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Mise à jour: 28-Mar-2001 OTAN les cinq premières années 1949-1954


 

 

Partie 3
Chapitre 13


par Lord Ismay

Secrétaire général
de l'OTAN


(1952 - 1957)

 

Plans pour une période de crise

Une grande partie de la présente étude a été consacrée aux mesures qui ont été prises, ou sont en voie de l'être, pour édifier la puissance armée de l'Alliance ; mais, comme l'expérience l'a cruellement démontré, la guerre moderne n'est pas seulement l'affaire des soldats, des marins et des aviateurs. Les armées ne sont que l'arête tranchante d'un mécanisme qui met en jeu toutes les branches de l'activité nationale. Si grandes que soient l'habileté des commandants, la vaillance des troupes, l'excellence de leur équipement, elles ne seront d'aucun secours si le front intérieur vient à s'effondrer.

Avant la première guerre mondiale, les gouvernements n'avaient pas à prendre, dès le temps de paix, de mesures de grande envergure pour assurer la stabilité du front intérieur. De nos jours, la guerre est devenue totale: le fait que les forces armées sont tributaires du maintien d'un niveau élevé de production industrielle, l'utilisation accrue des sous-marins et des mines, l'avènement de l'arme aérienne, la désorganisation des économies nationales sous l'effet des conflits armés, ont porté la guerre jusque dans le foyer et au lieu de travail de chacun. De plus, les pays belligérants étant tributaires des importations de produits alimentaires, d'essence et de matières premières, et nombre de ces produits étant souvent rares et d'un transport difficile en temps de guerre, les partenaires de toute alliance moderne sont tenus d'agir solidairement dans le domaine civil s'ils veulent répartir au mieux ces ressources afin d'assurer le ravitaillement de leur population et de poursuivre leur effort industriel.

Les membres de l'Alliance Atlantique se sont engagés à maintenir et à accroître 'leur capacité individuelle et collective de résistance à une attaque armée'. (1) II est évident qu'ils ne pourront remplir pleinement cet engagement que s'ils élaborent dès le temps de paix, individuellement et, au besoin, collectivement, des plans et des préparatifs pour protéger leur population civile et pour organiser ses activités en temps de guerre. Si le passage de l'état de paix à l'état de guerre s'effectue sans ordre, et sans une coordination suffisante entre les gouvernements, les populations civiles risqueront de manquer de vivres, leur confiance en leurs dirigeants sera ébranlée, la production d'armements sera entravée et la désorganisation du système économique pourra provoquer des troubles sociaux. Les attaques aériennes risqueront d'engendrer le chaos - et les pays dont le front intérieur ne pourra résister se trouveront en péril mortel.

C'est pourquoi il est du devoir des gouvernements d'élaborer des plans et des préparatifs destinés à surmonter les difficultés qui pourraient surgir dans le secteur civil en temps de guerre, et de faire en sorte que, parallèlement à la mise sur pied de leurs forces militaires, leur front intérieur soit prêt à toute éventualité.
Il est évidemment impossible d'établir à l'avance un plan minutieux englobant toutes les mesures qui devraient être prises dans le domaine civil, par l'OTAN en général et par chaque pays membre en particulier, dès l'ouverture d'un conflit. Néanmoins, il est du devoir du Conseil d'indiquer aux gouvernements les domaines dans lesquels des initiatives sont à la fois nécessaires et possibles et de leur présenter des recommandations reposant sur une conception claire et acceptée par tous des objectifs et des techniques qui doivent présider à la préparation du front civil.

Dans cette tâche, l'OTAN constitue un centre d'échanges de renseignements :
elle permet ainsi aux pays peu familiarisés avec l'organisation civile en temps de guerre de bénéficier de l'expérience des autres. Elle peut également apprécier si chaque pays membre fait vraiment dans ce domaine tous les efforts en son pouvoir et, dans la négative, elle peut l'inciter à les intensifier. Elle veille, en outre, à ce que les divers plans nationaux ne soient pas incompatibles et à ce qu'ils se renforcent les uns les antres.

On trouvera dans les paragraphes qui suivent un résumé des dispositions prises par l'OTAN en ce qui concerne notamment la protection civile, les réfugiés et évacués, les transports maritimes et intérieurs, et le problème des approvisionnements en temps de guerre.

L'expérience de la dernière guerre a démontré qu'une bonne organisation de la protection civile peut réduire considérablement les dommages matériels causés par les attaques aériennes et soutenir non seulement le moral des civils, mais aussi celui des combattants qui peuvent être inquiets du sort de leur famille.

