Revue de l'OTAN
Mise à jour: 08-Oct-2002 Revue de l'OTAN

Edition Web
Special Edition
Automne 1992
p. 9-15

L'UEO et l'avenir de la sécurité européenne

Willem Van Eekelen
Secrétaire général de l'Union de l'Europe occidentale (UEO)

Etant donné l'importance primordiale que les pays membres de l'UEO accordent à l'instauration d'un dialogue global sur la sécurité avec les nouvelles démocraties de la moitié orientale de l'Europe, je me réjouis qu'àl'ini-tiative de Manfred Wörner, ce numéro spécial de la Revue de l'OTAN soit consacré au rôle des organisations internationales dans l'édification d'un nouvel ordre européen de sécurité.

Dans un contexte stratégique transformé, nous assistons avec une appréhension légitime à l'effondrement simultané de l'ordre né du Traité de Versailles et de celui de Yalta. Versailles contenait en germe la Seconde Guerre mondiale; Yalta nous a valu une quarantaine d'années d'une paix incertaine, fondée sur la dissuasion nucléaire et la division artificielle de notre continent. A présent, la page de la guerre froide est tournée et nous devons affronter le double défi de satisfaire les aspirations à la paix et à l'indépendance et prévenir le retour de guerres rappelant celles "d'avant 14".

L'heure est plus que jamais au dialogue, et je suis persuadé que nous trouverons tous matière à réflexion dans ce numéro spécial. Mon propos sera de décrire la contribution de l'UEO à ce dialogue en abordant successivement trois points. D'abord un rappel succinct

des structures et mécanismes de l'UEO. Le second point portera sur son rôle nouveau en tant que bras armé de la future union européenne et de pilier européen de l'Alliance atlantique, alors que se précise sa dimension opérationnelle. J'en viendrai enfin au dialogue spécifique avec les pays de l'Europe centrale, instauré en avril 1990 par le Conseil ministériel de l'UEO, dans le cadre de sa contribution et de celle de l'OTAN au dialogue et à la coopération, tant au plan régional qu'à l'échelle paneuropéenne, sous l'égide de la CSCE.

Structures intergouvernementales et parlementaires

A l'époque où fut signé le Traité de Bruxelles, en 1948 (1), le début de la guerre froide mobilisait l'attention sur la dimension de sécurité des liens transatlantiques et sur la défense de l'Europe occidentale. L'effort commun permit de bâtir le cadre diplomatique et économique de la reconstruction réussie de l'Europe et de contenir la menace soviétique, grâce à des engagements visant à assurer la sécurité collective - le Traité de Bruxelles et celui de Washington (2).

Dans le climat de la détente, le succès mitigé du plan Genscher-Colombo de novembre 1981 montra que certains Etats membres n'étaient pas prêts à envisager une coopération au sein de la Communauté européenne dans le domaine de la sécurité. Aussi, l'Union de l'Europe occidentale, dont les membres étaient alors la Belgique, la France, l'Allemagne, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, fut-elle considérée comme le seul forum où pourrait se cristalliser une approche commune des problèmes de sécurité. De plus, la question des euromissiles, dans les années 80, relança le débat sur le partage des charges et sur la nature d'un pilier européen au sein de l'Alliance. Enjuin 1984 eut lieu à Rome la première réunion conjointe des ministres des Affaires étrangères et de la Défense des pays de l'UEO. Ils adoptèrent la Déclaration de Rome qui relançait le double objectif de la réactivation de l'UEO: définir une identité européenne de sécurité et harmoniser progressivement les politiques de défense des Etats membres. A la suite d'une initiative de la France et sur la base d'un rapport élaboré par les groupes de travail du Conseil, les ministres de l'UEO adoptèrent, le 27 octobre 1987, la Plate-forme de La Haye, qui représente une avancée notable dans la définition d'une identité de défense européenne. C'est également à cette réunion qu'il fut décidé d'engager des négociations avec l'Espagne et le Portugal en vue de leur accession au Traité de Bruxelles modifié. Ces deux pays devinrent officiellement membres à part entière le 27 mars 1990. Entre-temps, la menace pesant sur la liberté de navigation dans le golfe Persique permit d'instaurer une coopération opérationnelle sous l'égide de l'UEO, avec une série d'opérations de dragage de mines en 1987 et 1988.

