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Mise à jour: 17-Sep-2001 | OTAN les cinq premières années 1949-1954 |
Partie 1
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Le prix de la défenseLa période qui suivit la conférence de Bruxelles ne fut marquée par aucune diminution de la tension entre les nations libres et le monde communiste. En Corée comme en Indochine, les hostilités continuaient. Aux Nations Unies, la situation était au point mort; les projets de désarmement étaient dans une impasse ainsi que les propositions pour un contrôle de l'énergie atomique. A Paris, les efforts tentés par les Suppléants des ministres des Affaires Etrangères des quatre puissances occupantes pour organiser des conversations sur l'Allemagne furent un échec complet. Dans le monde entier les communistes poursuivaient leur campagne de haine contre les démocraties, usant sans scrupule du mot magique de 'paix' afin de semer la confusion et la division dans l'opinion publique occidentale et de servir les desseins politiques du Kremlin. Derrière le rideau de fer, cependant, ne régnait rien moins que l'esprit de paix. Le réarmement et la réorganisation des forces armées des pays satellites se poursuivaient sans relâche. Des 'purges' mystérieuses étaient opérées: en Tchécoslovaquie par exemple, des dirigeants importants du parti communiste, et même un ministre des Affaires Etrangères, furent traduits en justice pour complot contre la sûreté de l'Etat - et finalement pendus. Au cours de la même période, les démocraties prirent un certain nombre de mesures qui, tout en n'étant pas directement liées entre elles, visaient toutes à accroître l'unité du monde libre et sa capacité de résistance. En 1951, des pactes de sécurité mutuelle furent signés entre les Etats-Unis et les Philippines, et entre les Etats-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. A San-Francisco, quarante-huit pays signèrent un traité de paix avec le Japon (l'URSS, la Pologne et la Tchécoslovaquie s'étant abstenues); le même jour le Japon signait avec les Etats-Unis un pacte bilatéral de sécurité, qui devait être complété en mars 1954 par un accord d'aide militaire pour la défense mutuelle. En Europe, l'Union Européenne des Paiements commença de fonctionner; la Communauté du Charbon et de l'Acier fut instituée et les négociations sur la participation de l'Allemagne occidentale à la défense de l'Europe firent des progrès. Les Etats-Unis, la France, et le Royaume-Uni accordèrent une aide économique, puis une aide militaire à la Yougoslavie. Diverses tentatives furent faites - sans succès - pour organiser la défense du Moyen-Orient, avec la participation de l'Egypte et d'autres Etats de cette région. Il se produisit encore d'autres événements importants, plus directement liés à l'OTAN. La question de l'accession de la Grèce et de la Turquie à l'Alliance Atlantique, qui avait déjà été examinée par le Conseil en 1950, fit l'objet de consultations prolongées l'année suivante. En mai 1951, les gouvernements hellénique et turc renouvelèrent leur demande d'admission. On estimait que l'entrée de ces pays dans la coalition présenterait des avantages certains, mais qu'elle impliquerait aussi l'extension des engagements stratégiques de l'OTAN jusqu'au Caucase; certains gouvernements craignaient en outre que l'admission de la Turquie, qui avait une frontière commune avec la Russie soviétique et la Bulgarie, n'aggravât la tension internationale. Après avoir étudié le problème sous ses aspects aussi bien politiques que militaires, l'OTAN se prononça en faveur de l'entrée de ces deux pays dans l'alliance et, le 22 octobre 1951, le Conseil des Suppléants signa un protocole invitant la Grèce et la Turquie à accéder au Pacte Atlantique - protocole qui modifiait la définition des territoires et des forces de l'Alliance contenue dans l'Article 6 du Traité. (1) L'accession de la Grèce et de la Turquie prit officiellement effet le 18 février 1952. Au cours de l'année 1951, plusieurs accords relatifs à la défense occidentale furent conclus par les Etats-Unis : avec la France pour