![]() |
Mise à jour: 06-Dec-2001 | OTAN les cinq premières années 1949-1954 |
Partie 3
|
|
L'accroissement des forcesII serait plus facile de décrire l'accroissement de la force armée de l'OTAN au cours des cinq dernières années si cette progression pouvait se comparer à la marche régulière d'un détachement de la garde défilant au pas de parade. Mais tel n'est évidemment pas le cas : les progrès, lents au début, s'accélérèrent soudain sous le choc de l'agression en Corée, pour reprendre ensuite selon un rythme régulier et soutenu. Nous sommes maintenant au point où des résultats importants ont été obtenus, mais où il reste encore beaucoup à faire. En raison de la diversité de l'effort et de l'étendue de la zone géographique intéressée, les progrès ont été plus rapides dans certaines régions et dans certains domaines que dans d'autres ; par exemple, des unités de combat ont été mises sur pied avant que ne fût acquis le soutien logistique qui leur serait nécessaire pour participer à des opérations prolongées. En essayant de décrire ces changements de rythme et de résumer les résultats d'une aussi vaste entreprise, nous ne devons pas oublier que les chiffres concernant le total des divisions, des navires ou des avions ne sont que des approximations. Ainsi, l'effectif d'une division peut varier de 10.000 à 25.000 hommes, dont la moitié seulement se trouverait réellement aux prises avec l'ennemi, l'autre moitié ayant pour mission d'amener les fantassins ou les équipages de chars sur la ligne de feu et de les ravitailler en munitions, en vivres, en vêtements, etc. Les transmissions d'une division sont-elles défectueuses, les cadres subalternes d'une autre médiocres, ou le chef d'une troisième incapable, c'est la valeur de chacune de ces formations qui se trouve diminuée - sans qu'il soit possible cependant de dire exactement dans quelle mesure. Ceux qui jugent de la valeur au combat des armées uniquement d'après le nombre de leurs grandes unités risquent donc de se tromper lourdement. Le concept stratégiqueAfin de déterminer l'importance et la structure des forces nécessaires pour atteindre un objectif donné, il est essentiel d'avoir un concept stratégique fondé sur une estimation des intentions et du potentiel de l'ennemi éventuel, puis d'élaborer un plan stratégique d'ensemble. L'importance et la structure des forces en découleront plus ou moins automatiquement; mais la rapidité de leur mise sur pied dépendra d'un certain nombre de facteurs dont les principaux sont : l'imminence et l'ampleur de la menace et la situation économique des pays participants. Le concept stratégique approuvé par le Conseil de l'Atlantique Nord en janvier 1950 a posé en principe que les forces militaires de l'OTAN avaient pour première mission de décourager l'agression. C'est seulement au cas où elles échoueraient dans cette mission qu'elles seraient utilisées pour repousser une attaque année. Ce principe n'a jamais changé; il est aussi valable aujourd'hui qu'il l'était il y a quatre ans. Nous avons vu au chapitre IV que le plan stratégique d'ensemble qui en découlait consistait à contenir l'ennemi éventuel le plus à l'est de l'Europe possible. Aujourd'hui, cette 'stratégie vers l'avant' s'impose encore davantage en raison de l'énorme portée des armes modernes telles que les projectiles téléguidés, les rusées et l'artillerie à longue portée - qui utilisera peut-être des obus atomiques. La participation allemande à la défense de l'Ouest est donc une dure nécessité, et cette participation suppose l'établissement d'un système de défense couvrant une partie aussi étendue que possible du territoire de l'Allemagne occidentale. Au début de 1950, le Groupe Permanent adressa des
directives stratégiques aux groupes stratégiques régionaux
et les invita à dresser des plans pour le cas où une guerre
éclaterait en 1954. Il va sans dire que cette date avait été
choisie pour des raisons purement théoriques: elle était
suffisamment éloignée pour permettre l'établissement
de plans à long terme et pourtant assez proche pour que les plans
en question puissent être réalistes. Ces plans, une fois
au point, furent coordonnés par le Groupe Permanent qui évalua
