Colloque UEO
"Identit
Europenne
de Scurit
et de Dfense"
Madrid,
4 mai 1998
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"La coopration entre l'UEO et l'OTAN"
Discours par Captain Jean Dufourcq,
International relations, Armed Forces Headquarters,
representing the Minister for Defence of France.
La relation UEO/OTAN n'est pas ne des sommets de Bruxelles, Berlin et Birmingham, comme l'importance accorde leurs rsultats pourrait le laisser croire. S'il faut reconnatre ces sommets l'impulsion donne cette relation telle que nous la voyons se dvelopper aujourd'hui, il n'est pas moins vrai que les liens entre l'UEO et l'OTAN trouvent leur origine voil quelques annes dj, au lendemain de la seconde guerre mondiale.
L'volution rcente du contexte stratgique a conduit n rapprochement sensible des deux organisations visant offrir aux Europens les moyens de diriger des oprations de gestion de crise. Le Trait de Maastricht fixant l'objectif d'une Politique Extrieure et de Scurit Commune (PESC) ainsi que les dcisions prises Berlin en juin 1996 en faveur du dveloppement de l'identit europenne de scurit et de dfense constituent deux tapes cl.
C'est dans un esprit de complmentarit entre les deux organisations, et dans le respect des spcificits de chacune, que cette relation connat aujourd'hui un nouveau dveloppement. En effet, ces accords ne compromettent pas les capacits oprationnelles que l'UEO met en place pour ses besoins propres.
Mais, pour commencer, je vous invite un rappel historique.
L'UEO est par nature l'organisation europenne de scurit. Elle trouve son origine dans le Trait de Bruxelles, sign en 1948, qui fut amend et complt par le Protocole de Paris en 1954. Trait de collaboration conomique, sociale, culturelle et de lgitime dfense, il avait pour objectif, entre autre, l'assistance mutuelle des nations membres pour faire obstacle toute agression, ainsi que l'unit et l'intgration progressives de l'Europe.
C'est ce trait, symbole de la dtermination des Europens uvrer ensemble, qui a conduit les Etats Unis et le Canada s'associer aux efforts des Europens et conduit la signature du Trait de Washington en 1949. La cration de l'Organisation du Trait de l'Atlantique Nord (OTAN) trouve donc, proprement parler, son origine dans le Trait de Bruxelles.
L'Alliance s'est trouve naturellement devoir jouer un rde de premier plan compte tenu de la menace du moment et de la ncessit du soutien amricain pour y faire face. Depuis 50 ans, l'OTAN a donc t l'organisation de la scurit des europens occidentaux.
Mais l'volution du contexte stratgique la fin des annes 80 a conduit les Europens entreprendre une nouvelle rflexion sur leur scurit. Le nouveau dbat engag, avec la Dclaration de Rome, en 1984, et la notion nouvelle de "Pilier Europen de l'Alliance" (Plate-forme de La Haye) en 1987, pose alors les bases de l'UEO "nouvelle" et de ses relations futures avec l'OTAN. La rupture stratgique du dbut des annes 90, puis les difficults de l'Alliance s'engager dans une crise o les intrts des USA ne sont pas directement concernes amplifirent et acclrrent le processus. Faisant le constat du besoin de pouvoir grer les crises, l'UEO s'est alors efforce de s'adapter et d'offrir aux Europens le cadre dont ils avaient besoin pour agir ensemble.
Paralllement, Maastricht en 1991, l'UEO s'ouvre pleinement l'Europe et devient un lment de la construction europenne. Dans la continuit de la dcision des ministres arrtant les missions de l'UEO, hors dfense collective, Petersberg en 1992, l'organisation a dvelopp, au niveau des institutions, des textes et de la prparation oprationnelle, les instruments ncessaires lui permettant d'agir. Dsigne comme composante de dfense europenne, elle est galement reconnue comme le moyen de renforcer e pilier europen de 'Alliance Atlantique. C'est cette occasion que les trois axes de son dveloppement, que nous connaissons et mettons en uvre aujourd'hui, sont alors dfini:
- dveloppement de son rle oprationnel;
- renforcement du lien avec l'Union Europenne;
- renforcement de la coopration avec l'OTAN
Cette relation de coopration UEO/OTAN s'inscrit ds lors comme une constante. Elle associe dsormais la dfense euro-atlantique, que symbolise l'OTAN, et la construction europenne, dont l'UEO reprsente le volet de la dfense, en fixant notamment le dveloppement de l'IESD dans l'Alliance comme un des objectifs de la rnovation de l'OTAN.
