Texte du rapport du Comité des Trois
sur la coopération non militaire au sein de l’OTAN <br />approuvé par le Conseil de l’Atlantique Nord
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Chapitre I
Introduction générale
- Le Comité sur la Coopération non militaire, que le Conseil de l’Atlantique Nord a créé à sa session de mai 1956, a reçu la tâche «de présenter au Conseil des recommandations quant aux mesures à prendre pour améliorer et développer la coopération entre pays de l’OTAN dans les domaines non militaires et pour accroître l’unité au sein de la Communauté Atlantique».
- Le Comité a estimé que, pour s’acquitter de cette tâche, il devait (1) étudier et définir à nouveau les objectifs et les besoins de l’Alliance, notamment en fonction de l’évolution actuelle de la situation internationale et (2) formuler des recommandations visant à renforcer la solidarité, la cohésion et l’unité de l’Alliance.
- Le Comité espère que le rapport et les recommandations qu’il représente aujourd’hui feront mieux comprendre dans les pays non OTAN les buts strictement défensifs et constructifs de l’Alliance et que l’adoption de mesures propres à atténuer la tension internationale s’en trouvera facilitée et encouragée. Les événements de ces derniers mois ont aggravé cette tension et réduit l’espoir conçu depuis la mort de Staline de jeter des bases solides et honorables d’une coexistence avec le monde communiste, fondée d’abord sur la concurrence et finalement sur la coopération. Les efforts dans ce sens doivent néanmoins se poursuivre.
- Les relations interalliées ont également été soumises à de sérieuses tensions. Le présent rapport a été élaboré quant au fond par le Comité des Trois au cours de ses réunions et des consultations intergouvernementales de septembre. Des événements intervenus par la suite ont renforcé le Comité dans sa conviction que les membres de la Communauté Atlantique ne peuvent accroître leur unité qu’en travaillant constamment à harmoniser leurs politiques en procédant en temps opportun à des consultations approfondies sur des questions d’intérêt commun. Sinon, le cadre même de la coopération au sein de l’OTAN, qui a si bien servi la cause de la liberté, et qui est si essentiel à son progrès serait menacé.
- La base de l’OTAN, qui seule permet d’édifier une superstructure solide, réside dans l’engagement politique que ses membres ont pris, pour leur défense collective, de considérer une attaque contre l’un d’eux comme une attaque dirigée contre tous, et à laquelle tous répondront par une action collective. On a parfois tendance à sous-estimer la portée de cet engagement, surtout durant les périodes où le risque d’avoir à l’invoquer semble diminuer.
- Cet engagement politique en vue de la défense collective étant la pierre angulaire de la politique étrangère et de défense des pays membres, l’existence de l’OTAN repose sur une base solide. Certes, les moyens de s’acquitter de cette obligation peuvent varier selon la situation politique ou stratégique et selon le caractère ou la direction que la menace pour la paix viendrait à prendre. Quels que soient, cependant, les changements à apporter aux plans et aux politiques stratégiques, ils ne doivent pas entraîner nécessairement un affaiblissement de l’OTAN, ni ébranler la confiance que ses membres ont en elle et en leurs partenaires, mais il faut également -et ceci est une condition capitale - que chacun d’eux conserve la volonté et les moyens de remplir l’engagement politique qu’il a souscrit lorsqu’il a signé le Traité, c’est-à-dire celui de participer pleinement à une action collective contre l’agression; de plus, il importe tout autant, comme l’ont montré les récents événements, qu’aucune modification de nature à affecter la coalition ne soit apportée à la stratégie ou à la politique d’un pays sans discussion collective préalable.
- Ainsi, pour que l’OTAN puisse se développer sur des bases solides, il est avant tout essentiel que tous ses membres acceptent sans réserve l’engagement politique d’assumer leur part de défense collective et que chacun d’eux ait confiance dans la résolution et l’aptitude de ses partenaires à faire honneur à cet engagement en cas d’agression.
- C’est aujourd’hui le meilleur moyen dont nous disposons pour décourager l’agression et, par conséquent, la meilleure garantie que notre engagement n’aura pas à être invoqué.
- Toutefois, ce rôle qui consiste à décourager l’agression et qui repose sur la solidarité et sur la force de l’Alliance, l’OTAN ne peut le remplir que si ses membres ont entre eux des relations étroites et fondées sur la coopération dans les domaines politique et économique. Une alliance dont les membres ignorent les intérêts de leurs partenaires, se laissent diviser par des conflits politiques ou économiques ou se méfient les uns des autres, ne peut avoir l’efficacité que ce soit pour décourager une agression ou pour la repousser. Les récents événements l’ont montré plus clairement que jamais.
- Pour rechercher les moyens de renforcer l’unité et la compréhension mutuelle au sein de l’OTAN, il est utile de rappeler les origines et les buts de l’Organisation.
- Le Traité qui a été signé à Washington en 1949 constituait une réaction collective - nous avions appris en effet qu’une réaction exclusivement nationale ne suffisait pas à assurer notre sécurité -devant la crainte d’une agression des forces de l’URSS et de ses alliés. Ces forces avaient sur les nôtres une supériorité écrasante. La menace qui pesait sur la Grèce, la mainmise sur la Tchécoslovaquie, le blocus de Berlin et les pressions exercées sur la Yougoslavie avaient montré qu’elles étaient aussi un instrument d’agression.
- Si la crainte a été surtout à l’origine de l’OTAN, nous avons aussi compris - consciemment ou non - qu’en cette ère atomique, dans un monde où les distances comptent de moins en moins, le moment était venu de grouper en une association plus étroite les nations soeurs de l’Atlantique et de l’Europe occidentale à des fins autres que strictement défensives, et que la mise en commun d’une partie des souverainetés nationales pour notre protection mutuelle contribuerait aussi au progrès et à la coopération en général. Les gouvernements et les peuples intéressés sentaient que cette plus grande unité était à la fois naturelle et souhaitable, que cette communauté de traditions culturelles, de libres institutions et de concepts démocratiques qui étaient mis au défi et voués à la destruction par ceux qui les défiaient, constituait aussi une raison de s’unir davantage non seulement pour les défendre mais pour les développer. En résumé, la conscience d’un danger immédiat commun se doublait d’un sens de communauté atlantique.