ensuite approximativement le total des forces nécessaires à
la défense de la région de l'OTAN. Les Groupes Stratégiques
Régionaux établirent également des plans d'urgence
applicables en cas de déclenchement soudain des hostilités. Les étapes de l'édification des forcesUne brève comparaison entre les forces disponibles en décembre 1949 (c'est-à-dire au début du planning), en avril 1951 (lors de la mise en activité du SHAPE), et en décembre 1951 (huit mois plus tard) permet d'illustrer les variations intervenues dans le rythme de la mise sur pied des forces. En décembre 1949, les forces dont disposait l'OTAN étaient évaluées à 12 divisions environ, à 400 avions et à un nombre correspondant de navires. Quinze mois après, en avril 1951, il y avait seulement '15 divisions OTAN' et 'un peu moins d'un millier d'avions opérationnels' (1): l'augmentation en troupes et en avions était donc quasiment négligeable ; la situation des forces navales était un peu meilleure. Huit mois plus tard, en décembre 1951, les perspectives étaient plus encourageantes. Les forces dont disposait l'OTAN étaient alors les suivantes : environ 35 divisions, à des degrés de préparation divers, un peu moins de 3.000 avions, et 700 navires. La seule comparaison des chiffres ne suffit toutefois pas à donner une image complète des changements survenus dans l'efficacité au combat. En décembre 1951, la force militaire de l'OTAN n'était plus constituée d'unités nationales juxtaposées; le niveau de leur instruction avait été très sensiblement amélioré par une série de manuvres effectuées au cours de l'automne et les forces avaient gagné en cohésion. En outre, un effort énergique était fait pour donner aux unités un soutien logistique efficace, notamment en construisant des aérodromes, en améliorant et en développant les réseaux de transmissions et en fournissant des troupes de soutien. Enfin, non seulement le SHAPE était en pleine activité mais ses quartiers généraux subordonnés des secteurs Nord et Sud fonctionnaient déjà de façon satisfaisante, de même que le quartier général, plus ancien, du secteur Centre, créé à la fin de 1948 par l'Organisation de Défense de l'Union Occidentale. Une nouvelle phase de l'édification des forces commença après la réunion du Conseil à Lisbonne en février 1952. A la suite de l'examen du rapport du Comité Temporaire du Conseil (2) les objectifs à atteindre pour décembre 1952 furent fixés ainsi: 50 divisions (dont 25 d'activé); environ 4.000 avions et un nombre important de navires. L'idée fondamentale était que les forces d'activé constitueraient un bouclier permettant de résister au choc initial d'une agression et que les réserves devraient pouvoir être mobilisées et amenées en renfort aussi rapidement que possible. La situation en avril 1952Deux mois après la Conférence de Lisbonne, le Général Eisenhower était en mesure de signaler (3) les progrès importants réalisés au cours de l'année qui s'était écoulée depuis l'entrée en fonction du SHAPE : 'Déjà', écrivait-il, 'nos forces sont à même de résister vaillamment si elles étaient attaquées. Le nombre des divisions en Europe occidentale, actives ou immédiatement mobilisables, a presque doublé. Il y a un an, les unités nationales destinées à mon commandement étaient, pour la plupart, pauvrement équipées et insuffisamment entraînées, et manquaient des approvisionnements et des installations essentiels. En raison de leur faiblesse générale et de l'absence de commandement central, elles n'auraient pu offrir aune attaque guère plus qu'une résistance symbolique. Aujourd'hui, l'état de préparation au combat de nos troupes s'est nettement amélioré. Leur déploiement a été étudié en fonction de la menace venant de l'Est. A l'arrière, se trouvent à présent des lignes de communication qui vont en s'améliorant, ainsi qu'un commandement organisé capable de coordonner leurs efforts... les jours les plus sombres sont derrière nous. La situation du monde libre s'est améliorée depuis un an'. Toutefois, dès la première page du même rapport le Général Eisenhower nuançait ce compte rendu encourageant : 'II n'y a pas encore en Europe de