Edition Web
Vol. 41- No. 3
Juin 1993
p. 7-11
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La
Russie après le référendum
Douglas Hurd,
Ministre britannique aux Affaires étrangères et
au Commonwealth
Le 25 avril, le peuple russe a montré son engagement sans équivoque
en faveur des réformes économiques et démocratiques.
En dépit des inévitables difficultés, il ne peut
désormais plus y avoir de retour en arrière, et nous continuons
à apporter au président Elstine et au peuple russe notre
total appui dans l'accélération des réformes.
Le processus ne sera pas simple. Les manifestations du Premier mai à
Moscou sont allées de pair avec certains des plus violents incidents
que l'on ait connu depuis le coup d'Etat manqué de 1991. La menace
des communistes de renverser le président Elstine, intervenue aussitôt
après le net soutien du peuple russe, montre leur souverain mépris
pour la démocratie, mais est également révélatrice
des tensions qui subsistent au sein de la société russe,
et en particulier dans le monde politique.
D'aucuns pourraient faire valoir que l'on assiste à une empoignade
entre Russes sur des affaires russes qui finiront par trouver des réponses
à la Russe. Il est vrai que les paroles et les actes de l'Occident
risquent peu d'être décisifs, mais il se pourrait qu'ils
exercent une influence s'ils interviennent en temps opportun et sont bien
ciblés. Lorsque Boris Eltsine et les réformateurs nous demandent
notre aide, ils sont en droit de la recevoir, car il est clair que les
réformes en Russie servent autant les intérêts de
l'Occident que ceux du peuple russe.
Il convient de tenir compte des résultats obtenus jusqu'à
présent. Mikhaïl Gorbatchev nous a tous impressionnés.
Il a vu la nécessité de procéder à des réformes
et a agi en conséquence. Sa principale contribution au processus
en cours a été de mettre en place des conditions qui ont
mis un terme à la guerre froide et à l'isolement de la Russie,
tout en préparant le terrain pour l'établissement de nouvelles
relations avec l'Occident. M. Gorbatchev fut à l'origine des premières
fissures dans le mur de Berlin, et l'Allemagne, en particulier, a des
raisons de rendre hommage à l'uvre qu'il a accomplie. Il
n'en reste pas moins que Mikhaïl Gorbatchev est demeuré le
secrétaire général du parti communiste et qu'il n'a
jamais tout à fait abandonné l'espoir que ledit parti puisse
être l'instrument du changement. Il n'a jamais fait de concessions
sur la propriété privée. Ses réformes économiques
en demi-teinte se sont avérées insuffisantes. Gorbatchev
voyait clairement la faiblesse fatale de l'ancien système, mais
n'est pas parvenu à se convaincre qu'il existait une autre voie.
La triade des réformes
Sous l'autorité de Boris Eltsine, les réformes en Russie
adoptent la forme d'une triade encore mal' équilibrée, puisque
ses trois fers de lance sont de taille et de force différentes.
Le premier est la politique étrangère. C'est dans ce domaine
que les réformes sont allées le plus loin. Elles ne consistent
pas uniquement en des mesures de suppression, telles que le démantèlement
du Pacte de Varsovie ou la démolition du mur de Berlin, mais prennent
désormais un caractère de plus en plus constructif. La coopération
en matière de politique étrangère a débuté
avec Edouard Chevardnadze et se poursuit avec l'actuel ministre russe
des Affaires étrangères, Andreï Kozyrev. L'ampleur
et la profondeur de cette coopération sont remarquables.
Lorsque Saddam Hussein a envahi le Koweït, le secrétaire
d'Etat américain James Baker effectuait une tournée en Extrême-Orient.
Il a rapidement consulté Edouard Chevardnadze par téléphone
et modifié son itinéraire pour se rendre à Moscou.
Les Etats-Unis et l'Union soviétique convinrent d'une politique
commune face à l'Iraq. Les Américains, les Soviétiques
et nous-mêmes collaborèrent étroitement dès
le début du conflit, et la base diplomatique solide qui en résulta
permit le succès militaire remporté ultérieurement.
La coopération s'est approfondie tout au long de la crise dans
l'ex-Yougoslavie.