- Certes, un sentiment de cette nature n’a pas été l’élément déterminant dans la création de l’OTAN ni même son principal mobile. Néanmoins il a fait naître l’espoir que l’OTAN, une fois passée la crise qui motiva sa création, continuerait de se développer.
- Cet espoir trouve son expression dans le préambule et dans les Articles 2 et 4 du Traité. L’inclusion de ces deux articles limités dans leur forme mais portant en eux la promesse de ce grand projet de communauté atlantique a été due à cette conviction que l’OTAN devait devenir davantage qu’une alliance militaire. Ils reflétaient la crainte très réelle de voir l’OTAN, si elle ne répondait à cette attente, disparaître avec la crise qui l’avait fait naître, même si elle devenait plus nécessaire que jamais.
- Ainsi, dès les origines de l’OTAN, il fut reconnu que si une coopération dans le domaine de la défense était la première et la plus urgente des nécessités, cette coopération ne suffisait pas. De même, il est apparu de plus en plus clairement depuis la signature du Traité que la sécurité est, à notre époque, bien plus qu’un problème militaire. Le développement des consultations politiques et de la coopération économique, la mise en valeur des ressources, le progrès de l’éducation et de la compréhension des peuples, tout cela peut être aussi important, voire plus important, pour la sécurité d’une nation, ou d’une alliance que la construction d’un cuirassé ou l’équipement d’une armée.
- Il serait désormais dangereux de considérer comme des questions absolument distinctes ces deux aspects de la sécurité - l’aspect civil et l’aspect militaire - que ce soit sur le plan national ou sur le plan international. Peut-être l’OTAN n’a-t-elle pas encore pleinement admis cette interdépendance essentielle ou peut-être n’a-t-elle pas déployé assez d’efforts pour créer entre ses éléments civils ou militaires cette liaison permanente qui est indispensable pour que l’Alliance soit forte et durable.
- Toutefois, la coopération des pays atlantiques dans les domaines politique et économique - et encore moins leur unité - ne pourra être réalisée en un jour ou au moyen d’une seule déclaration; elle ne pourra l’être que grâce à un long processus de création et par toute une série d’actes et de principes politiques à l’échelon national, par la formation d’habitudes, de traditions et de précédents. Ce processus ne pourra être au mieux que lent et progressif. Il sera probablement plus lent que nous le souhaiterions mais nous pourrons être satisfaits s’il est régulier et sûr. Pour qu’il en soit ainsi, il convient que les gouvernements des pays membres, en commençant par les plus puissants se montrent davantage disposés à coopérer avec l’OTAN et par l’OTAN dans un domaine plus large que la seule défense militaire collective.
- Bien que les pays de l’OTAN aient déjà institué entre eux diverses formes de coopération dans des domaines non militaires et qu’ils comptent parmi les membres les plus actifs et les plus constructifs de diverses organisations internationales, l’OTAN en tant que telle a hésité à s’engager dans cette voie, surtout en ce qui concerne les questions économiques. Ses membres se sont attachés, à juste titre, à éviter tout chevauchement des tâches et à faire, dans le cadre des autres organisations internationales existantes, ce qui pouvait être fait de mieux de cette façon.
- Cependant les membres de l’OTAN ont procédé dernièrement à un nouvel examen des buts et des besoins de l’Organisation à la lumière de certains changements intervenus dans la tactique et la politique des Soviets depuis la mort de Staline et des répercussions des troubles actuels d’Europe orientale.
- Ces changements n’ont en rien diminué la nécessité d’une défense militaire collective mais ont placé l’OTAN devant un problème supplémentaire qui revêt cette fois un caractère surtout militaire. L’OTAN ne doit pas se méprendre sur la nature réelle des événements qui viennent de se produire. L’une des manifestations importantes de la nouvelle politique soviétique de coexistence concurrentielle consiste à tenter de répondre aux initiatives concrètes des nations occidentales visant à améliorer, dans un climat de liberté, le sort des pays économiquement moins développés et à établir un système d’échanges à la fois juste et mutuellement profitable dans le cadre duquel tous les pays puissent prospérer. L’Union Soviétique semble maintenant s’orienter vers une politique qui, par des moyens économiques et par la subversion politique, vise à attirer ces pays dans les filets du communisme et à leur imposer le joug auquel certains membres du bloc soviétique tentent aujourd’hui de se soustraire. Les membres de l’OTAN doivent rester vigilants dans leur lutte contre cette forme de pénétration.
- Dans le même temps, certaines des craintes immédiates d’une agression, militaire, générale contre l’Europe occidentale ont diminué. Cette évolution a été facilitée par le fait que le gouvernement soviétique semble s’être rendu compte que toute agression de ce genre entraînerait une riposte certaine, rapide et dévastatrice et qu’il ne saurait y avoir de vainqueur dans une guerre menée avec des armements nucléaires des deux côtés. Les Soviets accordant aux méthodes non militaires ou paramilitaires une plus grande place, il est indispensable que l’OTAN réexamine les moyens dont elle dispose pour répondre efficacement à une pénétration qui se poursuit sous le couvert de la coexistence et qui implique principalement des conflits sans issue catastrophique.
- Certaines questions se posent maintenant avec une urgence accrue. Les besoins et objectifs de l’OTAN ont-ils changé ou devraient-ils changer ? L’Organisation fonctionne-t-elle de façon satisfaisante, compte tenu de la nouvelle conjoncture de 1956 ? Sinon, quels sont les remèdes ? Une autre question, d’une bien plus grande portée encore, se pose également : «Une association d’Etats souverains qui ne lie pas solidement ses membres a-t-elle la moindre chance de subsister dans le ciment de la crainte »?
