Edition Web
Vol. 40- No. 4
Aout1992
p. 9-13
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A
la recherche d'une paix durable dans
l'après-guerre froide
Johan Jorgen Holst
Ministre norvégien de la Défense
L'OTAN est peut-être l'alliance qui a enregistré le plus
grand succès de toute l'histoire. Depuis plus de quarante ans,
elle maintient la paix en Europe. Nous ne savons naturellement pas ce
que le monde aurait pu être sans elle, puisque l'histoire ne dévoile
jamais ses alternatives, mais tout porte à croire que la puissance
soviétique aurait transformé l'Europe, en totalité
ou en grande partie, pour la modeler suivant les prescriptions de l'idéologie
communiste et de l'économie dirigée, adéquatement
modifiées pour servir les intérêts de l'Etat soviétique.
Sans l'OTAN, l'Europe occidentale n'aurait jamais connu la sécurité
nécessaire pour entreprendre la construction d'une nouvelle Europe,
basée sur l'intégration et un assagissement des souverainetés.
L'Organisation comptait sur le leadership, l'engagement et la puissance
de l'Amérique. Les Européens étaient conscients qu'une
alliance tissant de tels liens rompait avec la tradition et les aspirations
américaines. Cependant, deux fois au cours de ce siècle,
les Etats-Unis ont dû se porter au secours de l'Europe pour éviter
son effondrement politique et l'imposition de l'hégémonie.
Le rôle dominant de l'Amérique dans l'après-guerre
a été marqué par la générosité
et la poursuite de ses intérêts "éclairés"
au travers du Plan Marshall et de la formation de l'OTAN. Si l'Alliance
n'avait pas été là pour endiguer la puissance soviétique,
mais que celle-ci avait quand même été tenue en échec,
l'Europe n'aurait sans doute que difficilement pu s'unifier et il est
fort probable que l'on aurait plutôt assisté à une
prolifération d'Etats nucléaires avec des implications pour
l'ordre mondial, débordant largement le seul cadre européen.
L'OTAN a eu une influence modératrice et qui demeure vitale. Une
renationalisation de la défense en Europe pourrait mener à
de nouvelles rivalités et à l'insécurité,
surtout dans un contexte où des pressions nationalistes croissantes
se manifestent à l'en-contre de nombreux Etats territoriaux européens.
Il n'est nul domaine de l'activité humaine où l'interdépendance
et l'inadéquation de l'Etat territorial soient plus manifestes
et contraignantes qu'en matière de sécurité. Les
anciens liens entre la souveraineté et l'aptitude à protéger
les citoyens et les sociétés contre les dommages physiques
sont coupés, puisqu'une telle protection n'est plus à la
portée d'une seule nation. Les armes nucléaires et les moyens
de les lancer à grande vitesse contre des objectifs très
éloignés ont rendu complètement désuet le
concept d'Etat territorial. Il convient désormais de renforcer
la coopération pour la sécurité commune.
L'OTAN, qui constitue une association d'Etats partageant les mêmes
valeurs, unis pour sauvegarder leur sécurité, est sortie
victorieuse de la guerre froide. La combinaison d'une force suffisante,
d'une attitude de fermeté et d'une volonté de dialoguer
et de négocier s'est avérée payante. Sa disparition
imminente a souvent été annoncée par tous les pontifes
qui considéraient l'Alliance comme une institution en déclin,
minée par une succession de crises débilitantes. Mais elle
a refusé de mourir, ses débats et ajustements internes constituant
un signe de vitalité et de clairvoyance plutôt que d'atrophie.
L'OTAN est une alliance en pleine mutation, un processus appelé
à se poursuivre durant de nombreuses années encore et qui
sera influencé tant par le désir d ' intégration
de la Communauté européenne (CE) que par les mouvements
de désintégration et de consolidation ailleurs en Europe.
Pour l'essentiel, le cadre de la future coopération en matière
de défense au sein de l'OTAN est établi. Le processus de
réforme, engagé depuis deux ans environ, n'a été
ni arrêté ni aiguillé sur une voie de garage, en dépit
des difficultés, mais est arrivé à un point qui nous
permet d'affirmer avec confiance que l'OTAN est assurée d'une nouvelle
jeunesse.
L'OTAN avec de nouveaux membres?
