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Version électronique 1998 Manuel de l'OTAN

 
La transformation de l'Alliance

Le rôle des forces armées alliées et la transformation du dispositif de défense de l'Alliance

Les forces nucléaires de l'OTAN dans le nouvel environnement de sécurité

La transformation des forces de l'Alliance concerne également le rôle des forces nucléaires. Depuis la fin de la Guerre froide, l'Alliance a pris de nombreuses mesures de vaste portée en vue d'adapter sa politique globale et son dispositif de défense au nouvel environnement de sécurité, et sa stratégie et son dispositif de forces nucléaires figurent parmi les premiers domaines qui ont été soumis à un réexamen et qui ont connu certains des changements les plus radicaux.

Pendant la Guerre froide, les forces nucléaires ont joué un rôle central dans la stratégie de la riposte graduée. Elles ont été intégrées dans l'ensemble de la structure de forces de l'OTAN et ont fourni à l'Alliance une série d'options politiques et militaires devant permettre d'éviter, par la dissuasion, une guerre de grande ampleur en Europe.

Dans le nouvel environnement de sécurité, l'Alliance a réduit de façon radicale sa dépendance à l'égard des forces nucléaires. Sa stratégie reste axée sur la prévention de la guerre, mais elle n'est plus dominée par la possibilité d'une escalade nucléaire. Ses forces nucléaires n'ont plus pour cible aucun pays en particulier, et les circonstances dans lesquelles leur utilisation pourrait être envisagée ne constituent plus que des perspectives très lointaines. Leur rôle est aujourd'hui plus fondamentalement politique, et elles n'ont qu'un seul but, la préservation de la paix et de la stabilité. Bien qu'elles continuent de jouer un rôle essentiel dans la prévention de la guerre, elles ne sont plus dirigées contre une menace spécifique.

Cette dépendance beaucoup moins grande à l'égard des forces nucléaires s'est manifestée par des réductions spectaculaires des forces elles-mêmes. Le Traité sur la réduction des armes stratégiques (START I) ramènera de largement plus de 10.000 à 6.000 le nombre des armes stratégiques déployées par les Etats-Unis. Le Traité START II, signé en janvier 1993, réduira davantage encore le nombre des armes que pourront conserver les Etats-Unis et la Russie, qui ne sera plus que de 3.000 à 3.500. START II aura en fait pour résultat d'éliminer les missiles balistiques intercontinentaux à têtes multiples et de réduire des deux tiers les stocks d'armes nucléaires stratégiques. Les deux pays ont aussi indiqué qu'ils étaient prêts, lorsque le Traité START II sera entré en vigueur, à entamer des négociations pour ramener le nombre des armes stratégiques à 2.000 à 2.500. Le Royaume-Uni et la France ont également procédé à des réductions majeures de leurs programmes nucléaires.

De même, les forces nucléaires substratégiques1, comprenant l'artillerie nucléaire, les missiles surface-surface et surface-air ainsi que les armes substratégiques des forces maritimes de surface, ont été considérablement réduites. Le retrait de ces armes d'Europe, annoncé en septembre 1991, a été achevé en juillet 1992 et a représenté une réduction de plus de 80 pour cent. Si certains vecteurs ont été conservés à des fins conventionnelles, toutes les charges nucléaires qui étaient affectées à ces forces ont été retirées de l'arsenal de l'OTAN. Toutes sont en cours de démantèlement.

Les seules armes nucléaires de l'OTAN restant en Europe pour les forces substratégiques basées à terre sont des bombes pour aéronefs à double capacité. Ces armes ont aussi été sensiblement réduites en nombre, et elles sont stockées dans des conditions de haute sécurité sur des bases également moins nombreuses. L'état de préparation nucléaire des appareils a été progressivement réduit, et l'accent a été mis davantage sur leurs rôles conventionnels.

