Colloque UEO
"Identit
Europenne
de Scurit
et de Dfense"

Madrid,
6 mai 1998

"Une Politique Europenne de Scurit et de Dfense"

Projet d'Intervention du Gnral de brigade Jean-Paul RAFFENNE, Adjoint au sous-chef d'tat-major charg des relations internationales de l'tat-major des armes, Ministre de la dfense de la France

Je ne crois pas qu'il soit utile de revenir sur la chronologie des vnements qui ont marqu la fin de l'ordre bi-polaire en Europe. Je prfre dtailler les grandes questions qui nous nous posons; ce sont bien celles qui orienteront la politique europenne de scurit et dfense qui nous tous Europens appelons de nos voeux.

Quel avenir stratgique se profile l'horizon? Une longue priode de paix et de stabilit ou bien une gnralisation du chaos gopolitique?

La problmatique gnrale de la scurit volue.

  • Si la menace potentielle - hier encore dominante - d'une confrontation majeure en Europe a aujourd'hui disparu, le continent reste expos un faisceau largi de risques dont la nature a profondment chang.

    • L'hypothse de conflits rgionaux demeure la plus plausible. Rsultant gnralement de ractions identitaires, ils pourraient de dvelopper dans des zones aux structures politiques rcentes ou dsquilibres par l'mergence de nouvelles puissance rgionales. A cet gard, le Moyen-Orient et l'Afrique demeurent les rgions les plus sensible, sans pour autant que l'on puisse exclure perspective en Europe.

    • La prolifration d'armes de destruction massive et d'engins balistiques est tout aussi proccupante dans la mesure o le nombre de nations dtenant ces capacits, ou tant sur le point de les dtenir, sans vraiment augmenter se maintient entre vingt et vingt-cing;

    • Enfin, l'mergence de nouveaux risques constitue un facteur de complexit supplmentaire. L'apparition d'acteurs non tatiques dont l'existence, diffuse mais bien relle, se dissimule derrire les rseaux financiers et mafieux de la drogue ou de la criminalit internationale, ajoute la problmatique de la scurit une dimension transnationale qui ne peut tre gre par les schmas classiques.

  • La distribution des rles sur la scne gopolitique europenne a chang de nature.

    • L'Europe volue de faon asymtrique: si elle parvient consolider, grce au double processus d'largissement de l'OTAN et de l'UE, la stabilit au centre, elle doit faire face aux turbulences qui affectent le sud-est et la rgion des Balkans. L'exprience de la Bosnie a rvl l'ampleur des moyens consentir pour contenir ou prvenir cette instabilit.

    • La prminence des Etats-Unis, probablement durable pendant les quinze prochaines annes, peut tre reconnue comme facteur structurant d'un nouvel ordre unipolaire. Elle tient surtout leur domination du march de l'information et des communications. Mais l'incertitude demeure quant au mode de gestion politique de cette puissance, qui pourrait se traduire entre autres par un rquilibrage de ses efforts.

    • Enfin, la Russie, puissance nuclaire demeure un acteur fondamental. Sa contribution la scurit europenne est essentielle. Sa recomposition politique et conomique est lente et incertaine; il convient de la soutenir. Elle ne doit pas avoir le sentiment d'tre exclue du nouvel ordre international.

  • La notion de scurit va en s'largissant au rythme des mutations conomiques, sociales et technologiques.

    • La globalisation des changes et l'interdpendance des conomies crent une solidarit de fait croissante autour d'intrts communs, comme l'accs aux ressources vitales est aujourd'hui l'UEM. L'espace d'intrt de scurit pour l'Europe tend s'largir par exemple vers le Proche et le Moyen-Orient, qui reprsentent naturellement des zones d'intrts nergtiques partags, mais galement vers l'Afrique, voire l'Asie.

    • L'largissement du champ d'utilisation des technologies, notamment dans le domaine de l'information o la technologie civile peut aisment tre utilise des fins militaires, favorise l'apparition de nouvelles formes de menaces.

Cadre d'organisation de la scurit et de la Dfense

  • L'ONU est appele conserver un rle permanent, le Conseil de scurit apportant la lgitimit politique internationale, pralable indispensable toute opration militaire multinationale.

  • L'OTAN, s'affirme aujourd'hui en Europe comme instrument privilgi, non seulement pour la gestion des crises, mais aussi en matire de coopration et de stabilit: Acte OTAN/Russie, Charte de partenariat spcifique OTAN/Ukraine, et PpP, sont autant d'initiatives consolidant la scurit europenne, qu'il faut vivre et que la France entend soutenir.

    Elle est appele conserver son rle central en Europe pour autant qu'elle puisse acqurir une nouvelle lgitimit fonde sur un lien transatlantique rquilibr et prenant en compte le processus d'largissement. La rnovation engage de la structure militaire. La rvision en cours de Concept stratgique offre aujourd'hui l'occasion de redfinir son rle et ses missions pour le XXI-me sicle. Il nous faut veiller ce qu'elle ne devienne pas une organisation "attrape" tout" oriente tous azimuts.

  • L'Union europenne et l'UEO reclent des potentialits qu'il convient d'exploiter.