- Le Comité a étudié ces questions avec la ferme conviction que les objectifs que les gouvernements avaient en vue lorsqu’ils ont signé le Traité demeurent valables et que l’OTAN a pour ses membres la même importance aujourd’hui qu’à cette époque.
- Le premier de ces objectifs est, comme on l’a déjà souligné, la sécurité fondée sur une action collective avec des forces armées suffisantes pour décourager l’agression commune comme pour la repousser.
- Il est indiscutable que, pour atteindre cet objectif, l’unité et la force sont aujourd’hui aussi indispensables à l’OTAN qu’en 1949. Les Soviets peuvent avoir changé de tactique, mais leur puissance militaire et leurs buts ultimes demeurent. En outre, les récents événements d’Europe orientale ont montré que l’Union soviétique n’hésitera pas dans certaines circonstances à recourir à l’emploi ou à la menace de la force. Il ne faut donc pas que la puissance de l’OTAN soit réduite, bien que son caractère et ses moyens doivent être constamment adaptés aux circonstances. Un renforcement de l’OTAN sur le plan politique et économique est le complément indispensable d’une coopération permanente dans le domaine de la défense, mais il ne doit pas se substituer à elle.
- Malgré ces récents événements, les dirigeants soviétiques peuvent accorder une plus grande place à l’action politique et économique et à la propagande. Cependant, rien ne prouve qu’ils laissent une telle politique compromettre le maintien de leur potentiel militaire considérable sous sa forme la plus moderne en tant que base de leurs activités dans ces autres domaines.
- Nous devrions accueillir avec satisfaction tout changement de politique des Soviets s’il était réellement destiné à atténuer les tensions internationales. Mais nous ne devons pas oublier que l’affaiblissement, et en définitive la dissolution de l’OTAN restent l’un des principaux objectifs des communistes. Nous devons donc rester sur nos gardes aussi longtemps que les dirigeants soviétiques persisteront dans leur détermination de mettre avant tout leur puissance militaire au service de leurs objectifs politiques et de ceux de leurs alliés.
- Ceci nous ramène au second objectif - l’objectif à long terme - de l’OTAN à savoir le développement d’une communauté atlantique reposant sur des fondations encore plus profondes que la nécessité d’une défense commune. Le développement d’une telle communauté n’implique rien de moins qu’une association permanente des peuples libres de l’Atlantique Nord visant à renforcer leur unité, à défendre et à servir les intérêts que ces pays, en tant que démocraties libres, ont en commun.
- Pour atteindre ces objectifs à long terme, nous devons empêcher les forces centrifuges de l’opposition ou de l’indifférence d’affaiblir l’Alliance. L’OTAN n’a pas été détruite ni affaiblie par la menace ou les attaques de ses ennemis. Elle a parfois été entravée par l’apathie ou l’optimisme excessif de certains de ses membres, par des dissensions ou des divisions entre eux ou parce que d’étroites considérations nationales l’ont emporté sur l’intérêt général. De telles forces, si on les laissait subsister, pourraient entraîner la destruction de l’Alliance. Pour les combattre, il faut que les pays membres utilisent l’OTAN bien plus qu’ils ne l’ont fait jusqu’à présent pour des consultations et une coopération véritable et sincère sur les questions d’intérêt commun. Pour cela, la résolution est plus importante que les résolutions, la volonté que les mots.
- Toutefois, le problème a des racines plus profondes. Les pays de l’OTAN se trouvent en présence d’une menace politique aussi bien que militaire. Cette menace résulte des doctrines révolutionnaires du communisme, qui grâce aux soins diligents des chefs communistes, ont, depuis des années, semé partout les germes du mensonge au sujet de notre mode de vie libre et démocratique. En face de ces mensonges, la meilleure réponse consiste à fournir constamment les preuves de la supériorité de nos institutions sur les institutions communistes. Nous pouvons montrer par nos paroles comme par nos actes que nous sommes partisans du progrès politique, du développement économique et d’une évolution sociale ordonnée et que de nos jours les vrais réactionnaires sont les régimes communistes qui, en défendant une doctrine économique et politique rigide, ont mieux réussi à détruire les libertés qu’à les développer.
- Nous ne devons pas ignorer cependant que les mensonges répandus sur nos institutions ont quelquefois été acceptés sans examen et que, même dans le monde non communiste, certains esprits perméables à une propagande systématique rejettent notre propre appréciation des buts de l’OTAN et des valeurs qu’elle défend. Ils pensent que si l’OTAN a pu jouer un rôle défensif et préventif au temps de Staline, elle n’est plus nécessaire même pour la sécurité de ses membres; ils estiment qu’elle tend maintenant à devenir une sorte d’agence où les puissances «coloniales» mettent en commun leurs forces et leurs ressources pour défendre leurs empires et les privilèges qui en résultent, leur supériorité raciale, et l’hégémonie des pays atlantiques sous la direction des Etats-Unis. Le fait que nous sachions que ces opinions sont fausses et injustes ne signifie pas que l’OTAN et les gouvernements des pays membres ne doivent pas faire tout ce qui est en leur pouvoir pour rétablir la vérité et lutter contre de telles allégations.
- L’OTAN ne doit pas oublier que l’influence et les intérêts de ses membres ne se limitent pas à la zone d’application du Traité et que les événements extérieurs à cette zone peuvent gravement affecter les intérêts collectifs de la Communauté Atlantique. Tout en s’efforçant d’améliorer leurs relations entre eux et de renforcer leur unité, les pays membres devraient donc aussi s’attacher à harmoniser leurs politiques dans les autres parties du monde en tenant compte des intérêts plus larges de la Communauté internationale tout entière; ils devraient en particulier travailler, aux Nations Unies et ailleurs, au maintien de la Paix et de la sécurité internationales et à la solution des problèmes qui divisent aujourd’hui le monde.
