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Mise à jour: 03-Feb-2000 OTAN Informations de base

June 1999

Les forces nucléaires de l'OTAN
dans le nouvel environnement de sécurité

Historique

Depuis la fin de la guerre froide, l'Alliance a, avec l'adoption en 1991 de son concept stratégique, puis sa mise en oeuvre, pris des mesures d'une grande portée en vue d'adapter l'ensemble de sa politique et de son dispositif de défense au nouvel environnement de sécurité. En réalisant une nouvelle conception large de la sécurité, qui se reflète dans les trois éléments mutuellement complémentaires du dialogue, de la coopération et du maintien d'un potentiel de défense collectif efficace, les Alliés ont tiré pleinement parti des possibilités offertes par l'amélioration considérable de l'environnement de sécurité. La stratégie et le dispositif de forces nucléaires de l'OTAN figurent parmi les premiers domaines soumis à un réexamen et ayant fait l'objet, à partir de 1991, de certains des changements les plus radicaux.

Objet

La présente fiche d'information rend compte des changements les plus importants qui ont été apportés à la politique et au dispositif de forces nucléaires de l'OTAN. Elle souligne la cohérence avec laquelle l'Alliance tient l'engagement qu'elle a pris de conserver uniquement le nombre minimum d'armes nucléaires nécessaires pour sa stratégie de préservation de la paix et de prévention de la guerre. En outre, elle montre la détermination et le réalisme dont les Alliés font preuve dans la réalisation d'un vaste et ambitieux programme de maîtrise des armements, qui fait partie intégrante de la politique de sécurité de l'OTAN. Enfin, la présente fiche examine le rôle des forces nucléaires que conserve l'Alliance.

Dépendance réduite vis-à-vis des forces nucléaires

Pendant la guerre froide, les forces nucléaires de l'OTAN ont joué un rôle central dans la stratégie de riposte graduée de l'Alliance. Afin d'empêcher, par la dissuasion, une guerre de grande ampleur en Europe, l'OTAN a intégré les armes nucléaires dans l'ensemble de sa structure de forces, et l'Alliance a maintenu une série de plans de désignation d'objectifs pouvant être mis en oeuvre sur court préavis. Ce rôle impliquait des niveaux de préparation élevés et des états d'alerte de réaction rapide pour des parties importantes des forces nucléaires de l'OTAN.

Dans le nouvel environnement de sécurité, l'OTAN a réduit de façon radicale sa dépendance vis-à-vis des forces nucléaires. Sa stratégie reste axée sur la prévention de la guerre, mais elle n'est plus dominée par la possibilité d'une escalade nucléaire. Ses forces nucléaires ne sont plus dirigées contre tel ou tel pays, et les circonstances dans lesquelles leur utilisation pourrait devoir être envisagée sont considérées comme des perspectives très lointaines. Les forces nucléaires de l'OTAN continuent de jouer un rôle essentiel dans la prévention de la guerre, mais à présent, leur rôle est plus fondamentalement politique et elles ne sont plus dirigées contre une menace spécifique.

Dispositif nucléaire réduit

La dépendance moins grande de l'OTAN à l'égard des forces nucléaires s'est manifestée par la réduction spectaculaire de ces forces. Les termes "forces nucléaires de l'OTAN" et "arsenaux nucléaires de l'OTAN" sont des termes collectifs utilisés dans le présent document pour désigner respectivement le nombre total de forces nucléaires substratégiques et le nombre total d'armes nucléaires substratégiques de l'Alliance.

  • Nombre et types de vecteurs nucléaires

    Au cours de la plus grande partie des années 70 et 80, l'OTAN a maintenu une large gamme de systèmes d'armes nucléaires, comprenant les mines terrestres nucléaires, l'artillerie nucléaire, les missiles air-surface (ASM), les bombes sous-marines, les missiles surface-air (SAM), les missiles surface-surface (SSM) à portée courte et intermédiaire, les missiles de croisière à lanceur terrestre (GLCM) et les bombes à gravité larguées par des avions à double capacité (DCA) . Le graphique ci-après montre les systèmes qui ont été déployés par année, faisant apparaître l'importante réduction des types de systèmes nucléaires déployés.


