Revue de l'OTAN
Mise à jour: 08-Sep-2002 Revue de l'OTAN

Edition Web
Vol. 39- No. 5
Octobre 1991
p. 13-17

Partenariat entre la Bulgarie et l'OTAN:
un développement prometteur

Victor Valkov,
Vice Premier ministre et ministre
des Affaires étrangères de Bulgarie

A la veille du XXIème siècle, l'Europe et le monde traversent une période de profonds bouleversements, de changements presque incroyables. Dans ce contexte, Etats, forces politiquesetpersonnalités réévaluent leurs positions et leurs stratégies pour pouvoir relever les défis des années à venir.

Les changements radicaux en cours en Europe de l'Est, que certains experts comparent au printemps des peuples de 1848, sont ressentis partout et s'accompagnent d'un ajustement tout en souplesse au processus de renouveau qui caractérise les sociétés démocratiques occidentales. Par leurs efforts de coopération, tous cherchent et trouvent des solutions inhabituelles, hier encore inimaginables.

C' est de Bulgarie que j ' écris ces lignes. La Bulgarie, un pays transfiguré, en proie à un processus complexe mais irréversible axé sur la liquidation du régime totalitaire et la construction d'une société démocratique caractérisée par le pluralisme politique, le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et le passage d'une économie centralement planifiée à une économie de marché. Ce processus prendra une dimension nouvelle lors des élections du 13 octobre 1991, au terme desquelles les forces démocratiques devraient remporter la majorité au parlement.

Sans entrer dans les détails, permettez-moi de souligner tout d'abord deux points importants. En raison des réformes audacieuses qu'elle a entreprises, la Bulgarie est devenue l'un des pays d'Europe orientale où l'instauration de la démocratie progresse le plus rapidement. Pourtant, contrairement à d'autres pays, voisins ou plus éloignés, cette transition se fait de manière pacifique et non violente. C'est avec maturité, compréhension et patience que le peuple bulgare fait face aux inévitables difficultés et privations qui accompagnent le changement de régime. Telle est la position qu' a choisie la Bulgarie, une position que la communauté internationale reconnaît et apprécie à sa juste valeur.

La Bulgarie présente au monde son nouveau visage. En dépit de la lassitude et des souffrances accumulées sous le régime communiste, elle tend la main de l'amitié à tous les peuples et leur exprime son désir de coopération et de compréhension. Les changements en cours ont logiquement amené notre pays à se tourner vers des centres économiques et démocratiques et modifié la philosophie et 1'orientation de la politique étrangère bulgare, en fonction de nouveaux principes et de nouvelles priorités.

Ouverture internationale

En résumé, la nouvelle politique étrangère bulgare se caractérise par une ouverture réciproque entre la Bulgarie et le monde entier, ce qui nous apparaît comme une garantie pour mener à bien les changements démocratiques. La Bulgarie s'est débarrassée une fois pour toutes du syndrome de la satellisation. Aujourd'hui, l'occasion, unique dans notre histoire, nous est donnée de développer une politique étrangère indépendante et pragmatique tout en pré-servantnos intérêts potentiels et nationaux. Nous avons définitivement rejeté 1 ' orientation unilatérale en vigueur jusqu'à présent quant aux garanties de notre sécurité nationale et aux liens économiques. Parallèlement, nous adaptons notre comportement sur la scène internationale aux principes universellement reconnus de relations inter-étatiques définis dans la Charte des Nations unies, l'Acte final d'Helsinki, la Charte de Paris pour une nouvelle Europe et d'autres documents internationaux.

Dans le nouvel environnement international, nous nous efforçons de garantir notre sécurité à partir de structures régionales, continentales et globales plutôt que de nous lier une nouvelle fois à une seule grande puissance.Nous déployons des efforts particuliers pour promouvoir des relations de bon voisinage avec les autres Etats balkaniques. La Bulgarie n'a aucune revendication territoriale à l'encontre d'aucun autre pays et souhaite que les autres Etats adoptent une position similaire. Elle respecte le droit des peuples à l'autodétermination et ne tire pas parti des difficultés que peuvent connaître ses voisins ou d'autres nations. Elle s'emploie à consolider des relations bilatérales et multilatérales sur la péninsule, dans le cadre du processus de la CSCE.