Depuis lors, la bombe atomique et la bombe à hydrogène sont venues ajouter à l'effroyable puissance de destruction de l'arsenal des nations modernes et ont rendu plus nécessaires que jamais la protection et la défense des populations contre les attaques aériennes. Tout doit être mis en œuvre pour réduire au minimum le nombre des victimes et les destructions sans précédent que peuvent causer le souffle, l'éclair de chaleur, les radiations gamma et la radioactivité résiduelle d'un bombardement atomique.

Pour parer à ces dangers, les gouvernements doivent, longtemps à l'avance, construire des abris, former et entraîner des colonnes mobiles de protection, des équipes de lutte contre l'incendie, de sauvetage et de décontamination, et dresser les plans de leurs services médicaux et de leur ravitaillement de secours.
La plupart d'entre nous se rappellent aussi combien les opérations militaires de la dernière guerre ont été gênées, voire paralysées, par l'exode désordonné des civils frappés de panique devant l'avance ennemie. Les gouvernements doivent donc, en consultation avec les autorités militaires, élaborer des plans qui leur permettront de diriger les mouvements de toutes les populations civiles dans la zone des hostilités.

Il leur faut également se prémunir contre un autre danger: celui que représentent les activités de la cinquième colonne. En cas d'agression soviétique, ce danger serait peut-être plus grand encore qu'au cours de la deuxième guerre mondiale" Chaque pays possède des installations importantes telles que ponts, docks, usines de munitions, raffineries de pétrole, qui sont vulnérables au sabotage. Il est évident que celles qui sont vitales doivent être particulièrement protégées en temps de guerre et que les dispositions dans ce sens doivent être prises à l'avance. On pourrait citer une infinité d'autres problèmes de cet ordre, auxquels les gouvernements auraient à faire face au début d'un conflit. '

L'une des premières mesures prises par le Conseil après le transfert du siège de l'Organisation à Paris a été de créer un Comité de l'Organisation Civile en Temps de Guerre. A la suite d'études préliminaires, ce comité a donné la priorité à deux problèmes : la défense de la population civile, de ses foyers, de ses lieux de travail contre les attaques aériennes, et l'organisation des réfugiés et évacués. Un Comité de la Protection Civile et un Comité des Réfugiés et Evacués, tous deux composés d'experts en ces matières, furent chargés des travaux plus détaillés. De plus, un Comité Spécial de la protection civile a été créé afin de permettre aux experts des pays membres de l'OTAN de rencontrer ceux de la République Fédérale d'Allemagne pour procéder à des échanges de vues sur les questions de protection civile qui intéressent en commun ces différents pays. (2)

Les questions étudiées par le Comité de la Protection Civile sont les suivantes :
- systèmes d'alerte contre les attaques aériennes;
- protection contre les effets du souffle (en particulier du point de vue des abris)
- blackout et camouflage;
- protection contre les effets des bombes incendiaires ;
- précautions à prendre pour réduire le nombre des victimes et l'importance des dégâts matériels dans les zones industrielles;
- mesures de protection contre les gaz toxiques;
- dégagement des personnes bloquées, traitement et enlèvement des blessés;
- problèmes spéciaux résultant de l'emploi possible d'armes atomiques et radio-actives, en particulier : rayonnement calorifique, radio-activité et souffle atomique.

Les renseignements recueillis sont triés, mis en forme, et vont être communiqués aux gouvernements sous forme de manuels. L'OTAN a recruté deux experts en matière de protection civile qui se consacreront entièrement à ces questions et à d'autres problèmes du même ordre.

Dans ce domaine de la protection civile, l'OTAN a pour mission de veiller à ce que tous les gouvernements soient au courant des techniques les plus modernes de protection des populations civiles contre les attaques aériennes, de souligner les problèmes qui peuvent être résolus au mieux par une coopération mutuelle et par des accords entre pays voisins et de faire en sorte que les autorités civiles et militaires travaillent en étroite collaboration. Le Comité de la Protection Civile a constaté que dans certains pays les plans sont très avancés et que d'importantes mesures pratiques ont déjà été prises; ailleurs, au contraire, les difficultés financières et le manque de connaissances techniques et pratiques ont considérablement gêné la réalisation des préparatifs nécessaires.

