Mise à jour: 08-Sep-2002 | Revue de l'OTAN |
Edition Web
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Le rôle du CEIP
Guy Coëme,
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Jusqu'en 1984, les secrétaires d'Etat à la Défense
et les Directeurs Nationaux des Armements (DNA) ont soutenu par leur action
toutes les démarches techniques pour faciliter les coopérations
bilatérales et multilatérales dans de nombreux programmes
d'équipements de défense. Mais étant donné
la nécessité d'une dimension politique au sein du GEIP,
une première réunion de cette organisation au niveau des
ministres de la Défense nationale a été tenue en
1984. A la suite des conclusions d'une étude sur l'industrie européenne,
les ministres ont décidé d'établir un "Plan
d'action". Ce Plan, après approbation en 1988, a donné
lieu à une restructuration du GEIP suivant les trois axes (voir
l'organigramme) qui forment encore aujourd'hui la base des trois commissions
du GEIP:
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Un autre changement structurel, qui offre davantage de continuité à l'organisation, concerne l'établissement d'un Secrétariat permanent à Lisbonne dont le rôle principal est de constituer l'appui administratif de la Présidence.
Bilan des activités du GEIP
La définition et l'harmonisation aussi larges que possible des
besoins opérationnels constituent la clé de voûte
de toute coopération en matière d'équipements. Ceci
présuppose une planification militaire à long terme des
programmes d'équipements, planification difficile à réaliser
malgré l'existence, au cur de l'Alliance, de nombreuses enceintes
au sein desquelles les questions de planification peuvent être abordées.
II faut noter, par ailleurs, que l'époque n'est pas très propice au lancement de nouveaux programmes. Les récentes incertitudes ainsi que les évolutions politiques, tant en Europe centrale que dans d'autres régions plus éloignées, compliquent sérieusement la redéfinition de la position stratégique pour la plupart des nations. Les contraintes budgétaires constituent un autre facteur important: elles continueront en effet d'exercer des pressions à la baisse sur le niveau global de dépenses militaires.
Néanmoins, le GEIP s'efforce avec pragmatisme d'identifier et de mettre au point un maximum de programmes pouvant aboutir à la coopération, tout en veillant à éviter toute duplication du travail avec d'autres enceintes telles que l'Eurogroupe ou FINA-BEL (l), auprès desquelles il faudra rechercher une meilleure voie vers une collaboration harmonieuse.
Le bilan de l'action du GEIP dans le domaine de la recherche technologique pour la défense peut être qualifié de particulièrement positif. Dès 1984, les ministres ont approuvé des "Common Technology Programmes" dans différents domaines technologiques auxquels participent des industriels de plusieurs pays, mais des résultats beaucoup plus importants sont attendus dans le cadre du programme EUCLID (European Coopération for thé Long-Term in Defen-ce). Ce programme est caractérisé, d'une part, par le très large éventail des domaines technologiques couverts et, d'autre part, par un cadre contractuel unique. Il est conjointement financé par les gouvernements et l'industrie. La participation des gouvernements pourrait atteindre 360 millions d'Ecus (2) répartis sur plusieurs années.
Depuis la signature à Copenhague, le 16 novembre 1990, du protocole
d'accord entre les treize pays membres, vingt-neuf Projets de recherche
et de technologie (PRT) ont été approuvés et deux
Arrangements de mise en uvre ont été signés
par des gouvernements. On espère la signature d'autres Arrangements
de mise en uvre dans un proche avenir, ainsi que la conclusion des
premiers contrats avec l'industrie avant la fin de l'année 1991.
Il serait très exagéré de dire que 1' action du GEIP
a déjà débouché sur la création d'un
Marché ouvert européen des équipements de défense
(MEED). On peut toutefois considérer que des progrès sensibles
ont été réalisés vers une concurrence à
l'échelle européenne dont les principes ont été
incorporés dans le "Policy Document" approuvé
par les ministres à Copenhague en 1990.
Les pays du GEIP publient régulièrement des bulletins recensant
les possibilités de contrat pour les matériels de défense.
Chaque pays membre a désigné et rendu publics les points
de contact de son organisation. Ce réseau de points de contact
permet aux nouveaux soumissionnaires potentiels d'être signalés
aux autorités chargées des achats de sorte qu'aucune société
ne puisse pâtir d'un manque de connaissance de la politique et des
procédures d ' achat dans les autres pays.
En ce qui concerne la compatibilité des procédures contractuelles,
quelques critères fondamentaux d'attribution des contrats ont été
identifiés. Afin de garantir une application uniforme et correcte
du "Policy Document", le principe de désignation d'autorités
nationales d'acquisition chargées de résoudre les litiges
et plaintes éventuels a été entériné.
