Mise à jour: 08-Sep-2002 | Revue de l'OTAN |
Edition Web
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La Pologne dans la perspective européenne
Hanna Suchoka
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Le gouvernement polonais est convaincu que l'Europe et l'Amérique
du Nord doivent être considérées comme une seule et
même zone de sécurité. En conséquence, nous
pensons que la présence des Etats-Unis en Europe et les engagements
de ce pays envers notre continent font partie des prémisses essentielles
de la sécurité et de la stabilité européennes.
La sécurité européenne devrait reposer sur les structures
existantes qui ont été élaborées et adaptées
avec pragmatisme en fonction de l'évolutiondu contexte. A chacune
de ces structures correspondent des possibilités et un champ d'action
qui leur sont propres. Nous voulons les rendre plus complémentaires,
davantage orientées vers la coopération, et nous constatons
qu'il ne s'agit pas là d'un point de vue exclusivement polonais.
La politique de sécurité de la Pologne est indissociable
des questions de sécurité européennes et transatlantiques,
ainsi que de la tournure que prennent les événements dans
notre région. L'Europe a changé de manière saisissante
au cours des quatre dernières années, et il n'est pas de
meilleur point de référence que la Pologne pour constater
à quel point les changements sont profonds. La Pologne constitue
probablement le seul pays au monde entouré de voisins qui ont tous
connu des bouleversements profonds. Entretenir des relations de bon voisinage
avec tous ces pays est l'une des principales priorités de la politique
étrangère polonaise.
En outre, les troupes russes quittent la Pologne, comme convenu, et ce
processus s'est accéléré récemment. Cette
opération pourrait donc être effectuée plus rapidement
que prévu et s'achever pour la fin 1993.
L'intégration dans la Communauté européenne
Pour le gouvernement polonais le seul critère qui détermine
sa politique est de servir au mieux les intérêts de la Pologne.
Nous entrons actuellement dans une autre phase de nos réformes:
assurer la croissance économique au cours de la présente
décennie, renforcer notre démocratie et parvenir à
une intégration plus étroite au sein de l'Europe, en obtenant
notamment l'accession à part entière de la Pologne à
la Communauté européenne. Nous vou-
lons que la Pologne soit un pays démocratique, stable, sûr
et prospère, respectant pleinement les valeurs qui sont l'essence
même du Traité de Rome. C'est dans cette perspective que
notre accession à la CE doit être perçue.
L'intégration de l'Europe centrale et orientale dans la Communauté
européenne signifie bien plus qu'un simple élargissement
de la CE à quelques nouveaux membres.
L'effondrement du communisme et la suppression du Rideau de fer comptent
parmi les événements les plus importants de ce siècle,
aux conséquences incalculables. Nous vivons désormais dans
une Europe nouvelle. A mon avis, la tâche qui nous attend est bien
plus difficile qu'il n'y paraît, malgré les incomparables
possibilités ainsi offertes. Notre tâche consiste à
créer une nouvelle Europe unifiée, digne des idéaux
exaltants de Schuman, de Monnet et d'Adenauer. Nous pouvons placer nos
espoirs dans la perspective d'une expansion économique s'étendant
à l'Europe entière et dans l'avènement d'un marché
européen commun permettant la libre circulation des personnes,
des biens et des services. Les accords signés avec la CE et l'AELE
ne sont pas seulement importants pour l'Europe centrale et orientale,
mais revêtent également une signification majeure pour l'Europe
dans son ensemble. Ils ne représentent toutefois que le début
d'un processus qui permettra la suppression des divisions tangibles qui
existent sur notre continent.
Nous savions dès le départ que l'intégration à
la CE constituerait un processus relativement long. La CE, l'AELE et les
nouvelles démocraties européennes ont exactement le même
objectif à long terme: un continent démocratique, stable
et économiquement fort. Les problèmes surgissent lorsque
l'on aborde les moyens de parvenir à cet objectif, car nos buts
respectifs semblent parfois en contradiction.