Les aspirations de la Bulgarie à adhérer aux structures politiques européennes et internationales sont bien connues et nous nous réjouissons de l'appui politique croissant accordé à la réalisation de cet objectif. Nous avons reçu le statut d'invité spécial à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, et la procédure d'adhésion de la Bulgarie à cette importante institution européenne est en cours. Nous avons conclu un accord de coopération avec la Communauté européenne (CE) et cherchons à présent à devenir membre associé, puis membre à part entière de la Communauté. Nous avons également établi une liaison diplomatique régulière avec l'OTAN.
Malgré cela, nous ne sommes pas maximalistes et ne nous faisons aucune illusion. Nous savons que F intégration de la Bulgarie aux institutions européennes prendra du temps et qu'elle s'accompagne de certaines conditions préalables. Nous sommes pleinement conscients du fait que nos partenaires occidentaux doivent actuellement faire face à une multitude de préoccupations et d'objectifs nouveaux et nous ne voulons pas les gêner par des propositions irréalistes.

Nous pensons que la conclusion d'accords bilatéraux avec une série de pays, y compris des Etats membres de l'OTAN comme l'Allemagne, la France, l'Italie, la Grèce et la Turquie, constitue une forme majeure de coopération.
Comme ses partenaires de l'OTAN, la Bulgarie estime qu'une super-institution ne peut suffire, à elle seule, à garantir la sécurité européenne sous tous ses aspects - militaire, politique, économique, humanitaire et écologique. La sécurité européenne doit être érigée sur un ensemble de relations et d'institutions poursuivant chacune des missions spécifiques, mais complémentaires. Les principales composantes de cette structure seront le processus de la CSCE, l'Alliance de F Atlantique Nord, la Communauté européenne, F Union de l'Europe occidentale et le Conseil de l'Europe.

Une sécurité homogène

L'insistance de l'OTAN à éviter la création de zones-tampons, de sphères d'intérêts ou de niveaux de sécurité différents dans l'instauration d'un nouvel ordre pacifique revêt une importance particulière pour tous les Etats européens, et surtout pour les plus petits d'entre eux, tels que la Bulgarie. Nous partageons entièrement la nouvelle formule de stabilité, qui vise à faire de la guerre un événement politiquement inconcevable et matériellement impossible. Il est donc naturel que nous suivions de près le développement de la nouvelle stratégie politique et militaire de 1' OTAN, qui sera adoptée en novembre, lors du prochain sommet de l'OTAN. Incontestablement, ce sommet marquera un jalon important de l'histoire et les décisions qui y seront prises auront des répercussions à l'échelle internationale.

La nouvelle Bulgarie démocratique a déclaré, à plusieurs reprises déjà, combien elle appréciait le rôle de l'Alliance de l'Atlantique Nord rénovée en tant que garant de la sécurité et de la stabilité, et agent du changement démocratique en Europe. Depuis plus de quarante ans, l'OTAN incarne le lien transatlantique associant le destin de l'Amérique du Nord à celui de l'Europe. Aujourd'hui, l'OTAN se comporte plus que jamais comme une véritable alliance, comme une organisation dont le rôle politique ne cesse de s'affirmer; elle offre la seule structure de défense encore en vigueur sur le continent. C'est pourquoi elle occupe une place aussi importante dans le nouvel ordre européen et mondial.

Nous avons accepté la main de l'amitié que nous a tendue l'Alliance de l'Atlantique Nord et son invitation à établir de nouvelles relations de partenariat. L'opportunité et les potentialités de la Déclaration de Londres en 1990 (l) ont résisté à l'épreuve du temps. Aujourd'hui, il apparaît de plus en plus nécessaire de promouvoir le dialogue et la coopération sur des sujets d'intérêt commun.

Nous avons accueilli avec beaucoup d'intérêt et de satisfaction les idées constructives contenues dans la Déclaration du Conseil de l'Atlantique Nord à Copenhague sur le Partenariat avec les pays d'Europe centrale et orientale (2). L'OTAN a fait savoir que la consolidation et la préservation, sur l'ensemble du Continent, de sociétés démocratiques et de leur liberté par rapport à toute forme de coercition ou d'intimidation représentaient pour elle un sujet de préoccupation directe et concrète; nous pensons que cette déclaration constitue un nouveau pas important dans la réaffirmation de l'indivisibilité de la sécurité et de la stabilité de tous les Etats européens.