- En suivant une telle politique, l’OTAN peut démontrer qu’elle n’est pas seulement une organisation défensive dont tout le comportement serait essentiellement dicté par les craintes et les dangers inhérents à la politique des Soviets. Elle peut prouver son désir de coopérer pleinement avec les autres membres de la communauté internationale en donnant vie aux principes de la Charte des Nations. Elle peut montrer que sa préoccupation n’est pas uniquement d’empêcher la guerre froide de dégénérer en conflit ouvert ni de se défendre si une telle catastrophe survenait mais avant tout de prendre l’initiative politique et morale pour que tous les pays puissent se développer dans la liberté, et qu’une paix durable puisse être assurée à toutes les nations.
- Tous les hommes sincères et de bonne volonté comprendront particulièrement après les événements de Hongrie la prudence qui nous incite à ne pas tenir d’emblée pour pacifiques les initiatives soviétiques, notre refus de démanteler notre système de défense avant d’être convaincus que les conditions de la confiance entre les nations sont rétablies. Ce qu’ils ne comprendraient pas c’est que nous nous refusions à rechercher les moyens d’abattre les barrières qui interdisent l’établissement d’une telle confiance.
- L’association des nations atlantiques à des fins nobles et constructives - ce qui est le principe et l’idéal même du concept de l’OTAN - doit se fonder et se développer sur quelque chose de plus profond et de plus durable que les divisions et les dangers de ces dix dernières années. Elle est le résultat d’une évolution historique bien plus qu’un fait contemporain, et pour qu’elle puisse atteindre son véritable but, nous devons la considérer sous ce jour et tirer les conclusions qui s’imposent. Se limiter à l’immédiat ne suffit pas.
- Le fait historique qui a commandé cette évolution est qu’un Etat ne peut à lui seul et avec les seuls moyens que lui donnent sa politique et sa puissance nationales, ni progresser, ni même survivre à l’âge nucléaire. Comme les fondateurs de l’Alliance Nord-Atlantique l’ont prévu, l’interdépendance croissante des Etats tant dans les domaines politique et économique que dans le domaine militaire exige une cohésion et une coopération internationales toujours plus étroites. Certains Etats peuvent, il est vrai, lorsque la situation est favorable, jouir d’une certaine indépendance politique et économique, mais aucun Etat, si puissant soit-il, ne saurait assurer la sécurité et le bien-être de sa population par une action strictement nationale.
- C’est ce fait fondamental qui est à la base de notre rapport et des recommandations que l’on trouvera aux chapitres suivants.
- Il n’a pas été difficile de formuler ces recommandations. Il le sera beaucoup plus pour les gouvernements des pays membres de les mettre en oeuvre. Cela exigera de leur part la ferme conviction que la transformation de la Communauté Atlantique en une réalité politique vivante et prospère a autant d’importance que tout objectif d’ordre purement national. Cela nécessitera surtout la volonté de la part des gouvernements de faire passer cette conviction dans le domaine de la politique pratique.
Chapitre 2 : Cooperation Politique
I. Introduction
- Pour que la Communauté Atlantique soit une réalité vivante et capable de progrès, il faut que les relations entre les pays membres de l’OTAN soient fondées sur une confiance et une compréhension mutuelles inaltérables. Il ne saurait sans cela y avoir de coopération politique constructive ou ferme.
- Le renforcement de cette coopération politique n’implique nullement un affaiblissement des liens des pays de l’OTAN avec d’autres pays amis ou avec d’autres associations internationales, notamment les Nations Unies. L’appartenance à l’OTAN n’a un caractère ni exclusif ni restrictif. De même, le développement de la Communauté Atlantique par l’intermédiaire de l’OTAN ne doit pas empêcher des pays membres de nouer entre eux des relations encore plus étroites, par exemple dans le cadre de groupes de pays européens. Coopération atlantique et unité européenne ne sont pas des concepts concurrents ou antagonistes, et elles devraient constituer des réalisations parallèles et complémentaires.
- Une coopération internationale efficace et constructive exige une ferme résolution de travailler ensemble à la solution des problèmes communs. Les pays de l’OTAN ont entre eux des liens spéciaux, une communauté d’intérêts et des préoccupations communes en matière de sécurité qui devraient leur rendre cette tâche plus facile. Mais le succès dépendra pour beaucoup de la mesure dans laquelle les gouvernements des pays membres tiendront compte des intérêts de l’Alliance dans leurs politiques et actions respectives. Ceci suppose non seulement l’acceptation du principe de consultations et d’une coopération chaque fois que de besoin, mais aussi l’institution de pratiques qui intègrent celles-ci dans le cadre normal de l’activité gouvernementale.
- Il est facile de proclamer sa dévotion au principe de la consultation politique - ou économique - à l’OTAN. Il est moins aisé - cela s’est même révélé impossible, sans la conviction voulue - de passer des paroles aux actes. Des consultations au sein d’une alliance signifient plus que des échanges de renseignements, bien que ceux-ci soient nécessaires. Il ne s’agit pas seulement de mettre le Conseil de l’OTAN au courant de décisions nationales déjà prises ou d’essayer d’y trouver des appuis pour ces décisions. De telles consultations impliquent essentiellement une discussion collective des problèmes aux tout premiers stades de l’élaboration des politiques, avant que la position des pays ne soit définitivement arrêtée. Ainsi parviendra-t-on, au mieux, à des décisions collectives sur les problèmes d’intérêt commun qui affectent l’Alliance - et, au pire, évitera-t-on qu’un pays membre n’agisse sans connaître l’avis des autres.
