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Mise à jour: 04-Sep-2001 OTAN les cinq premières années 1949-1954


 

 

Partie 1
Chapitre 2


par Lord Ismay

Secrétaire général
de l'OTAN


(1952 - 1957)

 

Le Traité de l'Atlantique Nord

Le Traité de l'Atlantique Nord (1) est un document succinct qui exprime la détermination des pays signataires et l'idéal qui les anime. Aux termes du Traité, les pays s'engagent, conformément à la Charte des Nations Unies, à maintenir la paix et la sécurité internationales et à développer la stabilité et le bien-être dans la région de l'Atlantique Nord.

Lien avec la Charte des Nations Unies

Le Traité s'inscrit dans le cadre de la Charte des Nations Unies et repose sur l'Article 51, Chapitre VII, qui stipule: 'Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre des Nations Unies est l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que le Conseil de Sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises par des membres dans l'exercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du Conseil de Sécurité et n'affectent en rien le pouvoir et le devoir qu'à le Conseil, en vertu de la présente Charte, d'agir à tout moment de la manière qu'il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales'.

L'Article 51 fut inclus dans la Charte sur la proposition des Etats-Unis qui souhaitaient y voir expressément mentionner le droit fondamental de légitime défense. Ce droit 'naturel" appartient à tous les Etats, qu'ils soient ou non membres des Nations Unies ; la notion a son importance étant donné que deux des pays de l'OTAN, l'Italie et le Portugal, ne font pas partie des Nations Unies. En outre, un des délégués des Etats-Unis à la conférence de San-Francisco, le sénateur Vandenberg, souligna qu'une communauté d'intérêts pouvait exister entre des pays qui n'étaient pas situés dans la même zone géographique et que la Charte devrait donc autoriser la constitution de telles communautés, même si elles ne répondaient pas rigoureusement à la définition des 'organismes régionaux" figurant à l'Article 53, Chapitre VIII, de la Charte.
Le fait de ne pas distinguer nettement entre les associations de pays unis par une communauté d'intérêts d'une part, et les associations régionales déterminées essentiellement par des considérations d'ordre géographique d'autre part, a suscité dans le passé de nombreux malentendus et provoque encore à l'heure actuelle une certaine confusion. La distinction est la suivante: d'après la Charte, les mesures de légitime défense prises par les Etats, soit individuellement soit collectivement, n'exigent pas l'autorisation préalable du Conseil de Sécurité alors qu'une telle autorisation est nécessaire pour l'application des mesures coercitives décidées par des organismes régionaux (envisagées par l'Article 53 du Chapitre VIII). Le Pacte Atlantique offre donc une garantie pour le cas où le Conseil de Sécurité se trouverait dans l'impossibilité d'agir mais il ne porte atteinte en aucune manière à l'autorité du Conseil. Il reconnaît expressément (dans son Article 7) 'la responsabilité primordiale du Conseil de Sécurité dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales'. D'autre part, l'Article 5 prévoit que les mesures prises par les pays de l'OTAN à la suite d'une attaque armée contre l'un ou plusieurs d'entre eux prendront fin 'quand le Conseil de Sécurité aura pris les mesures nécessaires pour rétablir et maintenir la paix et la sécurité internationales'.

Nous estimons inutile d'entrer, au cours de la présente étude, dans une analyse détaillée du Traité de l'Atlantique Nord. C'est là surtout l'affaire des spécialistes de droit international. En revanche, quelques observations sur la portée pratique des dispositions les plus importantes du Traité peuvent servir utilement d'introduction à l'histoire de l'OTAN.

La clause essentielle

Examinons tout d'abord l'Article 5 qui constitue l'article capital du Traité. Aux termes de cet article, 'les Parties conviennent qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles, survenant en Europe ou en Amérique du Nord, sera considérée comme une attaque dirigée contre tontes les Parties ; en conséquence, elles conviennent que si une telle attaque se produit, chacune d'elles... assistera la Partie ou les Parties ainsi attaquées en prenant aussitôt... telle action qu'elle jugera nécessaire, y compris l'emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l'Atlantique Nord'.

Ces phrases, pour être brèves et simples, n'en sont pas moins riches de sens. Elles avertissent clairement tout agresseur éventuel qu'une attaque de sa part se heurterait à la résistance commune de tous les Etats membres. Elles signifient que les Etats-Unis d'Amérique se sont départis en termes formels de leur attitude traditionnelle d'isolationnisme en temps de paix à l'égard des affaires européennes, et qu'ils ont lié leur sort à celui des pays libres d'Europe pour ce qui concerne la défense collective. L'Article 5 signifie en outre que certains pays d'Europe ont également renoncé à l'attitude qui, dans le passé, les avait conduits à s'abstenir jusqu'à la dernière minute de se lier à une politique de défense commune.

