Les forces nucléaires de l'OTAN
dans le nouvel environnement de sécurité
Historique
Depuis la fin de la guerre froide, l'Alliance a, avec l'adoption en 1991
de son concept stratégique, puis sa mise en oeuvre, pris des mesures
d'une grande portée en vue d'adapter l'ensemble de sa politique
et de son dispositif de défense au nouvel environnement de sécurité.
En réalisant une nouvelle conception large de la sécurité,
qui se reflète dans les trois éléments mutuellement
complémentaires du dialogue, de la coopération et du maintien
d'un potentiel de défense collectif efficace, les Alliés
ont tiré pleinement parti des possibilités offertes par
l'amélioration considérable de l'environnement de sécurité.
La stratégie et le dispositif de forces nucléaires de l'OTAN
figurent parmi les premiers domaines soumis à un réexamen
et ayant fait l'objet, à partir de 1991, de certains des changements
les plus radicaux.
Objet
La présente fiche d'information rend compte des changements les
plus importants qui ont été apportés à la
politique et au dispositif de forces nucléaires de l'OTAN. Elle
souligne la cohérence avec laquelle l'Alliance tient l'engagement
qu'elle a pris de conserver uniquement le nombre minimum d'armes nucléaires
nécessaires pour sa stratégie de préservation de
la paix et de prévention de la guerre. En outre, elle montre la
détermination et le réalisme dont les Alliés font
preuve dans la réalisation d'un vaste et ambitieux programme de
maîtrise des armements, qui fait partie intégrante de la
politique de sécurité de l'OTAN. Enfin, la présente
fiche examine le rôle des forces nucléaires que conserve
l'Alliance.
Dépendance
réduite vis-à-vis des forces nucléaires
Pendant la guerre froide, les forces nucléaires de l'OTAN ont
joué un rôle central dans la stratégie de riposte
graduée de l'Alliance. Afin d'empêcher, par la dissuasion,
une guerre de grande ampleur en Europe, l'OTAN a intégré
les armes nucléaires dans l'ensemble de sa structure de forces,
et l'Alliance a maintenu une série de plans de désignation
d'objectifs pouvant être mis en oeuvre sur court préavis.
Ce rôle impliquait des niveaux de préparation élevés
et des états d'alerte de réaction rapide pour des parties
importantes des forces nucléaires de l'OTAN.
Dans le nouvel environnement de sécurité, l'OTAN a réduit
de façon radicale sa dépendance vis-à-vis des forces
nucléaires. Sa stratégie reste axée sur la prévention
de la guerre, mais elle n'est plus dominée par la possibilité
d'une escalade nucléaire. Ses forces nucléaires ne sont
plus dirigées contre tel ou tel pays, et les circonstances dans
lesquelles leur utilisation pourrait devoir être envisagée
sont considérées comme des perspectives très lointaines.
Les forces nucléaires de l'OTAN continuent de jouer un rôle
essentiel dans la prévention de la guerre, mais à présent,
leur rôle est plus fondamentalement politique et elles ne sont plus
dirigées contre une menace spécifique.
Dispositif
nucléaire réduit
La dépendance moins grande de l'OTAN à l'égard des
forces nucléaires s'est manifestée par la réduction
spectaculaire de ces forces. Les termes "forces nucléaires
de l'OTAN" et "arsenaux nucléaires de l'OTAN" sont
des termes collectifs utilisés dans le présent document
pour désigner respectivement le nombre total de forces nucléaires
substratégiques et le nombre total d'armes nucléaires substratégiques
de l'Alliance.
Nombre et types de vecteurs nucléaires
Au cours de la plus grande partie des années 70 et 80, l'OTAN
a maintenu une large gamme de systèmes d'armes nucléaires,
comprenant les mines terrestres nucléaires, l'artillerie nucléaire,
les missiles air-surface (ASM), les bombes sous-marines, les missiles
surface-air (SAM), les missiles surface-surface (SSM) à portée
courte et intermédiaire, les missiles de croisière à
lanceur terrestre (GLCM) et les bombes à gravité larguées
par des avions à double capacité (DCA) . Le graphique
ci-après montre les systèmes qui ont été
déployés par année, faisant apparaître l'importante
réduction des types de systèmes nucléaires déployés.