II. Consultations sur la politique étrangère
A. Portée et caractère des consultations politiques
- Le rôle essentiel de la consultation dans le développement de la coopération politique a été clairement défini par un premier Comité de la Communauté Nord-Atlantique, en 1951 : «Le Comité estime que la réalisation d’une coordination plus étroite des politiques étrangères des pays parties au Traité de l’Atlantique Nord, grâce à la généralisation de «l’habitude de consultation» sur les questions d’intérêt commun, renforcerait considérablement la solidarité de la Communauté Nord-Atlantique et accroîtrait l’aptitude individuelle et collective de ses membres à servir les buts pacifiques pour lesquels a été créée l’OTAN… Dans le domaine politique, cela signifie que, bien que chaque gouvernement de l’Atlantique Nord garde sa pleine liberté d’action et de décision en ce qui concerne sa propre politique, il faudrait arriver, par l’échange d’informations et par des consultations, à un accord aussi étendu que possible dans l’élaboration de politiques intéressant l’ensemble de la Communauté Nord-Atlantique.
«Ainsi que le reconnaît explicitement l’article 4 du Traité, il faudra s’attacher tout spécialement aux questions qui revêtent un caractère d’urgence et d’importance immédiate pour les membres de l’OTAN, et aux situations «exceptionnelles» qui appellent des consultations étroites sur les lignes de conduite adoptées sur le plan national qui risquent d’affecter les intérêts des membres de l’OTAN dans leur ensemble. On a également insisté sur la nécessité de consultations promptes et efficaces sur les problèmes d’actualité, afin de permettre la mise au point de politiques nationales et l’adoption des mesures appropriées en pleine connaissance des positions et des intérêts de tous les pays de l’OTAN. Bien que les divers membres de l’OTAN se doivent de consulter leurs partenaires sur les questions appropriées, on a estimé que cette tâche de consultation incombait surtout, par la force des choses, aux membres les plus puissants de la Communauté».
- Cela a été écrit voilà cinq ans. Et cela est toujours vrai - aujourd’hui plus que jamais. S’il nous est permis de dire que ces recommandations ne sont pas restées lettre morte pour l’OTAN, il nous faut cependant reconnaître que la pratique de la consultation ne s’est pas développée au Conseil de l’Atlantique Nord tout à fait comme l’exigeait l’évolution de la situation politique et des tendances dans le monde. Ce qu’il faut par conséquent, aujourd’hui, est plus que simplement élargir le champ des consultations et en accroître la portée. Il est urgent que tous les pays membres fassent des consultations à l’OTAN une partie intégrante de la procédure nationale d’élaboration des politiques. S’ils ne s’y pliaient pas, l’existence même de la Communauté Atlantique pourrait être menacée.
- Il convient toutefois de se rappeler qu’une discussion collective n’est pas une fin en soi et qu’elle constitue uniquement le moyen d’harmoniser des politiques. Chaque fois que les intérêts collectifs de la Communauté Atlantique sont en jeu, la consultation devrait tendre à l’adoption, en temps voulu, de lignes de conduite et de mesures communes.
- Une telle entente n’est pas aisée à obtenir, même avec la coopération et la consultation les plus étroites. Mais il est vital, pour l’Alliance Atlantique, qu’un effort soutenu soit fait pour y parvenir, car solidarité dans la défense et division en politique étrangère sont incompatibles.
- La consultation dans ce domaine connaît, bien entendu, certaines limitations pratiques. Celles-ci sont assez évidentes pour qu’il soit utile d’y beaucoup insister. A la vérité, on risque assez peu de les voir négliger ou tourner : il est plus à craindre qu’elles soient exagérées et invoquées pour justifier des pratiques méconnaissant inutilement l’intérêt commun.
- Une de ces limitations est rigoureuse : la responsabilité dernière de la décision et de l’action continue à incomber aux divers gouvernements. On peut concevoir une situation extrêmement grave qui imposerait à un gouvernement d’agir avant d’avoir consulté les autres.
- Une autre de ces limitations tient à la difficulté, à l’imprudence qu’il y aurait à définir à l’avance tous les problèmes et toutes les circonstances qui appelleront une consultation, à établir une distinction arbitraire entre les problèmes ou catégories de problèmes qui pourraient concerner l’OTAN dans son ensemble et ceux qui n’auraient qu’un intérêt strictement national, et à fixer de façon détaillée les obligations et devoirs qui s’attacheront à la consultation.
Tout cela doit se régler à la lumière des faits. Dans ce domaine, l’expérience est un meilleur guide que le dogme.
- L’essentiel est qu’en toutes occasions et circonstances, les pays membres s’interrogent sur les intérêts et besoins de l’Alliance avant d’agir ou même de se prononcer. S’ils n’en ont pas le désir et la volonté, toutes les résolutions, recommandations ou déclarations du Conseil ou des comités du Conseil resteront sans grande valeur pratique.
- Supposant cependant que cette volonté et ce désir existent réellement, le Comité soumet à l’agrément du Conseil les principes et méthodes ci-après en matière de consultation politique :
- Les pays membres devraient informer le Conseil de tout événement qui pourrait avoir des conséquences sérieuses pour l’Alliance. Ils devraient s’y plier, non comme à une simple formalité, mais en vue d’une véritable consultation politique;
- Les gouvernements des pays membres et le Secrétaire Général devraient avoir le droit de proposer à l’examen du Conseil toute question d’intérêt commun pour l’Alliance qui n’aurait pas un caractère strictement national;
- Aucun gouvernement ne devrait adopter de politique définitive ou faire des déclarations politiques marquantes sur des questions importantes pour l’Alliance ou pour l’un quelconque de ses membres sans consultation préalable, à moins d’impossibilité matérielle démontrable;
- Les pays membres devraient s’efforcer de tenir compte, dans leurs politiques nationales, des intérêts et des vues que les autres pays (et surtout les pays les plus directement en cause) auraient fait valoir lors de consultations OTAN, quand bien même aucune communauté de vue ou entente n’aurait été enregistrée au Conseil;
- Il devrait être tenu compte de toute entente dans la mise au point de politiques nationales. Si des considérations d’ordre national entraînaient un gouvernement à y faire exception, celui-ci devrait en expliquer les raisons au Conseil. Il est plus important encore que, chaque fois qu’une recommandation formelle aura été adoptée à l’issue de débats au Conseil, les gouvernements lui donnent son plein effet dans toute mesure ou politique nationale arrêtée concernant l’objet de cette recommandation.
