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Mise à jour: 04-Sep-2001 OTAN les cinq premières années 1949-1954


 

 

Partie 1
Chapitre 3


par Lord Ismay

Secrétaire général
de l'OTAN


(1952 - 1957)

 

Premières décisions

Les gouvernements des pays membres avaient contracté, aux termes du Traité de l'Atlantique Nord, des obligations collectives qui appelaient une action immédiate et continue. Leur première tâche consistait donc à mettre au point et à instituer le mécanisme collectif qui leur permettrait de remplir ces obligations - tâche à laquelle ils étaient d'ailleurs expressément tenus par l'Article 9 du Traité. Deux jours avant la signature de celui-ci, un groupe de travail avait été créé en vue de formuler des recommandations quant aux organismes à établir et aux méthodes à adopter pour élaborer un plan commun de défense permettant d'assurer la protection de la région de l'Atlantique Nord.

Cependant, il était déjà apparu clairement, comme nous l'avons vu au Chapitre I, que les pays d'Europe seraient dans l'impossibilité de remplir leur rôle sans l'aide de l'Amérique, et que, si cette aide n'était pas assurée, tous les plans communs de défense seraient illusoires.

Le programme d'aide militaire pour la défense mutuelle

Le 5 avril 1949, lendemain de la signature du Pacte Atlantique, les cinq puissances du Traité de Bruxelles adressèrent à Washington une demande officielle d'aide militaire et financière. Des demandes semblables furent remises par le Danemark, l'Italie et la Norvège.

Le gouvernement des Etats-Unis s'attaqua immédiatement au problème. En quelques semaines, il prépara un programme global d'aide militaire aux pays dont l'indépendance et la liberté étaient menacées. Le programme s'élevait à 1.450 millions de dollars pour l'exercice financier 1950, dont environ 1.130 millions de dollars (chiffre qui fut ensuite ramené à un milliard de dollars) étaient destinés aux pays européens de l'OTAN.

Le 27 avril 1949, le Secrétaire d'Etat, M. Acheson, définit avec netteté l'attitude de l'Administration des Etats-Unis à l'égard de l'aide mutuelle. S'adressant à la Commission sénatoriale des Affaires Etrangères, il déclara:

'... l'Article 3 (du Traité de l'Atlantique Nord) n'engage pas les Etats-Unis à souscrire au programme d'aide militaire qui vous est présenté, ni à aucun autre programme. Mais il les oblige à appliquer le principe de l'effort individuel et de l'assistance mutuelle. Selon ce principe, chaque Partie au Pacte a le devoir de déterminer en toute loyauté ce qu'elle peut et ce qu'elle doit faire pour développer et maintenir sa propre capacité de résistance et pour venir en aide aux autres. L'Exécutif du présent gouvernement estime que les Etats-Unis peuvent et doivent fournir une assistance militaire aux autres pays signataires du Pacte pour les aider à assurer leur sécurité collective.'

Le 25 juillet 1949, aussitôt après avoir signé la loi portant ratification du Traité de l'Atlantique Nord, le Président Truman présenta au Congrès le programme d'aide militaire. Le 28 juillet, M. Acheson déclarait devant la Commission des Affaires Etrangères de la Chambre des Représentants que l'aide militaire était 'd'une nécessité extrêmement urgente'. Il soulignait que ce programme d'un an ne représentait pas plus d'un cinquième des dépenses militaires que les nations bénéficiaires avaient déjà engagées pour leur propre défense et pour leur défense mutuelle.

Le lendemain, le Général Omar N. Bradiey, Chef de l'Etat-Major Général de l'Armée, souligna également l'urgence du programme d'aide militaire. Le 10 août 1949, il déclara que, durant un voyage en Europe, les Chefs d'Etat-Major américains avaient étudié la façon dont l'Union Occidentale concevait sa défense et l'avaient trouvée 'conforme à leur propre conception stratégique'.