Systèmes nucléaires déployés
en Europe
Au moment où la guerre froide se terminait, l'OTAN a pris plusieurs
mesures unilatérales pour annuler des programmes de modernisation
de ses forces nucléaires. Après avoir mené des
consultations intensives avec leurs alliés, les Etats-Unis et
le Royaume-Uni ont tous deux annulé des plans concernant un missile
air-surface tactique nucléaire. Annonçant les décisions
ultérieures d'élimination de l'ensemble des forces substratégiques
à lanceur terrestre, les Etats-Unis ont également annulé
des plans portant sur un système à capacité nucléaire
devant succéder au missile surface-surface LANCE, et sur la production
d'un nouvel obus d'artillerie nucléaire de 155 mm. En outre,
le Royaume-Uni a supprimé le rôle nucléaire de ses
avions à double capacité; la Royal Air Force n'assume
donc plus de fonction nucléaire.
- Nombre et types de têtes nucléaires
En octobre 1991, comme suite à une initiative du président
américain George Bush, l'OTAN a décidé de réduire
de plus de 85% le nombre d'armes disponibles pour ses forces substratégiques
en Europe. La réalisation de cette mesure s'est achevée
en 1993. Dans le cadre de ces réductions, toutes les têtes
nucléaires destinées aux forces substratégiques
à lanceur terrestre de l'OTAN (y compris l'artillerie nucléaire
et les missiles surface-surface) ont été éliminées
et le nombre de bombes à gravité larguées à
partir d'avions a été réduit de nettement plus
que 50%. En outre, la totalité des armes nucléaires destinées
aux forces maritimes de surface ont été retirées.
Le processus d'élimination a aussi porté sur environ 1.300
armes d'artillerie nucléaires et 850 têtes de missile LANCE.
Toutes les têtes nucléaires qui avaient été
affectées à ces forces ont été retirées
de l'arsenal de l'OTAN. La plupart d'entre elles ont déjà
été éliminées, et les autres seront éliminées
dans le proche avenir.
Réduction de l'Arsenal Nucléaire
de l'OTAN
Le graphique ci-dessous illustre la réduction spectaculaire
du nombre des armes nucléaires de l'OTAN stockées en Europe.
Ne figurent pas dans le graphique les systèmes nucléaires
embarqués appartenant aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni qui auraient
pu être mis à la disposition de l'OTAN en cas de crise/conflit.
A présent, les Etats-Unis ont tout à fait éliminé
l'ensemble des systèmes non stratégiques/substratégiques
navals, à l'exception des missiles de croisière nucléaires
lancés à partir de sous-marins, qui ne sont plus déployés
en mer en temps de paix. Ils ont aussi complètement supprimé
le rôle nucléaire de leurs appareils à double capacité
embarqués sur porte-avions. Les bâtiments de surface de
la Royal Navy n'ont plus la capacité de transporter ou de déployer
des armes nucléaires. Ne sont pas non plus indiquées dans
le graphique un petit nombre d'armes de SNLE Trident britanniques qui
peuvent assumer un rôle substratégique.
Aujourd'hui, les seules armes nucléaires basées à
terre dont dispose l'OTAN sont les bombes nucléaires américaines
qui peuvent être larguées par des avions à double
capacité de plusieurs Alliés.
- Dépôts d'armes nucléaires
Dans le droit fil de la tendance observée pendant la guerre
froide, les dépôts d'armes nucléaires de l'OTAN
ont eux aussi fait l'objet d'une réduction massive (environ 80%)
à mesure que les systèmes d'armes étaient éliminés
et que le nombre d'armes diminuait. En même temps a été
mis en place un nouveau système de stockage d'armes plus sûr
et plus apte à la survie. Aujourd'hui, les bombes à gravité
associées aux DCA que l'OTAN conserve, sont stockées dans
un très petit nombre de dépôts bénéficiant
de très bonnes conditions de sécurité. Le graphique
ci-dessous illustre cette importante réduction.
Reduction du Nombre de Depots d'Armes
Nucléaires de l'OTAN
- Aucun objectif préétabli
Avec la fin de la guerre froide, l'OTAN a renoncé à maintenir
des plans de circonstance nucléaires de temps de paix permanents
et des objectifs correspondants pour ses forces nucléaires substratégiques.
En conséquence, les forces nucléaires de l'OTAN ne prennent
plus pour cible tel ou tel pays.