L'organisation actuelle de l'UEO s'articule autour de deux composantes, l'une intergouvernementale et l'autre parlementaire.

La structure intergouvernementale est axée sur le Conseil permanent, assisté du Secrétariat, dont le siège est à Londres depuis 1954 mais qui sera prochainement transféré à Bruxelles. Le Conseil se réunit à trois niveaux: le Conseil permanent, tient une réunion toutes les trois semaines environ. Il assure la gestion au jour le jour de l'UEO dans son ensemble et anime les activités de ses groupes de travail; le Conseil élargi, se réunit deux fois par an pour préparer les sessions ministérielles - y participent également les directeurs politiques et des représentants des chefs d'état-major de la défense; enfin, le Conseil se réunit au niveau ministériel au moins deux fois par an, sous laprésidence conjointe des ministres des Affaires étrangères et de la défense du pays qui assure la présidence tournante de l'UEO pour un an. Il incombe à la présidence de tenir les membres européens de l'OTAN n'appartenant pas à l'UEO informés, par des voies bilatérales et multilatérales, des décisions et activités de l'Organisation. Les principaux groupes de travail du Conseil sont le Groupe de travail spécial, qui traite des aspects politiques des questions de sécurité, et le Groupe des représentants de la défense. Des sous-groupes sont constitués sur une base ad hoc; actuellement, il en existe trois traitant respectivement de la coopération aérospatiale, de la vérification des accords de maîtrise des armements et de la sécurité en Méditerranée.

Autre élément de la structure intergouvernementale, l'Institut d'études de sécurité de l'UEO, créé en juillet 1990 dans le but de favoriser le développement d'une culture stratégique européenne. Ses deux missions interdépendantes sont d'effectuer des études et des recherches en toute indépendance intellectuelle, pour les gouvernements des pays membres de l'UEO, et de susciter un large débat sur les questions liées à la sécurité européenne, surtout en développant le dialogue avec des institutions analogues des pays de l'Europe centrale. Le fonctionnement de cet institut repose essentiellement sur une combinaison de groupes d'étude, de séminaires et de conférences. Il peut associer à ses travaux des chargés de recherche pour une période déterminée.

S'agissant de la composante parlementaire, l'Assemblée parlementaire de l'UEO, qui compte 108 membres, a son siège à Paris, où elle tient annuellement deux sessions ordinaires ainsi que des sessions ad hoc et des colloques. Ses commissions travaillent notamment dans les domaines de la défense, des affaires politiques, de la technologie et de l'aérospatiale, ainsi que sur les relations entre les parlements et le public. Ses principaux organes directeurs sont le Comité des présidents et la Commission permanente. La Déclaration de Rome appelait à amplifier le rôle de l'Assemblée, surtout en vue de contribuer, dans les pays membres, à informer l'opinion publique des déclarations sur la sécurité européenne émanant du Conseil, "qui exprime la volonté politique des différents gouvernements." L'Union de l'Europe occidentale est actuellement le seul organisme européen doté d'une assemblée parlementaire mandatée par traité pour examiner les questions de défense.
Les bouleversements politiques spectaculaires auxquels nous avons assisté en Europe et à sa périphérie depuis 1989 ont conduit à adapter les structures de sécurité existant en Europe au nouveau contexte; après sa ratification, le Traité d'Union européenne (3) accélérera de façon sensible le processus d'intégration européenne. L'Union de l'Europe occidentale a ainsi vu redéfinir son rôle et sa place dans l'ordre européen de sécurité naissant, et développe à présent son rôle et sa structure sur le plan opérationnel en tant que noyau dur de la sécurité européenne.