l'établissement d'une base aérienne à Châteauroux (28 mars) et pour l'installation de sept bases au Maroc (12 juillet); avec le Danemark pour la défense du Groenland (27 avril) ; avec l'Islande pour la défense commune de ce pays (7 mai) et avec le Portugal au sujet d'aérodromes aux Açores (6 septembre). Pendant ce temps, tous les pays membres de l'OTAN s'efforçaient d'accroître leur défense. Nous avons mentionné au Chapitre IV l'importante décision prise par les Etats-Unis d'envoyer des forces supplémentaires en Europe. Le 15 février 1951, le Général Marshall, Secrétaire d'Etat à la Défense, annonçait que quatre divisions américaines iraient bientôt rejoindre les unités déjà stationnées en Allemagne occidentale et que les forces des Etats-Unis en Europe compteraient au total 400.000 hommes en 1952. Un mois plus tard, il déclarait que l'effectif total des forces armées américaines avait doublé au cours des neuf derniers mois et s'élevait à 2.900.000 hommes. L'Amérique allait consacrer 58% du budget établi pour l'exercice financier 1951/1952 à des dépenses militaires. Le Canada, de son côté, augmentait ses forces nationales et avait décidé d'envoyer une brigade et onze escadrons de chasseurs en Europe. Les pays européens membres de l'OTAN accomplissaient des efforts correspondants. Toutefois, il devint bientôt évident que la réalisation des programmes destinés à accroître les forces et la production d'armement se trouvait ralentie par des difficultés financières. L'impasse économiqueOn a vu au Chapitre III que, dès 1950, les gouvernements
des pays membres avaient manifesté une inquiétude croissante
au sujet des conséquences économiques du réarmement.
La plupart des pays de l'OTAN n'étaient pas encore remis des
difficultés économiques dont ils avaient souffert, sous
une forme ou sous une autre, au cours des années précédentes.
Le déclenchement de la guerre de Corée provoqua une vague
d'achats spéculatifs. Les prix s'élevèrent de façon
alarmante : cours en dollars de certaines matières premières
essentielles doubla pratiquement en 6 mois. Il fallait évidemment agir si l'on voulait enrayer l'aggravation de la situation économique et permettre ainsi au réarmement de s'effectuer de façon satisfaisante. En octobre 1950, le Conseil des Suppléants chargea un groupe de travail d'analyser les répercussions de l'effort de défense sur l'économie des pays de l'OTAN au cours de la période de trois ans juillet 1951 - juillet 1954, d'évaluer la part de ressources économiques que chacun d'eux pouvait consacrer à la défense, enfin de formuler les principes généraux d'une répartition équitable des charges militaires. En outre, le Conseil des Suppléants faisait étudier par un organisme consultatif la situation des matières premières et invitait le Groupe Permanent à lui soumettre une évaluation détaillée des dépenses qu'impliquait l'exécution du Plan de Défense à Moyen Terme. A la fin de cette même année, le Conseil institua un Bureau de Production de Défense, responsable devant le Conseil des Suppléants et qui remplaça le Comité Militaire de Production et ses organismes subordonnés. (2) Le 26 février 1951, le Suppléant français, M. Hervé Alphand attira une fois de plus l'attention de ses collègues sur 'la détérioration constante du système économique occidental' qui portait atteinte à la cohésion et à la force de résistance de l'Europe. Il signalait que 'les prévisions budgétaires faites en vue d'un programme de réarmement déterminé étaient définitivement faussées par la hausse des prix, si bien que, dans certains cas, l'exécution même de ces programmes pourrait se trouver remise en question'. Il ajouta que le Conseil de l'Atlantique Nord avait, dans ce domaine, des responsabilités résultant de l'Article 2 du Traité et il proposa de 'recommander et de contrôler les mesures à prendre en vue, non seulement de la sécurité, mais aussi de réquilibre économique du monde atlantique". La réorganisation de 1951II apparaissait de plus en plus que les problèmes politiques, militaires et financiers ne pouvaient pas être examinés séparément par différents comités de