A la suite de tous ces changements, le stock d'armes nucléaires substratégiques de l'OTAN en Europe a été ramené à environ un cinquième de ce qu'il était en 1990. Les Alliés ont estimé que le dispositif beaucoup plus réduit de forces substratégiques qui subsiste continuera, dans l'avenir prévisible, à répondre aux besoins de l'Alliance. Ils ont déclaré en 1996 que l'OTAN n'a aucune intention, aucun projet et aucune raison de déployer des armes nucléaires sur le territoire de nouveaux membres, qu'elle n'a nul besoin de modifier un quelconque aspect de son dispositif ou de sa politique nucléaire et qu'elle n'en prévoit aucunement la nécessité pour l'avenir.

Les nouveaux membres seront néanmoins, à tous égards, des membres de l'Alliance à part entière, et ils bénéficieront de la sécurité collective offerte à tous les pays membres par les forces nucléaires de l'OTAN. La participation d'Etats non dotés d'armes nucléaires au dispositif nucléaire de l'Alliance démontre la solidarité des Alliés, l'engagement commun des pays membres concernant le maintien de leur sécurité, et le large partage des fardeaux et des risques. Cela se reflète dans l'adhésion politique de tous les membres au concept de la dissuasion et au rôle essentiel que remplissent les armes nucléaires dans la stratégie de l'Alliance.

La supervision politique du dispositif nucléaire de l'OTAN est donc aussi partagée entre les pays membres. Le Groupe des plans nucléaires de l'OTAN est une instance au sein de laquelle les Ministres de la défense des pays alliés, dotés ou non d'armes nucléaires, participent à l'élaboration de la politique nucléaire de l'Alliance et à la prise de décisions concernant le dispositif nucléaire de l'OTAN.

Les forces nucléaires qui subsisteront une fois pleinement réalisées les réductions évoquées ci-dessus auront pour rôle fondamental de préserver la paix et d'empêcher la coercition. La présence des forces nucléaires des Etats-Unis basées en Europe et destinées à la sécurité de l'OTAN assure un lien politique et militaire essentiel entre les membres européens et nord-américains de l'Alliance. Les forces nucléaires dans leur ensemble continuent de contribuer à la paix et à la stabilité en Europe en faisant ressortir le caractère irrationnel qu'aurait une guerre de grande ampleur dans la zone euro-atlantique. Elles rendent les risques d'une agression contre l'OTAN incalculables et inacceptables plus que ne pourraient le faire les seules forces conventionnelles. Cependant, leur association à une combinaison appropriée de moyens conventionnels permet de créer chez tout pays qui pourrait envisager de tenter d'obtenir un avantage politique ou militaire en recourant à la menace ou à l'emploi d'armes de destruction massive contre l'Alliance des doutes quant à la façon dont celle-ci réagirait.

L'OTAN doit par conséquent conserver, et montrer qu'elle conserve, un noyau de capacités militaires avec une combinaison appropriée de forces qui lui assurent la puissance militaire de base nécessaire à une autodéfense collective. Ses forces nucléaires restent un élément essentiel de ces capacités. En même temps, les changements spectaculaires survenus dans l'environnement de sécurité ont permis à l'OTAN d'opérer des réductions tout aussi spectaculaires de son dispositif nucléaire et de sa dépendance vis-à-vis des armes nucléaires pour protéger la paix en Europe.


1 La signification des termes «stratégique» et «substratégique» diffère légèrement d'un pays à l'autre. Les armes nucléaires stratégiques sont normalement définies comme des armes de portée «intercontinentale» (plus de 5.500 kilomètres), mais elles peuvent aussi inclure, dans certains contextes, des missiles balistiques de portée intermédiaire inférieure. Le terme d'armes nucléaires «substratégiques» a été utilisé dans les documents de l'OTAN depuis 1989 pour désigner les armes nucléaires de portée intermédiaire et de courte portée, et désigne aujourd'hui en premier lieu les armes à lanceur aérien destinées aux aéronefs à double capacité (les autres armes nucléaires substratégiques ayant été retirées d'Europe).


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