- Nombre et niveau de préparation des avions à double
capacité
Profitant encore davantage de l'amélioration de l'environnement
de sécurité, l'OTAN a pris un certain nombre de mesures
afin de diminuer le nombre et le niveau de préparation de ses
avions à double capacité. A l'époque où
la guerre froide atteignait son paroxysme, l'OTAN maintenait en temps
de paix une partie de ces avions, ainsi que d'autres systèmes
nucléaires, en état d'alerte de réaction rapide,
afin de pouvoir les utiliser dans un délai de quelques minutes.
En période de crise ou de conflit, des quantités beaucoup
plus grandes de systèmes pouvaient être mises en alerte.
En 1995, le niveau de préparation des avions à double
capacité a été fortement abaissé, de sorte
que l'état de préparation nucléaire se mesure maintenant
en semaines plutôt qu'en minutes. Le graphique ci-dessous montre
l'évolution du niveau de préparation.
Nombre et Niveau de Préparation
des Avions
à Double Capacité de l'OTAN
- Elargissement de l'OTAN
Les Alliés ont estimé que le dispositif de forces substratégiques
beaucoup plus réduit qui subsiste continuera, pour l'avenir prévisible,
à répondre aux besoins de l'Alliance en matière
de dissuasion. Prenant une nouvelle initiative unilatérale en
décembre 1996, les Ministres des affaires étrangères
et les Ministres de la défense des pays de l'OTAN ont annoncé
que l'élargissement de l'Alliance ne rendrait pas nécessaire
une modification de ce dispositif nucléaire sensiblement réduit
et que, par conséquent, l'OTAN n'a "aucune intention, aucun
projet et aucune raison de déployer des armes nucléaires
sur le territoire de nouveaux pays membres, n'a aucunement besoin de
modifier un quelconque aspect de son dispositif ou de sa politique nucléaires,
et n'en prévoit nullement le besoin pour l'avenir". Les
Chefs d'Etat et de gouvernement de l'OTAN ont réitéré
cette déclaration dans l'Acte fondateur sur les relations, la
coopération et la sécurité mutuelles entre l'Organisation
du Traité de l'Atlantique Nord et la Fédération
de Russie. Les nouveaux pays membres sont, à tous égards,
membres à part entière de l'Alliance, s'agissant notamment
de leur engagement vis-à-vis de la politique de l'Alliance sur
les armes nucléaires et des garanties qu'elle offre à
tous les Alliés.
- Réductions des forces stratégiques
Par le Traité sur la réduction des armes stratégiques
START I, le nombre des armes stratégiques déployées
par les Etats-Unis, qui se situait bien au-delà de 10.000, sera
ramené à 6.000. Le Traité START II (signé
en janvier 1993; ratifié par les Etats-Unis, mais devant encore
être ratifié par la Fédération de Russie)
réduirait davantage encore le nombre d'armes stratégiques
détenues par chaque partie, pour le ramener à un niveau
situé entre 3.000 et 3.500, et supprimerait parmi les missiles
balistiques intercontinentaux (ICBM) les véhicules de rentrée
à têtes multiples indépendamment guidées
(MIRV); il prévoirait aussi des procédures de vérification
très contraignantes. Les Etats-Unis et la Russie se sont déclarés
prêts, une fois que la seconde aura ratifié le Traité
START II, à entamer les négociations START III en vue
de ramener le nombre des armes stratégiques à un chiffre
compris entre 2.000 et 2.500 et d'adopter des mesures concernant la
transparence des arsenaux de têtes nucléaires stratégiques
et la destruction de ces têtes. Dans son Etude de la défense
stratégique de 1998, le Royaume-Uni a décidé de
réduire d'un tiers ses forces nucléaires indépendantes;
il va maintenant conserver moins de 200 têtes Trident opérationnelles.
La France a elle aussi opéré des réductions majeures
dans ses forces nucléaires indépendantes.
Maîtrise
des armements nucléaires
Les Alliés maintiennent depuis longtemps leur engagement en matière
de maîtrise des armements nucléaires, de désarmement
et de non-prolifération dans le cadre de leur politique de sécurité,
s'inscrivant fermement dans le contexte politique plus large où
ils s'efforcent d'améliorer la stabilité et la sécurité
en abaissant les niveaux d'armement et en développant la transparence
et la confiance mutuelle sur le plan militaire. Dans la "Décision
de Montebello" de 1983, l'Alliance a annoncé le retrait d'Europe
de 1.400 têtes nucléaires, retrait qu'elle a ensuite mis
en oeuvre. Le Traité sur les forces nucléaires à
portée intermédiaire (FNI) conclu en 1987 par les Etats-Unis
et l'Union soviétique prévoyait d'éliminer, à
l'échelle mondiale, les missiles nucléaires à portée
intermédiaire basés à terre, concrétisant
ainsi le volet maîtrise des armements de la "double décision"
prise par l'OTAN en 1979. D'autres efforts de grande ampleur sont actuellement
déployés.