ministres et que pour accroître son efficacité, l'OTAN devait être organisée de façon plus coordonnée et plus simple. A la suite d'une proposition canadienne, il fut donc décidé (et annoncé le 3 mai 1951) que le Conseil de l'Atlantique Nord, composé à l'origine des ministres des Affaires Etrangères des pays membres, comprendrait également le Comité de Défense et le Comité de Défense Economique et Financier et qu'il deviendrait ainsi 'le seul organisme ministériel de l'Organisation auquel il appartiendrait d'examiner toutes les questions relatives à l'application des dispositions du Traité'. Le Conseil serait composé des ministres des Affaires Etrangères, de la Défense ou des Finances - ou des uns et des autres si les gouvernements le jugeaient utile. Il serait ainsi un conseil de gouvernements et non pas seulement un conseil de ministres. La situation des Suppléants fut également renforcée: au lieu d'être les 'suppléants' des seuls ministres des Affaires Etrangères, ils représenteraient désormais tous les ministres de leur gouvernement s'occupant des affaires de l'OTAN. Le Conseil des Suppléants devenait ainsi 'l'organisme de travail permanent du Conseil de l'Atlantique Nord'. Un secrétariat international, rémunéré sur un budget auquel contribueraient tous les Etats membres, fut créé et placé sous la direction du président des Suppléants, M. Charles M. Spofford. Un nouvel organisme, le Bureau Economique et Financier, responsable devant les Suppléants, fut établi à Paris et remplaça tous les comités et groupes de l'OTAN travaillant dans le même domaine. Organisation du CommandementLe Conseil des Suppléants et ses organismes subsidiaires accomplirent un travail considérable au cours du printemps et de l'été de 1951. C'est ainsi que les Suppléants menèrent à bonne fin les négociations relatives à une 'Convention entre les Etats parties au Traité de l'Atlantique Nord sur le Statut de leurs Forces', déterminant le statut juridique des officiers et des soldats d'un pays membre appelés à servir sous commandement OTAN sur le territoire d'un autre pays membre. Cette Convention fut signée le 19 juin 1951.(3) Un accord similaire sur le statut du personnel civil: 'Convention sur le Statut de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, des représentants nationaux et du personnel international'fut négocié et signé en septembre 1951. (4) Les Suppléants devaient également régler une autre question importante: celle des modalités de financement des quartiers généraux internationaux par les pays membres. En août 1951, ils se mirent d'accord sur une formule de partage des dépenses pour le financement du SHAPE et de ses quartiers généraux subordonnés. Pendant la même période, la question du financement international des travaux d'infrastructure, dont le SHAPE avait un urgent besoin, fit l'objet de discussions prolongées et laborieuses, mais qui n'aboutirent pas. (5) Tous ces problèmes soulevaient des questions politiques et financières d'une portée considérable. En fait, ils permirent de mesurer jusqu'au les membres de l'Alliance étaient disposés à aller dans la voie de l'action et de la responsabilité collectives. La conference d'OttawaEn septembre 1951, le Conseil Atlantique se réunit à Ottawa. Les ministres des Affaires Etrangères, de la Défense et des Finances, siégeant ensemble pour la première fois, examinèrent les rapports du Conseil des Suppléants, du Bureau de Production de Défense (6), du Bureau Economique et Financier et du Comité Militaire (auquel était joint un rapport du Général Eisenhower). Ces divers documents, comme le déclara M. Spofford dans un rapport personnel au Conseil, appelaient l'attention sur 'les tâches les plus urgentes qui confronteraient l'OTAN si l'on voulait transformer le travail de planification en une uvre de défense collective efficace'. Tous mettaient l'accent sur le fait que chaque organisme OTAN continuait d'être gêné dans son travail par l'insuffisance des renseignements qu'il recevait des autres. Il était clair qu'une nouvelle réorganisation de l'OTAN s'imposait. Le rapport du Comité Militaire