fait observer que, comme l'imposition de la paix impliquera des pertes, il devra y avoir une justification très solide et un plan opérationnel bien conçu avant toute intervention envisagée. Les impulsions humanitaires, aussi importantes soient-elles, ne sont pas suffisantes en elle-mêmes pour justifier et générer un soutien soutenu à une action militaire. Cet aspect prend une grande importance si le théâtre du conflit est éloigné, s'il s'agit d'un conflit purement intérieur ou si l'opinion publique ne considère pas que ses intérêts nationaux soient fondamentalement en jeu.

En conclusion, M. Nossal a déclaré que toutes ces considérations ont de sérieuses implications pour l'Europe et l'Amérique du Nord. L'évolution de l'attitude nord-américaine envers la guerre en Bosnie et les différends transatlantiques qui sont apparus récemment au premier plan ont un sérieux impact sur le débat concernant l'avenir de l'Alliance et accentuent "la crise existentielle" de l'OTAN.

L'opinion en Bulgarie

Les résultats d'un sondage récent sur les attitudes des Bulgares envers l'Occident ont été communiqués par M. Ivan Krastev, de la Fondation Friedrich Naumann en Bulgarie. Il a fait observé que l'opinion publique revêt une plus grande importance dans son pays qu'en Europe occidentale et en Amérique du Nord, étant donné que les révolutions en Europe centrale et orientale, qui ont balayé les dictatures communistes, ont également balayé la légitimité et la crédibilité des structures d'Etat responsables de la formulation des politiques étrangère et de défense.

M. Krastev a expliqué comment l'opinion publique en Bulgarie a évolué au cours des trois dernières années. Dans un premier temps, les Bulgares croyaient être placés face à une Europe des valeurs qu'ils pouvaient partager, plutôt qu'à une Europe des institutions. Toutefois, lorsqu'ils se retrouvèrent uniquement confrontés à cette dernière et découvrirent que, contrairement à leurs attentes, ils ne pouvaient espérer entrer dans la Communauté européenne dans les cinq ans, ils éprouvèrent une grande désillusion.

Lorsqu'éclata la guerre du Golfe, les objectifs moraux des Nations unies s'avérèrent acceptables pour les Bulgares, mais ce conflit leur permit également de jeter un voile pudique sur la réalité négative de la guerre dans la Yougoslavie voisine. Cependant, lorsqu'ils en arrivèrent à considérer que la guerre du Golfe était menée pour défendre les intérêts pétroliers américains plutôt que les hautes valeurs morales défendues par les Nations unies, leur attitude subit une nouvelle transformation.

En 1991-92, avec l'intensification de la crise en Yougoslavie, les Bulgares tentèrent d'ignorer la guerre, redoutant de voir leur pays une nouvelle fois entraîné dans le schéma historique traditionnel des conflits dans les Balkans.

M. Krastev a expliqué que, au cours de la phase suivante des changements successifs de l'opinion publique, la question centrale a porté sur la reconnaissance de la Macédoine, la Bulgarie étant le premier pays à franchir cette étape. Cette décision n'intervint cependant pas sous la pression de l'opinion publique, mais fut celles des dirigeants politiques.
La phase finale est directement issue de la décision de la Bulgarie de soutenir l'imposition des sanctions prises par les Nations unies à l'encontre de la Serbie et du Monténégro. Cette décision fut difficile et a coûté cher à l'économie nationale. Elle pourrait en outre impliquer le recours à la force contre des navires serbes. C'est ainsi que la guerre en Yougoslavie et ses conséquences sont finalement devenues importantes dans les débats politiques bulgares.
M. Krastev a déclaré que la controverse publique a été ravivée par les différends entre les alliés occidentaux sur la conduite à adopter face au conflit yougoslave. Des rapports faisant état de corruption parmi les forces des Nations unies dans l'ex-Yougoslavie ont en outre commencé à faire surface, et des sondages révèlent que 70% des personnes interrogées estiment qu'ils sont fondés. L'image des Nations unies et de l'OTAN a de nouveau souffert de ces développements, mais les Bulgares désirent toujours obtenir la protection de l'Alliance. Comme il s'agit-là d'un objectif qui figure en tête des priorités politiques, un échec en la matière serait manifestement considéré comme un nouveau revers majeur sur "le chemin de l'Europe", a averti M. Krastev. Il reste à voir, a-t-il ajouté en conclusion, si l'Occident s'intéresse vraiment à l'Europe centrale et orientale.

Le maintien de la confiance de l'opinion publique

En résumé, un consensus s'est manifesté entre les experts et les participants au séminaire quant à la confiance que l'opinion publique de la plupart des pays de l'Alliance continue de manifester envers l'OTAN. Les événements survenus au cours de l'année écoulée ont cependant fait réapparaître au premier plan des préoccupations la question du futur rôle de l'OTAN, de son mandat, de sa composition et de ses relations avec la Russie. Le séminaire a fait clairement écho au message de l'opinion publique suivant lequel l'Alliance doit continuer à s'adapter aux nouvelles réalités politiques et qu'elle doit, si elle veut convaincre, prouver que cette adaptation est effective. Aux yeux de cette même opinion publique, l'Alliance n'est pas parvenue à intervenir efficacement dans la guerre en ex-Yougoslavie. L'Amérique du Nord et l'Europe doivent donc se montrer capables d'affronter et de résoudre tout nouveau déchaînement de violence sur le continent si l'on souhaite que l'OTAN et les autres institutions européennes conservent leur crédibilité.

L'analyse des sondages révèle que les Etats-Unis sont toujours considérés par l'opinion publique de la plupart des pays d'Europe comme un partenaire indispensable de l'Alliance. Néanmoins, les désaccords quant à la manière de réagir à la guerre dans l'ex-Yougoslavie, conjugués aux différends commerciaux, sont considérés comme dommageables aux relations transatlantiques.

L'opinion publique occupe une place accrue dans le débat sur les questions intérieures et de politique étrangère. Mais elle peut être à la fois inconstante et versatile, ce qui signifie qu'il est de plus en plus difficile pour les dirigeants politiques d'évaluer la durée et la force des attitudes sur lesquelles repose leur politique. Les reportages télévisés en direct et sur le terrain peuvent rapidement modifier l'opinion des gens. Dans le climat d'incertitude que nous connaissons, l'opinion publique de l'Alliance et des pays partenaires de la coopération espère des décisions sensées et sans équivoque de ses gouvernements et des organisations internationales pour tout ce qui a trait à la conception du nouveau système de sécurité pour l'Europe. Une fois encore, ce séminaire nous a fourni un aperçu précieux et approfondi de l'attitude de l'opinion publique face aux défis que doit relever l'Alliance.