B. Examen Politique Annuel
- Pour renforcer la procédure de consultation, le Comité recommande qu’à chacune de leurs sessions de printemps, les Ministres des Affaires Etrangères passent en revue les progrès politiques réalisés par l’Alliance et étudient les nouveaux objectifs que celle-ci devrait se fixer.
- Pour préparer ces discussions, le Secrétaire Général devrait présenter chaque année un rapport dans lequel :
- il analyserait les principaux problèmes politiques qui se posent à l’Alliance;
- il étudierait la mesure dans laquelle les pays membres ont consulté et coopéré avec les autres à propos de ces problèmes;
- il indiquerait les problèmes actuels et futurs au sujet desquels de nouvelles consultations pourraient être nécessaires pour permettre la solution des difficultés soulevées et l’adoption de mesures positives et constructives.
- Les gouvernements des pays membres, agissant par l’intermédiaire de leurs Représentants Permanents, devraient fournir au Secrétaire Général les renseignements et l’assistance - l’aide d’experts techniques comprise dont celui-ci pourrait avoir besoin pour préparer son rapport.
C. Préparation des Consultations Politiques
- D’efficaces consultations exigent aussi que l’on prépare avec soin l’ordre du jour des réunions du Conseil prévues à l’échelon tant des Ministres que des Représentants Permanents. Les questions politiques proposées à l’examen du Conseil devraient, dans toute la mesure du possible, être étudiées et discutées à l’avance, afin que, le moment venu, les représentants des divers pays disposent chacun des données nécessaires sur la position de leur propre gouvernement et sur celle des gouvernements des autres pays. Chaque fois que de besoin, des projets de résolution devraient être préparés à l’avance à titre de base de discussion. L’examen politique annuel dont il a été question dans la section précédente requerrait, lui aussi, un certain travail préparatoire.
- Pour aider les Représentants Permanents et le Secrétaire Général à assumer leurs responsabilités en matière de consultation politique, un Comité Politique Consultatif devrait être créé sous l’autorité du Conseil. Les membres en seraient pris dans les diverses délégations, qui leur assureraient, le cas échéant, le concours de spécialistes mandés des diverses capitales. Ce comité se réunirait sous la présidence d’un membre du Secrétariat International désigné par le Secrétaire Général, et il serait, entre autres, chargé de poursuivre certaines études actuelles, comme l’étude des tendances de la politique soviétique.
III. Règlement pacifique des différents entre les membres
- Pour qu’une coopération politique efficace se développe au sein de l’OTAN, il est d’une importance capitale d’éviter que de graves différends ne s’élèvent entre pays membres et, à défaut, de régler tout différend rapidement et de façon satisfaisante. Le règlement de tels différends incombe au premier chef aux gouvernements des pays membres directement intéressés tant aux termes de la Charte des Nations Unies (Article 33) que du Traité de l’Atlantique Nord (Article 1). Pour établir clairement les responsabilités de l’OTAN devant les différends qui n’auront pu être réglés directement entre les intéressés et permettre à l’Organisation d’aider, en cas de besoin, à la solution de tels différends, le Comité recommande au Conseil d’adopter une résolution fondée sur l’Article 1 du Traité dans laquelle:
- il réaffirmerait l’obligation pour les pays membres, de régler par des moyens pacifiques tout différend qui surgirait entre eux;
- il déclarerait entendre que tout différend qui n’aurait pu être réglé directement entre les intéressés soit soumis à une procédure de bons offices dans le cadre de l’OTAN avant que l’on recoure à aucune autre institution internationale - exception faite, d’une part, pour les différends d’ordre juridique qu’il y aurait lieu de soumettre à un organisme judiciaire et, d’autre part, pour les différends d’ordre économique que l’on pourrait avoir avantage à tenter de régler d’abord dans le cadre de l’organisation économique spécialisée compétente;
- il affirmerait le droit et le devoir des gouvernements des pays membres et du Secrétaire Général de porter à son attention les questions qui leur paraîtraient comporter une menace pour la solidarité ou l’efficacité de l’Alliance;
- il habiliterait le Secrétaire Général à offrir officieusement, à tout moment, ses bons offices aux pays qu’un différend diviserait et, si ceux-ci y consentaient, à prendre l’initiative ou à faciliter l’entreprise d’une enquête, d’une médiation, d’une conciliation, ou d’un arbitrage; et
- il autoriserait le Secrétaire Général à s’assurer à cet effet, chaque fois qu’il le jugerait utile aux fins indiquées à l’alinéa (d), le concours de trois Représentants Permanents, au plus, qui seraient choisis par lui dans chaque cas.
IV. Associations de parlementaires et conférence des parlementaires des pays de l'OTAN
- Parmi les meilleurs défenseurs de l’OTAN et de son action figurent les parlementaires qui ont eu l’occasion de s’instruire directement de quelques-unes de ses activités, de s’informer de ses problèmes et d’échanger des vues avec leurs collègues d’autres pays. La constitution d’associations nationales de parlementaires et l’action de la Conférence des Parlementaires des pays de l’OTAN ont contribué à accroître à la fois les soutiens que l’OTAN trouve dans le public et la solidarité entre pays membres.
- Les arrangements ci-après sont, en conséquence, recommandés en vue du maintien de relations étroites entre les parlementaires et l’OTAN :
- Le Secrétaire Général continuerait à mettre les locaux et installations du siège de l’OTAN à la disposition de la Conférence des Parlementaires et à fournir à celle-ci toute l’assistance possible pour l’organisation de ses réunions;
- Des représentants des pays membres, le Secrétaire Général et d’autres hauts fonctionnaires et officiers supérieurs de l’OTAN devraient être invités à assister à certaines de ces réunions. Les parlementaires seraient ainsi informés des progrès réalisés par l’Alliance et des problèmes qui se posent à celle-ci, et la portée de leurs discussions s’en trouverait accrue.