    Systèmes nucléaires déployés en Europe

    Au moment où la guerre froide se terminait, l'OTAN a pris plusieurs mesures unilatérales pour annuler des programmes de modernisation de ses forces nucléaires. Après avoir mené des consultations intensives avec leurs alliés, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont tous deux annulé des plans concernant un missile air-surface tactique nucléaire. Annonçant les décisions ultérieures d'élimination de l'ensemble des forces substratégiques à lanceur terrestre, les Etats-Unis ont également annulé des plans portant sur un système à capacité nucléaire devant succéder au missile surface-surface LANCE, et sur la production d'un nouvel obus d'artillerie nucléaire de 155 mm. En outre, le Royaume-Uni a supprimé le rôle nucléaire de ses avions à double capacité; la Royal Air Force n'assume donc plus de fonction nucléaire.

  • Nombre et types de têtes nucléaires
  • En octobre 1991, comme suite à une initiative du président américain George Bush, l'OTAN a décidé de réduire de plus de 85% le nombre d'armes disponibles pour ses forces substratégiques en Europe. La réalisation de cette mesure s'est achevée en 1993. Dans le cadre de ces réductions, toutes les têtes nucléaires destinées aux forces substratégiques à lanceur terrestre de l'OTAN (y compris l'artillerie nucléaire et les missiles surface-surface) ont été éliminées et le nombre de bombes à gravité larguées à partir d'avions a été réduit de nettement plus que 50%. En outre, la totalité des armes nucléaires destinées aux forces maritimes de surface ont été retirées. Le processus d'élimination a aussi porté sur environ 1.300 armes d'artillerie nucléaires et 850 têtes de missile LANCE. Toutes les têtes nucléaires qui avaient été affectées à ces forces ont été retirées de l'arsenal de l'OTAN. La plupart d'entre elles ont déjà été éliminées, et les autres seront éliminées dans le proche avenir.


    Réduction de l'Arsenal Nucléaire de l'OTAN

    Le graphique ci-dessous illustre la réduction spectaculaire du nombre des armes nucléaires de l'OTAN stockées en Europe.

    Ne figurent pas dans le graphique les systèmes nucléaires embarqués appartenant aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni qui auraient pu être mis à la disposition de l'OTAN en cas de crise/conflit. A présent, les Etats-Unis ont tout à fait éliminé l'ensemble des systèmes non stratégiques/substratégiques navals, à l'exception des missiles de croisière nucléaires lancés à partir de sous-marins, qui ne sont plus déployés en mer en temps de paix. Ils ont aussi complètement supprimé le rôle nucléaire de leurs appareils à double capacité embarqués sur porte-avions. Les bâtiments de surface de la Royal Navy n'ont plus la capacité de transporter ou de déployer des armes nucléaires. Ne sont pas non plus indiquées dans le graphique un petit nombre d'armes de SNLE Trident britanniques qui peuvent assumer un rôle substratégique.

    Aujourd'hui, les seules armes nucléaires basées à terre dont dispose l'OTAN sont les bombes nucléaires américaines qui peuvent être larguées par des avions à double capacité de plusieurs Alliés.

  • Dépôts d'armes nucléaires
  • Dans le droit fil de la tendance observée pendant la guerre froide, les dépôts d'armes nucléaires de l'OTAN ont eux aussi fait l'objet d'une réduction massive (environ 80%) à mesure que les systèmes d'armes étaient éliminés et que le nombre d'armes diminuait. En même temps a été mis en place un nouveau système de stockage d'armes plus sûr et plus apte à la survie. Aujourd'hui, les bombes à gravité associées aux DCA que l'OTAN conserve, sont stockées dans un très petit nombre de dépôts bénéficiant de très bonnes conditions de sécurité. Le graphique ci-dessous illustre cette importante réduction.


    Reduction du Nombre de Depots d'Armes Nucléaires de l'OTAN

  • Aucun objectif préétabli
  • Avec la fin de la guerre froide, l'OTAN a renoncé à maintenir des plans de circonstance nucléaires de temps de paix permanents et des objectifs correspondants pour ses forces nucléaires substratégiques. En conséquence, les forces nucléaires de l'OTAN ne prennent plus pour cible tel ou tel pays.

