Colloque UEO
"Identit
Europenne
de Scurit
et de Dfense"

Madrid,
6 mai 1998

Notes de synthse

du Rapporteur gnral du Colloque,
M. Armand de Decker (PRL, Belgique)
Prsident de la Commission de dfense
de l'Assemble de l'UEO

Chers Collgues,

Les trois journes que nous venons de vivre ensemble me semblent avoir t trs enrichissantes. Comment d'ailleurs, aurait-il pu en tre autrement ds lors que ce colloque consacr l'identit europenne en matire de dfense s'est droul un moment passionnant de l'histoire de notre continent - au lendemain de la dcision capitale sur le choix des pays qui participeront l'Euro ds le premier janvier de 1999 et concomitemment l'exercice actuellement en cours l'OTAN qui consiste en la redfinition des concepts stratgiques de cette grande organisation qui, issue de l'organisation du Trait de Bruxelles, a assur notre scurit pendant toute la guerre froide et contribue toujours - oh combien ! - la stabilit de notre continent et du monde.

Je voudrais remercier en votre nom tous, mon Prsident, Lluis Maria de Puig, d'avoir suscit, prvoqu et organis ce colloque passionnant ici Madrid et exprimer toute ma gratitude aux Corts espagnols, son Prsident et au Maire de Madrid, pour leur merveilleuse hospitalit.

Les ides fortes de ce colloque:

M. Solana: Le dialogue transatlantique serait renforc par le dveloppement d'une Europe plus forte.

L'Ambassadeur Vershbow: Si, pour lui, l'IEDS ne se conoit qu'au sein de l'OTAN, il a rappel que son pays appelle de ses voeux un renforcement des capacits des Europens. Mais, a-t-il ajout ironiquement, nous ne pouvons, nous Amricains, souhaiter une identit europenne de scurit et de dfense de manire plus forte que les Europens eux-mmes.

M. Cutileiro: a soulign que la place de l'UEO entre l'OTAN et l'UE n'apparat pas toujours clairement; que son rle n'est pas d'tre une alternative l'OTAN mais un organe complmentaire charg d'agir et de grer les crises dans lesquelles les USA ne souhaiteraient pas s'immicer. Il a, juste titre, rappel que l'UEO mrite d'tre mieux comprise et mieux connue.

M. Stelios Perrakis: Le Secrtaire Gnral grec aux affaires europennes a rappel que la dfinition d'une politique de scurit et de dfense est indispensable l'unificatin europenne et a soulign le progrs ralis depuis deux ans pour rendre l'UEO plus oprationnelle dans son rle de charnire entre l'OTAN et l'UE.

Le Sous-secrtaire d'Etat polonais, M. Grudzinski, a plaid pour une approche raliste et pragmatique et a bien dcrit l'apptit des pays qui vont rejoindre bientt et l'OTAN et l'UE de pouvoir bientt jouer une rle clef dans la dfinition de la politique trangre europenne. Plus prcisment que beaucoup d'autres intervenants, il a soulign l'importance du Trait d'Amsterdam et l'influence majeure qu'auront l'Euro et l'inscription des missions de Petersberg dans le Trait de l'Union Europenne.

Le panel, prsid de main de matre par le Snateur Lopez Hnars, consacr la coopration entre l'UEO et l'OTAN et au concept des GFIM, fut particulirement intressant.

Le Prsident en exercice de l'UEO, le ministre grec M. Tsohatzopoulos dmontre avec la force de conviction qui lui est coutumire la complmentarit de l'UEO et de l'OTAN. Face aux risques potentiels contemporains qui vont de l'Afrique du Nord l'Asie centrale en passant par le Moyen-Orient, il plaide pour la responsabilit conjointe des Europens et des Amricains. Il rappelle cependant aussi la ncessit de renforcer les capacits de l'UEO qui doit, ses yeux, tre capable d'agir pour le compte de l'Union europenne, avec ou sans l'OTAN. Il a regrett que l'UEO n'ait pas pris en charge l'opration de stabilisation de l'Albanie et a plaid pour une intervention europenne dans le conflit du Kosovo.

M. Rentmeister, du Ministre de la dfense allemand, a dcrit brillamment le bouleversement que connat actuellement l'Europe et qui dtermine toute la question de l'IEDS: - l'instauration de l'Euro; - l'largissement de l'UE et de l'OTAN; - l'intgration des Missions de Petersberg dans le trait de l'Union Europenne; - la refondation de l'Alliance, contrainte d'adapter ses structures et ses concepts au nouveau paysage gostratgique; - la question des GFIM; - l'engagement raffirm des Amricains comme partenaires actifs en Europe - la volont europenne de jouer un rle plus important au sein de l'Alliance. Tout cela forme, pour M. Rentmeister, le cadre d'un nouveau partenariat transatlantique. Il a galement rappel que, si l'Allemagne participe de plus en plus rgulirement des oprations de maintien de la paix, son engagement implique un cadre politique clair.