On fait parfois valoir que 1'OTAN devrait à présent étendre
sa protection à d'autres pays en s'ouvrant à de nouveaux
membres. Dans la phase actuelle de bouleversements politiques, un tel
élargissement risque toutefois d'affaiblir le processus de réconciliation.
Pour certains pays, il pourrait signifier que la coalition victorieuse
étend ses frontières vers l'Est, qu'une nouvelle confrontation
couve, et susciter des réactions de xénophobie et de nationalisme
plus à l'Est, entraînant l'Europe dans un engrenage tragique
aisément prévisible. L'OTAN cherche plutôt à
propager la stabilité en créant de nouveaux cadres d'association
avec ses anciens adversaires, en luttant contre les dangers d'agression
et de répression par le biais de réseaux de coopération
et d'un engagement envers certains critères et codes de conduite
fondamentaux. Le processus d'association et de coopération s'accompagne
d'une protection implicite. A mesure que l'Europe avancera sur le chemin
de l'intégration, la distinction entre protection explicite et
implicite pourrait perdre sa signification. L'intégrité
de l'OTAN doit être préservée comme point d'ancrage
de la sécurité en Europe.
L'OTAN est d'abord une alliance militaire conçue pour assurer la
sécurité de ses Etats membres. Aussi, trouvera-t-elle confirmation
de son utilité dans son aptitude à remplir ses fonction
de protection alors que les conditions ont changé. Dans ce domaine,
l'Alliance a accompli des progrès impressionnants, du moins au
niveau de la clarification des concepts. La réflexion doit précéder
l'action, mais ne mène pas très loin si elle n'est pas suivie
par l'action. L'accord sur les concepts doit déboucher sur leur
mise en oeuvre concertée, sur l'engagement des forces et des ressources
nécessaires. Nous n'en sommes pas encore là.
La restructuration de l'OTAN
L'OTAN a désormais adopté un nouveau concept stratégique,
sur base duquel elle a conçu une nouvelle structure de forces,
soutenue par une triade de forces de réaction (réaction
immédiate et réaction rapide), de forces de défense
principales et de forces d'augmentation. Les forces de réaction
permettent à l'Alliance d'établir une présence en
avant dans n'importe quelle partie de la zone alliée si la situation
l'exige. Elles rassemblent les trois armes, et tous les pays membres contribuent
à leur formation. L'accent mis sur les formations multinationales
a pour signification politique très claire d'éviter l'affaiblissement
lié à une renationalisation de la défense au sein
de 1 ' OTAN. Après avoir adopté sa structure de forces,
l'OTAN approuvait une nouvelle structure de commandement adaptée
aux réalités politiques nouvelles - la nécessité
de réaliser des économies par la rationalisation et des
regroupements.
L'OTAN a également entamé un réaménagement
fondamental du programme d'infrastructure à financement commun
et, à cet égard, a accepté que les coûts opérationnels
et d'entretien de l'équipement et des munitions préalablement
mis en place afin d'assurer le soutien des renforts en cas d'urgence soient
admissibles à un financement commun. Cette décision était
le corollaire logique de l'accent mis sur la reconstitution des moyens
dans la nouvelle stratégie et de la reconnaissance du caractère
essentiel de l'a contribution des renforts américains à
la sécurité en Europe. Elle représente aussi l'expression
concrète du partage des tâches et la manifestation d'un souci
d'équité, puisque les Européens acceptent d'assumer
une part plus grande du fardeau de défense commune.
L'OTAN doit avoir la capacité d'établir une présence
en avant partout sur son territoire, chaque fois que les circonstances
peuvent l'exiger. La nécessité de pouvoir affronter des
risques non spécifiés plutôt que des menaces identifiables,
de faire face à l'incertitude plutôt qu'à un danger
clair et manifeste, incite l'OTAN à se concentrer sur la mise en
oeuvre d'une série de capacités militaires génériques
plutôt que de formations militaires conçues pour contenir
des menaces ou des ennemis spécifiques. Les forces militaires seront
moins nombreuses que durant la guerre froide. Elles seront maintenues
à un état de préparation réduit et configurées
en fonction de leur emploi éventuel dans plusieurs directions.