Certaines des mesures préparatoires qui doivent être prises, telles que la construction d'abris anti-aériens, sont en effet très coûteuses et constituent une charge difficile à supporter pour un grand nombre de pays : ces travaux onéreux viennent en quelque sorte concurrencer l'effort militaire proprement dit. En revanche, il est de nombreuses mesures de protection civile qui peuvent être prises à très peu de frais, par exemple la formation d'équipes de secours, de lutte contre l'incendie et de guetteurs, l'établissement de listes des points d'adduction d'eau de secours etc. Toutes les mesures ont ceci en commun: elles ne peuvent pas être improvisées à la dernière minute.

Le Comité des Réfugiés et Evacués a déjà examiné, en étroite collaboration avec les autorités militaires, des questions telles que la création et l'organisation de zones sanitaires et de sécurité, conformément à la Convention de Genève; l'évacuation de certaines catégories de personnes hors de la zone de combat et d'opérations; l'installation temporaire, en temps de guerre, des réfugiés et évacués dans un pays étranger; la création de services spécialisés dans la préparation et la mise en œuvre de plans d'évacuation; le contrôle des déplacements massifs de populations fuyant la menace d'occupation ou de bombardement. Le Conseil formulera des recommandations tendant à coordonner l'action des gouvernements chaque fois que ce sera utile et possible.
Le Comité de l'Organisation Civile en temps de guerre n'a pas seulement élaboré des recommandations générales en partant des conclusions formulées par le Comité de la Protection Civile et par le Comité des Réfugiés et Evacués. Il a étudié également la protection des installations industrielles-clés, le contrôle des déplacements des civils en temps de guerre, et les mesures à prendre dès le déclenchement des hostilités à l'égard des navires et des avions ennemis se trouvant dans des ports ou sur des aérodromes OTAN. Ces études ne visent pas à élaborer des plans rigides, mais à informer les gouvernements des problèmes qui peuvent se poser et à leur suggérer les divers moyens de les résoudre.

Les Transports

En temps de guerre, c'est surtout aux combats que s'attache la pensée. On oublie trop souvent le rôle joué par le long réseau des voies de communications et par les systèmes complexes d'approvisionnement. Ceux-ci sont pourtant d'une importance capitale, en particulier dans une coalition dont les membres sont séparés par un océan. Comme l'a dit Sir Winston Churchill dans son livre 'The River War' (La Guerre du Fleuve) : 'si la victoire est cette fleur magnifique aux brûlantes couleurs, les transports en sont la tige, sans laquelle elle n'aurait jamais pu s'épanouir'. Aussi habile que soit la stratégie, aussi brillante que soit la tactique, rien n'est du moindre secours si les approvisionnements et les matériels n'arrivent pas en quantité suffisante au moment et au lieu où ils sont nécessaires.
Le Bureau d'Etude des Transports Océaniques

Le Conseil de l'Atlantique Nord s'est intéressé à ces questions peu après sa création. En mai 1950, il a institué un Bureau d'Etude des Transports Océaniques (PBOS) (3) auquel il donna pour tâche d'élaborer des plans destinés à assurer la meilleure utilisation possible du tonnage disponible en période de crise. Ce Bureau est le seul organisme civil de l'OTAN qui ait subsisté dans sa forme initiale après la réorganisation de Lisbonne. Même après le transfert à Paris du siège permanent du Conseil, le Bureau d'Etude a continué de fonctionner à Londres et à Washington. Son personnel - différent en ceci de celui des autres organismes de l'OTAN -ne constitue pas un secrétariat international rémunéré sur un budget international. Le travail est effectué principalement par un petit groupe de fonctionnaires britanniques et américains qui préparent les documents à soumettre à l'examen du PBOS, en coopération avec des experts en transports maritimes d'autres pays membres.

Le principe le plus important sur lequel les membres du Bureau d'Etude se soient mis d'accord est le suivant : pour réduire les effets d'une pénurie de tonnage au début d'une guerre, la quasi-totalité des navires marchands de haute mer battant pavillon des pays de l'OTAN devront être mis en commun et placés, aux fins de répartition, à la disposition d'un organisme interallié appelé Direction de Défense des Transports Maritimes. Cet organisme sera chargé de répartir les navires marchands de haute mer dans l'ensemble de la région contrôlée par les pays membres, leurs alliés ou leurs associés, ou par les pays entretenant avec eux des rapports amicaux.