Au cours de l'été, des amendements à la loi d'aide militaire furent proposés au sein des commissions sénatoriales. Les sénateurs Vandenberg et Dulles en présentèrent sept qui étaient destinés à 'faire ressortir nettement la prééminence du Traité de l'Atlantique Nord". Au nombre des amendements acceptés par les commissions, il en était un qui stipulait que les pays bénéficiaires de l'aide militaire des Etats-Unis devraient utiliser les armements fournis à ce titre pour renforcer la défense commune de la zone de l'Atlantique Nord, conformément aux plans de défense qui seraient élaborés en vertu des dispositions du Traité. Un autre amendement autorisait le Congrès à mettre fin au programme par un vote des deux Chambres à la majorité simple; un pouvoir semblable avait déjà été accordé au Président. D'autre part, autorisation fut donnée au Président, ou au Congrès, de 'récupérer ou de conserver'1 les armes destinées aux pays de l'OTAN si elles cessaient d'être nécessaires aux termes du Traité.

La Loi d'Aide Militaire pour la Défense Mutuelle fut signée par le Président Truman le 6 octobre 1949 - deux semaines seulement après qu'il eût été révélé publiquement qu'une première explosion atomique avait été décelée en URSS. Le 7 octobre, M. Truman nomma un directeur du programme d'aide militaire et, le mois suivant, le Département de la Défense américain créa un Bureau d'Assistance Mutuelle chargé de coordonner l'aide en matériel militaire accordée aux pays signataires du Traité. Le 27 janvier 1950, des accords bilatéraux mettant en œuvre le programme d'aide militaire furent signés à Washington entre les Etats-Unis et les huit pays européens de l'OTAN qui avaient demandé cette aide. Le 8 mars, le porte-avions français 'Dixmude' quitta Norfolk, en Virginie, avec un chargement de 'Hellcat' et d'autres chasseurs et bombardiers américains pour l'aéronavale. Il emportait la première cargaison de matériel à destination de l'Europe.

Première Session du Conseil

Examinons maintenant les débuts de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord. Le rapport du groupe de travail mentionné au début de ce chapitre fut examiné par le Conseil Atlantique à sa première session à Washington le 17 septembre 1949. Les principales décisions du Conseil peuvent être résumées ainsi:

1. le Conseil serait normalement composé des ministres des Affaires Etrangères des pays membres ;
2. le Conseil se réunirait en session ordinaire une fois par an et chaque fois que cela serait jugé désirable ; des sessions extraordinaires pourraient être organisées en vertu des Articles 4 et 5 du Traité, à la demande de toute Partie invoquant l'un de ces articles;
3. le Secrétaire d'Etat américain, M. Dean Acheson, serait le premier président du Conseil; la présidence serait ensuite détenue à tour de rôle et pour un an par les ministres des Affaires Etrangères des pays membres, selon l'ordre alphabétique dans la langue anglaise;(1)
4. l'anglais et le français seraient les deux langues officielles de l'Organisation;
5. un Comité de Défense serait créé. Il serait composé normalement des ministres de la Défense des pays membres, et serait chargé de l'établissement des plans unifiés de défense pour la région de l'Atlantique Nord. Il se réunirait au moins une fois par an, en un lieu fixé par le Président;
6. il était suggéré au Comité de Défense que l'organisation militaire comprenne un Comité Militaire (composé d'un représentant militaire de chacune des Parties, de préférence un chef d'Etat-Major) qui aurait notamment pour mission de fournir une ligne politique générale d'ordre militaire à son organisme exécutif, le Groupe Permanent, lequel serait composé d'un représentant de chacun des chefs d'Etat-Major des Etats-Unis, de la France et du Royaume-Uni et qui siégerait de façon permanente à Washington;
7. la création de cinq Groupes Stratégiques Régionaux était décidée, à savoir: le Groupe Stratégique Régional Nord-Europe (Danemark, Norvège et Royaume-Uni) ; le Groupe Stratégique Régional Ouest-Europe (Belgique, France, Luxembourg, Pays-Bas et Royaume-Uni) ;
le Groupe Stratégique Régional Sud-Europe - Méditerranée occidentale (France, Italie et Royaume-Uni); le Groupe Stratégique Régional Canada - Etats-Unis (Canada et Etats-Unis) et un Groupe Stratégique Régional de l'océan Atlantique Nord (composé de tous les Etats membres sauf l'Italie et le Luxembourg). Les Etats-Unis étaient priés et acceptèrent de 'participer activement à la mise au point des plans de défense appropriés' de tous les groupes. De même le Canada accepta de participer activement aux travaux du Groupe Ouest-Europe.

Ces Groupes Régionaux reçurent la mission d'élaborer et de recommander au Comité Militaire, par l'intermédiaire du Groupe Permanent, des plans de défense de leurs régions respectives.