indiquait que le total des contributions offertes pour la défense par les gouvernements membres n'atteignait pas le niveau des forces et du matériel que les autorités militaires considéraient comme indispensable à la défense de la région de l'Atlantique Nord. Il réclamait donc instamment un accroissement de ces contributions en vue de combler la différence. En appuyant cette demande, le Général Eisenhower déclarait que l'effort militaire 'est si étroitement mêlé aux questions sociales, financières et économiques qu'il est souvent impossible et même complètement illusoire de travailler dans l'un de ces domaines sans se préoccuper des autres'. Le rapport intérimaire du Bureau de Production de Défense attirait l'attention sur la situation des pays OTAN de l'Europe continentale et soulignait que, bien qu'il existât de graves déficits en matériel militaire, ces pays disposaient d'une importante capacité industrielle inutilisée. L'obstacle majeur à l'établissement d'un programme de production était l'impossibilité d'obtenir des gouvernements qu'ils s'engageassent à fournir les fonds nécessaires. Le Bureau Economique et Financier présenta un rapport intérimaire qui contenait la première analyse systématique des problèmes économiques et financiers soulevés par les programmes nationaux de défense. Ce rapport examinait par quels moyens pourrait être réalisée une répartition 'équitable' des charges de défense entre les pays membres - question qui avait été fréquemment débattue au sein de l'OTAN au cours de l'année précédente. Il soulignait la difficulté d'arriver à une formule simple, qui fût acceptable pour tous - les facteurs complexes qui déterminaient la capacité de chaque pays de participer à la défense ne pouvant être exprimés en termes d'une précision mathématique. Quant à la tâche essentielle consistant à évaluer dans quelles proportions l'effort global de l'OTAN devait être accru, le Bureau Economique et Financier faisait ressortir qu'il lui était impossible de formuler des conclusions définitives en l'absence de directives militaires précises. Jusqu'alors, le plan de défense commune n'avait pas été mis au point dans le détail: les experts procédaient à l'évaluation approximative des dépenses qu'il entraînerait et les gouvernements refusaient de s'engager à effectuer des dépenses supplémentaires avant de connaître le total des sacrifices qui leur seraient demandés. Fait plus important encore, l'exécution des programmes de défense déjà en cours représentait pour de nombreux pays une charge économique considérable. Le Bureau Economique et Financier recommandait vivement d'attendre, pour prendre une décision définitive sur l'importance des charges militaires, qu'on ait procédé à une comparaison minutieuse des risques économiques qui résulteraient de leur augmentation, et des risques militaires auxquels on s'exposerait si on ne les augmentait pas. C'était là une tâche qui n'était ni du ressort ni de la compétence du Bureau Economique et Financier. Il convient de rappeler que le Bureau de Production de
Défense et le Bureau Economique et Financier n'avaient que quelques
mois d'existence. Il est remarquable qu'ils aient si rapidement mené
à bien l'analyse de ces questions. La mission du Comité Temporaire du ConseilLorsque les ministres terminèrent leurs entretiens d'Ottawa, ils laissèrent au TCC la tâche gigantesque de rompre le 'cercle vicieux' des problèmes qui, jusqu'alors, avaient empêché l'OTAN d'élaborer un plan complet et acceptable de mise sur pied des forces et de production de défense. Le Comité Temporaire du Conseil, qui se réunit à Paris au début d'octobre 1951, était composé de représentants des douze pays membres et était placé sous la présidence de M. Averell Harriman (Etats-Unis). Il décida toutefois de confier son travail d'analyse à un bureau exécutif composé de trois membres: M. Averell Harriman, M. Jean Monnet (France) et Sir Edwin Plowden (Royaume-Uni). Ces trois hommes, qui s'étaient déjà acquis une réputation internationale pour leur expérience en matière de planning économique, furent surnommés 'les Trois Sages'. Le