Revue de l'OTAN
Mise à jour: 29-Sep-2002 Revue de l'OTAN

Edition Web
Vol. 40- No. 4
Aout1992
p. 9-13

A la recherche d'une paix durable dans
l'après-guerre froide

Johan Jorgen Holst
Ministre norvégien de la Défense

L'OTAN est peut-être l'alliance qui a enregistré le plus grand succès de toute l'histoire. Depuis plus de quarante ans, elle maintient la paix en Europe. Nous ne savons naturellement pas ce que le monde aurait pu être sans elle, puisque l'histoire ne dévoile jamais ses alternatives, mais tout porte à croire que la puissance soviétique aurait transformé l'Europe, en totalité ou en grande partie, pour la modeler suivant les prescriptions de l'idéologie communiste et de l'économie dirigée, adéquatement modifiées pour servir les intérêts de l'Etat soviétique.

Sans l'OTAN, l'Europe occidentale n'aurait jamais connu la sécurité nécessaire pour entreprendre la construction d'une nouvelle Europe, basée sur l'intégration et un assagissement des souverainetés. L'Organisation comptait sur le leadership, l'engagement et la puissance de l'Amérique. Les Européens étaient conscients qu'une alliance tissant de tels liens rompait avec la tradition et les aspirations américaines. Cependant, deux fois au cours de ce siècle, les Etats-Unis ont dû se porter au secours de l'Europe pour éviter son effondrement politique et l'imposition de l'hégémonie.

Le rôle dominant de l'Amérique dans l'après-guerre a été marqué par la générosité et la poursuite de ses intérêts "éclairés" au travers du Plan Marshall et de la formation de l'OTAN. Si l'Alliance n'avait pas été là pour endiguer la puissance soviétique, mais que celle-ci avait quand même été tenue en échec, l'Europe n'aurait sans doute que difficilement pu s'unifier et il est fort probable que l'on aurait plutôt assisté à une prolifération d'Etats nucléaires avec des implications pour l'ordre mondial, débordant largement le seul cadre européen. L'OTAN a eu une influence modératrice et qui demeure vitale. Une renationalisation de la défense en Europe pourrait mener à de nouvelles rivalités et à l'insécurité, surtout dans un contexte où des pressions nationalistes croissantes se manifestent à l'en-contre de nombreux Etats territoriaux européens.

Il n'est nul domaine de l'activité humaine où l'interdépendance et l'inadéquation de l'Etat territorial soient plus manifestes et contraignantes qu'en matière de sécurité. Les anciens liens entre la souveraineté et l'aptitude à protéger les citoyens et les sociétés contre les dommages physiques sont coupés, puisqu'une telle protection n'est plus à la portée d'une seule nation. Les armes nucléaires et les moyens de les lancer à grande vitesse contre des objectifs très éloignés ont rendu complètement désuet le concept d'Etat territorial. Il convient désormais de renforcer la coopération pour la sécurité commune.
L'OTAN, qui constitue une association d'Etats partageant les mêmes valeurs, unis pour sauvegarder leur sécurité, est sortie victorieuse de la guerre froide. La combinaison d'une force suffisante, d'une attitude de fermeté et d'une volonté de dialoguer et de négocier s'est avérée payante. Sa disparition imminente a souvent été annoncée par tous les pontifes qui considéraient l'Alliance comme une institution en déclin, minée par une succession de crises débilitantes. Mais elle a refusé de mourir, ses débats et ajustements internes constituant un signe de vitalité et de clairvoyance plutôt que d'atrophie.
L'OTAN est une alliance en pleine mutation, un processus appelé à se poursuivre durant de nombreuses années encore et qui sera influencé tant par le désir d ' intégration de la Communauté européenne (CE) que par les mouvements de désintégration et de consolidation ailleurs en Europe. Pour l'essentiel, le cadre de la future coopération en matière de défense au sein de l'OTAN est établi. Le processus de réforme, engagé depuis deux ans environ, n'a été ni arrêté ni aiguillé sur une voie de garage, en dépit des difficultés, mais est arrivé à un point qui nous permet d'affirmer avec confiance que l'OTAN est assurée d'une nouvelle jeunesse.

L'OTAN avec de nouveaux membres?

On fait parfois valoir que 1'OTAN devrait à présent étendre sa protection à d'autres pays en s'ouvrant à de nouveaux membres. Dans la phase actuelle de bouleversements politiques, un tel élargissement risque toutefois d'affaiblir le processus de réconciliation. Pour certains pays, il pourrait signifier que la coalition victorieuse étend ses frontières vers l'Est, qu'une nouvelle confrontation couve, et susciter des réactions de xénophobie et de nationalisme plus à l'Est, entraînant l'Europe dans un engrenage tragique aisément prévisible. L'OTAN cherche plutôt à propager la stabilité en créant de nouveaux cadres d'association avec ses anciens adversaires, en luttant contre les dangers d'agression et de répression par le biais de réseaux de coopération et d'un engagement envers certains critères et codes de conduite fondamentaux. Le processus d'association et de coopération s'accompagne d'une protection implicite. A mesure que l'Europe avancera sur le chemin de l'intégration, la distinction entre protection explicite et implicite pourrait perdre sa signification. L'intégrité de l'OTAN doit être préservée comme point d'ancrage de la sécurité en Europe.

L'OTAN est d'abord une alliance militaire conçue pour assurer la sécurité de ses Etats membres. Aussi, trouvera-t-elle confirmation de son utilité dans son aptitude à remplir ses fonction de protection alors que les conditions ont changé. Dans ce domaine, l'Alliance a accompli des progrès impressionnants, du moins au niveau de la clarification des concepts. La réflexion doit précéder l'action, mais ne mène pas très loin si elle n'est pas suivie par l'action. L'accord sur les concepts doit déboucher sur leur mise en oeuvre concertée, sur l'engagement des forces et des ressources nécessaires. Nous n'en sommes pas encore là.

La restructuration de l'OTAN

L'OTAN a désormais adopté un nouveau concept stratégique, sur base duquel elle a conçu une nouvelle structure de forces, soutenue par une triade de forces de réaction (réaction immédiate et réaction rapide), de forces de défense principales et de forces d'augmentation. Les forces de réaction permettent à l'Alliance d'établir une présence en avant dans n'importe quelle partie de la zone alliée si la situation l'exige. Elles rassemblent les trois armes, et tous les pays membres contribuent à leur formation. L'accent mis sur les formations multinationales a pour signification politique très claire d'éviter l'affaiblissement lié à une renationalisation de la défense au sein de 1 ' OTAN. Après avoir adopté sa structure de forces, l'OTAN approuvait une nouvelle structure de commandement adaptée aux réalités politiques nouvelles - la nécessité de réaliser des économies par la rationalisation et des regroupements.

L'OTAN a également entamé un réaménagement fondamental du programme d'infrastructure à financement commun et, à cet égard, a accepté que les coûts opérationnels et d'entretien de l'équipement et des munitions préalablement mis en place afin d'assurer le soutien des renforts en cas d'urgence soient admissibles à un financement commun. Cette décision était le corollaire logique de l'accent mis sur la reconstitution des moyens dans la nouvelle stratégie et de la reconnaissance du caractère essentiel de l'a contribution des renforts américains à la sécurité en Europe. Elle représente aussi l'expression concrète du partage des tâches et la manifestation d'un souci d'équité, puisque les Européens acceptent d'assumer une part plus grande du fardeau de défense commune.

L'OTAN doit avoir la capacité d'établir une présence en avant partout sur son territoire, chaque fois que les circonstances peuvent l'exiger. La nécessité de pouvoir affronter des risques non spécifiés plutôt que des menaces identifiables, de faire face à l'incertitude plutôt qu'à un danger clair et manifeste, incite l'OTAN à se concentrer sur la mise en oeuvre d'une série de capacités militaires génériques plutôt que de formations militaires conçues pour contenir des menaces ou des ennemis spécifiques. Les forces militaires seront moins nombreuses que durant la guerre froide. Elles seront maintenues à un état de préparation réduit et configurées en fonction de leur emploi éventuel dans plusieurs directions. Elles auront une mobilité et une puissance de feu élevées, et une composition multinationale. Des forces de réaction immédiate et rapide assureront une présence en avant. Elles seront étayées par des forces de défense principales et des forces d'augmentation offrant des capacités de défense territoriale et de reconstitution rapide dans l'éventualité d'une détérioration de la situation internationale. Il convient de noter ici que le concept agréé pour une nouvelle structure de force de l'OTAN ne sera d'aucune manière peu coûteux et que les Etats membres devront continuer à affecter des fonds et des forces pour permettre sa réalisation.

La nouvelle structure de forces devrait contribuer au maintien d'une capacité crédible de défense collective. Point tout aussi important, elle devra offrir des capacités génériques pour des opérations de maintien de la paix en Europe dans le cadre de la CSCE (Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe) et/ou sous les auspices des Nations unies. La structure militaire de l'Alliance devra donc disposer du potentiel nécessaire pour contribuer à l'établissement et à la mise en oeuvre graduels d'un système de sécurité collective en Europe.

L'OTAN a d'ailleurs fait part de sa volonté de soutenir, en fonction des circonstances et en accord avec ses propres procédures, des activités de maintien de la paix sous la responsabilité de la CSCE, notamment en offrant ses ressources et ses compétences. Les différents pays devraient fournir des troupes, mais l'Alliance pourrait constituer un cadre de coordination et de formation. Plusieurs pays membres ont accumulé, au cours des années, une incontestable expérience dans des opérations de maintien de la paix. C'est ainsi que mon pays, la Norvège, a fourni au total quelque 35.000 hommes pour treize opérations semblables des Nations unies. Les forces de réaction de l'OTAN pourraient apporter les moyens appropriés pour maintenir comme pour imposer la paix, en accord avec le chapitre VII de la Charte des Nations unies. L'OTAN pourrait en outre offrir des équipements communs précieux à l'appui des opérations de maintien de la paix, notamment pour la surveillance aérienne ou le commandement et la conduite des opérations. Notons toutefois qu'il n'est pas envisagé que l'OTAN prenne l'initiative d'opérations de maintien de la paix, mais bien qu'elle apporte son soutien lorsque celles-ci seront mandatées et mises sur pied par les Nations unies ou la CSCE.

Les opérations de maintien de la paix liées aux conflits ethniques en Europe représentent un formidable défi. L'OTAN ne doit pas devenir l'agent de police de l'Europe, ni prendre parti dans ces conflits. Les objectifs et mandats de toute opération de maintien de la paix doivent être clairement définis, la mission évaluée et configurée de manière à lui garantir une forte probabilité de succès. Les opérations de maintien de la paix ne doivent pas, comme ce fut si souvent le cas dans le passé, devenir un substitut aux efforts diplomatiques pour résoudre les conflits, un moyen de "geler" lesdits conflits. L'OTAN ne peut toutefois pas davantage rester indifférente lorsque les normes et références sur lesquelles repose un ordre stable et juste en Europe sont systématiquement et brutalement bafouées. La paix à long terme est en jeu lorsque de telles violations surviennent, car elles peuvent se révéler extrêmement contagieuses dans la partie anciennement communiste de l'Europe. Si les membres de l'OTAN paraissaient incapables de relever les principaux défis à la conscience et à la sécurité auxquels la nouvelle Europe est confrontée, la crédibilité de l'Alliance et le soutien dont elle bénéficie dans l'opinion publique pourraient en subir les conséquences.

Le cadre d'une nouvelle culture en matière de sécurité

Le Conseil de coopération nord-atlantique (CCNA) constitue un cadre où faire disparaître les vestiges de la confrontation issue de la guerre froide, tant au plan matériel que dans les mentalités. Il devrait être le creuset d'un processus susceptible d'amener une nouvelle culture de sécurité commune, reposant sur la coopération, la modération et le respect mutuels, l'ouverture et le partage des responsabilités. Le CCNA ne peut en aucune manière se substituer à la CSCE, ni constituer un mécanisme visant à exclure l'influence des Etats européens neutres et non alignés dans la création d'un ordre nouveau. La Finlande a d'ailleurs participé en qualité d'observateur à la réunion du CCNA qui s'est tenue en juin à Oslo. Bien au contraire, le Conseil doit permettre aux anciens adversaires de faire table rase des vestiges de la confrontation et de la suspicion.

Le CCNA offre un mécanisme d'adhésion des nouvelles démocraties au système de maîtrise des armements Est-Ouest et au code de conduite élaboré dans le cadre de la CSCE et des autres institutions essentielles que sont l'OTAN, la Communauté européenne, l'Union de l'Europe occidentale (UEO), le Conseil de l'Europe et l'OCDE. Il peut surtout, à mon avis, faciliter et encourager la transformation des institutions militaires de l'ex-Union soviétique en institutions au service de l'ordre politique démocratique et des responsabilités et obligations internationales. Le CCNA offre un cadre où débattre de la nécessité de conserver le contrôle du gigantesque arsenal de l'ancienne Union soviétique - aux prises avec la désintégration politique, les difficultés économiques et les troubles sociaux - de manière à souligner que ces problèmes suscitent également des préoccupations au niveau international, et à stimuler la coopération dans ce domaine.

Une liaison diplomatique a été établie, puis approfondie, entre l'OTAN et les pays d'Europe centrale et orientale, et le CCNA est un rouage important pour élargir encore ces relations, notamment dans le domaine de la sécurité militaire. La réunion des ministres de la Défense, qui s'est tenue dans le cadre du CCNA le 1er avril, s'est axée sur le problème commun de la restructuration des forces armées dans le nouvel environnement. Le mode de coopération, tel qu'il est envisagé, pourrait permettre aux responsables militaires de l'Europe centrale et orientale de se familiariser à voir le monde "depuis l'autre côté de la barrière" et promouvoir ainsi la compréhension de l'interdépendance qui lie le destin des pays du CCNA à un même avenir. Cet avenir pourrait être modelé par la coopération sur des objectifs communs ou miné par une compétition visant à l'obtention d'avantages unilatéraux. Une plus grande ouverture, répondant à des critères et procédures agréés en ce qui concerne les structures de forces, la stratégie, les dispositifs militaires, la recherche et le développement, les budgets de défense, etc., contribuerait à la stabilité et à la prévisibilité.

Un séminaire de haut niveau sur la politique et la gestion de la défense organisé début juillet (voir page 11) a porté sur l'étude d'aspects tels que le statut constitutionnel des forces armées dans les sociétés démocratiques et les concepts stratégiques. Ajoutons qu'une première série de journées d'étude sur les aspects pratiques de la gestion de la défense et la réforme et la restructuration des forces armées se tiendra à l'automne. De petits groupes d'experts se rendront dans les capitales. En outre, d'autres journées d'étude seront consacrées aux stratégies et aux méthodes de travail à mettre en oeuvre pour le nettoyage écologique sur le site des installations de défense. L'OTAN formera de petites équipes d'experts qui pourront être dépêchées sur place à la demande des pays souhaitant des conseils sur des aspects essentiels de la gestion de la défense. Le Groupe sur les questions de défense, créé dans l'esprit du CCNA, peut servir d'organe centralisateur pour l'examen des propositions de coopération en matière de défense. La tâche est vaste, mais englobe des opérations concrètes. Des éléments fondamentaux identifiés pourraient surgir une nouvelle culture et une nouvelle éthique de la coopération.

Une dimension de sécurité européenne

L'OTAN n'est pas la seule organisation à s'intéresser aux exigences de la sécurité occidentale, et la création de l'Union politique européenne va peser fortement tant sur sa dimension que sur ses perspectives futures. Il apparaît désormais clairement que l'UEO est assimilée à l'identité de la Communauté en matière de sécurité et considérée comme le pilier européen de l'Alliance. On distingue toutefois beaucoup moins clairement comment ces deux fonctions seront alignées et orchestrées dans les années à venir. Ce qui semble certain, c'est que 1 ' OTAN sortira également transformée de la nouvelle phase de construction communautaire au sein de la CE, que les Européens auront à supporter une plus grande part des tâches liées à la défense commune, que les consultations politiques refléteront de plus en plus les relations bipolaires entre les Etats-Unis et l'Union de l'Europe occidentale, et que certains membres se préoccuperont de l'éventualité de leur marginalisation au sein de la nouvelle structure. L'UEO a pris les mesures nécessaires en vue de la formation du pilier européen de l'OTAN en invitant les pays européens qui, dans celle-ci, n'appartiennent pas à la Communauté européenne à devenir des membres associés de l'Organisation.

