L’OTAN marque le 50e anniversaire de la crise de Berlin de 1961
Cinquante ans après la construction du mur de Berlin, l’OTAN a mis en lecture publique des centaines de documents autrefois classifiés qui mettent en lumière la manière dont l’Alliance et ses pays membres ont géré les retombées de cet événement et, plus largement, la crise à propos de Berlin. L’une des principales préoccupations de la France, du Royaume-Uni et des États-Unis, et de l’Alliance atlantique dans son ensemble, était de conserver en toute circonstance un accès libre à Berlin-Ouest tout en évitant l’escalade des tensions vers un conflit de plus grande ampleur. À cet effet, les trois Alliés de l’Ouest ainsi que l’OTAN ont commencé à élaborer des plans de circonstance et d’autres mesures
Dans la nuit du 12 août 1961, la Guerre froide allait prendre un tournant dramatique, avec l’extension du rideau de fer au cœur même d’une Europe divisée. Cette décision du gouvernement de la République démocratique allemande (RDA), visant à endiguer l’exode massif des Allemands de l’Est vers la République fédérale d’Allemagne (RFA) via Berlin n’était pas un événement isolé : elle s’inscrivait au contraire dans un plan plus large destiné à attiser les tensions Est-Ouest dans Berlin et les environs.
En 1948-1949, l’Union soviétique avait essayé une première fois d’imposer par la force un changement dans le statut de Berlin adopté avec la France, le Royaume-Uni et les États-Unis à la conférence de Potsdam, en 1945, statut qui prévoyait que la ville serait régie par les quatre puissances. La tentative d’imposer un blocus sur Berlin échoua et, en 1958, le dirigeant de l’URSS Nikita Khrouchtchev tenta une nouvelle fois de forcer les Alliés occidentaux à retirer leurs forces des secteurs de l’Ouest de Berlin et d’accepter la démilitarisation de la ville. L’Union soviétique menaçait à présent de signer un traité de paix séparé avec l’Allemagne de l’Est et de changer le statut de la ville de manière unilatérale et irréversible, tout en maintenant la pression par la menace d’un recours à la force.
Une planification coordonnée et cohérente
En 1948-1949, les Alliés n’étaient pas préparés et ils ont dû avoir recours à un pont aérien difficile – mais couronné de succès – pour forcer le blocus soviétique et ravitailler les Berlinois de l’Ouest. En 1961, en revanche, ils étaient beaucoup mieux préparés pour faire face à l’ultimatum soviétique. Un groupe de planification secret trilatéral (France, Royaume-Uni, États-Unis) baptisé LIVE OAK, créé en avril 1959, avait été chargé de mettre au point des mesures militaires destinées à maintenir ouverts en permanence les corridors routiers, ferroviaires et aériens entre la République fédérale d’Allemagne et Berlin-Ouest.
LIVE OAK était alors sous le commandement du général Lauris Norstad, commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR) de l’OTAN et commandant en chef des forces des États-Unis en Europe (USCINCEUR).
En 1961, LIVE OAK a quitté son quartier général d’origine, installé au Commandement des forces des États-Unis en Europe à Saint-Germain-en-Laye, près de Paris, pour s’installer au Grand Quartier général des Puissances alliées en Europe (SHAPE), près de Rocquencourt. La même année, du personnel militaire d’Allemagne de l’Ouest a rejoint le groupe LIVE OAK pour des fonctions de liaison.
Le déménagement vers le site du SHAPE devait permettre de synchroniser la planification tripartite du groupe LIVE OAK avec les plans de l’OTAN (plans de circonstance pour Berlin (BERCON) et plans de circonstance maritimes (MARCOM) correspondants). L’objectif était également de faciliter un transfert de commandement de LIVE OAK à l’OTAN au cas où l’escalade d’une crise à propos de Berlin aboutirait à un conflit plus large en Europe centrale. Après le retrait de la France du commandement militaire intégré de l’OTAN en 1966, le groupe LIVE OAK et le SHAPE ont été transférés à Mons, en Belgique.
Supervision politique
Les plans de circonstance de l’OTAN comme ceux de LIVE OAK étaient élaborés sous un contrôle politique strict, et restaient sous la supervision étroite des ambassadeurs, qui exerçaient ce contrôle au nom des capitales des pays alliés. Le Washington Ambassadorial Group (WAG) supervisait les plans du groupe LIVE OAK et le Conseil de l’Atlantique Nord (« le Conseil ») supervisait ceux de l’OTAN. Ces plans de circonstance étaient complétés par des mesures politiques, économiques, psychologiques et de diplomatie publique destinées à mettre en avant la détermination de l’Ouest et à dissuader les actions hostiles.
Cette supervision étroite par les autorités politiques aidait à garantir que tout mouvement menaçant de l’Union soviétique ou de l’Allemagne de l’Est rencontrerait une réponse ferme mais prudente. Elle garantissait également la protection des intérêts et des prérogatives de tous les Alliés, et pas seulement ceux des quatre membres du groupe LIVE OAK, si les tensions devaient connaître une escalade ou aboutir à un conflit.
Ce que révèlent les documents classifiés
Pour marquer le 50e anniversaire de la crise de Berlin de 1961, l’OTAN a déclassifié et mis en lecture publique quelque 370 documents de cette période, dont bon nombre étaient auparavant classifiés au plus haut niveau – Cosmic Très Secret. Ces documents mettent en lumière les échanges de vues très longs et parfois tendus entre les ambassadeurs au sein du Conseil sur les circonstances hypothétiques dans lesquelles l’Alliance, dans son ensemble, pourrait être amenée à assurer la protection de l’accès occidental à Berlin-Ouest à la place de LIVE OAK.
Dans ce contexte, le document A (PO/61/765, du 27 septembre 1961) décrit une communication du Royaume-Uni au Conseil, au nom des dirigeants de LIVE OAK, concernant ce groupe, et présente des propositions du secrétaire général de l’OTAN visant à ce que les autorités militaires de l’OTAN entament l’élaboration des plans de circonstance BERCON et MARCON. Le document B (MCM-98-62, du 20 août 1962) décrit ces plans, et le document C (C-R(62)53, du 31 octobre 1962) consigne l’approbation de principe de ces plans par le conseil, « la sélection et l’exécution de ces plans étant subordonnées à une décision politique préalable par les gouvernements membres le moment venu ».
Ces documents témoignent de la prudence qui était de mise et de la détermination, ancrée dans les plans de circonstance du groupe LIVE OAK et de l’OTAN, à ce que Berlin ne devienne jamais le déclencheur d’un conflit général en Europe. Le mur de Berlin est tombé le 9 novembre 1989, et la Guerre froide a pris fin pacifiquement. Le groupe LIVE OAK a été dissout le 2 octobre 1990, à la veille de la réunification de l’Allemagne. Toutes les dispositions et tous les plans concernant la protection de l’accès occidental à Berlin-Ouest et la défense de cette partie de la ville ont alors cessé d’exister.