Revue de l'OTAN
Mise à jour: 07-May-2002 Revue de l'OTAN

Edition Web
Vol. 38- No. 1
Avril 1990
p. 17 - 19

Des progrès substantiels dans les négociations
sur les essais nucléaires Accord en vue sur les protocoles de vérification

M. l'Ambassadeur Robinson et M. Paldy

L'Ambassadeur Robinson est le principal négociateur et le chef de la délégation américaine aux négociations sur les essais nucléaires. Les Paldy, professeur à l'Université d'Etat de New York à Stony Brook, est détaché auprès de la délégation américaine en qualité d'expert technique.

La cinquième session des négociations sur les essais nucléaires entre les Etats-Unis et l'Union soviétique, qui s'est achevée le 15 décembre dernier à Genève, a été marquée par de substantiels progrès en vue de la résolution d'importantes divergences séparant les deux camps. Nous avons à présent toute raison de croire que la signature des protocoles de vérification pour le Traité d'interdiction partielle des essais nucléaires de 1974 et le Traité sur les explosions nucléaires à des fins pacifiques pourra intervenir en juin de cette année. La signature de ces protocoles constituera l'aboutissement de nombreuses années d'efforts visant à élaborer les mécanismes de vérification efficace du traité exigés par les Etats-Unis. Après la signature, l'administration américaine soumettra les traités et protocoles au Sénat pour ratification.

Dans cet article, nous entendons passer brièvement en revue l'historique de ces négociations, les résultats importants obtenus lors de la réunion de septembre dernier dans le Wyoming entre le secrétaire d'Etat James Baker et le ministre des Affaires étrangères Edouard Chevardnadze, les progrès effectués au cours de la session la plus récente des négociations, et les perspectives d'avenir.

Le Traité sur la limitation des essais nucléaires de 1963 interdit tous les essais nucléaires autres que souterrains. Ce traité, auquel plus de cent pays ont adhéré, ne constitue pas exclusivement une mesure visant à la maîtrise des armements, mais se justifie en partie par un souci de limiter les retombées radioactives dans l'atmosphère. Les Etats-Unis poursuivent leur programme d'essais nucléaires souterrains depuis 1963; si les essais réalisés dans le cadre de ce programme ont pour but essentiel de garantir la crédibilité de la dissuasion nucléaire, ils n'en permettent pas moins d'améliorer la sécurité de cette catégorie d'armements afin de réduire les risques d'accident. Ils permettent en outre aux Etats-Unis de poursuivre leurs recherches sur de nouveaux systèmes tels que ceux envisagés pour l'Initiative de défense stratégique.

Des négociations américano-soviétiques ultérieures sur la limitation des essais nucléaires ont permis la signature du Traité sur l'interdiction partielle des essais nucléaires en 1974 et d'un traité complémentaire sur les explosions nucléaires à des fins pacifiques en 1976, ainsi que leurs protocoles de vérification. Les préoccupations américaines quant à la possibilité de vérification de ces traités expliquent toutefois en grande partie pourquoi ils n'ont jamais été ratifiés. Lesdits traités limitent l'énergie libérée par les essais souterrains à 150 kilotonnes, mais quoique les deux camps se soient engagés à respecter cette limite jusqu'à l'obtention d'une ratification, ils s'accusent mutuellement de violations depuis une quinzaine d'années.

La controverse sur le respect des obligations

Les Etats-Unis respectent strictement, pour leur part, la limite de puissance stipulée par les traités. Toutefois, en décembre 1988 encore, dans un rapport adressé au Congrès, les Etats-Unis réitéraient leurs conclusions antérieures selon lesquelles il est permis d'affirmer que plusieurs essais nucléaires soviétiques ont constitué une violation des obligations souscrites par l'URSS.
L'essentiel de la controverse sur la vérification de ces traités trouve son origine dans le fait qu'il était impossible de procéder à des inspections directes et sur le terrain des essais nucléaires. Chaque camp devait, dès lors, s'appuyer sur ses Moyens techniques nationaux, tels que la mesure de la puissance des vagues sismiques se propageant à travers la terre à partir de l'endroit d'un essai nucléaire. Aux Etats-Unis, les essais se sont poursuivis sur le polygone de tir du Nevada, tandis que, en Unidn soviétique, ils se sont déroulés sur les sites de Semipala-tinsk et de Novaya Zemlya.

Après des années de controverse sur la question du respect des obligations mais peu de discussions concrètes en la matière entre les deux camps, l'amélioration progressive des relations américano-soviétiques a suscité un regain d'intérêt pour ces traités. Des discussions techniques ont débuté en 1986 et, en septembre 1987, les Etats-Unis et l'URSS convenaient d'adopter une approche par étapes des négociations sur les essais nucléaires. Les négociations globales, qui portent désormais le nom de "Négociations sur les essais nucléaires" (NTT), ont débuté à Genève en novembre 1987. Une avancée importante a été enregistrée à l'automne 1988, lorsque les deux camps ont envoyé des équipes de scientifiques sur leurs sites d'essais respectifs afin d'y procéder à des observations et appliquer des mesures de vérification des explosions nucléaires. Cette activité, nommée Expérience de vérification conjointe (JVE), a marqué une étape majeure dans l'histoire de la maîtrise des armements. Pour la première fois, chaque camp a ouvert son site d'essais nucléaires afin de permettre à l'autre de démontrer et d'évaluer les mesures de vérification proposées. Les mesures de l'énergie libérée " sur site " ont été réalisées sur une base expérimentale avant la finalisation des protocoles de vérification. L'explosion JVE sur le polygone d'essai américain du Nevada s'est déroulée en août 1988, suivie par une explosion sur le polygone soviétique de Semipalatinsk en septembre de la même année.