Les deux déclarations adoptées par les pays membres de l'UEO à Maastricht en décembre dernier définissent le rôle de l'Organisation, à la fois comme composante de défense de la future Union européenne et comme instrument de renforcement du pilier européen de l'Alliance atlantique. Elles tracent la voie d'un développement de l'UEO axé sur un processus en trois temps. La première étape fait de l'Union de l'Europe occidentale une partie intégrante du développement de l'Union européenne ainsi que le lien entre l'identité européenne de sécurité et de défense et l'Alliance atlantique. Un deuxième stade concernera F instauration ultérieure d'une politique européenne de défense commune susceptible, dans un troisième temps, de conduire à une défense commune. La mise en application des mesures visant à renforcer le rôle opérationnel de l'UEO et à donner forme à ses relations avec l'Union européenne et F Alliance atlantique a commencé dès la clôture du Sommet de Maastricht.

Le pilier européen

II est primordial que les pays membres de l'UEO agissent de façon mieux concertée au sein de F Alliance atlantique, afin de pouvoir y faire entendre leur voix avec davantage de cohésion. Les efforts consentis par les Etats membres de l'UEO pour donner corps à une identité européenne de sécurité comme prémisse de l'édification d'une défense européenne, contribueront à fortifier le pilier européen de l'Alliance atlantique. Le nouveau Concept de sécurité, que celle-ci a adopté à Rome en novembre 1991, reconnaît le rôle futur des structures européennes de défense, donnant ainsi aux Etats membres de l'Alliance et de l'Union de l'Europe occidentale un cadre commun pour leurs programmes tant nationaux, que multilatéraux.

L'action lancée conjointement par l'UEO et l'OTAN dans l'Adriatique pour faire respecter l'embargo décrété par les Nations unies à ['encontre de la Serbie et du Monténégro démontre combien les relations avec l'Alliance atlantique ont déjà évolué dans un esprit de transparence et de complémentarité. Toutefois, l'UEO vient tout juste d'amorcer le développement de structures qui seront à la fois complémentaires et compatibles avec celles de l'Alliance et les mécanismes qui régiront, à terme, planification et prises de décisions européennes. Les dispositions pratiques nécessaires, concernant leurs relations courantes, doivent à présent être définies entre les organes compétents de l'Alliance et de l'UEO quand ces structures opérationnelles se mettront en place dans les prochains mois.

La clé de voûte du Traité de Maastricht dans le domaine de la politique de sécurité est la reconnaissance du fait que l'UEO fera partie intégrante du processus de développement de l'Union européenne dont elle formulera et appliqueralapolitique de défense.

Le Conseil permanent de l'UEO, une fois transféré à Bruxelles, pourra développer ses relations avec l'Union européenne et l'Alliance atlantique afin que les résultats des débats au sein de l'UEO soient pris en compte avec souplesse et efficacité dans le processus de consultation européen et atlantique. Quant au choix des représentants permanents, chacun des Etats membres exerce en la matière un droit souverain de désignation en fonction de ses priorités. L'exigence d'homogénéité, largement reconnue, pourrait ne pas se traduire immédiatement dans les faits.

La tâche de F UEO sera de mettre en place graduellement les mécanismes institutionnels que requiert l'édification de la composante de défense de l'Union européenne. Que les nouvelles structures européennes de défense se développent sous l'égide de l'UEO ou sous une autre dénomination dans le cadre de l'Union européenne, elles constitueront toujours le pilier européen de 1'Alliance. Ainsi l'UEO s'affirmera en partenaire et en acteur de la défense européenne.

Depuis sa réactivation à Rome en 1984, l'UEO a progressivement adopté une dimension opérationnelle. Lors des deux crises survenues dans le Golfe, elle a prouvé son utilité comme forum européen de concertation politique et de coopération concrète entre ses membres, dans des situations que ceux-ci considèrent comme affectant leurs intérêts en matière de sécurité. Les activités de l'UEO ne sont pas, en principe, limitées géographiquement. En effet l'Article VIII du Traité de Bruxelles modifié permet au Conseil de l'UEO de se concerter sur toute situation pouvant constituer une menace contre la paix, "en quelque endroit qu'elle se produise". Aussi, les compétences de l'UEO dans des domaines liés à des risques de sécurité hors zone, telles qu'elles sont inscrites dans le Traité, sont-elles précieuses, puisqu'elles offrent le cadre aussi bien d'une action européenne concertée que d'une coopération circonstancielle entre les Européens et leurs alliés nord-américains.