Elles auront une mobilité et une puissance de feu élevées,
et une composition multinationale. Des forces de réaction immédiate
et rapide assureront une présence en avant. Elles seront étayées
par des forces de défense principales et des forces d'augmentation
offrant des capacités de défense territoriale et de reconstitution
rapide dans l'éventualité d'une détérioration
de la situation internationale. Il convient de noter ici que le concept
agréé pour une nouvelle structure de force de l'OTAN ne
sera d'aucune manière peu coûteux et que les Etats membres
devront continuer à affecter des fonds et des forces pour permettre
sa réalisation.
La nouvelle structure de forces devrait contribuer au maintien d'une capacité
crédible de défense collective. Point tout aussi important,
elle devra offrir des capacités génériques pour des
opérations de maintien de la paix en Europe dans le cadre de la
CSCE (Conférence sur la sécurité et la coopération
en Europe) et/ou sous les auspices des Nations unies. La structure militaire
de l'Alliance devra donc disposer du potentiel nécessaire pour
contribuer à l'établissement et à la mise en oeuvre
graduels d'un système de sécurité collective en Europe.
L'OTAN a d'ailleurs fait part de sa volonté de soutenir, en fonction
des circonstances et en accord avec ses propres procédures, des
activités de maintien de la paix sous la responsabilité
de la CSCE, notamment en offrant ses ressources et ses compétences.
Les différents pays devraient fournir des troupes, mais l'Alliance
pourrait constituer un cadre de coordination et de formation. Plusieurs
pays membres ont accumulé, au cours des années, une incontestable
expérience dans des opérations de maintien de la paix. C'est
ainsi que mon pays, la Norvège, a fourni au total quelque 35.000
hommes pour treize opérations semblables des Nations unies. Les
forces de réaction de l'OTAN pourraient apporter les moyens appropriés
pour maintenir comme pour imposer la paix, en accord avec le chapitre
VII de la Charte des Nations unies. L'OTAN pourrait en outre offrir des
équipements communs précieux à l'appui des opérations
de maintien de la paix, notamment pour la surveillance aérienne
ou le commandement et la conduite des opérations. Notons toutefois
qu'il n'est pas envisagé que l'OTAN prenne l'initiative d'opérations
de maintien de la paix, mais bien qu'elle apporte son soutien lorsque
celles-ci seront mandatées et mises sur pied par les Nations unies
ou la CSCE.
Les opérations de maintien de la paix liées aux conflits
ethniques en Europe représentent un formidable défi. L'OTAN
ne doit pas devenir l'agent de police de l'Europe, ni prendre parti dans
ces conflits. Les objectifs et mandats de toute opération de maintien
de la paix doivent être clairement définis, la mission évaluée
et configurée de manière à lui garantir une forte
probabilité de succès. Les opérations de maintien
de la paix ne doivent pas, comme ce fut si souvent le cas dans le passé,
devenir un substitut aux efforts diplomatiques pour résoudre les
conflits, un moyen de "geler" lesdits conflits. L'OTAN ne peut
toutefois pas davantage rester indifférente lorsque les normes
et références sur lesquelles repose un ordre stable et juste
en Europe sont systématiquement et brutalement bafouées.
La paix à long terme est en jeu lorsque de telles violations surviennent,
car elles peuvent se révéler extrêmement contagieuses
dans la partie anciennement communiste de l'Europe. Si les membres de
l'OTAN paraissaient incapables de relever les principaux défis
à la conscience et à la sécurité auxquels
la nouvelle Europe est confrontée, la crédibilité
de l'Alliance et le soutien dont elle bénéficie dans l'opinion
publique pourraient en subir les conséquences.
Le cadre d'une nouvelle culture en matière de sécurité
Le Conseil de coopération nord-atlantique (CCNA) constitue un cadre
où faire disparaître les vestiges de la confrontation issue
de la guerre froide, tant au plan matériel que dans les mentalités.
Il devrait être le creuset d'un processus susceptible d'amener une
nouvelle culture de sécurité commune, reposant sur la coopération,
la modération et le respect mutuels, l'ouverture et le partage
des responsabilités. Le CCNA ne peut en aucune manière se
substituer à la CSCE, ni constituer un mécanisme visant
à exclure l'influence des Etats européens neutres et non
alignés dans la création d'un ordre nouveau. La Finlande
a d'ailleurs participé en qualité d'observateur à
la réunion du CCNA qui s'est tenue en juin à Oslo. Bien
au contraire, le Conseil doit permettre aux anciens adversaires de faire
table rase des vestiges de la confrontation et de la suspicion.