Chapitre 3 : Coopération Economique
I. Introduction
- Coopération politique et conflit économique sont inconciliables. Il faut donc que les pays membres soient, dans le domaine économique comme dans le domaine politique, sincèrement désireux de travailler ensemble et prêts à se consulter entre eux sur les questions d’intérêt collectif avec une pleine conscience de leur communauté d’intérêts.
- Les intérêts que les membres de l’OTAN ont en commun dans le domaine économique exigent que ceux-ci :
- prennent collectivement et individuellement des mesures propres à assainir et à développer leurs économies, tant pour accroître le bien-être et la confiance en soi des peuples de l’Alliance que pour créer les indispensables conditions d’un effort de défense suffisant;
- accroissent le plus possible la liberté des échanges, des paiements, des mouvements de main-d’oeuvre et des investissements;
- aident les pays économiquement sous-développés, à la fois par intérêt personnel bien compris et pour travailler à l’amélioration des relations entre les peuples; et
- suivent des politiques qui, dans des conditions de coexistence concurrentielle, prouvent la supériorité de libres institutions pour le développement du bien-être et le progrès économique.
- La reconnaissance de cette communauté d’intérêts et l’effort collectif et individuel qu’elle appelle ne devraient aucunement empêcher le maintien d’étroites relations économiques avec les pays qui n’appartiennent pas à l’OTAN. La coopération économique, tout comme la coopération politique, est et doit rester plus large que l’Alliance. En même temps, les pays de l’OTAN ont intérêt à l’institution, par tout moyen, d’une coopération économique particulièrement étroite au sein de groupes de pays membres européens. Les dispositions spéciales prises à cet effet devraient, comme il est souhaitable, pouvoir aider à atteindre des buts inscrits à l’Article 2 du Traité - qui ont une importance primordiale pour la stabilité et le bien-être, non seulement des pays atlantiques, mais du monde non communiste tout entier - plutôt que s’y opposer.
II. L’OTAN et les autres organisations internationales
- Si les buts et les principes énoncés à l’Article 2 du Traité ont une importance capitale il n’est cependant pas nécessaire que les pays membres se limitent au cadre de l’OTAN dans l’application de ce texte. Il serait sans profit pour la Communauté Atlantique que l’OTAN se chargeât d’une tâche qu’assument déjà d’autres organisations internationales créées en vue de diverses formes de coopération économique1. Les membres de l’OTAN jouent un rôle majeur dans toutes les organisations, qui sont généralement, par leur composition même, bien adaptées à leurs missions particulières.
- Il ne semble pas non plus qu’il y ait de nouveaux domaines d’importance où une action économique menée en commun exige une intervention de l’OTAN elle-même. En fait, les intérêts économiques communs aux pays membres seront souvent mieux servis par une collaboration accrue, soutenue tant directement entre ces pays que dans le cadre d’organisations autres que l’OTAN. Cette collaboration devrait cependant être renforcée par des consultations à l’OTAN chaque fois que se trouveront posées des questions économiques d’un intérêt spécial pour l’Alliance, surtout si elles ont des incidences politiques, des rapports avec la défense ou si elles affectent la santé économique de la Communauté Atlantique tout entière. De telles consultations exigent un développement marqué des échanges de renseignements et de vues à l’OTAN, dans le domaine économique comme dans le domaine politique. Les consultations ainsi entreprises à l’OTAN devraient tendre à l’adoption d’une attitude commune pour les gouvernements des pays membres chaque fois qu’il s’agira de questions mettant clairement en jeu les intérêts politiques et la sécurité de l’Alliance. Toutefois, les mesures qu’implique cette entente devraient normalement être prises par les gouvernements eux-mêmes, soit directement, soit dans le cadre d’autres organisations internationales.
- L’OTAN, en tant qu’organisation internationale, ne devrait pas chercher à établir des relations officielles avec ces autres organisations, et le soin d’harmoniser leurs attitudes et leurs actions devrait être laissé aux représentants des pays de l’OTAN auprès de ces institutions. Il n’est pas non plus nécessaire ni souhaitable que les pays membres de l’OTAN forment un «bloc» au sein de celles-ci. Cela ne ferait que nous aliéner l’amitié d’autres gouvernements. Il faudrait, en revanche, que des consultations aient lieu à l’OTAN quand se trouveront soulevées dans d’autres organisations des questions économiques qui présenteront un intérêt politique ou stratégique spécial pour l’OTAN, et surtout avant les réunions où des tentatives risqueraient d’être faites pour diviser ou affaiblir l’Alliance, ou pour porter atteinte à ses intérêts.
III. Conflits entre les politiques économiques de pays membres
- L’OTAN a un net intérêt au règlement des différends économiques qui pourraient avoir des répercussions politiques ou stratégiques dommageables pour l’Alliance. Ces différends doivent être distingués des désaccords en matière de politique économique qui sont normalement réglés par le moyen de négociations directes ou de discussions multilatérales dans d’autres organisations. On ne gagnerait rien à reprendre simplement à l’OTAN des discussions qui ont leur place dans d’autres organisations techniquement plus compétentes. Il devrait, en revanche, être permis à tout pays membre ou au Secrétaire général de soulever à l’OTAN toute question pour laquelle il lui semblerait qu’il n’est fait ailleurs que des progrès insuffisants et qu’une solution conforme aux buts de la Communauté Atlantique pourrait être facilitée par des consultations OTAN. Les procédures de règlement pacifique que l’on a étudiées au chapitre précédent à propos des différends politiques devraient aussi pouvoir être appliquées pour les différends économiques graves qui justifieraient un examen à l’OTAN.