M. Kozyrev et le vice-ministre russe des Affaires étrangères,
Vitaly Churkin, ont joué un rôle essentiel lors de la Conférence
de Londres en août dernier. Ils ont exercé des pressions
sur les Serbes, leurs clients traditionnels, pour qu'ils acceptent les
principes de paix agréés à cette occasion ainsi que
la tenue d'une conférence internationale sous la copré-sidence
des Nations unies et de la Communauté européenne, comme
cadre d'un règlement du conflit.
La manifestation la plus visible du changement intervenu dans la politique
étrangère russe apparaît dans le travail en cours
aux Nations unies, à New York. M. Yuliy Vorontsov, le dynamique
représentant permanent de la Russie au Conseil de sécurité,
joue un rôle constructif, bien que le récent veto opposé
par la Russie à une proposition judicieuse pour le financement
du maintien de la paix par l'ONU à Chypre soit préoccupant.
Lorsqu'un règlement négocié interviendra finalement
en Bosnie, il devra beaucoup à la Russie. La pression constante
qu'elle exerce sur les Serbes contribuera à déboucher sur
un accord.
La mise en uvre de cet accord pourrait fort bien inclure une force
de maintien de la paix dont l'élément central viendrait
de l'OTAN, mais dans laquelle une participation russe n'est pas à
écarter -une perspective étonnante pour tous ceux qui ont
été formés dans l'état d'esprit de la guerre
froide.
Nous devons manifester notre appui à cette nouvelle politique étrangère
en faisant confiance à la Russie et en montrant de la compréhension
pour ses problèmes. De nombreux conflits ont éclaté
ou sont en gestation dans l'ancienne Union soviétique: en Géorgie,
dans le Haut-Karabakh, en Moldova, dans le Tadjikistan. La Russie est
fort préoccupée par la diaspora de 25 millions de Russes
qui se retrouvent soudain sans la protection directe de Moscou. Les "faucons"
font pression en faveur d'une politique plus autoritaire à rencontre
de "l'étranger proche".
Le président Eltsine a fait référence à la
responsabilité particulière qui échoit à la
Russie en matière de stabilité et de sécurité
dans l'espace géopolitique de la Communauté des Etats indépendants
(CEI). Il a suggéré que les Nations unies accordent à
son pays le statut de "garant de la sécurité"
dans cette région. La question n'est cependant pas aussi simple
qu'il n'y paraît. Le Conseil de sécurité ne peut accorder
à une organisation régionale qu'un mandat spécifique
pour maintenir la paix. Le maintien de la paix doit être guidé
par l'impartialité et la responsabilité, et bénéficier
de l'appui de toutes les parties au conflit.
Mais les Russes ont souligné leur volonté de s'appuyer sur
l'expérience internationale en matière de maintien de la
paix et de travailler avec l'ONU et la Conférence sur la sécurité
et la coopération en Europe (CSCE). Nous devrions mettre cette
occasion à profit. Grâce au soutien de la Russie, la CSCE
a d'ores et déjà dépêché des missions
de surveillance dans le Haut-Karabakh et en Moldova. Nous avons encouragé
les hauts commissaires pour les minorités de la CSCE à s'intéresser
aux problèmes des minorités russes dans les Etats baltes.
Nous pouvons coopérer avec la Russie par le biais de séminaires,
de sessions de formation communes et même, finalement, d'opérations
conjointes de maintien de la paix. Le coup d'envoi a déjà
été donné sur tous ces points par le Conseil de coopération
nord-atlantique (CCNA).
La deuxième composante de la triade des réformes russes
symbolise l'avancée politique vers une démocratie pleine
et entière. La troisième est le combat économique,
qui ouvre la voie de l'économie de marché. Ces deux percées
sont étroitement solidaires.
Les réformes politiques et économiques
Le président Eltsine reconnaît la nécessité
de la propriété privée et d'une libre économie
de marché. Il admet également qu'il faut édifier
des institutions démocratiques pour sauvegarder les réformes
que lui-même et Gorbatchev ont mises en uvre.