En attendant la création de telles autorités, une procédure
dotée d'une base bilatérale est mise au point pour résoudre
les difficultés qui pourraient surgir entre les industries et les
autorités contractantes.
Enfin, des progrès ont été réalisés
dans l'identification du problème épineux du juste retour
économique des commandes passées à l'étranger.
Relations avec d'autres institutions européennes
II ressort de cette analyse du bilan des activités du GEIP que celui-ci constitue le forum européen pour une approche approfondie des sujets liés aux acquisitions et à la coopération en matière d'équipements de défense. Les connaissances techniques du GEIP en ce domaine pourraient donc être utiles dans les débats qui ont lieu au sein de la Conférence intergouvernementale sur l'Union politique, de la Communauté européenne et de l'Union de l'Europe occidentale au sujet de la future architecture de sécurité en Europe. Conscients de l'impact important de ces décisions en cours sur les activités du GEIP, les ministres sont convenus, lors de la réunion ministérielle du 3 juillet à Bruxelles, qu'il était indispensable d'entretenir des contacts appropriés avec ces instances européennes. L'objectif de ces contacts est double: il faut, en premier lieu, que le GEIP soit informé de façon à ce que son action interne tienne dûment compte des développements dans les autres enceintes; en second lieu, le GEIP doit s'interroger quant aux modalités pour entamer un échange de vues avec les autres organisations, afin de faire valoir ses opinions en leur sein. Dans ce but, un nouveau Groupe ad hoc traitant des questions de la CE et de l'UEO a été créé pour assister la présidence dans ces contacts et formuler des recommandations.
Le GEIP et les actions de la CE
En ce qui concerne les relations avec la CE, la question de la compétence
de la Commission sur le marché de défense repose sur l'interprétation
de l'article 223 du Traité de Rome, lequel autorise tout Etat membre
à prendre les mesures qu'il estime nécessaires à
la protection de ses intérêts essentiels de sécurité.
De fait, la Commission s'est abstenue d'intervenir directement dans le
domaine des marchés publics relatifs à des équipements
spécifiquement militaires. D'autre part, différentes raisons
avancées par la Commission l'incitent à prendre des initiatives
touchant de près le marché européen des équipements
de défense.
Tout d'abord, la Commission n'a cessé d'affirmer sa compétence
en matière de contrats publics conclus par les ministres de la
Défense pour les produits qui ne sont pas exclusivement militaires,
ce qui implique une application restrictive de l'article 223. La Commission
note d'autre part la pression exercée par le Parlement européen
pour que la CE mène une action dans le domaine de l'industrie et
du commerce des matériels de défense. Elle fait ensuite
remarquer qu'une exclusion continue du commerce des matériels de
défense est difficilement conciliable avec sa responsabilité
des relations commerciales dans les autres secteurs, vu le caractère
dual de la plupart des industries de défense qui travaillent à
la fois pour le secteur civil et des forces armées. Il est d'ailleurs
sans cesse plus difficile de faire la distinction entre les industries
civiles et militaires et les applications de la technologie.
D'autre part, des questions se posent en ce qui concerne la restructuration des industries de défense de la CE remises en question par la diminution des dépenses d'armement et le recul du commerce mondial des armes. Le GEIP peut contribuer au bon fonctionnement d'une industrie bien adaptée au volume des marchés, mais il n'a ni la vocation, ni les moyens d'intervenir dans la solution des problèmes que posera l'adaptation de la capacité de production.
Un autre problème dans les relations avec la CE, qui ne peut être ignoré mais ne semble pas devoir poser de difficultés majeures, concerne la question de l'appartenance. Il existe déjà, en effet, des relations entre la CE et la Turquie, membre associé, et la Norvège, membre de l'Association européenne de libre échange.
Le GEIP et la Conférence intergouvemementale
Les développements survenus lors de la Conférence intergouvernementale
sur l'Union politique et ailleurs pourraient affecter le point de vue
actuellement adopté dans la Communauté européenne
sur l'achat et le commerce de matériels de défense et les
contrôles sur l'exportation de ces matériels. En particulier,
les propositions suivantes ont été faites:
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Il apparaît donc clairement que des développements potentiellement
majeurs sont à l'examen dans la CIG(P) qui, s'ils réunissaient
un consensus, pourraient avoir de profondes implications pour le rôle
du GEIP.
Les relations du GEIP avec l'UEO
Bien que le rôle de l'Union de l'Europe occidentale dans la future
architecture de sécurité européenne reste controversé
(partenariat transatlantique ou intégration européenne),
il faut surtout noter que l'UEO, à l'heure actuelle, ne joue aucun
rôle général en matière de coopération
dans le domaine des armements et qu'elle n'a pas manifesté son
intention de changer d'attitude à cet égard. Bien sûr,
l'UEO s'est déjà intéressée à certains
aspects de la coopération en matière d'armements qui pourraient
faire double emploi avec les travaux du GEIP, tels que le transport aérien
stratégique et les satellites de renseignement et de surveillance.