D'abord, tous les anciens pays communistes ont été obligés
dans un premier temps de démanteler les mécanismes centralisés
de contrôle économique. La création de nouvelles institutions
reposant sur des bases économiques saines exigera plusieurs années
encore. Parallèlement, nos producteurs sont confrontés à
une bureaucratie extrêmement développée, sinon tentaculaire,
de la CE et à différents types de mécanismes de protection
des marchés fort éloignés du libre-échange,
sans parler des accusations de dumping réel ou suspecté.
Ensuite, la CE souffre d'une détérioration des conditions
économiques. Fort malheureuse en soi, cette situation pourrait
également avoir un sérieux impact sur l'accès de
nos produits aux marchés de la Communauté. Dans tous les
pays ex-communistes, les économies ont connu une contraction sévère
car nous avons été obligés d'arrêter la production
de biens qui étaient en contradiction avec toutes les règles
de l'économie et du bon sens. Aussi, à l'heure actuelle,
notre balance commerciale avec la CE est-elle déficitaire. Il y
a donc manifestement des conflits d'intérêts.
Enfin, la CE possède une politique agricole commune au coût
tellement astronomique qu'aucun pays d'Europe centrale ne parviendra jamais
à introduire ce mécanisme chez lui, car nos ressources financières
sont modestes et nos éleveurs et agriculteurs, nombreux. Or, la
restructuration de notre agriculture exige un large accès aux marchés
de la CE... et nous voici à nouveau en présence d'intérêts
fortement contradictoires.
On pourrait ajouter que la CE est très sensible à la préservation
de ses acquis sociaux, ce qui fait obstacle à l'afflux des personnes
venant des anciens pays communistes et s'avère très coûteux.
Je perçois en outre un dilemne pour la Communauté entre
son souci d'efficacité et ses perspectives d'élargissement.
Les problèmes, les questions et les réserves qui semblent
se multiplier ne doivent toutefois pas nous priver de l'opportunité
qui s'offre à nous d'entreprendre une réflexion stratégique.
Notre avenir réside dans une Europe commune, qui - grâce
à ses politiques et structures intégrées - sera mieux
à même de répondre aux dilemnes d'un monde en mutation
et de profiter pleinement de toutes les opportunités qu'offrent
ces changements.
La Pologne ne recherche pas une adhésion immédiate à
la CE et n'espère pas davantage un régime de faveur. Nous
voulons cependant être traités comme un partenaire à
part entière et un futur Etat membre. Tout ce qui sera fait dès
maintenant ne devra plus l'être après notre adhésion.
Nous considérons que la sécurité et la stabilité
européennes devraient également être renforcées
par des initiatives régionales. La coopération entre la
Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Hongrie
demeure, à nos yeux, l'initiative régionale la plus importante.
Les progrès qu'ont accomplis la Pologne et d'autres pays d'Europe
centrale et orientale dans le développement d'une économie
de marché et l'établissement d'un ordre démocratique
offrent une base à partir de laquelle éliminer les vestiges
de l'ancien système préjudiciables aux relations économiques
internationales.
Les barrières qui existaient entre les pays de la région
sont progressivement abaissées, comme le démontre l'établissement
de la première zone de libre-échange dans cette partie de
l'Europe -l'AECLA - par les signataires de l'accord de Visegrad. Nous
sommes tous conscients qu'en dépit des difficultés, la coopération
entre nos pays ne doit pas seulement s'accentuer dans les domaines politique
et économique, mais également en matière de sécurité.
Les relations avec l'OTAN
Au début de l'édification de sa démocratie et de son économie de marché, la Pologne a déclaré qu'elle s'identifiait aux objectifs politiques de l'OTAN. Notre pays juge intéressant que l'OTAN s'implique dans la sécurité et la stabilité de l'Europe centrale et traite notre région comme une zone de sécurité commune.
Nous apprécions grandement l'évolution de la position de
l'Alliance à l'égard des besoins et des problèmes
des nouvelles démocraties. Cet élément est extrêmement
important pour nous. De notre point de vue, la création du Conseil
de coopération nord-atlantique (CCNA) revêt une valeur particulière.
Mais le gouvernement polonais souhaite également que le CCNA devienne
un forum au sein duquel les pays d'Europe centrale et orientale puissent
prendre part au débat sur l'avenir de l'OTAN et de la sécurité
de notre continent.