Le Bureau d'Etude a arrêté les grandes lignes de l'organisation de cette Direction. Elle se composera d'un Conseil de Défense des Transports Maritimes et d'un Bureau Exécutif (DSEB -4-). Le premier sera surtout chargé de formuler, en matière de transports océaniques, des directives générales en harmonie avec la stratégie d'ensemble. Le second sera chargé de la gestion de ce 'pool' de navires, et comprendra, pour l'exécution de ses tâches courantes, deux sections - établies l'une à Washington, l'autre à Londres - auxquelles seront attachés des comités subordonnés.

Le Bureau d'Etude s'est mis d'accord sur l'organisation de ces sections et a décidé qu'elles devraient être mises en mesure de fonctionner suffisamment à l'avance pour que le Bureau Exécutif puisse travailler à plein dès l'ouverture d'hostilités éventuelles, ou après un délai aussi court que possible. A cette fin, des dispositions ont déjà été prises pour réunir le personnel-clé, qui compte des représentants des marines marchandes nationales des pays de l'OTAN.

En outre, les gouvernements des pays membres ont préparé à l'intention du Bureau d'Etude, des fiches individuelles indiquant les caractéristiques de tous leurs navires marchands de haute mer. Grâce à ces renseignements, la répartition du tonnage marchand pourrait, le cas échéant, s'effectuer sans retard.
La rotation des navires ne peut s'opérer rapidement que si les navires sont promptement chargés et déchargés dans des ports non congestionnés. A cet effet, des 'Chambres de Destination' ont été créées dans tous les pays d'Europe occidentale. Leur rôle, en cas de crise, serait de fixer les ports de destination des navires avant le départ des convois, et de détourner les navires vers d'autres ports si, pendant le trajet, le port désigné ne se trouvait plus en mesure de les recevoir. D importe également, en temps de guerre, d'être parfaitement renseigné sur les arrivées de bateaux si l'on veut que les moyens de transport par fer, par route ou par voie fluviale soient utilisés sans aucune perte de temps et de façon économique.

Le Bureau d'Etude a entrepris un examen statistique détaillé de l'utilisation actuelle des caboteurs et des bâtiments servant sur de petits parcours en Europe, ainsi que de leur utilisation éventuelle en temps de crise. Il étudie également les besoins en points de mouillage de secours pour ce type de navires.

Le Bureau d'Etude des Transports Intérieurs de Surface en Europe
La tâche qui consiste à assurer le ravitaillement de l'Europe occidentale ne se limite pas au transport des cargaisons à travers l'Atlantique. Il faut ensuite les acheminer jusqu'aux forces armées, aux usines, aux populations civiles. Pour cela, les routes doivent être maintenues en bon état, le matériel ferroviaire doit être suffisant et du type voulu, les installations portuaires doivent être capables de recevoir les quantités énormes de matériel militaire et d'approvisionnements civils qui y seront déchargées, des ports de secours doivent être prévus et aménagés. De plus, toutes ces installations doivent être protégées contre le sabotage et les attaques aériennes.

En juin 1952, la mission de coordonner en temps de crise l'utilisation des routes, des voies ferrées, des canaux et des ports d'Europe occidentale a été confiée par le Conseil au Bureau d'Etude des Transports Intérieurs de Surface en Europe (PBEIST) (5). Cet organisme se renseigne sur le volume des transports intérieurs de surface qui serait nécessaire pour répondre aux besoins civils et militaires en temps de guerre ; il compare ces besoins aux capacités actuelles des réseaux de transport. Il procédera ensuite à l'évaluation des déficits qui risqueraient de compromettre l'effort de défense de l'OTAN et il proposera les moyens d'y remédier chaque fois que possible.

Pour remplir sa tâche, le Bureau d'Etude a procédé de la façon suivante: en premier lieu, il a rassemblé des données sur la situation actuelle du réseau des transports dans la zone européenne de l'OTAN; en second lieu, il a étudié les organisations nationales des transports et élaboré la structure d'un organisme chargé de coordonner les transports entre les divers pays en temps de guerre. Le PBEIST a ainsi créé six groupes de travail chargés d'étudier respectivement les transports routiers, les transports par voie ferrée, les transports par voies navigables, les ports et les plages, l'organisation portuaire de secours et les transports intérieurs des produits pétroliers en vrac. Des sous-groupes militaires ont été établis (sur une base géographique correspondant aux zones relevant des Commandements Nord, Sud et Centre-Europe) ; ils ont été chargés d'étudier les questions de transports intérieurs de surface qui, sous l'angle opérationnel régional, sont particulièrement importantes du point de vue militaire.

