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Mise à jour: 14-Mar-2001 | OTAN les cinq premières années 1949-1954 |
![]() par Lord Ismay Secrétaire général de l'OTAN (1952 - 1957) |
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IntroductionLa signature du Traité de l'Atlantique Nord en avril 1949 a marqué le début d'une expérience révolutionnaire et constructive en matière de relations internationales. Douze Etats indépendants et souverains - auxquels d'autres sont venus plus tard se joindre - ont souscrit des engagements qui appelaient une action collective immédiate et continue, non seulement dans le domaine militaire, mais aussi dans les domaines politique, économique et social. Le but de la présente étude est d'exposer sous une forme concise les raisons pour lesquelles le Traité a été conclu, ce qu'il signifie, comment les organismes civils et militaires qui devaient permettre son exécution ont été mis au point, de quelle façon ils fonctionnent et quels progrès ont été réalisés pendant les cinq premières années de l'Alliance - c'est-à-dire de 1949 à juillet 1954. Ce volume pourra servir d'ouvrage de référence à tous ceux qui ont à connaître des affaires de l'OTAN, soit dans les services de l'Organisation elle-même, soit dans ceux des différents gouvernements. Nous espérons qu'il intéressera, non seulement les parlementaires des pays membres, mais aussi les simples citoyens de la Communauté Atlantique dont la compréhension et le soutien auront une influence décisive sur l'avenir de l'Alliance. Rendons ici témoignage à la sagesse des hommes d'Etat qui négocièrent le Traité. Ils n'essayèrent pas de définir par avance la structure de l'organisation internationale qui allait être créée ou de formuler les règles formelles de procédure. Ils avaient compris que le développement de l'OTAN devrait se faire par étapes, à la lumière de l'expérience, et ils agirent en conséquence. Ce fut seulement après de patientes études, après des discussions prolongées conduites par des experts et au sein de nombreux comités, après bien des essais et aussi un bon nombre d'erreurs que l'organisation actuelle fut constituée. Que personne n'aille s'imaginer qu'elle a atteint une forme définitive. Bien au contraire, le temps et les enseignements nouveaux qu'il apportera peuvent et doivent permettre de l'améliorer. Ceci dit, je crois que bien des gens seront surpris de découvrir l'étendue des activités de l'OTAN et d'apprendre jusqu'où a été poussée la mise en pratique des principes de l'Alliance. Les résultats obtenus depuis cinq ans devraient être une source d'espoir. Résumons-les ici: il existe un Conseil permanent doté d'un pouvoir effectif de décision et tenant une, deux, voire trois réunions par semaine, sur préavis d'une demi-heure si besoin est. Ce Conseil est servi par un Secrétariat International et par un grand nombre de comités et de groupes de travail, chargés de résoudre des problèmes d'une extrême diversité. L'organisation militaire est conçue pour défendre tous les territoires de l'OTAN contre une attaque armée. Elle comprend un réseau de commandements couvrant l'Océan Atlantique Nord et le continent européen du Cap Nord à l'Afrique du Nord et de la Manche aux montagnes du Caucase. Si le bouclier des forces armées n'est pas encore suffisamment fort pour résister à une attaque massive, il serait néanmoins assez solide, selon le Commandant Suprême des Forces Alliées en Europe, pour contenir les unités que les Russes maintiennent actuellement en dehors de l'Union Soviétique proprement dite. Des réalisations impressionnantes ont été obtenues dans le domaine de l'infrastructure et d'utiles études ont été faites sur les mesures qui devraient être prises pour permettre aux fronts intérieurs de tenir au cas où une guerre nous serait malheureusement imposée. Ce sont là des réalisations importantes. Mais il en est une autre qui a peut-être plus de valeur encore: nous pensons ici au degré remarquable de cohésion et d'unité qui caractérise tous les organismes de l'OTAN. Au Collège de Défense de l'OTAN, par exemple, on peut voir des officiers de huit ou dix nationalités travailler en groupe, prendre leurs repas ensemble, confronter leurs opinions sur diverses questions et nouer des amitiés qui dureront peut-être toute une vie. La même atmosphère