Aux termes de l'Article 5 du Traité, chaque Partie s'engage formellement à prendre, en cas d'attaque armée, individuellement et d'accord avec les autres Parties, telle action qu'elle jugera nécessaire - mais le soin est laissé à chaque Etat membre de déterminer la nature de cette action en tenant compte des divers éléments de la situation. Parlant devant le Sénat des Etats-Unis le 6 juillet 1949, le sénateur Vandenberg définissait ainsi cette obligation: 'Cet engagement apporte la certitude que toute Partie attaquée pourra compter sur des alliés sûrs qui feront tout ce qui sera en leur pouvoir, selon les formes constitutionnelles, et le plus rapidement possible, pour vaincre l'agresseur par tous les moyens jugés nécessaires'.

Aide et consultations mutuelles

Une promesse de solidarité en cas d'attaque armée ne saurait réellement décourager l'agression que si elle peut s'appuyer sur la force armée : d'où l'Article 3 du Traité, aux termes duquel 'les Parties, agissant individuellement et conjointement, d'une manière continue et effective, par le développement de leurs propres moyens et en se prêtant mutuellement assistance, maintiendront et accroîtront leur capacité individuelle et collective de résistance à une attaque armée".

L'expression 'en se prêtant mutuellement assistance' appelle quelques éclaircissements. Dans l'esprit des négociateurs du Traité, elle signifiait que chaque Etat devrait apporter, compte tenu de sa situation géographique, de ses ressources et de ses possibilités économiques, telle aide mutuelle qu'on pourrait raisonnablement attendre de lui, fournie de la manière la plus utile - par exemple, sous forme d'hommes, de moyens de production, d'installations logistiques ou de matériel militaire.

Il devait bientôt apparaître que la capacité collective de résistance à une attaque armée ne pourrait être développée efficacement que s'il existait une unité de commandement, des plans communs, une normalisation de l'entraînement et des méthodes et, autant que possible, une standardisation du matériel. C'est ainsi que, dès la fin de 1950, des Etats souverains devaient confier leurs forces à des chefs militaires internationaux secondés par des états-majors également internationaux. Jamais encore, dans l'histoire, l'organisation d'une alliance n'avait été poussée aussi loin en temps de paix.

Les garanties mutuelles prévues par les Articles 3 et 5 sont renforcées par l'Article 4, aux termes duquel les Parties s'engagent à se consulter chaque fois que, de l'avis de l'une d'elles, l'intégrité territoriale, l'indépendance politique ou la sécurité de l'une des Parties sera menacée. Cet article prévoit que les consultations interviendront avant qu'une attaque armée n'ait lieu. Il s'applique dans le cas où la sécurité d'un ou plusieurs des pays de l'OTAN est menacée.

La zone de l'OTAN

La zone de l'OTAN est définie dans l'Article 6 (amendé, après l'accession de la Grèce et de la Turquie à l'OTAN, par l'Article II du Protocole concernant ces deux pays). L'Article 5 prendrait effet en cas d'attaque armée:

1. 'contre le territoire de l'une des Parties en Europe ou en Amérique du Nord, contre les départements français d'Algérie, contre le territoire de la Turquie ou contre les Iles placées sous la juridiction de l'une des Parties dans la région de l'Atlantique Nord au nord du Tropique du Cancer;
2. contre les forces, navires ou aéronefs de l'une des Parties se trouvant sur ces territoires, ainsi qu'en toute autre région de l'Europe dans laquelle les forces d'occupation de l'une des Parties étaient stationnées à la date à laquelle le Traité est entré en vigueur, ou se trouvant sur la mer Méditerranée ou dans la région de l'Atlantique Nord au nord du Tropique du Cancer, ou au-dessus de ceux-ci'. Ainsi que nous l'avons déjà indiqué, l'OTAN n'est pas un organisme régional au sens strict du terme, et la zone de l'OTAN ne constitue pas un territoire géographiquement homogène; en effet, les pays qui en font partie ne sont pas tous riverains ou voisins de l'Atlantique Nord. Comme l'a écrit un des juristes qui ont étudié le Traité : 'Le caractère régional du Traité de l'Atlantique Nord, si tant est qu'il existe, réside davantage dans l'intérêt commun des Parties au maintien de la paix et de la sécurité dans une certaine zone, que dans le fait qu'elles possèdent des territoires dans une région donnée'. (2)

Clauses d'organisation

L'Article 9 porte création d'un mécanisme de planification de la défense commune, destiné également à permettre aux pays membres de remplir les obligations qui découlent du Traité. Cet article institue un Conseil de l'Atlantique Nord auquel chacune des Parties est représentée et qui doit être 'organisé de façon à pouvoir se réunir rapidement et à tout moment'; il est habilité à 'instituer les organismes subsidiaires" qui pourraient être nécessaires à l'application du Traité. En raison du caractère nouveau de l'entreprise et en l'absence de tout précédent, c'est peu à peu, et à la lumière de l'expérience, que les organismes de l'OTAN ont été mis en place.