sécurité réelle ;ce n'est là qu'un début'. L'édification des forces s'accéléra en 1952 et les objectifs fixés par le Conseil à Lisbonne furent, du point de vue numérique, presque entièrement atteints à la fin de l'année; mais l'état de préparation des forces n'était pas toujours conforme aux prévisions et de graves déficits subsistaient dans les unités de soutien, le matériel et les approvisionnements. Au fur et à mesure de l'accroissement des forces, la structure militaire de l'OTAN s'étendait. Comme on l'a vu au Chapitre VII, les commandements de l'Atlantique et de la Manche furent tous deux créés au printemps de 1952 et, plus tard dans l'année, le quartier général des forces de l'OTAN en Grèce et en Turquie fut établi à Smyrne. La structure du commandement de la Méditerranée fut en outre arrêtée dans le détail en novembre 1952; mais le quartier général de Malte ne commença de fonctionner que l'année suivante. La grande entreprise prenait forme. Toutefois, rien ne justifiait un optimisme immodéré, encore moins un relâchement de l'effort. Car si l'Alliance Atlantique voyait sa force augmenter, il en était de même de la force des Soviets et de leurs satellites européens. L'armement des armées soviétiques s'améliorait constamment; l'aviation russe était en grande partie rééquipée avec des appareils à réaction; la construction d'aérodromes se poursuivait activement dans toute l'Europe orientale; le programme naval des Soviets comprenait la construction d'un nombre de plus en plus grand de submersibles de haute mer ainsi que de nombreux bâtiments de surface et les forces des pays satellites de la Russie augmentaient elles aussi de façon considérable, numériquement et qualitativement. (3) Ainsi, pour remarquable que fût l'accroissement de la puissance militaire de l'OTAN, il était évident qu'un effort prolongé était encore nécessaire. C'est ce qui fut pleinement mis en lumière, en mai 1953, par le Général Ridgway qui écrivit dans son Rapport Annuel au Groupe Permanent : '. . . sur le terrain strictement militaire, je me trouve devant une telle inégalité entre nos forces disponibles et celles que les chefs soviétiques pourraient nous opposer, que je ne me crois pas autorisé à formuler d'autre conclusion que celle-ci: une attaque soviétique de grande envergure, dans un avenir rapproché, trouverait les forces alliées en Europe dans un état de faiblesse critique pour remplir leur mission actuelle'. L'inégalité à laquelle faisait allusion le Général Ridgway ne se mesurait pas seulement en chiffres. Pour être égales à leur tâche, les forces de l'OTAN devaient non seulement être assez nombreuses mais aussi d'une qualité supérieure, dotées d'un soutien logistique et d'un équipement satisfaisants et appuyées par des réserves suffisantes et efficaces. Tenant compte de ces nécessités, le Conseil décida, en décembre 1952, que s'il convenait d'accroître encore progressivement les forces de l'OTAN, l'accent devrait être mis en 1953 sur l'amélioration de leur efficacité au combat. Manoeuvres internationalesL'efficacité au combat peut être améliorée de plusieurs façons, et avant tout par l'entraînement. En 1953, environ cent exercices ont eu lieu sous la direction des commandants OTAN; tous ont mis en lumière cet esprit de coopération qui est devenu l'un des traits essentiels de l'Alliance. Citons notamment les exercices d'état-major dirigés au SHAPE par le Field Marshal Montgomery, représentant le Commandant Suprême, et qui ont eu pour but l'étude des problèmes essentiels qui se posent au niveau du Haut Commandement. En outre, des exercices de cadres ont été organisés pour éprouver l'efficacité des quartiers généraux subordonnés. Mais la plupart des exercices se sont déroulés avec l'intervention des forces combattantes elles-mêmes. Pour illustrer le caractère et l'ampleur de ces manuvres, prenons l'exemple de l'exercice 'Mariner' qui s'est déroulé à la fin de l'été 1953. Ce furent les manuvres navales internationales les plus importantes qui aient jamais eu lieu. Elles furent dirigées conjointement par les Commandants Suprêmes des Forces Alliées en Europe et de l'Atlantique et par les Commandants de la