L'importance cruciale du renseignement, dans la guerre du Golfe, a mis en évidence la valeur que revêt, pour les pays européens, un système indépendant d'observation par satellite qui, outre le suivi des crises, pourrait contribuer à la vérification des accords de maîtrise des armements comme à la surveillance de l'environnement. Le sous-groupe ad hoc de l'UEO sur l'espace étudie les possibilités de coopération à moyen et long terme concernant un système européen d'observation par satellite. Le second axe de la coopération spatiale au sein de l'UEO a été l'établissement d'un Centre satellitaire expérimental en Espagne, qui se consacrera initialement à la formation d'experts dans le domaine de l'interprétation des données transmises depuis l'espace. Ultérieurement, il pourrait assurer l'interprétation de données opérationnelles à partir d'images recueillies par les satellites d'observation Hélios.

En raison de l'importance croissante des accords de maîtrise des armements et de leur vérification, l'UEO a développé des procédures de coopération dans ce domaine; ainsi, a-t-elle présenté aux différentes instances compétentes de l'OTAN, une série de règles applicables à la coopération entre équipes d'inspection multinationales soumises au régime de la vérification instauré par le Traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE). Ces règles ont été adoptées au sein de l'Alliance avec quelques amendements mineurs. Par ailleurs, la recherche de moyens permettant l'application du Traité Ciel ouvert avec un bon rapport coût-efficacité est inscrit à l'ordre du jour de l'UEO.
La coopération dans les domaines de l'espace et de la maîtrise des armements fait désormais partie des acquis de l'UEO. Dans les prochains mois, priorité sera donnée à l'examen et à la définition de missions, de structures et de moyens appropriés, notamment dans le domaine militaire, suivant les quatre axes tracés par l'UEO dans sa Déclaration de Maastricht :

- en premier lieu, les unités militaires relevant de l'UEO. Les Etats membres sont prêts à mettre à sa disposition des unités militaires "provenant de tout l'éventail de leurs forces conventionnelles en vue de missions militaires qui seraient menées sous l'autorité de l'UEO". Dans la déclaration adoptée à la réunion qu' ils ont tenue le 19 juin au Petersberg, près de Bonn, les ministres des pays membres soulignaient que : "Toute décision de recourir aux unités militaires relevant de l'UEO sera prise par le Conseil de l'UEO conformément aux dispositions de la Charte des Nations unies. La décision de participer à des opérations spécifiques restera du ressort national et sera prise par les Etats membres conformément à leurs constitutions respectives." Outre une contribution à la défense commune dans le cadre de l'Article 5 du Traité de Washington (OTAN) et de l'Article V du Traité de Bruxelles modifié (UEO), trois catégories de missions ont été recensées :

  • des missions humanitaires ou d'évacuation de ressortissants;
  • des missions de maintien de la paix;
  • des missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris des opérations de rétablissement de la paix.
Comme la Déclaration de Petersberg le précise, " la planification et l'exécution de ces missions seront pleinement compatibles avec les dispositions militaires nécessaires pour assurer la défense collective de tous les alliés". Dans la pratique, les unités militaires relevant de l'UEO proviendront des forces des Etats membres et seront organisées sur une base multinationale et interarmées. Tous les Etats membres de l'UEO devraient désigner sous peu les unités militaires et les états-majors qu'ils seraient prêts à mettre à la disposition de l'UEO selon diverses configurations ad hoc. Lorsque des formations multinationales tirées des forces des pays membres de l'UEO existent déjà ou sont prévues, ces unités pourraient être mises à disposition pour emploi sous l'égide de l'UEO, avec l'accord de tous les pays participants.