Création d'organismes économiques et financiers

Au cours de cette première session, le Conseil reconnut la nécessité d'approfondir l'étude des questions de production et d'approvisionnement militaires, ainsi que des facteurs d'ordre économique et financier; à sa seconde session, qui se tint le 18 novembre 1949 à Washington, il décida de créer deux nouveaux organismes :

le Comité de Défense Economique et Financier et le Comité Militaire de Production.

Le Comité de Défense Economique et Financier devait, en principe, être composé des ministres des Finances des pays membres et exercer les fonctions suivantes :

1. mettre au point, en coopération avec le Comité Militaire (y compris le Groupe Permanent) et le Comité Militaire de Production, des directives générales en matières économique et financière pour les programmes de défense et de production militaire dont les pays signataires du Traité de l'Atlantique Nord devraient entreprendre la réalisation, tant collectivement qu'individuellement, dans le cadre des ressources financières et économiques disponibles ;

2. évaluer la répercussion dans les pays membres, sur le plan économique et financier, des principaux projets de défense formulés par le Comité Militaire de Production ou le Comité Militaire (y compris le Groupe Permanent); étudier également les disponibilités en matières premières, en matériel d'équipement, en main-d'œuvre; sur la base de ces évaluations, formuler des recommandations sur les mesures à prendre ;

3. recommander la conclusion d'accords financiers pour l'application des plans militaires de défense, et particulièrement d'accords financiers pour l'échange, entre les pays signataires du Traité de l'Atlantique Nord, d'équipement militaire, de stocks en surplus ou d'outillage et d'équipement pouvant être utilisés pour la production de matériels militaires;

4. étudier et recommander les mesures à prendre pour faire face au coût en devises étrangères des importations de matériel et d'équipement, en provenance de pays non membres, nécessaires aux programmes de défense élaborés conformément au Traité de l'Atlantique Nord;

5. examiner, lorsqu'il le jugerait souhaitable et opportun, des plans pour la mobilisation des ressources économiques et financières en période de crise.

De son côté, le Comité Militaire de Production était subordonné au Comité de Défense, il avait pour fonctions d'adresser à celui-ci des recommandations en vue d'accroître les approvisionnements disponibles, lorsque ceux-ci ne répondraient pas aux besoins, et d'accroître l'efficacité de la production militaire.

Le Comité de Défense Economique et Financier et le Comité Militaire de Production devaient tous deux être dotés de secrétariats permanents siégeant à Londres et composés de personnels qualifiés désignés par les pays intéressés.

Ainsi, l'OTAN disposait désormais d'un embryon d'organisation et d'un plan de travail. Néanmoins, et c'était bien naturel, la préparation de plans de défense collective par des Etats souverains utilisant des procédures, des définitions techniques, des langues et des monnaies différentes, s'avérait être un travail infiniment complexe. Il y avait une crise de croissance à surmonter: le progrès des travaux était lent.

L'accord sur un concept stratégique

Le 1er décembre 1949, le Comité de Défense réuni à Paris se mit d'accord sur un concept stratégique pour la 'défense intégrée de la zone de l'Atlantique Nord' et sur les méthodes à appliquer pour l'élaboration d'un programme de production et d'approvisionnement en armements et en équipement. Le Comité avait tenu compte des études menées en 1948 par l'Union Occidentale et plus tard par le Comité des Chefs d'Etats-Majors des Etats-Unis.
Le Conseil de l'Atlantique Nord, lors de sa troisième session à Washington le 6 janvier 1950, approuva les recommandations du Comité de Défense. Le Conseil soulignait que 'ces recommandations contenaient les principes de l'effort individuel et de l'aide mutuelle et fourniraient la base de la défense commune des Parties". Le 27 janvier, jour de la signature des accords bilatéraux sur l'aide militaire, le Président Truman approuva le 'plan de défense intégré' de la région de l'Atlantique Nord. (2)

Un nouveau pas en avant fut fait le 1er avril 1950, lorsque le Comité de Défense, réuni à La Haye, approuva l'avant-projet d'un plan de défense quadriennal détaillé (appelé plus tard 'Plan de Défense à Moyen Terme'), qu'avaient élaboré les Groupes Stratégiques Régionaux, le Groupe Permanent et le Comité Militaire. Au cours de cette réunion, il s'intéressa tout particulièrement au problème du financement de la production militaire et à celui de la standardisation du matériel.