  • Nombre et niveau de préparation des avions à double capacité
  • Profitant encore davantage de l'amélioration de l'environnement de sécurité, l'OTAN a pris un certain nombre de mesures afin de diminuer le nombre et le niveau de préparation de ses avions à double capacité. A l'époque où la guerre froide atteignait son paroxysme, l'OTAN maintenait en temps de paix une partie de ces avions, ainsi que d'autres systèmes nucléaires, en état d'alerte de réaction rapide, afin de pouvoir les utiliser dans un délai de quelques minutes. En période de crise ou de conflit, des quantités beaucoup plus grandes de systèmes pouvaient être mises en alerte. En 1995, le niveau de préparation des avions à double capacité a été fortement abaissé, de sorte que l'état de préparation nucléaire se mesure maintenant en semaines plutôt qu'en minutes. Le graphique ci-dessous montre l'évolution du niveau de préparation.


    Nombre et Niveau de Préparation des Avions
    à Double Capacité de l'OTAN

  • Elargissement de l'OTAN
  • Les Alliés ont estimé que le dispositif de forces substratégiques beaucoup plus réduit qui subsiste continuera, pour l'avenir prévisible, à répondre aux besoins de l'Alliance en matière de dissuasion. Prenant une nouvelle initiative unilatérale en décembre 1996, les Ministres des affaires étrangères et les Ministres de la défense des pays de l'OTAN ont annoncé que l'élargissement de l'Alliance ne rendrait pas nécessaire une modification de ce dispositif nucléaire sensiblement réduit et que, par conséquent, l'OTAN n'a "aucune intention, aucun projet et aucune raison de déployer des armes nucléaires sur le territoire de nouveaux pays membres, n'a aucunement besoin de modifier un quelconque aspect de son dispositif ou de sa politique nucléaires, et n'en prévoit nullement le besoin pour l'avenir". Les Chefs d'Etat et de gouvernement de l'OTAN ont réitéré cette déclaration dans l'Acte fondateur sur les relations, la coopération et la sécurité mutuelles entre l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord et la Fédération de Russie. Les nouveaux pays membres sont, à tous égards, membres à part entière de l'Alliance, s'agissant notamment de leur engagement vis-à-vis de la politique de l'Alliance sur les armes nucléaires et des garanties qu'elle offre à tous les Alliés.

  • Réductions des forces stratégiques
  • Par le Traité sur la réduction des armes stratégiques START I, le nombre des armes stratégiques déployées par les Etats-Unis, qui se situait bien au-delà de 10.000, sera ramené à 6.000. Le Traité START II (signé en janvier 1993; ratifié par les Etats-Unis, mais devant encore être ratifié par la Fédération de Russie) réduirait davantage encore le nombre d'armes stratégiques détenues par chaque partie, pour le ramener à un niveau situé entre 3.000 et 3.500, et supprimerait parmi les missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) les véhicules de rentrée à têtes multiples indépendamment guidées (MIRV); il prévoirait aussi des procédures de vérification très contraignantes. Les Etats-Unis et la Russie se sont déclarés prêts, une fois que la seconde aura ratifié le Traité START II, à entamer les négociations START III en vue de ramener le nombre des armes stratégiques à un chiffre compris entre 2.000 et 2.500 et d'adopter des mesures concernant la transparence des arsenaux de têtes nucléaires stratégiques et la destruction de ces têtes. Dans son Etude de la défense stratégique de 1998, le Royaume-Uni a décidé de réduire d'un tiers ses forces nucléaires indépendantes; il va maintenant conserver moins de 200 têtes Trident opérationnelles. La France a elle aussi opéré des réductions majeures dans ses forces nucléaires indépendantes.

Maîtrise des armements nucléaires

Les Alliés maintiennent depuis longtemps leur engagement en matière de maîtrise des armements nucléaires, de désarmement et de non-prolifération dans le cadre de leur politique de sécurité, s'inscrivant fermement dans le contexte politique plus large où ils s'efforcent d'améliorer la stabilité et la sécurité en abaissant les niveaux d'armement et en développant la transparence et la confiance mutuelle sur le plan militaire. Dans la "Décision de Montebello" de 1983, l'Alliance a annoncé le retrait d'Europe de 1.400 têtes nucléaires, retrait qu'elle a ensuite mis en oeuvre. Le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) conclu en 1987 par les Etats-Unis et l'Union soviétique prévoyait d'éliminer, à l'échelle mondiale, les missiles nucléaires à portée intermédiaire basés à terre, concrétisant ainsi le volet maîtrise des armements de la "double décision" prise par l'OTAN en 1979. D'autres efforts de grande ampleur sont actuellement déployés.