Le concept de l'Identit europenne de Scurit et de Dfense consiste, pour l'essentiel, en accord avec nos partenaires et sans remettre en cause le lien transatlantique, dterminer les voies et les moyens pour concrtiser une plus grande prise de responsabilits des Europens pour leur propre scurit.
Elle se compose, entre autre, des lments suivants:
- une articulation entre l'UEO et l'OTAN telle que des arrangements de coopration efficaces dans le domaine oprationnel puissent tre activs ds que ncessaire;
- la prise en compte des besoins spcifiques des Europens dans la planification de dfense de l'OTAN;
- le concept de GFIM (Groupement de Forces Interarmes Multinationales) permettant l'engagement de moyens de l'OTAN sous le contrle politique et la direction stratgique de l'UEO, et sur lequel je reviendrai tout l'heure.
- la possibilit d'une participation plus active des observateurs non-allis au dveloppement de la scurit europenne.
Mais, outre ses lments, il convient de souligner le rle dvolu au SACEUR adjoint et la mise disposition de l'UEO de moyens et capacits de l'Alliance. Dans le cadre de l'tude sur les nouvelles structures de commandement de l'OTAN, deux documents sur le "Mandat du SACEUR adjoint" et les " Arrangements de Commandement" ont t labors aux cours du premier semestre 97. Ils devraient permettre de raliser, partir de la structure militaire de l'OTAN, le moment venu et sans difficult majeure, une chane de commandement europenne apte la conduite d'oprations diriges par l'UEO.
Par ailleurs, si l'UEO s'est dote de moyens propres lui permettant d'agir de manire autonome, de nouvelles possibilits lui sont offertes grce aux moyens complmentaires de l'OTAN dont il reste encore laborer les conditions de mise disposition. L'accession aux moyens collectifs de l'Alliance, peut, par exemple, accrotre les capacits oprationnelles de l'UEO dans des domaines particuliers comme celui des systmes de commandement.
Cette possibilit, pour l'UEO, de faire appel des moyens de l'OTAN pour des oprations qu'elle conduirait conditionne en grande partie les relations entre les deux organisations aujourd'hui, dans le domaine de la gestion de crise. En effet, l'analogie entre les missions dites de Petersberg et les PSO (Peace Support Operations) de l'OTAN, toutes nes du nouveau contexte stratgique de l'aprs guerre froide, unit les deux organisations au travers d'objectifs communs et de responsabilits partages. En fait, il existe, semble-t-il, un rle spcifique pour l'UEO, au cas o l'OTAN ne souhaiterait pas s'engager dans une action, c'est--dire pour l'essentiel, au cas o nos partenaires nord-amricains ne souhaiteraient pas s'engager, notamment avec des moyens terrestres.
Il convient nanmoins de se rappeler que les membres de plein droit de l'UEO contribuent hauteur d'environ 65% au budget de l'OTAN. De ce fait, c'est cette situation, autant que les dcision s prises en 1994 et 1996, qui permet l'UEO de revendiquer l'utilisation de ces moyens pour ses propres oprations.
Dans ce contexte, un lment mrite d'tre particulirement soulign, compte tenu de l'intrt qu'il prsente pour les deux organisations: il s'agit du concept de Groupement de Force Interarmes Multinationales, concept de GFIM, dj voqu prcdemment.