Cependant, le Comité de Défense Economique et Financier avait abordé l'étude de plusieurs projets visant à:

  • obtenir des renseignements sur les dépenses de défense, actuelles et prévues, des pays membres ;
  • évaluer les ressources disponibles pour la production militaire et pour l'aide mutuelle ;
  • étudier les accords financiers à conclure pour les transferts de matériels et d'équipement militaires ;
  • mettre au point des formules permettant d'évaluer le coût de la défense.

Telle fut l'origine des discussions sur la constitution éventuelle d'un 'fonds commun' et sur une 'répartition des charges" équitable - questions qui devaient être maintes fois débattues par la suite.

Lorsque le Conseil se réunit à Londres le 15 mai 1950, il dut constater que la coordination entre les organismes militaires et civils de l'OTAN laissait grandement à désirer. Les autorités militaires attendaient du Comité de Défense Economique et Financier des renseignements sur les ressources qui pourraient être affectées à la réalisation du Plan de Défense à Moyen Terme. Ce plan supposait un niveau de forces très supérieur à celui que projetaient en fait les pays membres. Dans le même temps, le Comité de Défense Economique et Financier attendait des autorités militaires des renseignements sur l'ordre des priorités et, en particulier, sur le coût d'exécution du plan. Ces questions faisaient l'objet d'échanges de notes détaillées, mais sans grand résultat. Les ministres s'inquiétaient aussi des lourdes charges financières qu'impliquait la réalisation du Plan de Défense à Moyen Terme.(3)

Le Conseil des suppléants

Devant cette situation quelque peu confuse, le Conseil décida que le moment était venu de créer un organisme civil permanent qui serait chargé d'exécuter les directives des gouvernements membres de l'OTAN dans l'intervalle des sessions du Conseil de l'Atlantique Nord. E institua, en conséquence, le Conseil des Suppléants. Cet organisme siégerait en permanence à Londres et chaque gouvernement y serait représenté par un suppléant de son représentant au Conseil (c'est -à-dire de son ministre des Affaires Etrangères). Les Suppléants étaient invités à choisir l'un d'entre eux comme président permanent et à établir 'une organisation permanente appropriée composée de personnes hautement qualifiées désignées par les gouvernements signataires'. Le Conseil créa également un Bureau d'Etude des Transports Océaniques chargé de toutes les questions intéressant la marine marchande dans les plans de défense.

Le Conseil définit les nombreuses tâches des Suppléants et stipula que 'le problème des forces militaires appropriées et celui des crédits financiers nécessaires devraient être examinés non comme deux problèmes distincts mais comme un problème unique'. Le Conseil déclara également qu' 'à condition d'être utilisées et coordonnées de façon convenable, les ressources combinées des pays signataires du Traité de l'Atlantique Nord étaient suffisantes pour assurer le développement progressif et rapide d'une défense militaire adéquate, sans affecter les progrès dans le domaine économique et social de ces pays'. II pria instamment les gouvernements membres de 'concentrer leurs efforts sur la création de forces collectives équilibrées dans l'organisation progressive de la défense de la région de l'Atlantique Nord'.

Deux expressions appellent ici des éclaircissements et méritent d'être soulignées. Premièrement, l'expression 'forces collectives équilibrées" marque une étape nouvelle dans les conceptions de l'OTAN. Le but était d'édifier la défense commune selon le principe de l'utilisation la plus rationnelle et la plus efficace des efforts de chacun. Les doubles emplois et les chevauchements devaient être évités : un gouvernement ne devrait pas gaspiller ses crédits dans la construction de bateaux, par exemple, s'il se trouvait mieux outillé pour apporter, dans d'autres domaines, une contribution plus importante, également utile à la défense de la zone atlantique.

La seconde expression à noter - 'organisation progressive de la défense' - reflète la cadence assez lente du réarmement occidental durant cette période. Les pays de l'OTAN comptaient manifestement prendre leur temps pour reconstituer leurs forces armées et chacun d'eux, avant de décider d'appliquer des mesures coûteuses, voire assez impopulaires, avait tendance à 'attendre pour voir ce que ferait le voisin'.