Le partenariat constructif entre l'OTAN et les pays d'Europe de l'Est engagés sur la voie de la démocratie et de l'instauration d'économies de marché modernes a trouvé une nouvelle expression lors des moments pénibles que nous avons vécus pendant le coup d'Etat manqué en Union soviétique. Alors que les jeunes démocraties d'Europe centrale et orientale se sentaient à nouveau gravement menacées, la solidarité de nos partenaires de l'OTAN et leur appel aux dirigeants soviétiques pour qu'ils respectent l'intégrité et la sécurité de tous les Etats d'Europe nous sont apparus comme des gestes d'une importance extrême et dont nous apprécions la valeur. Dès les premières heures des événements en Union soviétique, la Bulgarie a, pour sa part, fermement condamné la tentative de coup d'Etat et appuyé les efforts visant à restaurer sans délai le pouvoir légitime et le président constitutionnellement élu, M. Gorbatchev.

Tant au cours des heures dramatiques du coup d'Etat en Union soviétique que pendant la guerre du Golfe et les événements tragiques en Yougoslavie, notre pays a adopté, comme ses partenaires de l'OTAN, une position ferme et inébranlable de soutien à la liberté et à la démocratie. Cette attitude atteste amplement et concrètement l'engagement total de la Bulgarie envers les valeurs et les idéaux démocratiques sur lesquels repose l'OTAN.

Un dialogue politique de haut niveau

La Bulgarie partage l'opinion du Conseil de l'Atlantique Nord selon laquelle les dispositions relatives aux liaisons diplomatiques entre l'OTAN et les pays d'Europe centrale et orientale revêtent aujourd'hui une importance accrue. Nous nous félicitons de ce que nos partenaires de l'OTAN souhaitent développer davantage leur contribution envers le processus de réformes politiques et économiques en cours dans nos pays - une évolution dont le principal frein, par suite des profonds changements en Union soviétique, est maintenant aboli.

Nous sommes convaincus que la visite à l'OTAN du président de la république de Bulgarie, M. Jeliu Jelev, en novembre prochain, contribuera à développer nos relations de partenariat et à renforcer notre coopération et notre confiance mutuelle.

Le dialogue politique de haut niveau engagé entre la Bulgarie et l'OTAN remonte aux premières visites d'un Premier ministre et d'un ministre des Affaires étrangères bulgares à l'OTAN. Dans le même contexte, permettez-moi de souligner combien nous avons apprécié les résultats de la visite de M. Manfred Wôrner, Secrétaire général de l'OTAN, dans notre pays en juin dernier. Au cours des entretiens, plusieurs initiatives concrètes ont été débattues en vue d'étendre et de consolider nos contacts et notre coopération, dans l'esprit de la Déclaration de Copenhague.

La visite de M. Wôrner et les visites effectuées ultérieurement par d'autres hauts fonctionnaires de l'OTAN ont marqué l'abandon de déclarations d'intention générales au profit de mesures concrètes. Celles-ci permettront d'élargir les contacts et les consultations en vue d'établir une coopération pratique, axée sur le renforcement de la stabilité et de la sécurité en Europe, particulièrement dans les Balkans.

Nous pensons qu'il est nécessaire d'exploiter au maximum toutes les possibilités de contacts et de consultations, d'échanges d'informations et d'opinions sur les problèmes de sécurité, tant au niveau des politiciens que des experts. Les visites mutuelles de personnalités de haut rang de l'OTAN et de Bulgarie se sont avérées très précieuses pour la détermination des principes directeurs de notre partenariat. Celui-ci devrait reposer sur un vaste réseau de consultations et de contacts réguliers entre hauts responsables et experts des ministères des Affaires étrangères et de la Défense, de même que d'autres ministères et institutions gouvernementales de notre pays et des représentants des organes de l'OTAN.

Nous nous efforçons d'intensifier la liaison diplomatique régulière par le truchement de notre ambassade de Bruxelles et d'étendre la portée des échanges de vues et d'opinions.