Les groupes de travail ont dû examiner tout d'abord comment il serait possible, compte tenu des limites imposées par les réseaux de transport, de répondre dans les premiers mois d'une guerre aux besoins d'ordre militaire. Ils basèrent leurs études sur une évaluation hypothétique :

- du volume, de la nature et de la destination des produits à transporter ;
- des ports à utiliser pour les importations ;
- des dégâts qui pourraient être infligés aux ports et aux réseaux de
transports intérieurs.

Les groupes ont en outre étudié un grand nombre de questions techniques, telles que l'application des accords en matière de transports, l'entretien, la protection et la réparation du réseau de transports intérieurs.

Les transports intérieurs de surface ont évidemment évolué différemment dans chaque pays d'Europe tant du point de vue technique que du point de vue administratif; ils n'ont pas été conçus pour répondre aux besoins qui pourraient résulter du déclenchement d'opérations militaires en Europe occidentale. Le PBEIST et ses groupes de travail ont dû consacrer beaucoup de temps à rassembler des données et à discuter des modifications qu'il conviendrait d'apporter à l'organisation des transports dans chaque pays, et aux divers modes de transports, pour répondre aux lourdes exigences de la guerre moderne. Au fur et à mesure des progrès de ses travaux, le Bureau d'Etude présentera des recommandations concrètes au Conseil.

Pour établir les plans d'une organisation de secours, le PBEIST est parti du principe que les diverses formes de transports en temps de guerre varieront d'un pays à l'autre et que, de ce fait, il serait préférable que chaque pays OTAN continuât d'exercer directement son autorité sur son propre réseau de transports. Toutefois, une coordination efficace des transports entre les divers pays est essentielle pour assurer le maximum de souplesse au système d'ensemble et la meilleure utilisation des moyens de transports disponibles. Même quand les mouvements s'effectueront entièrement sur le territoire d'un seul pays, un certain degré de coordination sera nécessaire en raison de la répercussion indirecte de ces mouvements sur le trafic international et de leurs conséquences pour les autorités militaires.

Le PBEIST s'est donc efforcé de mettre au point des mesures qui permettront de combiner effectivement les plans de transport à court terme, sous contrôle national, avec le planning international à long terme. Le Conseil a approuvé, en 1954, le mandat d'un organisme chargé de la coordination internationale des transports intérieurs de surface pour la région Centre-Europe. Le PBEIST soumettra également au Conseil des propositions relatives à la coordination des transports pour les régions Nord et Sud-Europe.

Le problème des approvisionnements en temps de guerre

En juin 1951, le Conseil des Suppléants, informé par le Bureau d'Etude des Transports Océaniques qu'il faudrait s'attendre à un déficit grave de tonnage marchand en période de crise, demanda au Bureau Economique et Financier de lui faire savoir:

1. dans quelle mesure il était possible de procéder à une étude objective des besoins d'importations civiles par voie de mer pour certains produits en temps de guerre (en particulier pour les produits volumineux) sur la base d'un régime d'austérité rigoureuse;
2. quelles seraient la nature et les fonctions de l'organisme qui pourrait être créé dans le cadre de l'OTAN pour fournir aux directions des marines marchandes de temps de guerre des programmes agréés d'importations civiles pour les pays de l'OTAN. Le Conseil examina le rapport du Bureau Economique et Financier en juin 1952 et admit qu'il était impossible, pour le moment, de formuler les principes d'après lesquels devraient être calculés les besoins d'importations en temps de guerre, car il faudrait au préalable poser certaines hypothèses sur le niveau général de l'activité économique des pays membres en temps de guerre, et, en particulier, sur les niveaux de consommation - hypothèses qui ne reposeraient sur aucune base réellement valable. En conséquence, il paraissait prématuré d'étudier la forme et les fonctions d'une organisation qui serait chargée en temps de guerre d'élaborer des programmes agréés d'importation en fonction des besoins civils des pays membres. Le Conseil toutefois, fit siennes les conclusions du Bureau Economique et Financier selon lesquelles on pourrait tenter d'estimer les besoins d'importations en temps de guerre en rassemblant et en analysant les statistiques d'une année type pour les importations totales, par voie de mer, de produits essentiels, ainsi que des renseignements concernant leur origine.