Manche. Neuf pays, une cinquantaine de navires de types divers et vingt types d'avions différents y participèrent. L'exercice dura dix-neuf jours et comporta des opérations de protection de convois, de contrôle naval des transports maritimes, et l'action d'une flotte d'intervention dans les eaux septentrionales. Pour que les manuvres se rapprochent le plus possible de la réalité, le rôle de l'ennemi fut tenu par des raiders de surface, des sous-marins et des avions d'aéronavale basés à terre et fournis par les forces de l'OTAN. Résumant la valeur de ces manuvres combinées, l'Amiral McCormick (5) a déclaré que les erreurs qui furent commises étaient parfaitement compréhensibles étant donné l'ampleur d'une tâche consistant à coordonner des forces internationales d'une telle importance et d'une telle complexité, et que les enseignements de ces manuvres seraient d'une valeur inestimable pour l'établissement des plans futurs. Afin que le nombre et la variété des unités navales et des avions ayant subi un entraînement OTAN ne conduisent pas le lecteur à des conclusions trop optimistes quant aux forces dont dispose le SACLANT pour l'accomplissement de sa mission, il convient de préciser qu'il existe actuellement un grave déficit en bâtiments d'escorte et en appareils d'aéronavale. Dans le secteur du Commandement Allié en Europe, la plupart des manuvres ont eu pour but de coordonner les forces de pays différents n'ayant pas l'habitude d'opérer en commun, d'en faire un instrument de combat cohérent, et d'entraîner les quartiers généraux et les états-majors à leur rôle de temps de guerre. Au cours de manuvres à l'échelon de la division et du corps d'armée, l'accent a été mis sur la coopération des forces aériennes et des forces terrestres, sur l'importance du soutien logistique et, chaque fois que possible, sur la coopération, interalliée en matière de liaison. Voici, à titre d'exemple, quelques-unes des manuvres qui ont eu lieu en 1953 dans le secteur du commandement allié en Europe : 1. L'exercice 'Italie Weld' s'est déroulé
au mois d'août en Italie du nord, avec la participation de forces
terrestres, aériennes et navales des Etats-Unis et de l'Italie,
ainsi que de forces aériennes grecques et turques. L'efficacité au combat des forces armées d'une coalition dépend en grande partie de la mesure dans laquelle leurs éléments nationaux subissent le même entraînement, appliquent les mêmes méthodes de travail d'état-major et les mêmes procédures et techniques opérationnelles. Comme nous l'avons vu au Chapitre VII, le Bureau Militaire de Standardisation est notamment chargé d'étudier et de promouvoir la normalisation des pratiques opérationnelles et administratives dans l'ensemble des forces armées de tous les pays membres; les manuvres internationales ont fourni l'occasion de mettre à l'épreuve les résultats de ces études 'en chambre'. II en est résulté des progrès remarquables dans tous les domaines, et plus particulièrement en ce qui concerne les forces navales et aériennes. Il ne faut pas oublier que l'OTAN a bénéficié, dès le départ, du fait que plusieurs de ses membres avaient déjà l'expérience du travail en commun, et avaient combattu côte à côte au cours de la seconde guerre mondiale; un grand nombre d'officiers et d'hommes, appartenant encore à leurs forces armées, étaient en mesure d'appliquer cette expérience aux conditions nouvelles et d'en faire profiter l'ensemble de l'Alliance. L'entrainement des réservesSi les manuvres internationales relèvent des commandants suprêmes, c'est à chaque pays qu'incombe l'entraînement de ses forces de réserve. Celles-ci sont astreintes à des périodes d'entraînement variables selon les pays; on ne saurait trop souligner l'importance de cet entraînement: le succès de la défense de l'Europe occidentale dépendrait en grande partie de l'efficacité au combat des réserves et de la rapidité avec laquelle elles pourraient être mobilisées et entrer en action. Le facteur limitatif dans ce domaine est d'ordre financier : deux Etats membres n'ont pu entraîner leurs réserves en 1953 pour la simple raison qu'ils ne disposaient pas des fonds nécessaires. Toutefois la