IV. Coopération scientifique et technique
- Science et technique sont des domaines d’une particulière importance pour la Communauté Atlantique. Au cours des dix dernières années, il est devenu de plus en plus évident que le progrès scientifique et technique pouvait être déterminant pour la sécurité des nations et pour leur position dans le monde. Ce progrès est également décisif pour le monde occidental vis-à-vis des pays économiquement sous-développés.
- D’un point de vue particulier, il est urgent d’accroître la qualité et le nombre des savants, ingénieurs et techniciens. Le recrutement, la formation et l’utilisation du personnel scientifique et technique sont affaire plus nationale qu’internationale. Encore les gouvernements nationaux ne sont-ils pas seuls à intervenir ici : dans les pays à structure fédérale, les gouvernements d’Etat et de province jouent un rôle prépondérant; et le nombre d’universités et d’institutions d’enseignement supérieur des pays atlantiques sont même des établissements indépendants exempts de tout contrôle gouvernemental détaillé. Cependant, des mesures de coopération internationale appropriées pourraient inciter les pays membres à adopter individuellement des politiques plus positives et, dans certains cas, les aider dans la recherche des solutions les plus constructives.
- D’autres organisations se sont déjà engagées dans certaines activités à cet égard. Toutefois, des progrès dans ce domaine sont si décisifs pour l’avenir de la Communauté Atlantique que les membres de l’OTAN devraient veiller à ne laisser sans examen aucune possibilité de coopération fructueuse. Le Comité recommande, par conséquent, comme première mesure concrète, qu’une conférence réunissant des personnalités privées ou officielles d’une exceptionnelle autorité (une ou, au maximum, deux par pays) soit convoquée afin :
- de permettre l’échange de renseignements et de vues sur les problèmes les plus urgents concernant le recrutement, la formation et l’utilisation des savants, ingénieurs et techniciens et sur les meilleures mesures à prendre, tant à long qu’à cours terme, pour les résoudre;
- d’amener les participants à nouer entre eux des relations étroites en vue d’une poursuite de cette mise en commun de l’expérience et d’un travail constructif dans les pays membres; et
- de proposer les mesures particulières à prendre pour développer la coopération internationale dans ce domaine, que celles-ci incombent à l’OTAN ou qu’elles doivent être mises en oeuvre par les soins d’autres organisations internationales.
V. Consultation sur les problèmes économiques
- Il est admis que la Communauté Atlantique a un intérêt positif à voir les pays économiquement sous-développés progresser rapidement et de façon saine, qu’ils appartiennent ou non à la zone nord-atlantique. Le Comité pense cependant que l’OTAN n’est pas l’organisme qui convient pour gérer des programmes d’assistance conçus en vue du développement économique ou de la coordination systématique des politiques des pays membres en la matière. Ce que les pays membres peuvent et devraient faire est de se tenir mutuellement au courant et de tenir l’OTAN informée de leurs programmes et politiques dans ce domaine. Quant à l’OTAN, elle devrait, chaque fois que de besoin, examiner si les mesures prises sont bien conformes aux intérêts de l’Alliance.
- Les intérêts économiques de la Communauté Atlantique ne peuvent être considérés indépendamment des activités et politiques du Bloc soviétique. L’U.R.S.S. recourt trop souvent à des mesures économiques destinées à affaiblir l’Alliance occidentale ou à établir dans d’autres régions un haut degré de dépendance vis-à-vis du monde soviétique. Dans ces conditions, il importe plus que jamais que les pays de l’OTAN se préoccupent activement de mettre eux-mêmes au point des politiques commerciales et financières constructives. Ceux-ci devraient, en particulier, éviter de créer des situations dont les pays du Bloc soviétique pourraient tirer parti contre la Communauté Atlantique et d’autres pays non communistes. Dans tout ce domaine de la concurrence économique, les pays membres devraient avoir entre eux des consultations plus larges pour arrêter ensemble leur ligne de conduite de façon réfléchie et en toute connaissance de cause.
- Les arrangements pris par l’OTAN en vue de consultations économiques régulières ont largement évolué. D’autre part, le nombre de questions économiques ont été soumises au Conseil pour qu’il les étudie en fonction des nécessités de chaque cas. Aucun dispositif important nouveau n’est nécessaire dans ce domaine. Toutefois, la grande variété des questions dont il peut être traité lors des échanges réguliers de renseignements et des consultations en question porte à penser que le Conseil devrait créer un Comité Economique Consultatif placé sous son autorité. Ce dernier devrait être chargé de la discussion préliminaire systématique des questions ci-dessus définies, conjointement avec telles autres tâches que le Conseil pourrait lui confier de sa propre initiative ou à la demande du Comité lui-même. Toute fonction qui resterait confiée au Comité des Conseillers Techniques, lui serait transférée. L’accomplissement de sa mission ne devant pas lui imposer un travail régulier, les gouvernements pourraient s’y faire normalement représenter par les hauts fonctionnaires qui s’occupent pour eux des travaux d’autres organisations économiques internationales. Sa composition statutaire devrait néanmoins être assez souple pour que les gouvernements puissent, en cas de besoin, y envoyer, des capitales, des spécialistes des questions particulièrement examinées.
- Ces principales organisations sont : l'Organisation Européenne de Coopération Economique (OECE) (où tous les pays de l'OTAN figurent en qualité de membres de plein exercice, ou de membres associés, à côté de quatre autres pays), l'Organisation de l'Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce (GATT), le Fonds Monétaire International (FMI), la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD), la Société Financière Internationale (SFI) et diverses autres institutions des Nations Unies, Commission Economique pour l'Europe comprise. Plusieurs des membres de l'OTAN jouent un rôle actif dans l'Organisation du Pacte de Colombo pour le développement économique des pays asiatiques. La plupart des membres prennent également une part active à la mise en oeuvre de programmes d'assistance technique et participent à la discussion du projet du Fonds spécial des Nations Unies pour le développement économique (SUNFED).
N.B. : - En 1960, l'OECE est devenue l'OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique).