Partie I
Les antécédents
de l'Alliance
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Traité
de Collaboration Economique, Sociale et Culturelle et de Légitime
Défense Collective
(Traité de Bruxelles)
Bruxelles, le 17 mars 1948
Son Altesse royale le Prince régent de Belgique, Monsieur le Président
de la République française, Président de l'Union Française, Son Altesse
Royale Madame la Grande-Duchesse de Luxembourg, Sa Majesté la Reine
des Pays-Bas et Sa Majesté le Roi de Grande-Bretagne, d'Irlande et des
Territoires britanniques au-delà des Mers, Etant résolues :
- A affirmer leur foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans
la dignité et la valeur de la personne humaine, ainsi que dans les
autres principes proclamés par la Charte des Nations Unies ;
- A confirmer et défendre les principes démocratiques, les libertés
civiques et individuelles, les traditions constitutionnelles et le
respect de la loi, qui forment leur patrimoine commun ;
- A resserrer, dans cet esprit, les liens économiques, sociaux et
culturels qui les unissent déjà ;
- A coopérer loyalement et coordonner leurs efforts pour constituer
en Europe occidentale une base solide pour la reconstruction de l'économie
européenne ;
- A se prêter mutuellement assistance, conformément la Charte des
Nations Unies, pour assurer la paix et la sécurité internationale
et faire obstacle à toute politique d'agression ;
- A prendre les mesures nécessaires en cas de reprise d'une politique
d'agression de la part de l'Allemagne ;
- A associer progressivement leurs efforts à d'autres Etats s'inspirant
des mêmes principes et animés des mêmes résolutions;
- Désireux de conclure à cet effet un Traité réglant leur collaboration
en matière économique, sociale et culturelle, et leur légitime défense
collective;
- Ont dsigné pour leurs Plénipotentiaires : Son Altesse Royale le
Prince Régent de Belgique, Son Excellence M. Paul-Henri Spaak, Premier
Ministre, Ministre des Affaires Etrangères, et Son Excellence M. Gaston
Eyskens, Ministre des Finances, M. Le Président de la République Française,
Président de l'Union Française, Son Excellence M. Georges Bidault,
Ministre des Affaires Etrangères, et Son Excellence M. Jean de Hauteclocque,
Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire de la République Française
à Bruxelles, Son Altesse Royale Mme la Grande-Duchesse de Luxembourg,
Son Excellence M. Joseph Bech, Ministre des Affaires Etrangères et
Son Excellence M. Robert Als, Envoyé Extraordinaire et Ministre Plénipotentiaire
de Luxembourg à Bruxelles, Sa Majesté la Reine des Pays-Bas, Son Excellence
le Baron C.G.W.H. van Boetzelaer van Oosterhout, Ministre des Affaires
Etrangères, et Son Excellence le Baron Binnert, Philip van Harinxma
thoe Slooten, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire des Pays-Bas
à Bruxelles, Sa Majesté le Roi de Grande-Bretagne, d'Irlande et des
Territoires Britanniques au-delà des Mers pour le Royaume-Uni de Grande-Bretagne
et d'Irlande du Nord, le Très Honorable Ernest Bevin, Membre du Parlement,
Principal Secrétaire d'Etat pour les Affaires Etrangères et Son Excellence
Sir George William Rendel, K.C.M.G., Ambassadeur Extraordinaire et
Plénipotentiaire de Sa Majesté Britannique à Bruxelles, qui après
avoir présenté leurs pleins pouvoirs trouvés en bonne et due forme,
Sont convenues des dispositions suivantes :
Article
I
Convaincues de l'étroite solidarité de leurs intérêts
et de la nécessité de s'unir pour hâter le redressement économique de
l'Europe, les Hautes Parties Contractantes organiseront et coordonneront
leurs activités économiques en vue d'en porter au plus haut point le
rendement, par l'élimination de toute divergence dans leur politique
et par le développement de leurs échanges commerciaux.
La coopération stipule l'alinéa précédent et qui s'exercera
notamment par le Conseil Consultatif prévu à l'article VII, ne fera
pas double emploi avec l'activité des autres organisations économiques
dans lesquelles les Hautes Parties Contractantes sont ou seront représentées
et n'entravera en rien leurs travaux, mais apportera au contraire l'aide
la plus efficace à l'activité de ces organisations.
Article
II
Les Hautes Parties Contractantes associeront leurs efforts,
par la voie de consultations directes et au sein des Institutions spécialisées,
afin d'élever le niveau de vie de leurs peuples et de faire progresser,
d'une manière harmonieuse, les activités nationales dans le domaine
social.
Les Hautes Parties Contractantes se concerteront en vue
d'appliquer le plus tôt possible les recommandations d'ordre social,
émanant d'Institutions spécialisées, auxquelles Elles ont donné leur
approbation au sein de ces Institutions et qui présentent un intérêt
pratique immédiat.
Elles s'efforceront de conclure entre Elles, aussitôt que
possible, des conventions de sécurité sociale.
Article
III
Les Hautes Parties Contractantes associeront leurs efforts
pour amener leurs peuples à une compréhension plus approfondie des principes
qui sont la base de leur civilisation commune, et pour développer leurs
échanges culturels, notamment par le moyen de conventions entre Elles.
Article
IV
Au cas où l'une des Hautes Parties Contractantes serait
l'objet d'une agression armée en Europe, les autres lui porteront, conformément
aux dispositions de l'article 51 de la Charte des Nations Unies, aide
et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, militaires et autres.
Article
V
Toutes les mesures prises en application de l'article précédent
devront être immédiatement portées à la connaissance du Conseil de Sécurité.
Elles seront levées aussitôt que le Conseil de Sécurité aura pris les
mesures nécessaires pour maintenir ou rétablir la paix ou la sécurité
internationale.
Le présent Traité ne porte pas atteinte aux obligations
résultant pour les Hautes Parties Contractantes des dispositions de
la Charte des Nations Unies. Il ne sera pas interprété comme affectant
en rien le pouvoir et le devoir du Conseil de Sécurité, en vertu de la
Charte, d'agir à tout moment de la manière qu'il juge nécessaire pour
maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales.
Article
VI
Les Hautes Parties Contractantes déclarent, chacune en
ce qui la concerne, qu'aucun des engagements en vigueur entre Elles
ou envers des Etats tiers n'est en opposition avec les dispositions du
présent Traité.
Elles ne concluront aucune alliance et ne participeront
à aucune coalition dirigée contre l'une d'entre Elles.
Article
VII
En vue de se concerter sur toutes les questions faisant
l'objet du pr'sent Trait', les Hautes Parties Contractantes cr'eront
un Conseil Consultatif qui sera organis' de manière à pouvoir exercer
ses fonctions en permanence. Le Conseil siègera chaque fois qu'il le
jugera opportun.
A la demande de l'une d'entre Elles, le Conseil Consultatif
sera immédiatement convoqué en vue de permettre aux Hautes Parties Contractantes
de se concerter sur toute situation pouvant constituer une menace contre
la paix, en quelque endroit qu'elle se produise, sur l'attitude et les
mesures à adopter en cas de reprise d'une politique d'agression de la
part de l'Allemagne ou sur toute situation mettant en danger la stabilité
économique.
Article
VIII
Fidèles à leur détermination de ne règler leurs différends
que par des voies pratiques, les Hautes Parties Contractantes conviennent
d'appliquer entre Elles les dispositions suivantes :
Les Hautes Parties Contractantes régleront, pendant la
durée de l'application du présent Traité, tous les différends visés
par l'article 36, alinéa 2, du Statut de la Cour internationale de Justice,
en les portant devant la Cour, sous les seules réserves que chacune d'entre
Elles a faites en acceptant la clause de juridiction obligatoire, et
pour autant qu'Elle les maintiendrait.
Les Hautes Parties Contractantes soumettront d'autre part
une procédure de conciliation tous différends autres que ceux visés
à l'article 36, alin'a 2, du Statut de la Cour internationale de Justice.
En cas de différends complexes dont certains éléments relèvent
de la conciliation et d'autres du règlement judiciaire, chaque Partie
au différend aura le droit de demander que le règlement par la voie
judiciaire des éléments juridiques du différend précède la procédure
de conciliation.
Les stipulations qui précèdent ne portent pas atteinte
aux dispositions ou accords applicables instituant toute autre procédure
de règlement pacifique.
Article
IX
Les Hautes Parties Contractantes pourront décider, de commun
accord, d'inviter tout autre Etat à adhérer au présent Traité aux conditions
qui seront convenues entre Elles et l'Etat invité. Tout Etat ainsi invité
pourra devenir partie au Traité par le dépôt d'un instrument d'adhésion
auprès du Gouvernement belge. Ce Gouvernement informera les autres Hautes
Parties Contractantes du dépôt de chaque instrument d'adhésion.
Article
X
Le présent Traité sera ratifié et les instruments de ratification
seront déposés aussitôt que faire se pourra auprès du Gouvernement belge.
Il entrera en vigueur à la date du dépôt du dernier instrument de ratification
et restera en vigueur pendant cinquante ans.
A l'expiration des cinquante ans, chaque Haute Partie Contractante
aura le droit de mettre fin au Traité, en ce qui la concerne à condition
d'adresser une déclaration à cet effet au Gouvernement belge avec préavis
d'un an.
Le Gouvernement belge informera les Gouvernements des autres
Hautes Parties Contractantes du dépôt de chaque instrument de ratification
ainsi que de chaque déclaration de dénonciation.
En foi de quoi, les Plénipotentiaires ci-dessus désignés
ont signé le présent Traité et y ont apposé leur sceau.
Fait à Bruxelles, le dix-sept mars 1948, en français et
en anglais, les deux textes faisant également foi, en un exemplaire
unique qui sera déposé aux archives du Gouvernement belge et dont copie
certifiée conforme sera transmise par ce Gouvernement à chacun des autres
signataires.
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