Jusqu'à présent, Eltsine a tenté de mener de front
les réformes politiques et économiques. Ses réformes
politiques sont les plus remarquables, puisqu'elles accordent à
ses opposants le droit de manifester leur désaccord. Eltsine pourrait
à présent décider de se concentrer sur l'économie
et reléguer au second plan les libertés politiques.
J'espère qu'il résistera à cette tentation, car j'estime
que les réformes politiques et économiques vont de pair.
D'aucuns considèrent que l'on peut avoir une libéralisation
économique sans libéralisation politique, et certains gouvernements
essayent de mettre cette idée en pratique. Mais, en fin de compte,
les libéralisations en matière économique et politique
sont indissociables. A court terme, on peut freiner l'une ou l'autre,
mais le décalage deviendra de plus en plus onéreux en termes
de progrès réels. Si l'on apprend à un individu à
se soucier des coûts, des profits et du libre marché, on
ne pourra l'empêcher indéfiniment de penser aux élections,
aux changements de gouvernement et à la liberté de la presse.
La manière avec laquelle le président Eltsine a abordé
sa confrontation avec le Congrès des députés du peuple,
qui a conduit au référendum d'avril, et les actes qu'il
a posés depuis lors suggèrent qu'il prend ces principes
très à cur.
Il est possible, pendant un certain temps, de parvenir à la croissance
économique par le biais d'une économie dirigée, au
sein de laquelle quelques favorisés et leurs proches sont autorisés
à prospérer. Un marché noir florissant peut donner
une impression superficielle de prospérité. Il s'agit peut-être
là d'une première réaction inévitable après
la disparition des contraintes liées à une économie
socialiste ou de guerre. Mais cela ne peut durer, et il ne faut pas permettre
que la situation se prolonge, pour deux raisons.
En premier lieu, cette situation ne bénéficie en rien à
la grande masse des entrepreneurs indépendants et des petits commerçants
dont dépendent la véritable richesse et la vigueur d'une
société. Les relations permettant d'entrer dans le cercle
des élus leur font défaut.
En deuxième lieu, ceux qui pratiquent le marché noir et
les quelques favorisés ne savent pas quand le vent va tourner.
Seule une part infime de leurs
richesses revient donc dans le circuit au bénéfice de leur
propre peuple. Certains banquiers occidentaux se frottent les mains, mais
il n'en va pas de même pour tous ceux qui espèrent une nouvelle
donne économique dans le pays concerné.
Si vous demandez à quelqu'un de mettre tout ce qu'il possède
sur la table - son argent, ses espoirs, l'avenir de ses enfants - afin
de favoriser ses rêves de réussite professionnelle et donc
l'avenir de son pays, il est probable qu'il vous demandera en retour de
lui fournir les règles du jeu auquel vous lui proposez de participer.
Il voudra être sûr que ces règles sont cohérentes,
durables et logiques, qu'elles s'accordent avec son propre sens de la
justice. Elles doivent lui permettre de faire des projets pour l'avenir,
et s'appliquer de la même manière à chacun.
Même s'il ne l'exprime peut-être pas tout à fait en
ces termes, il voudra disposer d'un mécanisme permettant d'ajuster
les règles du jeu, en cas de besoin. Le moins mauvais moyen imaginé
à ce jour pour aligner les lois sur les désirs de tout un
chacun, et veiller à ce qu'elles soient appliquées équitablement,
réside dans une forme ou une autre de démocratie représentative.
La liberté économique et la liberté politique constituent
deux aspects de la même aspiration de chaque individu à mener
sa vie comme il l'entend, à saisir les chances qui s'offrent en
fonction de son propre jugement et à décider comment veiller
à l'avenir de ses enfants, le tout dans le cadre du respect des
droits de l'homme: la primauté du droit, le droit de propriété
et le droit de décider comment l'on souhaite être dirigé.
Le développement économique a donc besoin de réformes
politiques. Mais, inversement, on ne peut espérer que des institutions
politiques libres se développent lorsque règne le chaos
économique. Les deux doivent progresser de concert.
En Russie, les progrès réalisés ont été
inégaux. Eltsine est un dirigeant démocratiquement élu
confronté à un parlement et à une cour constitutionnelle
embourbés à mi-chemin entre les principes du communisme
et ceux de la liberté.