Le CCNA offre un mécanisme d'adhésion des nouvelles démocraties
au système de maîtrise des armements Est-Ouest et au code
de conduite élaboré dans le cadre de la CSCE et des autres
institutions essentielles que sont l'OTAN, la Communauté européenne,
l'Union de l'Europe occidentale (UEO), le Conseil de l'Europe et l'OCDE.
Il peut surtout, à mon avis, faciliter et encourager la transformation
des institutions militaires de l'ex-Union soviétique en institutions
au service de l'ordre politique démocratique et des responsabilités
et obligations internationales. Le CCNA offre un cadre où débattre
de la nécessité de conserver le contrôle du gigantesque
arsenal de l'ancienne Union soviétique - aux prises avec la désintégration
politique, les difficultés économiques et les troubles sociaux
- de manière à souligner que ces problèmes suscitent
également des préoccupations au niveau international, et
à stimuler la coopération dans ce domaine.
Une liaison diplomatique a été établie, puis approfondie,
entre l'OTAN et les pays d'Europe centrale et orientale, et le CCNA est
un rouage important pour élargir encore ces relations, notamment
dans le domaine de la sécurité militaire. La réunion
des ministres de la Défense, qui s'est tenue dans le cadre du CCNA
le 1er avril, s'est axée sur le problème commun de la restructuration
des forces armées dans le nouvel environnement. Le mode de coopération,
tel qu'il est envisagé, pourrait permettre aux responsables militaires
de l'Europe centrale et orientale de se familiariser à voir le
monde "depuis l'autre côté de la barrière"
et promouvoir ainsi la compréhension de l'interdépendance
qui lie le destin des pays du CCNA à un même avenir. Cet
avenir pourrait être modelé par la coopération sur
des objectifs communs ou miné par une compétition visant
à l'obtention d'avantages unilatéraux. Une plus grande ouverture,
répondant à des critères et procédures agréés
en ce qui concerne les structures de forces, la stratégie, les
dispositifs militaires, la recherche et le développement, les budgets
de défense, etc., contribuerait à la stabilité et
à la prévisibilité.
Un séminaire de haut niveau sur la politique et la gestion de la
défense organisé début juillet (voir page 11) a porté
sur l'étude d'aspects tels que le statut constitutionnel des forces
armées dans les sociétés démocratiques et
les concepts stratégiques. Ajoutons qu'une première série
de journées d'étude sur les aspects pratiques de la gestion
de la défense et la réforme et la restructuration des forces
armées se tiendra à l'automne. De petits groupes d'experts
se rendront dans les capitales. En outre, d'autres journées d'étude
seront consacrées aux stratégies et aux méthodes
de travail à mettre en oeuvre pour le nettoyage écologique
sur le site des installations de défense. L'OTAN formera de petites
équipes d'experts qui pourront être dépêchées
sur place à la demande des pays souhaitant des conseils sur des
aspects essentiels de la gestion de la défense. Le Groupe sur les
questions de défense, créé dans l'esprit du CCNA,
peut servir d'organe centralisateur pour l'examen des propositions de
coopération en matière de défense. La tâche
est vaste, mais englobe des opérations concrètes. Des éléments
fondamentaux identifiés pourraient surgir une nouvelle culture
et une nouvelle éthique de la coopération.
Une dimension de sécurité européenne
L'OTAN n'est pas la seule organisation à s'intéresser aux
exigences de la sécurité occidentale, et la création
de l'Union politique européenne va peser fortement tant sur sa
dimension que sur ses perspectives futures. Il apparaît désormais
clairement que l'UEO est assimilée à l'identité de
la Communauté en matière de sécurité et considérée
comme le pilier européen de l'Alliance. On distingue toutefois
beaucoup moins clairement comment ces deux fonctions seront alignées
et orchestrées dans les années à venir. Ce qui semble
certain, c'est que 1 ' OTAN sortira également transformée
de la nouvelle phase de construction communautaire au sein de la CE, que
les Européens auront à supporter une plus grande part des
tâches liées à la défense commune, que les
consultations politiques refléteront de plus en plus les relations
bipolaires entre les Etats-Unis et l'Union de l'Europe occidentale, et
que certains membres se préoccuperont de l'éventualité
de leur marginalisation au sein de la nouvelle structure. L'UEO a pris
les mesures nécessaires en vue de la formation du pilier européen
de l'OTAN en invitant les pays européens qui, dans celle-ci, n'appartiennent
pas à la Communauté européenne à devenir des
membres associés de l'Organisation.