- Deuxièmement, une cellule de planification de l'UEO, relevant du Conseil et placée sous son autorité, mise en place à partir du 1 er octobre 1992 sera installée avec le Secrétariat général à Bruxelles. La cellule sera chargée :

  • de préparer des plans de circonstance pour 1'emploi de forces sous l'égide de l'UEO;

  • de préparer des recommandations pour les dispositions nécessaires en matière de commandement, de conduite des opérations et de communications, y compris les procédures opérationnelles permanentes pour les états-majors qui pourraient être choisis;

  • d'établir un inventaire actualisé des forces et des groupements d'unités susceptibles d'être affectés à l'UEO pour des opérations spécifiques.

- Troisièmement, les chefs d'état-major des pays de l'UEO se réuniront deux fois par an avant les réunions ordinaires du Conseil des ministres, et chaque fois que cela sera nécessaire.

- Quatrièmement, il y aura un resserrement de la coopération entre les Etats membres de l'UEO, notamment dans les domaines de la logistique, du transport, de la formation et de la surveillance stratégique. De telles questions sont étroitement liées à celles de la désignation d'unités militaires relevant de l'UEO.

consacrera initialement à la formation d'experts dans le domaine de l'interprétation des données transmises depuis l'espace. Ultérieurement, il pourrait assurer l'interprétation de données opérationnelles à partir d'images recueillies par les satellites d'observation Hélios.

En raison de l'importance croissante des accords de maîtrise des armements et de leur vérification, l'UEO a développé des procédures de coopération dans ce domaine; ainsi, a-t-elle présenté aux différentes instances compétentes de l'OTAN, une série de règles applicables à la coopération entre équipes d'inspection multinationales soumises au régime de la vérification instauré par le Traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE). Ces règles ont été adoptées au sein de l'Alliance avec quelques amendements mineurs. Par ailleurs, la recherche de moyens permettant l'application du Traité Ciel ouvert avec un bon rapport coût-efficacité est inscrit à l'ordre du jour de l'UEO.
La coopération dans les domaines de l'espace et de la maîtrise des armements fait désormais partie des acquis de l'UEO. Dans les prochains mois, priorité sera donnée à l'examen et à la définition de missions, de structures et de moyens appropriés, notamment dans le domaine militaire, suivant les quatre axes tracés par l'UEO dans sa Déclaration de Maastricht :

  • en premier lieu, les unités militaires relevant de l'UEO. Les Etats membres sont prêts à mettre à sa disposition des unités militaires "provenant de tout l'éventail de leurs forces conventionnelles en vue de missions militaires qui seraient menées sous l'autorité de l'UEO". Dans la déclaration adoptée à la réunion qu' ils ont tenue le 19 juin au Petersberg, près de Bonn, les ministres des pays membres soulignaient que : "Toute décision de recourir aux unités militaires relevant de l'UEO sera prise par le Conseil de l'UEO conformément aux dispositions de la Charte des Nations unies. La décision de participer à des opérations spécifiques restera du ressort national et sera prise par les Etats membres conformément à leurs constitutions respectives." Outre une contribution à la défense commune dans le cadre de l'Article 5 du Traité de Washington (OTAN) et de l'Article V du Traité de Bruxelles modifié (UEO), trois catégories de missions ont été recensées :
  • des missions humanitaires ou d'évacuation de ressortissants;
  • des missions de maintien de la paix;
  • des missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris des opérations de rétablissement de la paix.
Comme la Déclaration de Petersberg le précise, " la planification et l'exécution de ces missions seront pleinement compatibles avec les dispositions militaires nécessaires pour assurer la défense collective de tous les alliés". Dans la pratique, les unités militaires relevant de l'UEO proviendront des forces des Etats membres et seront organisées sur une base multinationale et interarmées. Tous les Etats membres de l'UEO devraient désigner sous peu les unités militaires et les états-majors qu'ils seraient prêts à mettre à la disposition de l'UEO selon diverses configurations ad hoc. Lorsque des formations multinationales tirées des forces des pays membres de l'UEO existent déjà ou sont prévues, ces unités pourraient être mises à disposition pour emploi sous l'égide de l'UEO, avec l'accord de tous les pays participants.