Cette exigence a galement t rappele par le Capitaine de Vaisseau Dufourcq qui,, dans un expos trs quilibr, a rappel les liens historiques qui unissent l'UEO l'OTAN mais aussi les dcisions rcentes qui appellent un rapprochement de l'UE et de l'UEO. Si le fait que 65% des moyens de l'OTAN sont europens justifie, ses yeux, l'usage par l'UEO des moyens de l'OTAN, le Commandant Dufourcq a cependant rappel que l'UEO doit pouvoir agir avec ses propres moyens dans le cadre de la dfinition d'une politique de scurit et de dfense commune de l'UE.

M. Rob de Wijk, de l'Institut Clingendael, utiise pleinement sa libert scientifique pour mettre le doigt sur les faiblesses de l'Europe et les difficults et les choix qu'elle aura affronter. Partant du concept des GFIM dont il a dcrit la complexit et le caractre extrmement politique, il a clairement dcrit le choix devant lequel les europens sont placs: soit mettre sur place au sein de l'UE une rlle PESC s'appuyant sur une UEO renforce, le cas echeant, par des GFIM et assumer le destin de l'Europe, soit choisir la voie d'une scurit europenne conue au sein de l'OSCE et s'appuyant. militairement sur la seule Alliance Atlantique. L'UEO n'ayant alors plus de raison d'tre, si ce n'est de faire des oprations hors OSCE et la PESC de l'UE tant limite aux seules sanctions conomiques.

En raction ces exposs, M. Rafal Estrella, Vice-Prsident de l'Assemble de l'Atlantique Nord souligne le fait que, contrairement aux Amricains qui savent quels sont leurs intrts de scurit, les Europens n'ont jamais fait l'exercice de dfinir les leurs et que c'est l une des causes fondamentales de leur impuissance et de leur division.

Le troisime panel consacr aux forces multinationales et leurs relations avec l'OTAN et l'UEO fut l'occasion pour l'Amiral de Morales, Directeur de la Cellule de Planification de l'UEO et pour le Gnral Oliver, Adjoint au Commandant de l'Eurocorps, de dcrire le niveau oprationnel atteint par l'UEO et les moyens militaires considrables qui sont aujourd'hui sa disposition.

Ces exposs furent l'occasion de souligner combien les capacits actuelles de l'UEO sont peu connues, y compris par les dcideurs politiques. Le Prsident du Panel et Prsident de la Commission Politique de l'Assemble, M. Jacques Baumel, profitent de ce dbat pour souligner qu'il revient aux hommes politiques d'aller beaucoup plus loin dans la conception de l'Identit Europenne de Dfense et souligne que l'OTAN, ses yeux, volue dans une logique de plus en plus amricaine qui, bien que peut-tre utile la scurit commune, n'a rien voir avec l'IESD laquelle nous aspirons.

Cette volution est ses yeux, des nos gouvernements europens qui tiennent des discours diffrents l'UEO, l'OTAN et l'UE. Et de rappeler que c'est en sa qualit de bras arm de l'UE qu'on attend quelque chose de l'UEO.

Mais l'Europe a-t-elle un instinct de puissance? Son inaction pour le drame qui se dveloppe au Kosovo n'apporte-t-elle pas une rponse cette question fondementale?

M. Javier RUPREZ a rejet l'ide d'une concurrence des institutions charges de la scurit europenne et a plaid au contraire pour leur complmentarit.

Admiral LOPEZ a soulign l'instabilit qui caractrise le monde aujourd'hui et l'utilit et l'efficacit des alliances militaires pour y faire face. Il a dcrit l'extrme complexit de la rgion de la Mditerrane, de la Mer Noire et de la Mer Caspienne. Il a rappel que les allis ne peuvent pas influencer les choses s'ils ne sont pas prsents sur le terrain et actifs, ce qui implique un effort militaire constant. Il a dcrit les premiers exercices GFIM comme tant un succs et rappel que l'OTAN et l'UEO ont dj collabor efficacement durant l'opration Sharp Guard.

Le Ministre BJRCK a soulign l'imprvisibilit de l'avenir et a rappel que rien n'est plus dangereux pour l'Europe qu'un faux sentiment de scurit. Il nous a surpris en pronostiquant que la Sude pourrait, dans un avenir proche (6 7 ans), demander son adhsion l'OTAN. Il a soulign l'intrt qu'il y a pour nous tous, aider la Russie dans son chemin vers la stabilit et la dmocratie. Il a insist sur la capacit que doit avoir l'Europe de prendre, rapidement, ses dcisions en matire de politique de scurit et de dfense. Il a soulign qu'il ne fallait pas multiplier les moyens militaires de l'Europe, mais les coordonner et qu'il fallait doter l'Europe d'un commandement suprme, et d'un bon systme de financement de ses oprations militaires.

Le Gnral RAFFENNE a rappel, lui aussi, l'instabilit du monde et le risque de conflits rgionaux. Il a insist sur les risques inhrants la prolifration des armes de destruction massive, ainsi que sur les menaces non-tatiques telles que le terrorisme et les trafics de drogues. Il a rappel les capacit militaires majeures de la Russie qui entrane son rle central en Europe.