plupart des pays européens membres de l'Alliance ont procédé, à des degrés divers, à la mobilisation et à l'entraînement de leurs réserves en 1953 et 1954. La Belgique a mobilisé et entraîné une division complète pendant trente jours au cours desquels ont eu lieu des manuvres divisionnaires. Elle a également rappelé certaines autres formations à des fins d'entraînement. La France a rappelé des réservistes en nombre suffisant pour porter à effectifs pleins trois divisions composées pour moitié d'effectifs d'activé, ainsi que de nombreux éléments de corps d'armée et d'armée, qui subirent tous une période d'entraînement. Le Luxembourg a rappelé et entraîné l'effectif d'un quartier général de brigade et deux bataillons. Les Pays-Bas ont mobilisé une division qu'ils ont entraînée en tant que formation complète, tandis qu'une autre division était rappelée pour suivre un entraînement à l'échelon brigade. Le Portugal a rappelé des réservistes pour un exercice à l'échelon divisionnaire. La Grèce fut seulement en mesure, au cours de cette même période, de rappeler un bataillon. Au Royaume-Uni, toutes les formations de l'Armée
Territoriale, ainsi que certaines unités de réserve d'urgence
des forces terrestres ont subi un entraînement annuel, comprenant
une période de quatorze jours dans des camps. Au début
de 1954, des manuvres d'hiver ont eu lieu en Norvège, pour
lesquelles trois brigades de réservistes ont été
rappelées, ainsi que deux quartiers généraux divisionnaires
avec les unités de soutien correspondantes, et certaines unités
de défense locale. Deux divisions participèrent aux manuvres. Pour améliorer l'instruction OTAN en général, un certain nombre d'écoles spécialisées ont accepté comme élèves des ressortissants d'autres pays de l'OTAN ne disposant pas des mêmes facilités. Citons, parmi ces établissements, l'Ecole française d'entraînement combiné d'Arzew (Algérie), la 'School of Land Air Warfare' de Old Sarum (Royaume-Uni), la 'Joint Anti-Submarine School' de Londonderry (Royaume-Uni), les écoles techniques et d'entretien des forces terrestres américaines en Allemagne et les écoles américaines de Garmisch (Allemagne occidentale) pour l'emploi des armes spéciales, où les commandants alliés et les officiers d'état-major sont formés à l'emploi stratégique des armes atomiqnes. En outre, des missions militaires du SHAPE travaillent aux Pays-Bas, au Portugal et au Luxembourg, tous ces pays ayant demandé une aide pour résoudre leurs problèmes d'entraînement. Au cours de l'année 1953, la situation en matière logistique s'est considérablement améliorée. Ainsi, les stocks de réserve de la plupart des pays membres - qui étaient tombés à un niveau inquiétant, notamment en ce qui concerne les munitions - furent augmentés, bien que des déficits importants subsistent encore aujourd'hui. Par ailleurs, l'efficacité au combat des forces armées de l'OTAN a été considérablement accrue grâce à la réalisation du programme d'infrastructure commune dont on trouvera la description au chapitre suivant. Forces chargées de missions spécialesCertaines forces militaires, qui ne sont ni affectées ni réservées pour affectation à l'un des commandements suprêmes, sont néanmoins d'une valeur essentielle pour l'OTAN. Bien qu'elles restent placées directement sous commandement national, elles pourraient apporter une contribution impressionnante à la défense de l'Ouest et jouer éventuellement un rôle décisif. C'est ainsi que le 'Stratégic Air Command' américain, basé principalement en Afrique du Nord, dans les Iles britanniques et aux Etats-Unis, revêt une importance particulière en tant que force préventive. De même, le 'Bomber Command' britannique est équipé et entraîné en vue d'opérations aériennes stratégiques. Le Royaume-Uni possède en outre une importante force d'interception pour la défense des îles britanniques. Enfin, chaque pays de l'OTAN est chargé de la défense de ses eaux territoriales et conserve des forces navales spécialement équipées pour le dragage de mines côtier, pour la défense des ports et pour d'autres tâches du même ordre. Progrès réalisés en 1953Les progrès réalisés au cours de l'année 1953 peuvent se résumer de la façon suivante : les forces terrestres n'ont marqué qu'un faible accroissement numérique mais leur efficacité s'est considérablement améliorée grâce aux manuvres combinées ; de leur côté, les unités de soutien ont augmenté de 40 pour cent au cours de l'année. Le nombre des avions a augmenté d'environ 30 pour