Comité se mit rapidement à l'uvre. Un secrétariat international, composé de membres de tous les organismes de l'OTAN et des délégations nationales, fut établi à Paris. Des questionnaires furent adressés aux pays membres, leur demandant de fournir à très bref délai des renseignements détaillés sur leurs programmes militaires pour les trois prochaines années et sur les ressources économiques qu'ils pourraient consacrer à leur exécution. Le TCC désirait connaître les effectifs d'activé et de réserve que les pays de l'OTAN se proposaient de mettre sur pied, l'état d'entraînement de ces troupes, les types d'équipement dont les pays disposeraient pour leur production d'armement et comment ils projetaient de les utiliser. Il leur posa d'autres questions concernant le coût de leurs programmes de défense, les répercussions de ces programmes sur tous les secteurs de l'économie, ainsi que les mesures prévues pour y remédier. Il leur demanda enfin de suggérer les mesures supplémentaires que les pays membres pourraient prendre conjointement pour renforcer leurs économies nationales. A mesure que les réponses parvenaient au Comité Temporaire du Conseil, elles étaient analysées par des comités d'experts, travaillant sous la direction du bureau exécutif. La création d'un Comité de Sélection et d'Evaluation constitua à cet égard une innovation importante. Ce comité, dirigé par le Général McNarney (Etats-Unis) fut chargé de passer au crible les programmes de défense de chaque pays, en consultation avec ses représentants militaires, et de recommander des modifications visant à en éliminer les chapitres superflus et à concentrer les efforts sur ceux qui semblaient devoir produire les résultats les plus utiles. Pendant ce temps, le bureau exécutif consultait les autorités militaires de l'OTAN et se faisait une opinion sur le plan d'ensemble qui était nécessaire pour faire face à la menace militaire. Ces travaux préliminaires une fois achevés,
les Trois Sages conférèrent avec les représentants
de chacun des gouvernements membres. La politique de défense
La conférence de RomeLe Conseil tint sa huitième session à Rome entre le 24 et le 28 novembre 1951, pour prendre connaissance des rapports d'activité sur le programme d'action lancé à Ottawa et pour ouvrir la voie aux décisions définitives qui devaient être prises à Lisbonne au cours de la session suivante. La Conférence sur l'organisation de la Communauté Européenne de Défense, réunie à Paris par le gouvernement français, avait réalisé en novembre 1951 certains progrès dans la préparation d'un projet de traité. Le Conseil décida de charger les Suppléants d'examiner ce projet et de lui présenter, à sa prochaine session, des recommandations sur les relations qui devraient s'établir entre l'OTAN et la CED. De son côté, le Comité Militaire rendit
compte au Conseil de l'état de préparation et d'efficacité
des forces affectées ou réservées pour affectation
aux Commandements OTAN. Le Général Eisenhower, Commandant
Suprême des Forces Alliées en Europe et le Général
Gruenther, son Chef d'état-major, firent le point de la situation
militaire en Europe occidentale à la lumière des manuvres
combinées qui s'étaient déroulées au cours
de l'automne. Le rapport du Comité Temporaire du ConseilLe 18 décembre 1951, le TCC communiquait son rapport définitif aux gouvernements des Etats membres. Selon les termes employés par son président, M. Harriman, ce rapport constituait 'la première étude d'ensemble sur les moyens d'utiliser au mieux, en temps de paix, les ressources des pays membres dans l'intérêt de la sécurité commune... Le TCC a procédé à une évaluation de la situation actuelle de la défense atlantique. Il a déterminé quelles forces maxima pourraient être mises sur pied dans un avenir prochain; il a également étudié les mesures à prendre pour le développement ultérieur de l'effort de défense. Des propositions précises concernant les objectifs et les normes prévus pour les forces armées ont été préparées par le Comité: elles constituent des objectifs fermes pour l'année à venir et des objectifs et directives provisoires