Ce concept a t dvelopp par l'Alliance afin de crer un outil de gestion de crises souple permettant de disposer d'une force rapidement adaptable une situation de crise. Ce concept, conu par l'OTAN, est de nature faciliter considrablement la mise disposition de l'UEO d'un quartier gnral de niveau opratif, voire tactique, pour une opration qu'elle conduirait.
Parmi les diffrentes manires de former un quartier gnral de GFIM, le moyen "normal" est de le former autour d'un noyau issu d'un quartier gnral de l'OTAN, a priori au niveau "rgional". Il n'est pas exclu de concevoir la possibilit de le former autour d'un noyau issu d'un tat-major "relevant de l'UEO", c'est--dire d'un quartier gnral national ou multinational. Outil oprationnel, le concept de GFIM prsente galement un grand intrt politique en permettant l'emploi des mmes moyens soit dans une chane de commandement OTAN, soit dans une chane de commandement UEO. De ce fait, la contribution de l'Alliance une opration conduite par l'UEO, pourrait comporter dsormais la dsignation du D.SACEUR comme commandant de l'opration avec la mise disposition d'un lment tat-major stratgique fourni par l'OTAN et d'un noyau de quartier gnral formant l'ossature du quartier gnral de GFIM dploy sur le thtre.
Sans prsager des capacits d'action autonome de l'UEO, celle-ci a donc bien acquis, au travers de sa coopration avec l'OTAN, de nouvelles possibilits. Ces possibilits nouvelles ne doivent cependant pas conduite une renonciation par l'organisation d'agir avec ses moyens propres. L'exercice possde donc aussi ses limites.
En fait, celles-ci tiennent, pour l'essentiel, aux vocations diffrentes des deux organisations: europenne pour l'une, transatlantique pour l'autre, gestion de crise de faible et de moyenne intensit pour la premire, dfense collective et crise de forte intensit pour la deuxime. Si la disparit entre les moyens des deux organisations explique facilement la diffrence des moyens susceptibles d'tre engags, donc le niveau des crises susceptibles d'tre gres par chaque organisation, il n'est pas inutile de revenir sur la vocation spcifiquement europenne de l'UEO. En effet, la relation UEO-Union Europenne constitue un lment dont il ne peut tre fait abstraction dans une tude de la relation entre l'organisation et l'OTAN.
Celle relation UEO/UE repose sur l'institution d'une politique trangre et de scurit commune (PESC) qui, je cite, "inclut l'ensemble des questions relatives la dfense commune, qui pourrait conduire, le moment venu, une dfense commune". Dsormais, par le biais de l'Article J.4.2/J.7.3, l'UE est donc mme de demander l'UEO "d'laborer et de mettre en uvre les dcisions et les actions de l'Union qui ont des implications dans le domaine de la dfense". L'UEO, de notre point de vue, a donc vocation dvelopper son bras arm de l'Union.
En conclusion, il apparat que la coopration UEO/OTAN est une coopration riche en possibilits mais qui, selon nous, doit respecter l'identit et l'autonomie de chaque organisation. Il convient videmment d'viter les situations de concurrence pouvant conduire la duplication des moyens et, au contraire, de favoriser la complmentarit des deux organisations. La spcificit de l'UEO qui permet de jouer un rle charnire entre l'UE et l'OTAN. C'est partir de ce que j'appellerai le "triptyque" UEO-UE-OTAN qu'il sera possible de crer des synergies nouvelles profitables tous, de nature rpondre aux dfis de notre temps.
Cependant, si les lments permettant l'Europe d'agir se mettent en place, seule une volont politique commune des nations qui la composent donnera l'UEO l'occasion de faire ses preuves sur le terrain.
Permettez-moi ce sujet de rappeler les propos de M. Jos Cutileiro, Secrtaire Gnral de l'UEO, lors d'une interview en mars 1998: "L'instrument de dfense, c'est l'OTAN. Celui de la gestion de crise est l'UEO. C'est une question de volont politique. Les Europens ont un outil. Ils n'ont plus d'excuses, comme en 1991 en Yougoslavie, pour ne rien faire."
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