cent, mais, là encore, l'amélioration la plus importante
a porté sur la qualité et notamment sur la fourniture
d'avions modernes à réaction. En même temps, le
nombre et la qualité du personnel navigant et au sol ont régulièrement
augmenté. Essayons maintenant de résumer les résultats d'ensemble obtenus par l'OTAN dans le domaine militaire. Trois ans après la création du Commandement Allié en Europe, les forces terrestres mises directement à la disposition de l'OTAN ont été portées à quelque cent divisions- tant d'activé que de réserve - à des degrés divers de préparation, n ne faut pas oublier toutefois que cette amélioration est due, non seulement à l'augmentation des forces des pays qui ont fait partie de l'OTAN dès l'origine, mais aussi à l'adjonction des forces de la Grèce et de la Turquie qui se joignirent à celles de l'Alliance en 1952: cet appoint a naturellement eu comme contrepartie l'accroissement des responsabilités de l'OTAN dans le Sud-Est de l'Europe. Les progrès réalisés n'en demeurent pas moins impressionnants. Dans les airs, l'OTAN a presque doublé ses forces et possède environ 125 bases aériennes utilisables. (6) En ce qui concerne les forces navales, un vaste programme de constructions et de modernisation a permis d'accroître de 30 pour cent, depuis 1951, le nombre des navires pouvant être armés après la mobilisation, et leur qualité technique s'est améliorée. Le 15 décembre 1953, le Conseil de l'Atlantique Nord s'est réuni pour procéder, dans le cadre de l'Examen Annuel, à une évaluation des progrès réalisés par les forces de l'OTAN et pour prendre des décisions concernant l'avenir. Il a conclu que l'estimation de la politique et des possibilités des Soviets exigeait que les plans militaires de l'Alliance fussent établis en prévision d'une longue période d'insécurité au cours de laquelle la Communauté de l'Atlantique Nord serait exposée à une menace continue. Pour ces raisons, le Conseil a reconnu qu'il serait nécessaire pour les pays membres d'entretenir pendant de longues années des forces qui, par leur équilibre, leur qualité et l'efficacité de leurs armements, constitueraient l'un des principaux facteurs propres à contribuer à la sécurité effective de la zone OTAN. En d'autres termes, le Conseil envisageait une action de longue haleine. En application de cette politique, le Conseil décida que les gouvernements membres, le Secrétariat International et les autorités militaires de l'OTAN devraient, au cours de leurs futurs travaux, se fixer les objectifs suivants: la constitution d'une force collective d'activé et de réserve équilibrée destinée à faire face à une menace durable, maintenue à un degré de préparation aussi élevé que possible et soutenue du point de vue matériel par des réserves suffisantes. Le Conseil invitait notamment les autorités militaires de l'OTAN : 1. 'à étudier de façon continue,
dans le cadre du concept stratégique adopté, l'importance
et la nature des forces nécessaires à la défense
de la zone OTAN, compte tenu des progrès de la technique militaire,
des possibilités soviétiques et de la situation stratégique
d'ensemble, afin de donner des directives d'ordre général
pour la mise au point des plans de défense de l'OTAN ; Perspectives d'avenirLe problème qui se pose à l'OTAN en 1954 a évolué depuis les jours fiévreux du début de 1951 et même depuis les estimations de Lisbonne de février 1952. La tâche actuelle de l'OTAN n'est pas seulement de maintenir sa puissance militaire, existante ou en voie de création, mais aussi d'en améliorer constamment la qualité, ceci en dépit du fait que des difficultés économiques subsistent et que le sentiment d'urgence a peut-être diminué. L'introduction d'armes nouvelles soulève aussi un problème difficile, que les Commandants Suprêmes de l'OTAN sont en train d'étudier. Lorsque les