pour les années suivantes'. Le rapport se fondait sur l'étude du programme de défense de chaque pays : il présentait des propositions visant à l'amélioration de ces programmes, compte tenu de l'évaluation des possibilités de chaque pays par le TCC. Voici ce que déclarait ce document sur le niveau de défense convenant à chaque pays : 'L'évaluation en question tient compte du fait évident qu'il importe que les contributions à la défense commune soient équitablement réparties entre les pays membres ; ceci permet de penser que, toutes choses égales d'ailleurs, plus le revenu national d'un pays - ou bien l'accroissement possible de ce revenu - est élevé, plus la proportion du revenu national consacrée à la défense peut être importante. Les obstacles précis qui limitent l'effort de chaque pays et la mesure dans laquelle ils pourraient être surmontés par des mesures adéquates, tant sur le plan national que sur le plan international, ont fait l'objet d'un examen approfondi'. Le rapport réaffirmait ce principe fondamental du Pacte Atlantique selon lequel l'effort de défense doit reposer sur des bases économiques et sociales saines. Il recommandait aux pays certaines mesures individuelles ou collectives destinées à résoudre les problèmes nés de l'inflation, du manque de dollars, de la pénurie de matières premières et des excédents de population. Parmi les solutions qu'il proposait pour remédier aux difficultés de la balance des paiements, le rapport accordait une place particulière au programme d'achats 'offshore' (dont l'exécution n'avait pas encore commencé), à la participation des Etats-Unis à l'infrastructure commune et à d'autres dépenses militaires à effectuer par les pays d'Amériqne du Nord en Europe. Ces dernières recommandations sont d'un grand intérêt si l'on songe que ces dépenses devaient par la suite aider considérablement plusieurs pays membres à résoudre leur problème dollar. (10) Le TCC souligna également que les organismes de l'OTAN devaient être renforcés et leurs travaux coordonnés. Il recommanda que l'OTAN effectuât périodiquement, dans le cadre de ses activités normales, une étude analogue à celle qu'il avait lui-même entreprise afin d'assurer une appréciation continue des programmes de défense à la lumière de la situation politique et économique. Telle fut l'origine de ce que nous appelons aujourd'hui l'Examen Annuel'. (11) La décision prise par le Conseil à Ottawa de créer le TCC se trouvait pleinement justifiée. Lorsque celui-ci se fut acquitté de la mission qui lui avait été confiée (c'est-à-dire au moment de la session du Conseil à Lisbonne), les autorités militaires furent saisies d'un plan leur indiquant ce qu'elles pouvaient attendre des pays membres au cours des trois années à venir. II représentait moins que ce qu'elles eussent souhaité, mais plus que ce qui leur avait été précédemment offert : le TCC estimait en effet que la plupart des pays membres pouvaient fournir un effort de défense légèrement supérieur à celui qu'ils avaient respectivement prévu. La vérité nous oblige à dire que les pays membres ne furent pas tous entièrement satisfaits des conclusions du TCC. En outre, certains gouvernements estimèrent que les possibilités des membres les plus importants de l'Alliance dans le domaine de la défense n'avaient pas été suffisamment explorées. Depuis lors, les programmes de défense de l'OTAN
ont été modifiés, mais ce fait n'enlève
rien à la valeur des conclusions du TCC. Des changements se sont
produits sur la scène internationale et certaines conditions
préalables dont dépendait le succès du programme
du Comité Temporaire du Conseil - telles que le maintien à
une certaine cadence de l'expansion économique des pays du monde
libre - ne se sont pas réalisées. Le Comité avait
prévu ces modifications lorsqu'il avait insisté sur la
nécessité de laisser une certaine souplesse aux objectifs
à long terme et de réviser constamment ses propositions.
Tout compte fait, le Général Eisenhower n'exagérait
pas lorsqu'il décrivait les travaux du. Comité Temporaire
du Conseil comme une 'uvre véritablement monumentale'.