Deuxièmement, une cellule de planification de l'UEO, relevant du Conseil et placée sous son autorité, mise en place à partir du 1 er octobre 1992 sera installée avec le Secrétariat général à Bruxelles. La cellule sera chargée :
  • de préparer des plans de circonstance pour 1 ' emploi de forces sous l'égide de l'UEO;
  • de préparer des recommandations pour les dispositions nécessaires en matière de commandement, de conduite des opérations et de communications, y compris les procédures opérationnelles permanentes pour les états-majors qui pourraient être choisis;
  • d'établir un inventaire actualisé des forces et des groupements d'unités susceptibles d'être affectés à l'UEO pour des opérations spécifiques.

Troisièmement, les chefs d'état-major des pays de l'UEO se réuniront deux fois par an avant les réunions ordinaires du Conseil des ministres, et chaque fois que cela sera nécessaire.

Quatrièmement, il y aura un resserrement de la coopération entre les Etats membres de l'UEO, notamment dans les domaines de la logistique, du transport, de la formation et de la surveillance stratégique. De telles questions sont étroitement liées à celles de la désignation d'unités militaires relevant de l'UEO.

Parmi les propositions qui, dans les Déclarations de Maastricht, "méritent un examen plus approfondi", l'intensification de la coopération en matière d'armements par l'intermédiaire d'une agence européenne des armements convient d'être relevée. La décision, prise par les ministres de la Défense du Groupe européen indépendant de programme (GEIP), d'analyser le rôle futur du GEIP dans la nouvelle architecture de sécurité européenne, de même que la proposition visant à ce que des experts de l'UEO et du GEIP effectuent un premier examen du rôle et des fonctions d'une éventuelle agence européenne des armements, préparent le terrain pour une rationalisation des industries européennes d'armement. Il en va de même de la décision des ministres de la Défense de l'Eurogroupe d'étudier la possibilité de transférer à l'UEO tout ou partie des fonctions de l'Eurogroupe correspondant à un besoin actuel.

Les partenaires d'Europe centrale

En avril 1990, le Conseil des ministres de l'UEO décidait de nouer un dialogue avec les nouveaux Etats démocratiques d'Europe centrale. Accompagné de représentants de la présidence de l'UEO, j'ai effectué des missions d'information en Hongrie, en Tchécoslovaquie, en Pologne, en Bulgarie et en Roumanie, ainsi que dans les trois Etats baltes en 1991 et 1992. Depuis juillet 1991, des liaisons ont été mises en place entre les ambassades de cinq pays d'Europe centrale et le Secrétariat général de 1 ' UEO, ainsi qu' entre leurs gouvernements respectifs et les ambassades du pays exerçant la présidence de l'UEO. L'Institut d'études de sécurité de l'UEO, à Paris, a organisé plusieurs séminaires destinés à de hauts fonctionnaires spécialistes des questions politico-militaires originaires des ministères des Affaires étrangères et de la défense des pays de 1'UEO et d'Europe centrale qui ont appuyé le développement de ces contacts.

En novembre 1991, le Conseil des ministres de l'UEO a convié les ministres des Affaires étrangères et de la Défense de Bulgarie, de Hongrie, de Pologne, de la Tchécoslovaquie et des trois Etats baltes à une réunion extraordinaire qui s'est tenue le 19 juin au Petersberg, dans la foulée de la session ministérielle de l'UEO. Cette réunion extraordinaire fut une excellente occasion d'examiner et d'arrêter des mesures appropriées destinées à resserrer la coopération. Tous les participants sont convenus que l'intensification des relations de l'UEO avec les Etats de l'Europe centrale contribuera à la stabilité et à l'avènement d'un nouvel ordre de paix en Europe, basé sur le partenariat et la coopération, sur un accroissement de la sécurité et de la confiance, et sur le désarmement. En dehors des questions d'ordre général, les consultations porteront essentiellement sur l'architecture de sécurité et les De cette manière, les partenaires d'Europe centrale de l'UEO pourront s'initier à la future politique de sécurité et de défense de l'Union européenne et trouveront des possibilités de coopération avec le pilier européen de l'Alliance atlantique et avec la composante de défense de l'Union, au fur et à mesure de leur élaboration.
Plusieurs mesures concrètes ont été adoptées à la réunion extraordinaire :

  • Premièrement, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense des pays participants se réuniront annuellement. D'autres réunions au niveau ministériel pourront être convoquées si les circonstances l'exigent.