Au niveau des structures de scurit, il a rappel les rles respectifs de l'ONU et de l'OTAN dont il a soulign le ncessaire rquilibrage et l'invitable volution vers un rle plus politique. Il a soulign les capacits immenses et potentielles de l'UEO en association avec l'Union Europenne et ce, notamment, grce aux effets unificateur de l'EURO. Il a insist sur le ncessit de la mise sur pied d'une industrie de l'armement rellement europenne. Il a dcrit l'volution des mission militaires appeles parfois se transformer en missions de police. La dfense europenne subit une double volution au sein de l'Alliance, d'une part, et dans la collaboration entre l'UEO et l'UE, d'autre part. Enfin il a insist sur la valeur ajoute que reprsente la multinationalit

Le Prsident Petre Roman a eu raison de rappeler l'importance des retrouvailles culturelles qu'a permis la fin de l'opposition des blocs et estime que les politiques menes depuis 1989 ne sont pas la hauteur des espoirs suscits par cet vnement historique. Il a rappel combien il tait essentiel d'aider les pays d'Europe centrale dans leur effort de reconstruction. Il s'est dclar favorable au rle centrale de l'UEO dans le cadre des structures euro-atlantique.

Conclusion:

A mes yeux, la question de savoir si l'IESD doit se faire au sein de l'OTAN ou indpendamment de celle-ci ne se pose pas. L'IESD se dveloppe la fois au sein de l'OTAN et en dehors de celle-ci.

Au sein de l'OTAN:

  1. Parce que la dfense collective (art 5) continuera bien entendu s'organiser au sein de l'OTAN, ce qu'elle fait avec succs depuis 50 ans.

  2. Parce qu'Europens et Amricains continueront porter ensemble la reponsabilit de la paix et de la scurit dans cette vaste zone qui va du Moyen-Orient jusqu'en Asie centrale.

  3. Parce qu'aucun pays d'Europe ne souhaite que les Etats-Unis se dsinteressent de la scurit europenne et que certains pays, comme les PECO, dont l'influence ira en s'accroissant, souhaitent expressment bnficier de la protection des Etats-Unis.

Indpendamment de l'OTAN:

  1. Parce que l'UE, premire puissance conomique, commerciale et financire (montaire) du monde, devra - qu'elle le veuille ou non - tre capable de dfendre ses interts vitaux qui ne sont pas toujours compatibles avec ceux des Etats-Unis.

  2. Parce que l'volution du monde, et de l'Europe en particulier, fera que l'UE et les Etats-Unis d'Amrique seront au contraire de plus en plus souvent concurrents et developperont - on l'a vu lors de la rcente crise irakienne - des analyses trs diffrentes de leurs interts.

  3. Parce que l'opinion publique europenne n'accepte plus l'impuissance politique et militaire de l'Europe. Qu'elle ne comprend pas pourquoi l'Europe n'est pas capable de rgler seule certaines crises (Yougoslavie, Albanie, Kosovo) qui la regardent directement.

  4. parce que la mise en oeuvre des GFIM pourrait s'avrer trs difficile.

Bien sr, l'exercice sera difficile parce qu'il implique - cela a t soulign de nombreuses reprises - que l'Union Europenne

  1. dfinisse ses interts vitaux

  2. dfinisse une relle PESC, ce qui implique qu'elle soit capable de faire la synthse entre les diffrentes sensibilits intra-europennes.

  3. qu'elle prenne conscience des capacits militaires que lui offre l'UEO, et qu'elle corrige les faiblesses qui sont encore les siennes dans ce domaine, et notamment au plan du transport stratgique et du renseignment satellitaire.

A brve chance, il me parat essentiel que l'Europe fasse connatre l'OTAN - qui procde actuellement la rvision totale de son concept stratgique - ses besoins, ses projets, sa vision de l'avenir, et procde par ailleurs - si elle le peut - l'inventaire de ses interts vitaux.

Vu l'histoire des pays europens, ces exercices ne seront pas faciles et nous courrons toujours le risque de la renationalisation de ces questions, de ces sujets.

Je reste cependant optimiste car la construction europenne , avant tout, servi admirablement, apport l'Europe une paix et une stabilit qu'elle n'avait jamais connus auparavent. Je constate d'autre part, que les Etats europens, mme les plus grands, et malgr les diffrences de sensibilit qui les caractrisent souvent, ne souhaitent plus intervenir militairement seuls sur quelque thatre oprationnel que ce soit.

Je pense cependant, comme le Ministre Bjrk que l'essentiel sera d'adopter et de moderniser les proccures de prises de dcision politique de l'Europe au plan de sa politique trangre et de dfense. Notre scandaleuse passivit face l'volution de la situation au Kosovo est l pour nous le rappeler.

Je crois, qu' la veille d'largissements de l'OTAN et de l'UE, il me parat essentiel d'avoir rappel cette ralit fondamentale.

La crdibilit de l'Europe et de l'UEO se mesurera ses actes en vue de la paix, aujourd'hui au Kosovo, demain ailleurs encore. Les Ministres de l'UEO runis en Conseil Rhodes, la semaine prochaine, devront rpondre aux attentes lgitimes de l'opinion publique.


 [ Go to Index ]  [ Go to Homepage ]