Les réunions entre ministres et les contacts au niveau du président
des DNA du GEIP devraient suffire à s'assurer que le GEIP en tient
compte dans son action.
Une éventuelle décision des chefs d'état-major des
pays de l'UEO de lui confier la planification à long terme des
besoins opérationnels des forces, en vue d'améliorer la
normalisation et Finteropé-rabilité, aurait de profondes
implications pour les quatre membres du GEIP qui n'appartiennent pas à
l'UEO. Cette question est évidemment difficile, mais un élargissement
accéléré de l'UEO et la grande souplesse interne
du GEIP devraient permettre d'éviter des difficultés majeures.
Le marché de défense de l'OTAN
Dès le début, le GEIP a affirmé son intention de travailler dans le cadre de l'Alliance atlantique. Dans chacun de leurs plus récents communiqués, les ministres ont réaffirmé leur attachement à la solidarité atlantique et leur refus de voir le GEIP prendre des mesures protectionnistes visant à construire cette "forteresse Europe" à propos de laquelle tant de craintes ont été exprimées. Celles-ci sont apparemment dissipées, mais une question fondamentale a été posée à la suite des initiatives liées à l'ouverture transatlantique des marchés d'armements. Les pays du GEIP ont donc été amenés à réfléchir aux avantages et à la faisabilité des approches suivantes: ou bien se concentrer désormais, et exclusivement, sur l'ouverture du marché des armements dans l'ensemble des pays de l'OTAN, ou poursuivre les efforts du GEIP pour créer un Marché européen des équipements de défense tout en restant ouvert à toutes formes de collaboration transatlantique.
L'aspect politique du choix à opérer est évident,
et doit sans doute être mis en relation avec les évolutions
qui se dessinent au sein de la Communauté européenne vers
une identité et une architecture de sécurité et de
défense, ainsi qu'au sein de l'OTAN vers la concrétisation
d'un pilier européen dont la raison d'être a été
reconnue par le Conseil de l'Atlantique Nord réuni en session ministérielle
à Copenhague en juin dernier (3).
Les opinions dans les treize pays du GEIP convergent vers une attitude
pragmatique: la volonté de promouvoir la coopération transatlantique
en matière d'armements est affirmée avec la même force
que précédemment, mais on insiste sur la progressivité
de la démarche et la réciprocité qui est une condition
indispensable. Le langage est nouveau sur cette condition car il ne s'agit
plus du besoin d'un retour économique, mais bien d'un partenariat
entre partenaires aussi égaux que possible, s'achetant l'un à
l'autre leurs équipements et échangeant librement les technologies
nécessaires. Dans cette optique, il est donc indispensable que
les pays du GEIP poursuivent leur action selon ces trois axes, en particulier
en ce qui concerne la recherche technologique, car elle seule peut faire
de l'industrie européenne un partenaire adéquat, sur un
pied d'égalité, pour l'industrie américaine. Il faut
d'ailleurs souligner que cette vue est aussi celle du NATO INDUSTRIAL
ADVISORY GROUP qui rassemble des industriels nord-américains et
européens.
Les ministres du GEIP sont donc convenus de mener en parallèle
l'approfondissement de l'action du GEIP en Europe et l'établissement
de l'inventaire des obstacles à un marché transatlantique
des équipements de défense. L'objectif poursuivi est de
progresser dans l'élimination de ces obstacles en vue d'une ouverture
des marchés lorsque l'ensemble des pays du GEIP sera devenu suffisamment
fort économiquement, industriellement et politiquement, construisant
de ce fait un véritable pilier européen de l'Alliance atlantique.
Conclusions
Au-delà des difficultés et des objectifs à court
terme, l'objectif du GEIP reste de construire, dans le domaine des équipements
de défense, une Europe plus forte, partenaire de l'Amérique
du Nord, et expression, dans le domaine des équipements de défense,
de l'identité européenne qui se construit au niveau politique.
Si les développements dramatiques de la crise du Golfe ont plus
que jamais fait ressentir le besoin de l'identité européenne,
sa réalisation supposera à bref délai la persévérance
et le succès dans l'action du GEIP qu'elle semble d'ailleurs devoir
promouvoir. Les débats et les conclusions de la réunion
du Conseil de l'Atlantique Nord de Copenhague en juin dernier donnent
toute son importance à cette action de renforcement du pilier européen
de l'OTAN.
(1) Comité France, Italie, Pays-Bas, Allemagne,
Belgique, Luxembourg -comprend également le Royaume-Uni.
(2) UnEcu=l,2$ environ.
(3) Pour les textes du Communiqué, voir Revue
de l'OTAN, N°3,juin 1991, p.28