  • Deuxièmement, un forum de consultation sera établi entre le Conseil permanent de l'UEO et les ambassadeurs des pays d'Europe centrale. Il se réunira au siège de l'UEO au moins deux fois par an.

  • Troisièmement, ces réunions permettront d'assurer le suivi de la mise en oeuvre des mesures adoptées et, le cas échéant, de faire des propositions pour l'inclusion d'autres domaines de coopération.

  • Quatrièmement, les consultations en matière de sécurité au niveau ministériel et au niveau du Conseil permanent de l'UEO/Ambassadeurs pourront être complétées par des réunions avec des représentants de la présidence sortante, en exercice et future de l'UEO au niveau des hauts fonctionnaires.

  • Enfin, les initiatives suivantes seront poursuivies et encouragées : échange régulier de documents et d'informations; coopération accrue entre l'Institut d'études de sécurité de l'UEO et les organismes correspondants des pays d'Europe centrale. Un nombre croissant de séminaires et de colloques sera organisé, et le programme de bourses sera poursuivi.

Les ministres ont également préconisé le développement des relations entre l'Assemblée de l'UEO et les parlements des pays d'Europe centrale. Toutefois, l'objectif des relations de l'UEO avec les pays concernés n'est pas de créer une version à échelle réduite du Conseil de coopération nord-atlantique (CCNA), ni de faire double emploi avec les activités de ce dernier. La déclaration adoptée à l'issue de la réunion extraordinaire soulignait explicitement la nature des activités menées respectivement dans le cadre de l'UEO et dans celui de l'Alliance, qui seront "complémentaires et se renforceront mutuellement".

La prévention des conflits

Depuis la signature de la Charte de Paris en novembre 1990, des progrès ont été accomplis en vue de faire de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) l'un des éléments clé de la nouvelle architecture de sécurité européenne. Les Etats membres de l'UEO sont favorables à un élargissement des compétences de la CSCE en matière de prévention des conflits et de gestion des crises, afin de renforcer ses moyens d'intervention pour le règlement pacifique des différends. A leur réunion du Petersberg en juin dernier, les ministres de l'UEO se sont déclarés favorables à l'adoption, par la CSCE, du statut d'accord régional aux termes du chapitre VIII de la Charte des Nations unies.

S'agissant de l'ex-Yougoslavie, ils ont publié une déclaration distincte indiquant que l'UEO est disposée à contribuer à une mise en application effective des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.

Dans le cadre d'un exercice permanent d'établissement de plans de circonstance, l'UEO anticipe sur l'adoption d'autres résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU concernant la prise de sanctions et le respect de l'embargo décidé à rencontre de la Serbie et du Monténégro. En outre, un groupe ad hoc composé de représentants des ministres des Affaires étrangères et de la Défense est chargé de préparer les plans relatifs aux contributions des Etats membres de l'UEO à l'application des résolutions prises par le Conseil de sécurité de l'ONU.

Au cours d'une réunion en marge du Sommet de suivi de la CSCE à Helsinki, le Conseil des ministres de l'UEO a décidé d'envoyer une force navale dans l'Adriatique pour faire respecter l'embargo imposé par les résolutions 713 et 757 des Nations unies. Cette décision a ouvert la voie à une opération conjointe UEO-OTAN bien coordonnée dans l'Adriatique. Le groupe ad hoc de l'UEO actualise en permanence les options concernant la mise en oeuvre de l'embargo, tout en explorant la question de la contribution éventuelle de l'UEO à la supervision des armements lourds en Bosnie-Herzégovine proposée par le Secrétaire général de l'ONU, de même qu'à l'escorte de convois d'aide humanitaire dans le cadre des résolutions 770 et 771 du Conseil de sécurité. Les pays de l'UEO sont déterminés à contribuer efficacement à l'application des décisions adoptées à la Conférence de Londres le 27 août sur la base des principes énoncés en vue d'un règlement pacifique et durable des conflits qui font rage dans l'ex-Yougoslavie.