Le principal point de référence
L'OTAN ne maintiendra plus un dispositif de forces conçu pour protéger,
depuis des positions en avant, une ligne de division de l'Europe, puisque
la confrontation a disparu. La machine militaire offensive de l'ancienne
Union soviétique et du Pacte de Varsovie a été démantelée
au coeur de l'Europe, et la ligne de division a disparu. Aussi était-il
important de restructurer le dispositif de défense de l'OTAN, afin
d'éviter le danger d'un blocage de la réunification de l'Allemagne
et de l'Europe pour des raisons militaires.
L'OTAN constitue aujourd' hui le principal point de référence
dans le domaine de la sécurité, non seulement pour ses membres,
mais également pour les nouvelles démocraties d'Europe centrale
et orientale. La question n'est donc plus de savoir comment contenir un
ennemi spécifique et le dissuader de mettre à exécution
des menaces spécifiques. Il s'agit plutôt de fournir une
assurance résiduelle contre des dangers non spécifiés
dans un monde soumis à des incertitudes résultant davantage
de l'interaction de forces et d'intérêts économiques,
sociaux et ethniques dans des sociétés affaiblies et inconstantes
qui luttent pour surmonter les séquelles de décennies d'oppression,
de mauvaise gestion et d'exploitation communistes. Le retour de ces sociétés
dans l'histoire et leur ambition d'atteindre la prospérité
de l'Europe occidentale et de l'Amérique du Nord pourraient les
propulser sur des trajectoires assez troublées. D'anciennes ani-mosités
et conflits pourraient refaire surface et d'autres s'y ajouter dans cette
recherche d'identités, de relations et de rôles nouveaux
dans l'arène internationale. L'OTAN, dans ce contexte, pourrait
jouer un rôle très important en modelant les ambitions et
les espoirs, de concert avec la Communauté européenne, principalement.
L'OTAN reste vitale pour la stabilité de l'Europe, surtout face
aux incertitudes et aux situations explosives sur le plan socio-politique
dans la région de l'ancienne Union soviétique. Elle devrait
pouvoir encourager concrètement le changement politique pacifique
et doit rester à même de bloquer toute menace militaire future
contre ses membres en cas d'émergence de régimes nationalistes
agressifs cherchant à rétablir des positions d'influence
par des pressions militaires contre les frontières actuelles. L'OTAN
est et reste la principale "assurance-vie" de ses membres, assurance
reposant sur des engagements et des droits collectifs.
L'effectif des troupes américaines en Europe se voit réduit
en raison de la fin de la guerre froide et du risque de confrontation
militaire en Europe. L'incertitude subsiste quant aux futurs niveaux de
forces. Afin de maintenir un cadre de défense atlantique viable
- le fondement même de l'OTAN - les forces américaines devraient,
dès que possible, se stabiliser à des niveaux significatifs
au plan militaire par un accord bipartite conclu à Washington.
La stabilité des engagements constitue un préalable aussi
important pour le maintien de la stabilité stratégique et
politique, en ce début des années quatre-vingt-dix, que
lors de l'adoption de la résolution Vandenberg (1)
à la fin des années quarante. L'influence stabilisatrice
de l'OTAN pourrait s'affaiblir si l'européanisation de la défense
était conduite par le désir de parer à toute éventualité
quant à la présence américaine, plutôt que
de contribuer à une identité de défense européenne
viable. Celle-ci mettra du temps à se réaliser et tout changement
précipité pourrait saper la base soigneusement édifiée
de la stabilité en Europe. Il est possible de remporter la guerre
froide et de sortir perdant de la quête d'une paix durable.
(1) Note éditoriale: La résolution de
1948 du sénateur Vandenberg ouvrit la voie à l'entrée
des Etats-Unis dans l'Alliance, qui fut créée l'année
suivante.
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