    Le Trait d'Amsterdam ouvre de nouvelles perspectives, permettant de faire progresser la scurit et la dfense europenne. La comptence du Conseil europen relative aux orientations de la PESC, mais galement l'gard de l'UEO, la nomination d'un Haut reprsentant, confrent l'UE l'autorit politique qui jusqu' prsent lui faisait dfaut dans ce domaine. La possibilit d'entreprendre, dans le cadre du Conseil europen, une dfinition de la PEDC, va galement dans le bon sens.

    Dj une prise de conscience d'intrts communs s'tablit entre pays membres. Celle-ci s'est traduite par exemple dans le domaine oprationnel (opration ALBA) ou dans le domaine institutionnel (recours de l'UE l'UEO).

    Avec le passage l'Euro, l'Europe se dote du premier lment tangible de souverainet partage. Ses effets auront un impact direct sur la construction d'une politique de dfense commune.

  • l'OSCE a une approche plus globale de la scurit. Elle devrait conserver son rle de plus grand forum commun o s'labore l'armature juridique de la scurit europenne (Trait FCE). Elle pourrait ainsi accrotre son rle de tuteur dans certaines initiatives rgionales.

  • Enfin, les initiatives bi ou multilatrales sont appeles jouer en Europe un rle complmentaire du jeu institutionnel, et vivifiant pour l'IESD. Parmi celles-ci, les forces multinationales ont vocation participer des engagements conjoints dans le cadre de l'Alliance ou de l'UEO. C'est par exemple le cas du Corps Europen en Bosnie. Nous saluons galement l'initiative des pays d'Europe Centrale, sous l'impulsion de l'Autriche, de cration d'une unit multinationale destine aux oprations de maintien de la paix. Par ailleurs, la coopration et les restructurations en matire d'armement participent galement l'tablissement de fondements communs pour une vritable politique europenne d'armement, garante de l'autonomie stratgique europenne.

Vers une nouvelle gestion de la scurit en Europe

  • Quels besoins de scurit ?

    La faible probabilit, l'horizon de a dcennie qui s'ouvre, de menace majeure en Europe semble acquise. Pour autant, il serait audacieux de conclure la disparition de la guerre, mme si elle a chang d'aspect pour s'adapter aux ralits d'un contexte nouveau.

    En revanche, l'ventualit de conflits rgionaux sera sans doute la plus probable. Ceux-ci pourraient affecter en priorit le Proche et le Moyen-Orient et l'Afrique selon des niveaux d'engagement technologique variables. La menace d'un conflit aux marches - notamment sud-est - de l'Europe ne peut tre non plus exclue.

    Leur gestion sera multiforme et pourrait impliquer l'OTAN et/ou l'UEO aussi bien dans des oprations de soutien de la paix qu'au titre de l'article V de ces deux organisations.

    Dans ce contexte, nous voyons galement apparatre:

    • de nouvelles missions : actions de police et de scurit publique;

    • de nouveaux modes d'action : affaires civilo-militaires, coordination avec les ONG;

    • de nouvelles stratgies : par exemple, stratgie asymtrique visant fragiliser les coalitions (bouclier humain).

  • avec quels partenaires ?

    L'engagement multinational est aujourd'hui devenu une rgle de plus en plus applique, entretenue par une triple logique.

    • le besoin de lgitimit que, seule, la caution internationale peut apporter;

    • la logique croissante d'intrts partags.

    • enfin - et pour l'heure encore - dans une moindre mesure, la recherche d'un moindre cot par un partage de capacits.

    En revanche, l'action nationale ne peut tre totalement exclue dans la mesure o elle conditionne la rapidit de raction, ncessaire dans certain cas.

  • quelle stratgie pour l'Europe ?

    La scurit europenne est aujourd'hui engage dans un mouvement de fond dont le rythme est imprim par une double volution: celle de l'Alliance, d'une part, celle du couple UE/UEO, d'autre part.

    Dans l'immdiat, il emporte de faire vivre l'IESD au sein de l'Alliance, tout en contribuant l'approfondissement du dialogue OTAN/Russie, sans ngliger les relations avec les pays membres du Partenariat pour la paix.

    Il convient paralllement d'exploiter sans attendre les potentialits offertes par le Trait d'Amsterdam en matire de PESC, de PEDC, mais aussi de progresser sur la voie de l'Europe de l'armement.

    Enfin, il sera ncessaire de soutenir l'OSCE en vue d'harmoniser l'espace de scurit en Europe: d'une part en le fondant, par le biais de la Charte de scurit, sur une assise conceptuelle; d'autre part, en coordonnant activement les initiatives de scurit cooprative.

    Au-del, il semble que la scurit et la dfense en Europe ait vocation se structurer autour du dveloppement concomitant du couple UE/UEO et de l'OTAN.

    Voil le panorama gnral des contraintes, de ncessits et des ambitions qui dterminent la politique europenne de scurit et de dfense qui peu peu s'labore entre les partenaires europens. C'est celui que je voulais brosser pour vous aujourd'hui au nom du ministre franais de la dfense.


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