Avec la fin de la guerre froide, la défense collective n'est plus qu'une des nombreuses dimensions des relations internationales: certes, elle conserve son importance, mais elle n'a plus la même priorité. Non seulement la Russie n'a pas la volonté d'utiliser la puissance militaire contre l'Occident, mais elle en est de moins en moins capable, tandis que ses problèmes économiques soulignent la nécessité de sabrer dans les dépenses militaires. Au moment où les pays de l'Europe centrale progressent sur la voie de la démocratie pluraliste et de l'économie de marché, le retrait des Soviétiques de cette région a ravivé des tensions et des conflits anciens. Ces tendances divergentes inspirent un sentiment croissant d'incertitude et d'instabilité, une volonté de sauvegarder les remparts qui ont si bien préservé notre sécurité, et incitent à explorer les moyens susceptibles de contenir et de régler les conflits qui surgissent si dangereusement près de nos propres frontières.

Il reste à voir comment le CCNA et, à un niveau plus large, la CSCE, pourront coexister utilement et comment les fonctions essentielles de l'OTAN seront maintenues. Du côté de l'UEO, les événements récents rendent encore plus souhaitable la constitution d'un cercle plus restreint pour la coopération avec des pays proches par la géographie et l'histoire, et partageant les mêmes aspirations.

Aujourd'hui, les hypothèses de recours à la force militaire vont au-delà de la protection de l'indépendance et du territoire national; des intérêts plus larges sont enjeu. Cela a des conséquences pour l'OTAN et l'UEO. Les fonctions essentielles de l'OTAN assurer la défense collective et la coopération transatlantique resteront vitales dans l'avenir. Alors que la tendance est à la réduction des budgets de défense, l'Europe doit concentrer ses ressources et les utiliser plus efficacement. Le défi, pour l'UEO, consiste à canaliser la dynamique politique amorcée par la Déclaration de Petersberg, afin que l'UEO avec l'OTAN et la CSCE, puisse contribuer efficacement à l'édification et au renforcement d'une architecture de sécurité européenne. L'UEO agit dans un cadre diplomatique et politico-militaire bien défini. Il est en effet peu probable qu'elle exerce jamais la fonction de défense collective que lui confère l'Article V du Traité de Bruxelles modifié sans un engagement immédiat de l'Alliance atlantique. Il est difficile d'imaginer un scénario réaliste dans lequel les Etats membres de l'UEO feraient "cavalier seul". En outre, l'article VIII n'implique absolument aucune réaction automatique à des risques ni même à des menaces se présentant hors du territoire couvert par le Traité, puisque l'une des conditions indispensables à tout type de participation militaire, que ce soit sur le territoire européen ou en dehors, est le consensus entre les Etats membres. Aujourd'hui, il est politiquement et juridiquement impensable de chercher à imposer ou à instaurer la paix sans un mandat du Conseil de sécurité de l'ONU.

Les problèmes auxquels sont confrontés les Européens dans le domaine de la sécurité sont essentiellement de nature politique. Le meilleur moyen de trouver des solutions consiste à instaurer un dialogue et une coopération à l'échelle régionale et paneuropéenne, et c'est précisément pour cela que l'UEO et l'OTAN, sous l'égide de la CSCE, ont tant à apporter.

(1) Le Traité de Bruxelles a institué l'Union occidentale qui a conduit, après sa modification en 1954, à l'Union de l'Europe occidentale.
(2) L'OTAN a été instituée par le Traité de Washington de 1949.
(3) Les dirigeants des pays de la Communauté européenne ont adopté à Maastricht, en décembre 1991 un Traité d'union politique et un Traité d'union économique et monétaire qui, ensemble, constituent le Traité d'union européenne.