L'économie du pays possède de nombreux atouts et offre de
multiples possibilités. La main-d'uvre russe est qualifiée,
et le taux d'alphabétisation est l'un des plus élevés
au monde. La Russie dispose en outre de richesses naturelles inégalées
et est l'un des deux plus grands producteurs de pétrole de la planète.
Elle est toutefois encore fort loin d'avoir une politique économique
globale, dans le domaine monétaire ou fiscal, permettant de tirer
le meilleur parti de ces ressources.
Comment pouvons-nous aider les Russes à mettre sur pied la politique
économique dont ils ont besoin?
Les aides peuvent revêtir différentes formes: humanitaire,
technique, macroéconomique, mais elles doivent toutes être
coordonnées.
L'ère de certains types d'aide est d'ores et déjà
révolue. Au cours de l'hiver 91-92, la Communauté européenne
envoya à Moscou et à Saint-Pétersbourg de considérables
quantités de viande de buf, de blé, de sucre et de
lait. Cet hiver, la Russie n'a pas eu besoin de dons alimentaires.
Elle attend cependant désespérément une autre forme
d'aide: les connaissances qui permettraient aux nouveaux entrepreneurs
russes de faire fonctionner une économie de marché. A ce
jour, le programme d'assistance technique TACIS de la Communauté
européenne a alloué plus d'un milliard de livres sterling
à F ex-Union soviétique.
La contribution de la Communauté est donc considérable,
mais l'apport bilatéral a également un rôle important
à jouer. La Grande-Bretagne dispose du fonds "Know How"
qui tente d'encourager la croissance depuis la base. Nous concentrons
notre attention sur la question de savoir qui sont les réformateurs,
où ils sont et ce que nous pouvons faire pour les aider.
L'aide britannique est canalisée vers les individus, les sociétés,
les organisations régionales, et pas simplement vers les administrations.
Les projets de production et de distribution alimentaires constituent
l'une de nos priorités. A ce jour, notre réalisation la
plus ambitieuse en la matière a été notre contribution
pour rendre efficace le système de distribution de pain à
Moscou. Nous sommes particulièrement satisfaits de la formation
que nous avons apportée aux gérants des boulangeries, dont
certains mènent désormais pour la première fois leur
propre affaire.
Dès décembre 1992, quelque cent projets de ce type étaient
soit en cours, soit achevés. La plupart des succès rencontrés
l'ont été pour un coût relativement modique. Parmi
la centaine de projets concernés, une cinquantaine aura coûté
moins de cent mille livres par projet, et le résultat de ces modestes
investissements se fera peut-être sentir pendant de longues années
encore.
Cette aide technique doit être accrue et développée.
Il existe de nombreuses idées pratiques pour contribuer à
la privatisation. Des banquiers d'affaires, des experts en gestion et
en relations publiques ainsi que des conseillers juridiques britanniques
participent au développement de ce processus. Nous parrainons également
un fonds d'investissement, de même qu'une école de formation
agricole et un centre de documentation qui seront édifiés
à côté d'un site de stockage de céréales
à Moscou. Notre objectif consiste à fournir une formation
pour tout ce qui a trait à la culture des terres.
L'aide technique s'avère efficace mais ne doit pas se concentrer
exclusivement sur la microéconomie. Il faut également fournir
une aide macroéconomique, à condition que les politiques
russes idoines soient en place. Un certain allégement de la dette
est essentiel.
L'inflation atteint actuellement une trentaine de pour cent par mois;
le rouble est en chute libre. Pour éviter le naufrage et la disparition
prochaine de cette devise, il faut la stabiliser très rapidement,
mais pour y parvenir, la Russie doit pouvoir dominer sa politique monétaire.
Si ce pays s'en tient aux conditions draconiennes édictées
par le Fonds monétaire international (FMI), une stabilisation du
rouble pourrait intervenir.
Nous devons forger de nouvelles relations commerciales. L'ouverture des
marchés constitue le meilleur moyen d'aider les Russes. La guerre
froide a faussé notre économie; elle a détruit la
leur.