- Les Alliés ont signé et soutiennent pleinement
le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires
(TNP). L'OTAN a instamment demandé à tous les pays qui ne
l'ont pas encore fait d'adhérer au TNP et de l'appliquer complètement.
- L'Alliance est attachée à l'entrée en vigueur
rapide du Traité d'interdiction complète des essais (TICE)
et a appelé tous les pays à adhérer à celui-ci
et à l'appliquer en temps voulu.
- L'OTAN soutient fermement les efforts consentis en vue de procéder
à des réductions prudentes et progressives des armes nucléaires.
L'Alliance s'est constamment félicitée des progrès
accomplis en ce qui concerne le Traité sur la réduction
des armes stratégiques (START) et a souligné la nécessité
de la ratification et de l'entrée en vigueur du Traité START
II. La ratification conditionne aussi les nouvelles réductions
importantes des arsenaux stratégiques qui seraient prévues
par le traité START III envisagé.
- Les Alliés sont favorables à la conclusion rapide
d'un traité vérifiable et universel sur l'arrêt des
transferts de matières fissiles.
Tous ces engagements et développements témoignent des efforts
efficaces déployés depuis longtemps par les Alliés
pour atteindre leur objectif, à savoir assurer la sécurité
et la stabilité au niveau de forces le plus bas possible compte
tenu des besoins de la défense.
Rôle
des forces nucléaires conservées par l'OTAN
Les forces nucléaires qui subsistent ont eu un rôle essentiellement
politique : préserver la paix et prévenir la coercition.
Les forces nucléaires de l'OTAN contribuent à la paix et
à la stabilité en Europe en faisant ressortir le caractère
irrationnel qu'aurait une guerre de grande ampleur dans la région
euro-atlantique. Elles rendent les risques d'une agression contre l'OTAN
plus incalculables et inacceptables que ne pourraient le faire les seules
forces conventionnelles. Par ailleurs, jointes à une combinaison
appropriée de moyens conventionnels, elles jettent aussi le doute
chez tout pays qui pourrait envisager de chercher à s'assurer un
avantage politique ou militaire en menaçant d'employer ou en employant
des armes de destruction massive contre l'Alliance.
La sécurité collective garantie par le dispositif nucléaire
de l'OTAN est partagée par l'ensemble des membres de l'Alliance;
elle rassure les pays qui, autrement, pourraient se sentir vulnérables.
La présence de forces nucléaires des Etats-Unis basées
en Europe et destinées à l'OTAN établit un lien politique
et militaire essentiel entre les membres européens et nord-américains
de l'Alliance. En même temps, la participation au dispositif nucléaire
de l'Alliance de pays non dotés d'armes nucléaires montre
la solidarité qui existe entre les Alliés, leur engagement
commun à préserver leur sécurité, et toute
la mesure dans laquelle ils se partagent les fardeaux et les risques.
De même, la supervision politique du dispositif nucléaire
de l'OTAN est partagée entre les pays membres. Le Groupe des plans
nucléaires de l'OTAN est une instance au sein de laquelle les Ministres
de la défense de pays alliés dotés ou non d'armes
nucléaires participent ensemble à l'élaboration de
la politique nucléaire de l'Alliance et à la prise de décisions
concernant le dispositif nucléaire de l'OTAN.
L'OTAN doit conserver, et montrer qu'elle conserve, un noyau de capacités
militaires avec une combinaison appropriée de forces qui lui assurent
la puissance militaire de base nécessaire pour l'autodéfense
collective. Les forces nucléaires de l'OTAN restent un élément
essentiel de cette capacité centrale. En même temps, les
changements spectaculaires survenus dans l'environnement de sécurité
depuis la fin de la guerre froide ont permis à l'OTAN d'entreprendre
et de réduire de façon tout aussi spectaculaire son dispositif
nucléaire et sa dépendance vis-à-vis des armes nucléaires.
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