Le Comité s'était acquitté brillamment d'une opération
indispensable et urgente. |La conférence de LisbonneLe 20 février 1952, le Conseil de l'Atlantique Nord se réunit à Lisbonne. Etant donné la masse imposante de travail préparatoire qui avait été accompli, son ordre du jour était très chargé. Les décisions prises à Lisbonne par le Conseil ont fait de cette session une étape décisive dans l'histoire de l'OTAN. Le point principal de l'ordre du jour était l'analyse
coordonnée des plans de défense de l'OTAN'. Les gouvernements
avaient eu le temps de présenter leurs observations sur le rapport
du TCC et leurs commentaires étaient étudiés dans
un rapport supplémentaire de ce Comité. Le Conseil adopta
les objectifs militaires proposés dans le rapport: objectifs
fermes pour 1952, provisoires pour 1953 et 1954. Les gouvernements membres
s'engagèrent à fournir environ 50 divisions, 4.000 avions
et 'd'importantes forces navales' pour la fin de 1952. Parmi les autres questions examinées par les ministres à Lisbonne, citons celle du financement de la troisième 'tranche' du programme d'infrastructure de l'OTAN (13) . Le Conseil étudia également le rapport du Comité de la Communauté Atlantique. Ce document, qui couvrait un domaine allant de la consultation politique à la libération des échanges et de la mobilité de la main-d'uvre aux relations culturelles, ne prétendait pas constituer un plan concret d'action pour l'OTAN; mais il se révéla fort utile en ce sens qu'il aida à circonscrire les problèmes sur lesquels l'Alliance devrait porter son attention à l'avenir. (14) Enfin, et cette décision est une des plus importantes, le Conseil, se fondant sur un rapport des Suppléants et sur les suggestions du TCC, décida de modifier radicalement la structure des organismes civils de l'OTAN. Désormais, le Conseil siégerait en permanence à Paris. Il serait assisté d'un Secrétaire Général et d'un personnel international qui grouperait tous les organismes civils existants. Nous verrons au chapitre suivant comment s'effectua cette réorganisation et quelle fut la structure adoptée. La fin d'une périodeLes responsabilités de plus en plus grandes assignées à l'OTAN par les gouvernements membres rendaient nécessaires une centralisation et une simplification des organismes civils, qui étaient encore trop complexes et trop dispersés malgré le degré de coordination déjà réalisé par les Suppléants. Ceux-ci s'étaient remarquablement acquittés de leur tâche et leurs plus grands succès avaient été d'ordre politique: ce furent eux qui pratiquèrent et développèrent chaque jour ce qu'on pourrait appeler la 'méthode OTAN' - c'est-à-dire la technique par laquelle les représentants de douze (et plus tard de quatorze) gouvernements souverains sont parvenus à des accords unanimes sans recourir à des votes en due forme. En appelant l'attention de leurs gouvernements sur l'opinion qui prévalait au sein de l'OTAN, les Suppléants permirent d'arriver à des vues communes sur tel ou tel problème, vues auxquelles, en règle générale, le Conseil donnait ensuite son assentiment. C'est en grande partie grâce aux Suppléants que purent être surmontées, par exemple, les hésitations Scandinaves au sujet de l'inclusion de la Grèce et de la Turquie ; ce sont eux qui contribuèrent le plus à réaliser l'accord sur le principe d'une contribution allemande à la défense de la région de l'Atlantique Nord et ce sont eux aussi qui parvinrent à un accord sur le financement des organismes civils et militaires de l'OTAN par les gouvernements membres. De la position centrale qu'ils occupaient en tant qu'organisme
politique permanent, les Suppléants avaient une vue d'ensemble
de l'OTAN, dont ils saisissaient tous les aspects. Nous devons rendre
hommage à leur président, M. Spof-ford, qui s'est acquitté
avec tant de tact et de compétence d'un rôle parfois difficile,
du fait qu'il n'était pas seulement président d'un organisme
international mais aussi le chef de la délégation des
Etats-Unis. L'OTAN le vit partir avec regret; mais l'OTAN eut également
cette chance qu'un grand nombre d'autres Suppléants, possédant
une connaissance approfondie des problèmes de l'Alliance, furent
mis à sa disposition par leurs gouvernements pour remplir les
fonctions de représentants permanents au sein du nouveau Conseil
qui allait siéger à Paris. (15) Notes:
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