Revue de l'OTAN
Mise à jour: 29-Sep-2002 Revue de l'OTAN

Edition Web
Vol. 40- No. 2
Avril 1992
p. 18-23

CSCE Phase 2 -
De Paris à Helsinki, via Berlin et Prague

Christopher Anstis,
Directeur, Division de Id politique de sécurité internationale et des Affaires de la CSCE, Département des affaires extérieures, Canada

Bien que la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) ait commencé il y a 20 ans à peine à Helsinki, ses origines remontent à plusieurs décennies, plus exactement aux années 30. A l'époque en effet, Maxim Litvinov, commissaire soviétique aux relations étrangères, avait tenté de mettre sur pied un système de sécurité collectif en Europe. L'Union soviétique avait lancé l'initiative, lorsqu'elle préconisait une Conférence sur la sécurité européenne au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Mais le résultat - la CSCE - fut différent de celui escompté par Moscou, les Alliés de l'OTAN insistant pour conférer une dimension pratique aux droits des citoyens à quitter leur pays et à y revenir librement, à échanger et recevoir des informations.

Ces dispositions, qui constituent le troisième volet de l'Acte final d'Helsinki signé en 1975 par les chefs d'Etat et de gouvernement, reflétaient les divergences fondamentales qui divisaient alors l'Europe en deux camps: l'Est et l'Ouest. Pendant des années, les débats de la CSCE ont été dominés par des thèmes comme la liberté de circulation ou une diffusion plus large de l'information, au point que les commentateurs qualifiaient souvent la CSCE - à tort - de "réunion des droits de l'homme". Mais comme presque toutes les autres constantes sur la scène de la sécurité européenne, ce débat explosif a subi des transformations radicales suite aux révolutions de 1989. L'Europe avait changé : la CSCE devait, elle aussi, changer.

Une nouvelle CSCE

Tel était le message de la Charte de Paris pour une nouvelle Europe adopté en novembre 1990 au sommet de la CSCE (1). Cette charte énonce un projet pour "Une nouvelle ère de démocratie, de paix et d'unité" et prévoit de "Nouvelles structures et institutions du processus de la CSCE", dans le but de promouvoir une "nouvelle qualité de dialogue et de coopération politiques" par "des consultations plus intenses à tous les niveaux...".

Dans la Charte de Paris, les chefs d'Etat et de gouvernement ont pris rendez-vous pour 1992 à Helsinki (la date exacte de cette réunion ayant été ultérieurement arrêtée aux 9 et 10 juillet), dans le cadre des suites de la CSCE et d'autres réunions similaires. Ils ont également instauré un Conseil des ministres des Affaires étrangères et un Comité de hauts fonctionnaires, chargé de préparer les réunions du Conseil et d'agir en tant que mandataire dudit Conseil.

A leur réunion de Rome en novembre 1991 les chefs d'Etat et de gouvernement de l'OTAN reconnaissant que le processus de la CSCE avait déjà contribué de manière significative à surmonter la division en Europe, ont constaté les changements intervenus au sein de la CSCE: "A la suite du sommet de Paris, (le processus de la CSCE) inclut à présent de nouveaux arrangements institutionnels et offre un cadre contractuel de consultation et de coopération susceptible déjouer, en complément de celui de l'OTAN et du processus d'intégration européenne, un rôle positif pour la sauvegarde de la paix." (2)

La CSCE a un toit

Les hauts fonctionnaires des Etats participant à la CSCE ont très vite commencé à se réunir fréquemment à Prague, où fut établi le nouveau secrétariat de la CSCE. Leurs réunions se tenaient à l'élégant Palais Cernin, qui abrite également les bureaux du ministère des Affaires étrangères. L'automne dernier, par exemple, les hauts fonctionnaires ont été convoqués à plusieurs reprises par le Président en exercice de leur Comité (l'Allemagne à l'époque) pour étudier la situation en Yougoslavie dans le cadre du "mécanisme de consultation et de coopération pour les situations d'urgence", adopté à la première réunion du Conseil des Ministres, en juin 1991 à Berlin. Ils ont également entamé les préparatifs de la seconde réunion du Conseil, convoquée à Prague.

