Rencontre avec le général de corps d’armée Ferenc Kajári, premier Hongrois à avoir dirigé la KFOR

  • 12 Jun. 2024 -
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  • Mis à jour le: 18 Jun. 2024 12:05

Peu de personnes mesurent aussi bien que le général de corps d’armée Ferenc Kajári toute l’utilité de l’OTAN. Il y a deux ans, le général Kajári, en tant que commandant de la Force pour le Kosovo (KFOR), était à la tête d’une opération de soutien de la paix dirigée par l’OTAN, dont le but est de consolider la paix et la stabilité au Kosovo. Il avait déjà participé, au début de sa carrière, en 1996, à la mission de maintien de la paix menée par l’OTAN en Bosnie-Herzégovine. Il a également été l’un des artisans de l’adhésion de la Hongrie à l’Organisation, en 1999. Comment a-t-il vécu, à titre personnel, ces grands moments de l’histoire ? Et quels étaient ses principaux objectifs lorsqu’il a pris le commandement de ce qui est devenu la plus longue mission de l’Alliance, qui célèbre en 2024 son 25e anniversaire ?


Artisan du parcours de la Hongrie, du partenariat à l’adhésion

« J’ai su très jeune que je voulais servir mon pays, indique le général Kajári, qui a décidé dès l’âge de douze ans qu’il embrasserait la carrière militaire. Je voulais faire un travail qui me sortirait de ma zone de confort, un travail où chaque journée serait différente, et l’armée me semblait être le meilleur choix. Aujourd’hui, quand je regarde en arrière, je sais que j’ai pris la bonne décision. Tous les postes qui m'ont été confiés ont été extrêmement gratifiants et stimulants. »

Une fois diplômé de l’école militaire, en 1988, le général Kajári est successivement affecté à différentes brigades d’infanterie des forces de défense hongroises. Puis, en 1996, celui qui n’est encore que capitaine rejoint la Force de mise en œuvre (IFOR), dirigée par l’OTAN en Bosnie-Herzégovine. Déployée sous mandat du Conseil de sécurité de l’ONU, l’IFOR est la première grande opération de réponse aux crises menée par l’Alliance. Elle est lancée après la signature, en décembre 1995, de l’accord de paix de Dayton, qui met un terme à la guerre qui avait éclaté en Bosnie-Herzégovine en 1992, à la suite de la dislocation de la Yougoslavie, à la fin de la guerre froide.

« C’était la toute première fois que la Hongrie participait à une opération en tant que partenaire de l’OTAN, dans le cadre du Partenariat pour la paix, explique le général Kajári. J’avais été affecté au contingent du génie qui était chargé d’assurer la mobilité dans la zone, tant au profit des troupes que de la population locale. Nous avons bâti des ponts et reconstruit des routes. Ce déploiement a été extrêmement formateur pour nous tous. Nous avons dû apprendre à nous intégrer dans les activités de l’OTAN, à évoluer en milieu opérationnel et à travailler en coordination avec le quartier général de l’IFOR, dirigée par l’Alliance, alors même que l’opération n’avait été lancée qu’un an plus tôt. Cette affectation au sein de l’IFOR a été une expérience précieuse pour le jeune capitaine que j’étais alors. Après plusieurs années d’entraînement, je pouvais enfin faire ce pour quoi j’avais été formé. »

Le général Kajári (troisième en partant de la gauche) lors de son déploiement au sein de l’IFOR,
en Bosnie-Herzégovine, en 1996.

Le général Kajári (troisième en partant de la gauche) lors de son déploiement au sein de l’IFOR, en Bosnie-Herzégovine, en 1996.

La contribution de la Hongrie à l’IFOR puis à la mission qui lui a succédé, la Force de stabilisation (SFOR), a permis à ce pays de nouer des liens plus étroits avec l’OTAN. La Hongrie rejoint finalement l’Alliance en 1999. Pour le général Kajári, son affectation au sein de l’IFOR n’est que le début de sa collaboration avec l’OTAN. Plus tard, en tant que membre du groupe de travail sur l’adhésion formé par la Hongrie, il est aux premières loges pour voir avancer les réformes que son pays mène dans les domaines militaire et civil en vue de rejoindre l'Alliance. En 1998, il est nommé officier du Partenariat pour la paix au Commandement allié de l’Atlantique (ACLANT), l’un des deux commandements stratégiques de l’OTAN, à l’époque. À ce poste, il continue de préparer l’intégration de son pays dans les structures et les exercices de l’Alliance.

« Lorsque la Hongrie a rejoint l’OTAN, en 1999, et que j’ai vu le drapeau de mon pays flotter au siège de l’Organisation, j’ai ressenti quelque chose d’extraordinaire, dit-il. L’adhésion au Partenariat pour la paix cinq ans plus tôt nous avait permis de mesurer tout le chemin à parcourir pour devenir membre. Et cette cérémonie venait couronner les progrès que la Hongrie ‑ et d’autres pays ‑ avaient accomplis. »

Le général Kajári (à droite) est récompensé pour ses services au terme de son affectation à l’ACLANT, en 2001.