L'Article 10 indique que l'OTAN n'est pas une alliance exclusive. II stipule en effet que tout Etat européen peut être invité à accéder au Traité si tous les membres reconnaissent que cet Etat peut contribuer à la sécurité de la région de l'Atlantique Nord. C'est en vertu de cet article que la Grèce et la Turquie ont été invitées en 1951 à se joindre à l'Alliance.

Les Articles 12 et 13 traitent de la durée du Pacte et des moyens de le réviser. En fait, le Traité de l'Atlantique Nord n'est pas conclu pour une durée déterminée, mais il est prévu qu'après vingt ans, c'est-à-dire en 1969, toute Partie pourra se retirer de l'Alliance sous réserve d'un préavis d'un an. Dans l'esprit des gouvernements signataires, le Traité devrait rester en vigueur aussi longtemps que son utilité se ferait sentir et la collaboration dans le domaine de la défense devrait conduire à une coopération durable dans des domaines plus vastes.

Objectifs généraux

On pourrait conclure de ce qui précède que le Traité est une alliance de caractère exclusivement militaire. Tel n'est pas le cas. S'il est vrai que le Traité est né d'un sentiment d'insécurité collective et que les efforts des puissances signataires se sont essentiellement portés jusqu'ici sur le renforcement de leur défense collective contre l'agression, le Préambule et les deux premiers articles expriment toutefois clairement la conviction des gouvernements des pays membres d'appartenir à une communauté de nations au sein de laquelle la coopération devrait régner dans tous les domaines et non pas seulement en matière de défense. Dans le Préambule, ces gouvernements affirment 'leur désir de vivre en paix avec tous les pays et tous les gouvernements', et dans l'Article 1 les Parties s'engagent à se conformer aux principes de la Charte des Nations Unies et à s'abstenir de recourir à l'emploi de la force de toute manière incompatible avec les buts des Nations Unies.

L'Article 2 proclame la volonté des Parties de renforcer leurs libres institutions et de développer les conditions propres à assurer 'la stabilité et le bien-être'. La paix n'est pas seulement l'absence de guerre: son maintien exige des gouvernements une coopération continue dans les domaines économique, social et culturel, aussi bien que militaire.
Certains gouvernements attachaient une grande importance à l'inclusion, dans le Pacte Atlantique, d'une clause positive de cet ordre. Dès le mois d'avril 1948, M. Saint-Laurent affirmait que 'le but d'une alliance nord-atlantique ne serait pas simplement négatif; elle créerait un contre-courant dynamique s'opposant au communisme - un centre dynamique d'attraction provenant d'une société libre, prospère et avide de progrès, par opposition à la société totalitaire et réactionnaire du monde communiste'.(3) Les mesures prises ou prévues pour l'application de l'Article 2 sont décrites au Chapitre XIV.

Conclusion

Lorsque, il y a cinq ans, les ministres des Affaires Etrangères des pays fondateurs de l'Alliance se réunirent à Washington pour signer le Traité de l'Atlantique Nord, ils inaugurèrent une expérience qui n'avait pas de précédent dans le domaine des relations internationales en temps de paix. Le Traité de l'Atlantique Nord est devenu le cadre de la défense commune de plus de 380 millions d'hommes, vivant des deux côtés de l'Atlantique. Ne sommes-nous pas en droit d'affirmer que, si un accord semblable avait existé en 1914 ou en 1939, l'histoire du vingtième siècle eût pris un autre cours et que le monde eût peut-être échappé au carnage et aux dévastations de deux guerres mondiales?


Notes:

  1. Voir le texte à l'Annexe A, page 18. Le Protocole additionnel au Traité relatif à l'accession de la Grèce et de la Turquie figure à l'Annexe B, page 21.
  2. Sir W. Eric Beckett : 'The North Atlantic Treaty, the Brussels Treaty and thé Charter of the United Nations' page 30.
  3. Canada, Débats à la Chambre des Conmmnes, 1948, IV, 3449.

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