Elargir les contacts

Nous pensons qu'il est possible d'instaurer des contacts constructifs entre 1 ' OTAN et la Bulgarie par le mécanisme des consultations politiques, par le biais des institutions et de diverses enceintes du processus de la CSCE, ainsi que dans le cadre des négociations sur la maîtrise des armements.
Nous accordons énormément d'importance à la promotion des contacts entre les sphères militaires de l'OTAN et de la Bulgarie. Des officiers bulgares assisteront à des cours dans des écoles de l'OTAN, à Rome et à Oberammergau.

La participation de nos experts à certaines activités de l'OTAN constitue un aspect positif du développement de notre coopération avec celle-ci. Elle couvre notamment les programmes scientifiques et écologiques de la Troisième dimension de l'OTAN, ainsi qu' un échange actif d'informations et d'opinions sur des questions relatives à la gestion de l'espace aérien, à la planification des mesures d'urgence dans le domaine civil et aux relations entre civils et militaires dans une société démocratique.

Les parlementaires bulgares ont engagé des contacts fructueux avec leurs homologues de F Assemblée de l'Atlantique Nord, dont ils suivent les travaux en tant qu'observateurs. S'ils recevaient le statut de membres associés, ils pourraient également participer aux travaux des différentes commissions et sous-commissions de l'Assemblée.

Nous apprécions grandement l'empressement de l'OTAN à nous aider à aborder les problèmes que pose la conversion de notre industrie de la défense. Le Secrétaire général de l'OTAN a exprimé son soutien à l'organisation, en Bulgarie, d'un forum international représentatif sur des problèmes de conversion, et nous nous en félicitons.

Nous constatons par ailleurs que le programme d' information de 1' OTAN a été étendu à notre pays. Ce programme comporte, entre autres, des visites au siège de l'OTAN déjeunes dirigeants, parlementaires, groupes éducatifs et groupes de presse et représentants d'autres communautés, et une large diffusion en Bulgarie de publications de l'OTAN et d'autre matériel d'information. Il faut souligner que, désormais, des milliers de citoyens bulgares peuvent suivre de près, grâce à la Revue de l'OTAN, les nombreuses activités de l'Organisation et les débats sur la nouvelle stratégie politique et militaire de l'Alliance. Cette ouverture contribue certainement à une meilleure compréhension des objectifs et des activités de l'OTAN dans l'esprit du peuple bulgare, et à l'élimination des préjugés et de la méfiance associés à la guerre froide.

Le Club atlantique bulgare, le premier de ce type en Europe de l'Est, s'efforce également de parvenir à ces objectifs, par des activités auxquelles participent d'éminents représentants des milieux politiques, publics et universitaires. Ensemble, les efforts déployés au niveau gouvernemental et la participation active des communautés sociales et universitaires à la promotion des relations avec l'OTAN leur confèrent, d'une certaine manière, une dimension unique, tout en leur garantissant un développement stable.

La Bulgarie cherche également à promouvoir ses relations bilatérales avec les Etats membres de l'OTAN, et notamment avec la Grèce et la Turquie, ses voisins, pour les situer dans une perspective renouvelée. Des progrès ont déjà été réalisés en ce sens. La régularité des consultations sur les problèmes de sécurité et sur la promotion des contacts militaires avec ces pays représente un élément crucial de nos relations avec l'OTAN.

Depuis des siècles, la Bulgarie fait intrinsèquement partie de l'histoire, de la civilisation et de la culture de l'Europe chrétienne. Nous avons souffert chaque fois que l'on a essayé de nous arracher par la force à cet environnement naturel. C'est pourquoi nous pensons que nous parviendrons à prendre la place qui nous revient dans l'Europe unie et démocratique, dans le cadre de structures politiques et économiques multilatérales. L'OTAN a elle-même déclaré que, grâce à nos efforts communs, la Bulgarie deviendrait un partenaire essentiel, au même titre que chacun des autres Etats d'Europe de l'Est et ceci renforce davantage encore notre conviction.

(1) Déclaration de Londres sur une Alliance de l'Atlantique Nord rénovée, publiée par les chefs d'Etat et de gouvernement participant au sommet de Londres du Conseil de l'Atlantique Nord, les 5 et 6 juillet 1990. Texte intégral publié dans la Revue de l'OTAN, N° 4, août 1990, page 32.
(2)Texte publié dans la Revue de l'OTAN, N° 3, juin 1991, page 28.