se retrouve dans tous les quartiers généraux de l'OTAN. Le général Gruenther disait récemment: 'En trente-cinq années de service, j'ai connu bien des états-majors: je n'en ai jamais vu qui soient une réussite plus heureuse que le SHAPE'. Une visite aux manoeuvres internationales qui se succèdent pratiquement toute l'année dans la zone de l'OTAN représente également une expérience encourageante. Là encore, des hommes différents par leur nationalité, leur langue, leur uniforme, participent dès le temps de paix, avec une admirable précision, à des exercices d'une ampleur impressionnante. Les forces de l'OTAN ne sont plus un rêve, mais une réalité. Dans le domeine civil, aucun membre du Secrétariat International ne se considère comme le ressortissant de son propre pays. Tous ont conscience, au contraire, de faire partie d'une équipe internationale vouée au service de l'Alliance tout entière. L'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord entre maintenant dans une phase nouvelle où elle devra apporter une fois de plus la preuve qu'elle peut s'adapter à l'évolution des événements et qu'elle est susceptible de progrès. A l'heure où nous mettons cette Introduction sous presse, le problème de l'association étroite de la République Fédérale d'Allemagne avec les puissances libres de l'Ouest est, nous l'espérons, sur le point d'être résolu. La solution adoptée différera dans ses modalités, mais non dans ses buts, de celle qui avait été proposée dès 1950 sous le nom de Communauté Européenne de Défense et officiellement approuvée ensuite par le Conseil de l'Atlantique Nord. Le 22 octobre 1954 le Conseil, réuni à Paris, a accueilli avec satisfaction les décisions prises à Londres par la Conférence des Neuf, qui visaient à accroître la sécurité de l'Europe en renforçant et en étendant le Traité de Bruxelles. Le même jour, les représentants des quatorze pays membres de l'OTAN ont approuvé le texte d'un Protocole au Traité de l'Atlantique Nord concernant l'accession à ce Traité de la République Fédérale d'Allemagne. (1) Lorsque les parlements auront ratifié ces accords, l'Alliance Atlantique comptera quinze pays membres et se trouvera considérablement renforcée - tout d'abord sur le plan politique et plus tard sur le plan militaire. Nous pourrons ainsi envisager l'avenir avec un optimisme et une confiance renouvelés. De nombreuses difficultés subsistent néanmoins et d'autres surgiront certainement avec le temps. Notre communauté de nations libres, dont les intérêts s'étendent à de nombreux points du globe, devra constamment affronter des problèmes nouveaux qui appelleront des solutions nouvelles. Au cours des années qui viennent il nous faudra, à l'OTAN, beaucoup d'imagination et d'énergie pour accroître par notre action collective la puissance défensive de notre Alliance et pour resserrer dans tous les domaines les liens qui unissent les Etats membres des deux côtés de l'Océan Atlantique. Le contentement de soi, comme la lassitude sont parmi les dangers dont nous devons nous garder. Un fardeau, lorsqu'un homme le porte depuis longtemps, semble devenir de plus en plus lourd et tous les pays membres supportent depuis longtemps le fardeau pesant des dépenses de défense. D'autre part, notre force et notre cohésion grandissantes, et le changement apparent de la technique utilisée par les leaders soviétiques depuis la mort du maréchal Staline, créent l'impression que le risque militaire a quelque peu diminué. La menace subsiste néanmoins -et les membres de l'Alliance Atlantique trahiraient tous les efforts et les sacrifices qui ont été faits dans le passé s'ils toléraient que fût rompue leur unité. Lors de la mémorable conférence d'octobre 1954, les gouvernements membres ont réaifirmé que le Traité de l'Atlantique Nord demeurait un élément fondamental de leur politique étrangère. Gardons toujours ces mots en mémoire. Notre sort est entre nos propres mains. Si nous demeurons fidèles à nous-mêmes, fidèles les uns envers les autres, et si nous restons unis comme nous le sommes aujourd'hui, nous éviterons les horreurs indicibles d'une troisième guerre mondiale et nous pourrons consacrer, dans une mesure toujours croissante, nos énergies et nos ressources, aux oeuvres de paix. ISMAY Notes:
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