résultats de cette étude auront été portés devant le Groupe Permanent et le Comité Militaire, ceux-ci adresseront leurs recommandations au Conseil qui se prononcera sur les mesures à prendre. Jusque là, il serait à la fois inopportun et trompeur de chercher à préjuger l'avenir. Tout ce que nous pouvons dire pour le moment, c'est que nous devons continuer d'utiliser les armes conventionnelles actuelles jusqu'au moment où il apparaîtra clairement que les progrès de la science les ont rendues périmées. Pour conclure ce chapitre, citons certaines déclarations faites par des commandants OTAN en 1954. En janvier, le Général Gruenther a déclaré : 'Nous possédons, dans les airs et sur terre, un bouclier qui, s'il n'est pas encore suffisamment résistant, n'en forcerait pas moins un ennemi éventuel à concentrer ses forces avant d'attaquer. Ainsi concentrées, ses forces seraient extrêmement vulnérables à des attaques atomiques et subiraient de lourdes pertes... Nous sommes maintenant en mesure d'utiliser des armes atomiques contre tout agresseur, non seulement au moyen d'avions à grande autonomie, mais aussi au moyen d'avions à plus court rayon d'action et d'artillerie de 280 mm. Cette force coordonnée air-terre constitue un bouclier très efficace, d'une grande valeur combative en cas d'attaque. Il est d'une telle solidité que je ne crois pas que les Soviets disposent actuellement en Europe occupée de forces terrestres, aériennes et navales qui leur donnent la certitude de l'écraser. Certes, les Soviets pourront amener des renforts, mais dans ce cas, nous serions avertis de l'imminence de leur attaque et nous pourrions accroître notre force défensive d'une façon considérable. Nous pourrions notamment alerter nos forces aériennes'. En juin 1954, le Général Gruenther, s'adressant aux membres de l"English-Speaking Union' (7) à Londres, déclara que l'OTAN possédait quatre-vingt-dix à cent divisions, à des degrés divers de préparation, ce qui représentait trois à quatre fois plus que les forces terrestres qui étaient disponibles lorsque le Général Eisenhower prit son commandement. 'Les forces aériennes ont augmenté de façon encore plus considérable' dît le Général Gruenther. Il alla même jusqu'à affirmer que, pour lui, les Soviets iraient au devant d'une grave défaite s'ils attaquaient les pays occidentaux en 1954. Néanmoins il avertit son auditoire que 'cette situation pourrait ne pas se prolonger' et il ajouta qu'il n'était 'nullement certain que le temps travaillât pour l'Alliance Atlantique'. En ce qui concerne la marine, l'Amiral McCormick soulignait, dans son rapport d'avril 1954 au Groupe Permanent, les progrès considérables réalisés au sein du Commandement de l'Atlantique au cours des deux dernières années. Il indiquait les enseignements mutuels que tous les éléments nationaux avaient pu tirer des grandes manuvres navales de l'OTAN. Il insistait sur le fait que si ces manuvres fournissent les moyens de résoudre de nombreux problèmes, elles font également ressortir l'insuffisance marquée des forces actuellement réservées pour affectation au SACLANT en regard des missions qui lui incombent. Dans une allocution qu'il avait prononcée précédemment à la BBC l'Amiral McCormick avait déclaré: 'Les jours sombres des première et deuxième guerres mondiales ne sauraient être oubliés. Je vous demande également de vous souvenir du nombre considérable de navires et d'avions qui ont été nécessaires au cours des deux guerres mondiales pour remporter la victoire finale sur mer. Lorsque je compare ces forces à celles dont nous disposons aujourd'hui, je ne saurais me déclarer satisfait... Nous devons tous user de notre influence... pour exécuter le programme prévu de constitution des forces de l'OTAN'. L'accroissement et l'amélioration, durant les cinq dernières années, des forces de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord ont permis à celles-ci de progresser vers leur objectif essentiel qui est de décourager l'agression. Nul ne peut dire avec exactitude dans quelle mesure elles ont contribué au maintien de la paix en Europe. Ce qui est certain, c'est que la paix a été sauvegardée. Notes: ![]() |