  • Les Alliés ont signé et soutiennent pleinement le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). L'OTAN a instamment demandé à tous les pays qui ne l'ont pas encore fait d'adhérer au TNP et de l'appliquer complètement.
  • L'Alliance est attachée à l'entrée en vigueur rapide du Traité d'interdiction complète des essais (TICE) et a appelé tous les pays à adhérer à celui-ci et à l'appliquer en temps voulu.
  • L'OTAN soutient fermement les efforts consentis en vue de procéder à des réductions prudentes et progressives des armes nucléaires. L'Alliance s'est constamment félicitée des progrès accomplis en ce qui concerne le Traité sur la réduction des armes stratégiques (START) et a souligné la nécessité de la ratification et de l'entrée en vigueur du Traité START II. La ratification conditionne aussi les nouvelles réductions importantes des arsenaux stratégiques qui seraient prévues par le traité START III envisagé.
  • Les Alliés sont favorables à la conclusion rapide d'un traité vérifiable et universel sur l'arrêt des transferts de matières fissiles.

Tous ces engagements et développements témoignent des efforts efficaces déployés depuis longtemps par les Alliés pour atteindre leur objectif, à savoir assurer la sécurité et la stabilité au niveau de forces le plus bas possible compte tenu des besoins de la défense.

Rôle des forces nucléaires conservées par l'OTAN

Les forces nucléaires qui subsistent ont eu un rôle essentiellement politique : préserver la paix et prévenir la coercition. Les forces nucléaires de l'OTAN contribuent à la paix et à la stabilité en Europe en faisant ressortir le caractère irrationnel qu'aurait une guerre de grande ampleur dans la région euro-atlantique. Elles rendent les risques d'une agression contre l'OTAN plus incalculables et inacceptables que ne pourraient le faire les seules forces conventionnelles. Par ailleurs, jointes à une combinaison appropriée de moyens conventionnels, elles jettent aussi le doute chez tout pays qui pourrait envisager de chercher à s'assurer un avantage politique ou militaire en menaçant d'employer ou en employant des armes de destruction massive contre l'Alliance.

La sécurité collective garantie par le dispositif nucléaire de l'OTAN est partagée par l'ensemble des membres de l'Alliance; elle rassure les pays qui, autrement, pourraient se sentir vulnérables. La présence de forces nucléaires des Etats-Unis basées en Europe et destinées à l'OTAN établit un lien politique et militaire essentiel entre les membres européens et nord-américains de l'Alliance. En même temps, la participation au dispositif nucléaire de l'Alliance de pays non dotés d'armes nucléaires montre la solidarité qui existe entre les Alliés, leur engagement commun à préserver leur sécurité, et toute la mesure dans laquelle ils se partagent les fardeaux et les risques.

De même, la supervision politique du dispositif nucléaire de l'OTAN est partagée entre les pays membres. Le Groupe des plans nucléaires de l'OTAN est une instance au sein de laquelle les Ministres de la défense de pays alliés dotés ou non d'armes nucléaires participent ensemble à l'élaboration de la politique nucléaire de l'Alliance et à la prise de décisions concernant le dispositif nucléaire de l'OTAN.

L'OTAN doit conserver, et montrer qu'elle conserve, un noyau de capacités militaires avec une combinaison appropriée de forces qui lui assurent la puissance militaire de base nécessaire pour l'autodéfense collective. Les forces nucléaires de l'OTAN restent un élément essentiel de cette capacité centrale. En même temps, les changements spectaculaires survenus dans l'environnement de sécurité depuis la fin de la guerre froide ont permis à l'OTAN d'entreprendre et de réduire de façon tout aussi spectaculaire son dispositif nucléaire et sa dépendance vis-à-vis des armes nucléaires.