L'ancien bloc économique communiste s'est effondré. Il était
vicié à la base, et seules les subventions le maintenaient
à flot. Mais il constituait également le principal débouché
pour la plupart des firmes russes, et celles-ci cherchent désormais
désespérément de nouveaux marchés. L'accord
de partenariat et de coopération en cours de négociation
offre à la Communauté européenne une occasion d'ouvrir
ses marchés. Il nous faut être généreux et
envisager de créer, à terme, une zone de libre-échange.
Les risques des réformes
Si les Russes échouent, je pense qu'ils exporteront leurs problèmes.
Au lieu de nous expédier leur production, ils viendront en personne.
Ils quitteront en masse leur pays dans l'espoir de trouver un avenir meilleur
en Europe occidentale. L'Allemagne est d'ores et déjà aux
prises avec une vague de nouveaux immigrants venus de l'est. Si nous n'y
prenons garde, ce mouvement pourrait se muer en lame de fond et déferler
sur toute l'Europe.
En dépit des difficultés, la transformation est en cours.
Un ambitieux programme de privatisation se poursuit contre vents et marées,
et nous sommes aux côtés des réformateurs russes,
sur la ligne de front. De petites et moyennes entreprises se créent
en marge du secteur public, un mouvement qui, pourtant, n'est pas assez
rapide. Les désillusions qui assaillent les personnes d'âge
moyen, en particulier, renforcent les anciens communistes et les nouveaux
nationalistes dans leur volonté d'agir. Nous redoublons donc nos
efforts et proposons notre aide à davantage de régions.
L'âge des mécontents est significatif. Les manifestants
que nous montre la télévision, frappant sur des casseroles
vides, ont les cheveux gris; il n'y a guère de jeunes parmi eux.
Je pense que ceux-ci s'adaptent plus facilement. Leur imagination et leur
sens de l'initiative ne sont pas ankylosés, et ils affrontent plus
facilement le changement.
Confronté à cette alliance paradoxale, rassemblant des gens
en colère qui ne proposent toutefois aucune solution, le président
Eltsine est placé devant certains choix difficiles. Mais sa position
est grandement renforcée par son souci d'éviter les expédients.
Il a d'ailleurs tout mis en uvre pour laisser au peuple le soin
de faire un choix démocratique.
Pendant sept décennies, les communistes ont commis l'erreur de
penser que la fin justifie les moyens. Leur vision théorique de
la société a séduit nombre d'individus bons et intelligents.
S'il avait été possible au peuple de vivre pacifiquement
dans une telle société, le reste du monde n'aurait rien
trouvé à y redire. Mais de nombreuses personnes ont échoué
dans la réalisation d'un rêve impossible, car les communistes
ne se sont pas appuyés uniquement sur leur énergie: ils
ont eu recours à une brutalité abjecte. Les moyens qu'ils
adoptèrent pour parvenir à leur objectif étaient
ignobles.
C'est pourquoi le processus de réforme associé au nom d'Eltsine
mérite tout notre appui; nous continuons donc à soutenir
son courageux programme économique et démocratique. Certes,
il y aura des problèmes et des incidents de parcours. Si la Russie
ne trouve pas de solution à ses difficultés actuelles, elle
pourrait connaître une rechute, mais je pense qu'elle n'en reviendra
jamais à l'ancien système, car nombre des changements sont
d'ores et déjà irréversibles. Une période
de troubles et d'incertitudes n'en serait pas moins, dans une telle hypothèse,
inévitable.
Des temps difficiles nous attendent. Nous vivons dans la même partie
du monde que la Russie, et c'est pourquoi nous ne pouvons l'abandonner
à son sort. Nous l'aiderons, non par sentimentalisme, non par héroïsme,
mais parce que nous comprenons qu'il y va de notre propre intérêt.
Notre approche ne doit néanmoins pas être paternaliste. En
offrant notre aide, nous ne devons pas présumer de notre aptitude
à décider à la place des Russes du destin de leur
immense pays.
Nous avons l'intention d'aller au-delà des discours. Nous élaborerons
avec les Russes les moyens par lesquels nous pourrons les aider à
poursuivre dans la bonne voie et à donner à la triade des
réformes - politique étrangère, renouveau politique
et développement économique - la forme et la puissance qui
conviennent.
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