Parallèlement au développement de nos relations avec l'OTAN,
nous attachons une grande importance à la coopération avec
le CCNA. Nous apprécions les possibilités de dialogue concret
et de coopération pratique offertes par cette enceinte, qui pourrait
également s'avérer précieuse pour les nouveaux pays
situés sur le territoire de l'ex-Union soviétique.
Nous aimerions que cette discussion aboutisse à une sécurité
accrue pour la Pologne. Même si la situation du pays est actuellement
sûre dans les relations intérieures et extérieures,
mon gouvernement vise une sécurité plus grande pour la Pologne
comme pour les autres pays d'Europe. Nous espérons dès lors
qu'avec le temps, l'OTAN prendra envers la République tchèque,
la Slovaquie, la Hongrie et la Pologne des engagements supplémentaires
et de plus en plus significatifs qui aboutiront finalement à l'intégration
de ces différents pays dans le système de sécurité
atlantique.
J'aimerais également souligner l'importance des liens bilatéraux
qui unissent la Pologne à l'Alliance atlantique. Au fil des contacts
et des années, nous sommes parvenus à un bon niveau de partenariat
et de coopération, ainsi qu'à un large dialogue dans différents
domaines politiques, scientifiques et économiques.
De bonnes relations de travail se sont également développées
entre le Parlement polonais et l'Assemblée de l'Atlantique Nord.
Ces différents liens s'avèrent extrêmement bénéfiques
lorsque l'on considère les préoccupations de la Pologne
en matière de sécurité et notre volonté de
mettre tout en uvre pour qu'un nouvel ordre de paix durable s'installe
en Europe.
Nous percevons nos relations avec l'OTAN comme un processus dynamique.
Je suis convaincue qu'il n'y a aucune raison de croire que l'état
actuel de nos contacts est définitivement figé. Nous souhaitons
également introduire de nouveaux éléments et découvrir
de nouvelles possibilités en vue de développer ce processus
sans perdre de vue notre objectif stratégique: être membre
à part entière de l'Alliance de l'Atlantique Nord.
Aujourd'hui, la stabilité de l'isolationnisme a disparu, mais non
l'isolationnisme lui-même. La vision hardie de Schuman et de Monnet
ne s'enrichit d'aucune offre tout aussi exaltante pour les nouvelles démocraties
d'Europe centrale et orientale. La réponse mitigée de la
CE à nos aspirations et à nos besoins le prouve.
L'absence de vision axée sur un nouvel ordre européen constitue
une barrière au développement de l'Europe autant qu'une
source de danger puisque, pour la première fois dans l'histoire
de notre continent, tant de pays souscrivent aux idéaux de liberté
et de démocratie. Ces changements et ces dangers sont communs à
tous les Européens; aussi ne pourrons-nous profiter au mieux des
opportunités qui s'offrent à nous qu'en agissant et en planifiant
de concert. Divisés, nous ne résoudrons jamais les problèmes.
Il est dangereusement naïf de croire que l'Europe occidentale peut
s'isoler par un cordon sanitaire des problèmes qui ont surgi depuis
la chute du communisme.
Plus tôt disparaîtra ce nouvel isolationnisme post-guerre
froide, mieux cela sera pour chacun d'entre nous, pour l'Europe et pour
le monde. L'ampleur des défis auxquels nous sommes confrontés
exige une action commune. Les événements contraignent les
pays de l'Europe occidentale, centrale et orientale à rechercher
une action intégrée avant de passer à l'intégration
formelle des structures politiques et économiques.
Les politiciens redoutent souvent les époques nouvelles, car elles
exigent courage et clairvoyance. Si nous ne voulons pas que disparaisse
l'euphorie née de la chute du communisme, il nous faut aller de
l'avant. Les peuples souhaitent en majorité une Europe aux barrières
moins nombreuses - nous ne pouvons nous permettre de perdre courage face
à nos craintes ou à l'indifférence.
Il faut comprendre que toutes les nations démocratiques ont intérêt
à voir triompher la liberté, la stabilité et la prospérité
dans des pays qui, pendant de si nombreuses années, ont vécu
l'expérience du communisme.