Lorsque les deux camps se sont retrouvés à Genève à l'automne 1988, chacun d'eux était prêt à aller de l'avant. Cette session déboucha sur un accord ad référendum portant sur un nouveau protocole de vérification pour le Traité sur les explosions nucléaires à des fins pacifiques. Le protocole du Traité sur la limitation partielle des essais nucléaires (TTBT) s'est avéré plus difficile à conclure, les Etats-Unis faisant valoir que des vérifications efficaces impliquaient le droit de mesurer sur place l'énergie libérée par les essais. La méthode américaine, baptisée CORRTEX, a recours à un câble enterré à côté du point d'explosion: la vitesse à laquelle l'onde de choc de l'explosion écrase le câble sert à déterminer l'énergie libérée. Le printemps 1989 a été mis à profit par les deux camps pour préparer séparément un projet de texte pour l'accord TTBT. Début juin, des négociations débutaient sur des procédures détaillées pouvant être utilisées pour accorder à chaque camp le droit de mesurer, sur le terrain, l'énergie dégagée.

Accord sur les vérifications

En septembre 1989, le secrétaire d'Etat James Baker et le ministre des Affaires étrangères Edouard Chevardnadze se rencontraient dans le Wyoming pour discuter de toute une gamme de questions sur la maîtrise des armements américano-soviétiques, dont les essais nucléaires. A la fin de ces discussions, les ministres annoncèrent qu'un accord avait été atteint sur les méthodes de vérification. Des mesures de l'onde de choc hydrodynamique pourraient être effectuées pour les explosions dont la puissance prévue dépasserait un plafond convenu. A ce même niveau, l'un des deux camps pourrait choisir de procéder à des mesures des ondes sismiques sur le terrain et donc sur le territoire de l'autre partie. Pour les explosions de puissance inférieure, l'un des deux camps pourrait choisir d'inspecter les conditions géologiques et d'emplacement sur le lieu de l'essai.

Les deux camps sont également convenus de prévoir un droit supplémentaire visant à améliorer les Moyens techniques nationaux (NTM) des vérifications, sur lesquels il faut également compter pour vérifier le respect des obligations relatives aux explosions sans notification. Chaque camp garantira à l'autre le droit de procéder chaque année à certaines mesures de l'énergie hydrodynamique libérée, même si la puissance de tous les essais se situe en-deçà du plafond exigé pour de telles mesures sur le terrain. Les améliorations dans la précision des NTM qui en résulteront devraient contribuer à minimiser les doutes sur la puissance de tous les essais dont l'énergie libérée n'est pas mesurée sur le terrain, et à garantir que les deux camps notifient les essais conformément aux plafonds convenus.

Les deux camps se sont retrouvés à Genève en octobre 1989 pour la cinquième session des négociations sur les essais nucléaires, fermement désireux de trouver une solution aux derniers détails importants régissant les accords. Nous avons le plaisir de signaler que, même si des divergences subsistent entre les positions américaine et soviétique, des progrès considérables ont été réalisés durant cette session dans la recherche de solutions. Nous pensons que la prochaine session de négociations verra la conclusion de nos travaux sur les protocoles de vérification relatifs au Traité sur l'interdiction partielle des essais nucléaires et au Traité sur les explosions nucléaires à des fins pacifiques, préparant ainsi le terrain pour la ratification de ces deux traités et l'édification d'une confiance mutuelle en nos systèmes de vérification des essais nucléaires.

Au sein du forum sur les essais nucléaires, la principale divergence entre les Etats-Unis et l'Union soviétique réside probablement dans le désir des Soviétiques de passer immédiatement aux négociations sur une interdiction totale des essais nucléaires. La position américaine consiste à considérer que les essais demeureront nécessaires aussi longtemps que les Etats-Unis devront s'appuyer sur une dissuasion nucléaire. Ainsi, bien que nous soyons engagés dans le processus de négociation et examinions toute une gamme de limitations des essais nucléaires compatibles avec notre sécurité à long terme et celle de nos alliés, nous estimons qu'une interdiction totale des essais ne peut être envisagée que dans le contexte d'une époque où nous ne devrons plus dépendre de la dissuasion nucléaire pour garantir la sécurité et la stabilité internationales.

Les limitations des essais nucléaires ne doivent donc pas être recherchées comme une fin en soi. Leur interdiction totale ne pourra être envisagée que lorsque nous serons parvenus à d'importantes réductions des armements effectuées en profondeur et effectivement vérifiables, à des capacités de vérification substantiellement améliorées, à une amplification des mesures de confiance, et à un meilleur équilibre des forces conventionnelles.


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