La situation militaire en mai 1950

Faisons maintenant le point de la situation, un peu plus d'un an après la signature du Traité. Le Conseil, le Comité de Défense et le Comité de Défense Economique et Financier avaient tenu un certain nombre de sessions. Leurs organismes subsidiaires travaillaient sans relâche à résoudre les problèmes complexes et nouveaux qui se posaient à eux. Une expérience précieuse avait été acquise et une documentation utile avait été recueillie. L'habitude du travail en équipe se développait notablement. Jusque là, tout allait bien.
En revanche, dans le monde entier, la tension internationale ne s'était nullement relâchée et, en Europe, la situation militaire était lourde de danger. A l'ouest du rideau de fer, les membres de l'Alliance Atlantique ne disposaient que de 14 divisions sur le continent européen, et de moins de 1.000 avions. Ces divisions étaient de qualité inégale, aussi bien du point de vue de l'entraînement que de celui de l'équipement; certaines d'entre elles n'étaient pas à effectifs pleins. Elles ne relevaient pas d'une autorité unique et, en cas de guerre, la structure de leur commandement effectif aurait dû être improvisée à la hâte. De l'autre côté du rideau de fer, la Russie avait environ 25 divisions stationnées en dehors du territoire de l'Union Soviétique, soutenues par quelque 6.000 avions prêts à l'attaque - le tout placé sous un commandement centralisé; derrière ces unités soviétiques 'avancées' se trouvait la grande masse de l'Armée Rouge et de l'aviation.

Si ces chiffres suffisent à donner une image assez sombre de la situation des Occidentaux à cette époque, ils ne disent pas tout. Les forces alliées en Allemagne et en Autriche ne manquaient pas seulement de cohésion et d'unité de commandement: leur disposition avait été conçue pour des raisons de commodité, sans aucun souci de leur rôle opérationnel. Les trois zones - américaine, britannique, et française - de l'Allemagne occidentale ayant été délimitées en tant que zones d'occupation et non pas de défense, la ligne allant de l'Elbe à l'Autriche ne pouvait en aucune façon être considérée comme une ligne de défense. Un ou deux exemples illustreront ce fait: les troupes britanniques étaient ravitaillées par Hambourg, qui se trouve à une heure d'autoroute de Lubeck, laquelle est elle-même à dix minutes de la garnison russe. L'unique division blindée britannique était placée légèrement en retrait de sa base principale, et la division britannique d'infanterie était derrière la division blindée. Il est difficile d'imaginer un dispositif plus mal adapté aux opérations en cas d'agression. La disposition des forces américaines était tout aussi défectueuse : leur ligne de ravitaillement partait de Brème et traversait toute la zone britannique parallèlement à la direction probable d'une attaque éventuelle. Les forces françaises n'étaient, elles aussi, préparées qu'à une tâche d'administration des territoires allemands.

Ce dispositif peut rétrospectivement sembler extraordinaire mais, encore une fois, les forces maintenues en Allemagne par les démocraties occidentales après la victoire n'étaient nullement organisées pour des opérations de guerre. Dans un rapport aux gouvernements signataires du Traité de Bruxelles en date du 15 juin 1950, le Field Marshal Montgomery, président du Comité des Chefs d'Etat-Major de l'Union Occidentale, a dépeint la situation en termes frappants: 'En l'état actuel des choses et dans l'avenir prévisible', écrivait-il, 'si nous étions attaqués par les Russes, l'Europe occidentale serait le théâtre de scènes d'une effroyable et indescriptible confusion'.


Notes:

  1. Voir la liste des présidents du Conseil de l'Atlantique Nord au Chapitre VI, Annexe A, page 68.
  2. Le Congrès avait spécifié que, sur le milliard de dollars alloués aux pays de l'OTAN au titre de la Loi d'Aide Militaire pour la Défense Mutuelle en 1949, 900 millions de dollars ne pourraient être attribués qu'après approbation, par le Président, des recommandations relatives à la défense intégrée de la région de l'Atlantique Nord, qui seraient présentées par le Conseil de l'Atlantique Nord et par le Comité de Défense.
  3. Rappelons qu'un mois auparavant, le président du Conseil français, M. Georges Bidault, avait déclaré :
    '.. . je crois qu'il serait sage et opportun de créer un Haut Conseil Atlantique appelé à ordonner et à orienter les développements de la Communauté sur les deux plans qui sont inséparables : celui de la défense et celui de l'économie. ..'. Ces vues ne furent cependant pas discutées lors de la réunion du Conseil de l'Atlantique Nord.

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