Le général Kajári (à droite) est récompensé pour ses services au terme de son affectation à l’ACLANT, en 2001.

À la tête de la KFOR, artisan de la paix et de la stabilité avec 28 pays

En octobre 2021, le général Kajári est nommé commandant de la Force pour le Kosovo (KFOR). L’objectif de la KFOR est de maintenir un environnement sûr pour l’ensemble de la population du Kosovo, conformément au mandat que lui confère la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptée en 1999, et de consolider ainsi la paix et la stabilité au Kosovo. Pendant un an, le général Kajári est à la tête des 3 700 soldats ou plus qui composent la Force. Il est également responsable des activités opérationnelles de la KFOR et du dialogue entre les différents acteurs. Il explique que l’une des premières choses qu’il a apprises, c’est qu’un commandant est responsable non seulement de tout ce qu’il a fait, mais aussi de ce qu’il n’a pas fait.

« Assurer le commandement d’une opération, c’est une tâche à plusieurs facettes, ajoute-t-il. De l’extérieur, on a l’impression qu’il s’agit uniquement de gérer des questions d’ordre militaire ou opérationnel, mais en réalité, c’est un travail qui implique aussi de nombreuses activités protocolaires, à l’échelon local, régional et international. Pour vous donner une idée, au cours des 360 jours que j'ai passés à la tête de la KFOR, j’ai été présent à 354 réunions, visites de délégation et cérémonies protocolaires. »

Parmi tous les projets réalisés alors qu’il dirigeait la KFOR, l’un de ceux dont le général Kajári est le plus fier est la parution, une fois par an, d’un numéro en braille du magazine « 4You », publié par la KFOR. Cette revue mensuelle, qui propose aux jeunes du Kosovo des articles à la fois instructifs et divertissants, est distribuée dans les écoles.

« Pour ce projet, nous avons travaillé avec le Comité paralympique du Kosovo. Grâce à cette collaboration, nous avons réussi à faire connaître les activités de l’OTAN et de la KFOR à un plus grand public, tout en soutenant les enfants, les jeunes et leurs familles. »

Le général Kajári (deuxième en partant de la gauche), pendant l’année qu’il a passée à la tête de la KFOR (du 15 octobre 2021 au 10 octobre 2022), avec l’amiral Stuart Munsch (troisième en partant de la gauche), chef du Commandement allié de forces interarmées de Naples.

Le général Kajári (deuxième en partant de la gauche), pendant l’année qu’il a passée à la tête de la KFOR (du 15 octobre 2021 au 10 octobre 2022), avec l’amiral Stuart Munsch (troisième en partant de la gauche), chef du Commandement allié de forces interarmées de Naples.

En tant que premier officier hongrois à commander la KFOR, le général Kajári avait à cœur de montrer la maturité des forces de défense de son pays et de prouver qu’elles étaient capables d’assurer d’autres fonctions de haut niveau. Il s’était aussi fixé un objectif personnel : faire en sorte qu’aucun militaire déployé dans sa zone de responsabilité ne soit blessé.

« Je suis heureux de pouvoir dire que personne n’a été blessé et qu’aucun incident de ce type n’a été à déplorer au cours de l’année où j’ai dirigé la KFOR, déclare-t-il. Même dans les situations les plus tendues, nous avons réussi à calmer le jeu en négociant et en faisant la démonstration de nos capacités. »

L’OTAN en trois mots : force, compétence et chance

Le commandement de la KFOR a été l’un des temps forts de la carrière du général Kajári.

« Diriger une opération menée par l’alliance militaire la plus puissante du monde, c’est une expérience qu’il est difficile de décrire, confie-t-il. La KFOR, c’est l’illustration même de ce qui fait l’OTAN : 28 pays de l’Alliance et pays partenaires, avec des histoires, des cultures et des héritages différents, unis autour d’un objectif commun : assurer la sécurité. »
Lorsqu’on lui demande ce que l’OTAN signifie pour lui, le général Kajári répond en trois mots : force, compétence et chance.

« Par force, j’entends la puissance des pays de l’Alliance, qui forment ensemble la plus grande organisation de défense militaire au monde, explique-t-il. Par compétence, je veux parler de la capacité à défendre le territoire de l’Alliance et à renforcer la stabilité à l’extérieur de ses frontières. Enfin, par chance, j’entends la possibilité qui est offerte aux pays membres comme aux personnes qui travaillent pour l’Alliance d’apprendre, de s’améliorer et de gagner en efficacité. Je suis fier de faire partie d’une telle organisation et honoré d’être l’un des généraux de l’Alliance. »

Le général Kajári, entouré du président du Comité militaire, l’amiral Rob Bauer (à gauche), et du commandant suprême des forces alliées en Europe, le général Tod D. Wolters (à droite), en visite auprès de la KFOR, le 8 décembre 2021.

Le général Kajári, entouré du président du Comité militaire, l’amiral Rob Bauer (à gauche), et du commandant suprême des forces alliées en Europe, le général Tod D. Wolters (à droite), en visite auprès de la KFOR, le 8 décembre 2021.