Le Conseil de Prague

Après Paris et Berlin, c'est à Prague que les ministres de la CSCE se sont réunis les 30 et 31 janvier dernier et ils se retrouvèrent de nouveau à Helsinki pour la CSCE Phase 2. Le Conseil de Prague a adopté un projet résumant les conclusions de ses travaux (y compris une déclaration détaillée sur la situation en Yougoslavie) et le "Document de Prague sur la poursuite du développement des institutions et des procédures de la CSCE". Ce document sert de référence aux négociateurs qui participent à la réunion sur la suites de la CSCE, entamée en mars dernier. Le Conseil a également publié une "Déclaration sur la non-prolifération et le transfert des armements". La non-prolifération est un domaine relativement nouveau pour la CSCE. Cette déclaration, qui renforce les actions menées par les Nations unies en la matière, était en partie le fruit d'une initiative canadienne.

Tous ces documents ont été rédigés par le Comité des hauts fonctionnaires et un groupe de travail spécialement constitué à cet effet. Leur préparation a été précédée de négociations difficiles, se prolongeant souvent au delà de minuit - les hôtes tchèques et slovaques veillant à soutenir les efforts des négociateurs en mettant à leur disposition bière et saucisses à volonté. Conformément à la Charte de Paris, ce travail avait pour but de soumettre aux ministres des recommandations quant à la manière de poursuivre le développement des institutions et des structures de la CSCE - c'est-à-dire comment améliorer, d'une façon générale, la capacité de la CSCE de résoudre des crises, de prévenir et résoudre des conflits, bref comment améliorer la gestion de la sécurité.

Cette mission a non seulement nécessité un travail conceptuel visant à dresser la liste des instruments de la gestion de la sécurité, mais elle a également impliqué l'étude de questions sensibles, apparentées à cette problématique, telles que la manière de modifier la sacro-sainte règle du consensus en vigueur à la CSCE et comment prendre des mesures pour protéger les droits de l'homme, la démocratie et le règne du droit.

Les nouveaux Etats membres de la CSCE

Ces questions étaient d'autant plus essentielles qu'elles impliquaient plusieurs Etats désireux de participer à la CSCE - en l'occurrence les républiques issues de l'ex-Union soviétique et de la Yougoslavie. Prenant provisoirement la place de l'Union soviétique, la Fédération de Russie a très vite été acceptée par la Conférence des hauts fonctionnaires, mais l'adhésion à la CSCE a posé plus de problèmes pour les onze autres républiques de l'ex-Union soviétique (rappelons que les trois Républiques baltes se sont jointes à la CSCE en septembre 1991, à la réunion de Moscou sur la dimension humaine), de même que pour les républiques ayant déclaré leur indépendance par rapport à la Yougoslavie.

Finalement, au cours d'une réunion informelle précédant l'ouverture du Conseil le 30 janvier, les ministres sont convenus d'accueillir dix républiques de l'ex-Union soviétique au sein de la CSCE (l'adhésion de la Géorgie, en pleine guerre civile, ayant été reportée). Avec la Fédération de Russie, ces nouveaux Etats membres ont accepté, dans une lettre rédigée par le Comité des hauts fonctionnaires, de respecter les engagements de la CSCE et d'accueillir des missions de rapporteurs de la CSCE.

Ils ont également reconnu que leur territoire fera partie de la zone couverte par le régime des mesures de confiance et de sécurité adopté par la CSCE. Cette précision s'applique, entre autres, aux cinq républiques asiatiques de l'ex-Union soviétique - ce qui étend jusqu'à l'Asie la zone précitée, autrefois déh'mitée par la région allant de 1 ' Atlantique à 1 ' Oural. Paradoxalement toutefois, la partie asiatique de la nouvelle Fédération de Russie a été exclue de la zone, à la demande de la Russie elle-même, dans l'attente de négociations complémentaires. Les ministres ont également invité la Croatie et la Slovénie à assister en tant qu'observateurs aux réunions de la CSCE - renouvelant ainsi le précédent accordé à l'Albanie, un an plus tôt.

Alors que les délégués se rendaient en séance plénière pour assister au Conseil de Prague, de nouveaux drapeaux et de nouvelles plaquettes d'identification étaient installés puisque la CSCE était passée de 38 à 48 pays membres. Au moment de l'ouverture, le 24 mars, de la réunion de suivi d'Helsinki, la Géorgie, la Croatie et la Slovénie ont à leur tour rejoint les rangs de la CSCE qui compte désormais 51 pays membres.

Les ministres réunis à Prague ont pris des mesures immédiates concernant deux des nouveaux Etats membres. L'Arménie et l'Azerbaïdjan avaient déjà accepté des missions de rapporteurs comme condition préalable à leur adhésion à la CSCE. Le Conseil des ministres a décidé d'organiser une mission prioritaire dans le Haut-Karabakh, l'enclave arménienne de l'Azerbaïdjan, pour faire le point sur les luttes sanglantes dans cette région. Cette mission et la mission de suivi (dont le transport dans la région a été assuré par les Forces armées canadiennes) ont été exécutées et rapport a été fait à la CSCE. Au cours d'une réunion spéciale du Conseil à Helsinki le 24 un processus de paix, sous l'égide de la CSCE, pour résoudre ce conflit.

Par cette mesure, le Conseil des ministres a montré qu'il était décidé à développer les compétences de la CSCE en matière de gestion des crises et de prévention des conflits - faisant ainsi écho à la politique formulée par les ministres de l'OTAN à leur sommet de Rome. Ceux-ci avaient en effet reconnu le rôle de la CSCE dans la résolution des crises et la prévention des conflits: "Nous appuierons donc activement le développement de la CSCE, afin qu'elle soit mieux à même d'être l'instance de consultation et de coopération entre tous les Etats participants, capable de mener une action efficace, conformément aux responsabilités nouvelles et accrues qui lui incombent, en particulier dans les domaines des droits de l'homme et de la sécurité, y compris la maîtrise des armements et le désarmement, et l'instance de gestion efficace des crises et de règlement pacifique des différends, dans le respect du droit international et des principes de la CSCE. A cette fin nous suggérons... que les mécanismes de la CSCE pour la prévention des conflits et la gestion des crises soient améliorés." (3)

Des points de vues divergents

Toutefois, le Comité des hauts fonctionnaires n'a pas toujours fait preuve d'une telle détermination au cours de ses délibérations. Comme le soulignait Mme Barbara McDougall, Secrétaire d'Etat aux Affaires extérieures du Canada au Conseil de Prague, certains milieux n'accordent plus toute leur confiance au rôle de la CSCE. L'enthousiasme du sommet de Paris s'est estompé, lorsqu'il est apparu évident que la CSCE ne parviendrait pas à arrêter les combats en Yougoslavie, en dépit du fait que la Communauté européenne et les Nations unies, qui ont déployé des efforts considérables, ont également rencontré des difficultés.

Certains Etats se sont montrés sceptiques quant à l'octroi de fonctions de gestion des crises et de prévention des conflits à la CSCE. Leurs représentants au Comité des hauts fonctionnaires ont avancé que la CSCE devrait confier ce genre de mission à d'autres organisations internationales, sans préciser lesquelles. Cette position traduit une certaine tendance à considérer l'architecture du nouvel ordre de la sécurité européenne de manière exclusive, d'aucuns estimant que le nouveau régime devrait s'articuler soit autour de l'OTAN, soit autour de la CSCE, soit autour de la Communauté européenne.

D'autres responsables ont fait remarquer que cette attitude n'était pas dans la ligne de la politique adoptée par les ministres de l'OTAN au sommet de Rome. Appuyant les positions de plusieurs autres Etats membres de la CSCE, les dirigeants alliés avaient indiqué que la CSCE devait subir de nouvelles transformations, conformément à la Charte de Paris, pour accentuer son rôle opérationnel, tout en insistant, cependant, sur le fait que la sécurité européenne devrait s'appuyer sur un tissu d'institutions interdépendantes et interagissantes.
Aux yeux du Canada, la CSCE devrait devenir la cheville ouvrière de la 'sécurité collective' - un concept formulé pour la première fois aux Nations unies à l'automne 1990 par le Secrétaire d'Etat canadien aux Affaires extérieures de l'époque, Joe Clark. Ce concept défend la thèse selon laquelle une réelle sécurité nationale et internationale dépend du dialogue, de la consultation et de la coopération au niveau régional, couvrant l'ensemble des relations inter-étatiques - politiques, économiques, sociales et écologiques.
Selon cette définition, la sécurité a une portée bien plus grande que l'absence de conflit: elle exige des Etats une confiance mutuelle, qui leur permette
de gérer des problèmes ou des crises et d'éviter qu'ils ne dégénèrent en menace militaire ou en conflit.

La CSCE, gardienne de la paix

Une large part du débat sur le rôle de la CSCE en matière de gestion de la sécurité a trait au maintien de la paix. Dans le Document de Prague, les ministres ont demandé que soient étudiées, lors de la réunion d'Helsinki, les possibilités qui permettraient d'améliorer les instruments de gestion des crises et de prévention des conflits. La CSCE ne se contenterait donc plus de missions d'observation et de comptes-rendus, mais proposerait ses bons offices et son intervention dans le règlement de différends. Les ministres ont en outre demandé que l'on examine attentivement la possibilité de faire de la CSCE la gardienne de la paix, ou comment lui conférer un rôle dans le maintien de la paix. Cet exemple d'ambiguïté créative, si typique de la CSCE, masque deux thèses contradictoires: l'une voulant que la CSCE soit en mesure de mobiliser de plein droit ses propres ressources - des forces de maintien de la paix - pour assurer la gestion de la sécurité; l'autre, qu'elle confie ce rôle à d'autres institutions disposant des ressources nécessaires - et l'on pense ici bien sûr à l'OTAN et à l'UEO.

L'issue de ce débat, qui se poursuivra à Helsinki, ne sera pas sans conséquences majeures. Une CSCE gardienne de la paix ne serait pas 'un instrument de plus' au service de la gestion de la sécurité; elle serait aussi un signe politique manifeste de la volonté des Etats participants de renforcer cette instance.

L'interface OTAN-CSCE

Le Document de Prague et les conclusions du débat en Conseil des ministres suggèrent une approche qui pourrait se dessiner à Helsinki. Le Document stipule que les tâches liées à la gestion des crises et à la prévention des conflits pourraient être déléguées à des groupes ad hoc d'Etats participants. En insistant sur le rôle prédominant que devrait jouer la CSCE dans le développement de l'architecture européenne, les ministres ont demandé que l'on étudie à Helsinki les moyens de promouvoir des formes polyvalentes de coopération et un rapprochement des institutions européennes, transatlantiques et internationales en tirant parti de leurs compétences respectives.

En guise d'exemple de cette coopération, Mme McDougall a suggéré au Conseil de Prague que l'OTAN et la CSCE interagissent par le biais de leurs Etats membres communs. En d'autres termes, les 16 Etats membres de l'OTAN - également membres de la CSCE - pourraient coopérer avec d'autres Etats de la CSCE pour tenter de résoudre une crise, en s'appuyant sur les ressources de l'OTAN. Cette démarche favoriserait le développement de ces relations 'interdépendantes et interagissantes' que les dirigeants de l'OTAN réunis à Rome souhaitent promouvoir entre les différentes institutions qui composent l'architecture européenne. Elle serait également conforme à un principe né des leçons de la Guerre du Golfe, à savoir que l'OTAN pourrait mettre ses ressources et son infrastructure à la disposition des Alliés qui oeuvrent à la prévention ou à la résolution d'un conflit, que l'Alliance soit ou non impliquée officiellement dans ce processus.

Dans pareil cas de figure, il est essentiel que la CSCE prenne des initiatives et justifie des opérations de gestion de la sécurité, puisqu'elle est la seule institution à couvrir toute la région concernée et à jouir de l'autorité morale et politique requises, celles-ci lui étant conférées par l'engagement des Etats participants à respecter les principes énoncés dans l'Acte final d'Helsinki et dans la Charte de Paris.

Le mécanisme de prévention des conflits


La CSCE a besoin d'un mécanisme de prévention des conflits qui englobe engagements et consultations politiques, accords institutionnels et ressources opérationnelles pour relever les défis menaçant la sécurité. Ce point a été confirmé dans le Document de Prague, qui stipule clairement que les Etats membres de la CSCE devraient disposer d'un éventail d'options pour gérer les crises et réagir à des conflits réels ou potentiels.

Le Document de Prague contient également l'ébauche d'une procédure de mise en route de la gestion de la sécurité par la CSCE. Le Comité consultatif du Centre pour la prévention des conflits de la CSCE peut soumettre une situation à l'attention du Comité des hauts fonctionnaires, par l'intermédiaire de son président en exercice, lequel serait autorisé à convoquer les hauts fonctionnaires pour examiner le problème. Cette procédure vient s'ajouter aux dispositions qui autorisent le Centre pour la prévention des conflits à réagir face à des activités militaires inhabituelles ou qui prévoient sa convocation - dans le cadre du mécanisme de consultation et de coopération pour des situations d'urgence - par un quorum de 13 Etats, afin d'étudier une situation délicate et urgente née de la violation des principes de l'Acte final d'Helsinki ou de troubles majeurs mettant en danger la paix, la sécurité ou la stabilité.
Ces dispositions, par lesquelles la CSCE entamerait sa mission de gestion des crises, constituent un bon point de départ, mais il reste à élaborer un mécanisme complet en la matière. En tant qu'institution, la CSCE doit notamment pouvoir anticiper les situations susceptibles de dégénérer en conflits. Elle devrait être en mesure d'identifier et d'analyser pareilles situations avant - et non après -l'éclatement de la violence. Il s'agit là d'un des objectifs à atteindre lors de la réunion d'Helsinki.

Une proposition canadienne

Un mécanisme de gestion de la sécurité propre à la CSCE assurerait la prévention des conflits par la convocation d'un comité de crise, où seraient représentés les Etats concernés plus un, désigné conjointement, afin de faciliter la recherche d'une solution. Alternativement, le Comité des hauts fonctionnaires, mandaté par le Conseil des ministres, pourrait charger un groupe de pays d'une mission de bons offices. Au cas où ces efforts ne parviendraient pas à déjouer la crise, le Conseil ou le Comité des hauts fonctionnaires, réuni d'urgence, pourrait recommander une ligne de conduite, par les moyens appropriés. Pour le Canada, une des tâches de la réunion d'Helsinki devrait consister à étudier et adopter une série de mesures concrètes, à mettre en oeuvre selon les circonstances.

En cas de conflit entre des Etats participants, le Conseil des ministres devrait être convoqué sans délai et pourrait exiger l'arrêt des combats, déclarer un embargo sur les envois d'équipements militaires dans la/les zone(s) du conflit et/ou en appeler à un retour au statu quo ante. Le Conseil traiterait directement avec les parties concernées afin d'enclencher un mécanisme de règlement obligatoire du différend, lequel pourrait s ' appuyer sur la procédure de la CSCE applicable au règlement pacifique des différends (et être géré par une instance de conciliation et d'arbitrage de la CSCE). En cas de poursuite des hostilités, le Conseil envisagerait des mesures politiques, économiques et autres afin de mettre un terme aux combats, y compris le déploiement de contingents de surveillance ou de maintien de la paix, organisées soit directement par la CSCE, soit par l'intermédiaire du Comité consultatif du Centre pour la prévention des conflits ou encore par un groupe d'Etats membres de la CSCE. Pour l'organisation et le déploiement de telles missions, le Conseil des ministres pourrait faire appel aux compétences, à l'expérience et aux ressources de groupes d'Etats ou d'institutions multinationales dans la région de la CSCE.

Consensus moins un

Le développement du rôle de la CSCE en matière de gestion de la sécurité implique aussi une définition plus précise des actions que pourrait et que devrait mener la CSCE contre un Etat ayant enfreint, manifestement ou non, les engagements souscrits en matière de droits de l'homme, démocratie et règne du droit - si nécessaire (et fort probablement) sans le consentement de cet Etat. Cela impliquerait bien sûr une procédure de consensus moins un, et permettrait à la CSCE d'agir, dans certains cas, sans unanimité préalable de ses membres.

La formule adoptée par les ministres dans le document de Prague sous le titre "Sauvegarder les droits de l'homme, la démocratie et le règne du droit" insiste sur le recours aux moyens pacifiques pour traiter avec le pays qui aurait enfreint ces principes et préconise des déclarations politiques ou 'autres mesures politiques à appliquer en dehors du territoire de l'Etat concerné'. Même les auteurs de cette section n'ont pu dire ce qu'elle signifiait exactement. Helsinki devrait veiller à ce qu'aucune ambiguïté ne subsiste en la matière.
Il est à noter que la règle du consensus moins un s'applique particulièrement à la dimension humaine - expression forgée par la CSCE pour désigner les droits de l'homme, la démocratie et le règne du droit. Enfin, la plupart des menaces qui planent aujourd' hui sur la sécurité en Europe relèvent moins d'un risque calculé d'agression territoriale que de la dimension humaine - rivalités ethniques, mauvais traitement des minorités, racisme résurgent et migration incontrôlée. Les protagonistes sont davantage des groupes et des communautés que des Etats-nations. La CSCE doit tenir compte de ces facteurs dans sa stratégie de gestion de la sécurité.
Le mécanisme de la dimension humaine, qui, aux yeux du Canada, fait partie de la gestion de la sécurité par la CSCE, est le point de départ de cette analyse. Il a été adopté à la réunion sur les Suites de la CSCE en 1989, à Vienne, et affiné au cours d'une série de rencontres sur le sujet à Paris d'abord, à Copenhague ensuite - où des progrès sans précédents furent enregistrés - et à Moscou enfin en octobre dernier. C'est à Moscou que les Etats de la CSCE ont déploré les "actes de discrimination, d'hostilité et de violence contre des personnes ou des groupes pour des raisons nationales, ethniques ou religieuses", exprimant ainsi leur inquiétude face aux événements en Yougoslavie, dans le Haut-Karabakh, à Tbilisi et ailleurs encore.
Face à la violence de ces conflits, le mécanisme de la dimension humaine - une procédure permettant initialement aux Etats d'obtenir des renseignements ou de faire des déclarations auprès d'autres Etats sur des questions principalement liées aux droits de l'homme - s'est transformé en un système d'intervention plus poussé. Avec l'appui de cinq autres pays, un Etat peut désormais organiser une mission de rapporteurs dans un autre Etat afin d'enquêter sur des questions relatives à la dimension humaine de la CSCE.

Le type de questions visées ici a trait aux violations des droits des minorités et à d'autres sources de conflits similaires en Europe. En ce sens, le mécanisme de la dimension humaine constitue l'une des extrémités du spectre de la gestion de la sécurité par la CSCE, l'autre extrémité devant englober des instruments plus musclés de maintien de la paix.

La CSCE reconnaît donc que le respect des droits de l'homme et la protection des minorités sont des facteurs de stabilité et de sécurité. Les négociations d'Helsinki, dans le domaine de la sécurité, doivent aller de pair avec celles qui ont trait à la dimension humaine. Il faut que des mesures concrètes spécifiques soient prises pour éliminer l'habitude, qu'ont certains milieux, de dénigrer l'existence même de minorités en quête de protection. La résurgence du racisme dans certains Etats participants doit faire l'objet d'une surveillance adéquate - qui pourrait être définie à Helsinki - pour assurer une totale conformité aux engagements pris par les Etats de protéger individus et groupes contre toute discrimination raciale, ethnique et religieuse. Il conviendrait également d'étudier les moyens de contrôler les déplacements d'immigrants illégaux et des demandeurs d'asile, une des principales causes de la résurgence du racisme.

Avec de tels sujets d'analyse et de discussion, Helsinki devrait offrir aux Etats participants l'occasion de renouveler leur foi et leur engagement dans le processus de la CSCE.


(1) Texte publié dans la Revue de l'OTAN, N° 6, décembre 1990
(2) Nouveau concept stratégique de l'Alliance, par. 5. Texte publié dans la Revue de l'OTAN, N° 6, décembre 1991, page 25
(3) Déclaration de Rome, paragraphe 14, op.cit. p.21