Le principal point de référence

L'OTAN ne maintiendra plus un dispositif de forces conçu pour protéger, depuis des positions en avant, une ligne de division de l'Europe, puisque la confrontation a disparu. La machine militaire offensive de l'ancienne Union soviétique et du Pacte de Varsovie a été démantelée au coeur de l'Europe, et la ligne de division a disparu. Aussi était-il important de restructurer le dispositif de défense de l'OTAN, afin d'éviter le danger d'un blocage de la réunification de l'Allemagne et de l'Europe pour des raisons militaires.

L'OTAN constitue aujourd' hui le principal point de référence dans le domaine de la sécurité, non seulement pour ses membres, mais également pour les nouvelles démocraties d'Europe centrale et orientale. La question n'est donc plus de savoir comment contenir un ennemi spécifique et le dissuader de mettre à exécution des menaces spécifiques. Il s'agit plutôt de fournir une assurance résiduelle contre des dangers non spécifiés dans un monde soumis à des incertitudes résultant davantage de l'interaction de forces et d'intérêts économiques, sociaux et ethniques dans des sociétés affaiblies et inconstantes qui luttent pour surmonter les séquelles de décennies d'oppression, de mauvaise gestion et d'exploitation communistes. Le retour de ces sociétés dans l'histoire et leur ambition d'atteindre la prospérité de l'Europe occidentale et de l'Amérique du Nord pourraient les propulser sur des trajectoires assez troublées. D'anciennes ani-mosités et conflits pourraient refaire surface et d'autres s'y ajouter dans cette recherche d'identités, de relations et de rôles nouveaux dans l'arène internationale. L'OTAN, dans ce contexte, pourrait jouer un rôle très important en modelant les ambitions et les espoirs, de concert avec la Communauté européenne, principalement.

L'OTAN reste vitale pour la stabilité de l'Europe, surtout face aux incertitudes et aux situations explosives sur le plan socio-politique dans la région de l'ancienne Union soviétique. Elle devrait pouvoir encourager concrètement le changement politique pacifique et doit rester à même de bloquer toute menace militaire future contre ses membres en cas d'émergence de régimes nationalistes agressifs cherchant à rétablir des positions d'influence par des pressions militaires contre les frontières actuelles. L'OTAN est et reste la principale "assurance-vie" de ses membres, assurance reposant sur des engagements et des droits collectifs.

L'effectif des troupes américaines en Europe se voit réduit en raison de la fin de la guerre froide et du risque de confrontation militaire en Europe. L'incertitude subsiste quant aux futurs niveaux de forces. Afin de maintenir un cadre de défense atlantique viable - le fondement même de l'OTAN - les forces américaines devraient, dès que possible, se stabiliser à des niveaux significatifs au plan militaire par un accord bipartite conclu à Washington. La stabilité des engagements constitue un préalable aussi important pour le maintien de la stabilité stratégique et politique, en ce début des années quatre-vingt-dix, que lors de l'adoption de la résolution Vandenberg (1) à la fin des années quarante. L'influence stabilisatrice de l'OTAN pourrait s'affaiblir si l'européanisation de la défense était conduite par le désir de parer à toute éventualité quant à la présence américaine, plutôt que de contribuer à une identité de défense européenne viable. Celle-ci mettra du temps à se réaliser et tout changement précipité pourrait saper la base soigneusement édifiée de la stabilité en Europe. Il est possible de remporter la guerre froide et de sortir perdant de la quête d'une paix durable.

(1) Note éditoriale: La résolution de 1948 du sénateur Vandenberg ouvrit la voie à l'entrée des Etats-Unis dans l'Alliance, qui fut créée l'année suivante.