Pour recueillir ces renseignements, le Conseil a été amené à créer un Comité d'Etude du Ravitaillement et de l'Agriculture, un Comité d'Etude du Charbon et de l'Acier et un Comité d'Etude des Matières Premières Industrielles. Les travaux de ces trois comités sont coordonnés par un Comité d'Etude des Approvisionnements en Temps de Guerre qui est également responsable de la coordination des travaux du Comité d'Etude des Produits Pétroliers créé par le Conseil des Suppléants en janvier 1952.

Ces divers organismes ont été chargés d'examiner les difficultés qui pourraient surgir dans leurs domaines respectifs au cours de la première année d'une guerre et de recommander les mesures qui pourraient être prises à l'avance pour les surmonter, ou du moins les atténuer.

Les Comités d'Etude ont examiné :

1. les mesures préparatoires de temps de paix, existantes ou en préparation dans les pays membres;
2. les facteurs dont il devrait être tenu compte pour évaluer les besoins des pays dans l'éventualité d'une guerre ;
3. les sources probables d'approvisionnement en temps de guerre;
Les questions discutées ont été notamment les suivantes :
- les mesures législatives, projets de décrets et dispositions réglementaires existant ou à prendre dans chaque pays ;
- l'organisation administrative régionale en temps de guerre, dans chaque pays ;
- les besoins en personnel pour la préparation des mesures dès le temps de paix et leur application en temps de guerre ;
- les statistiques disponibles ;
- les mesures à prendre pour empêcher l'accumulation de stocks et la fièvre d'achat; le contrôle des prix;
- le rationnement de la consommation, la préparation des cartes d'alimentation et l'organisation du système de rationnement ;
- les plans de ravitaillement d'urgence;
- les mesures de contrôle et les méthodes de répartition des produits rares ;
- les priorités d'importation et les méthodes propres à réduire au minimum les demandes de tonnage;
- les procédures d'achat;
- l'organisation et le contrôle du commerce en temps de guerre ;
- les problèmes de stockage et d'entreposage. Après avoir étudié les plans et préparatifs de chaque pays dans le cadre national, ces comités examineront l'opportunité de constituer un organisme international qui renforcerait l'efficacité de ces mesures individuelles et serait chargé du contrôle et de la répartition d'un groupe donné de produits. Une des difficultés rencontrées est naturellement le fait que les produits examinés proviennent en grande partie de sources extérieures à l'OTAN.

L'étude des besoins et des disponibilités en cas de guerre a fait des progrès certains. Toutefois, les comités n'ont pas tenté jusqu'ici d'établir de véritables programmes d'importations de temps de guerre. Des problèmes ont été posés, auxquels on a cherché des réponses. Dans des plans et des préparatifs de ce genre, l'évaluation des incidences générales des hypothèses de base a plus d'importance que le calcul de chiffres précis. Les études entreprises ont eu notamment l'heureux effet de réunir des experts qualifiés des différents pays de l'OTAN et de rassembler une documentation à l'intention des personnes et des services administratifs qui seront probablement appelés à s'occuper de ces problèmes en temps de guerre. Cette expérience servirait en période de crise dans la même mesure que les leçons tirées des manœuvres militaires et des exercices d'état-major.

Examinons maintenant, à titre d'exemple, certaines des activités des comités d'étude.

Le Comité d'Etude des Produits Pétroliers a procédé à l'évaluation des besoins militaires, et des besoins civils réduits, en produits pétroliers essentiels, nécessaires en temps de guerre au maintien de la production de guerre de chaque pays à son niveau maximum. Il a également évalué les disponibilités probables en pétrole brut et en produits raffinés et a étudié les mesures de rationnement que les pays pourront instaurer en cas de besoin.

Le Comité d'Etude du Charbon et de l'Acier a étudié les sources vulnérables ou éloignées d'approvisionnement en charbon et en acier. Il a demandé aux principaux pays membres de l'OTAN, producteurs de charbon en Europe, d'indiquer les mesures qu'ils envisagent pour maintenir le niveau de leur main-d'œuvre en temps de guerre. Le Comité étudie les disponibilités probables, en temps de guerre, en matières premières nécessaires à la production de l'acier en Europe occidentale.

Le Comité d'Etude du Ravitaillement et de l'Agriculture a recensé les importations de divers pays au cours des dernières années et a déterminé les approvisionnements qui seraient vraisemblablement arrêtés dès l'ouverture des hostilités. Il étudie également les effets d'une réduction hypothétique des importations par voie de mer. Le Comité a étudié les modifications qu'il conviendrait peut-être d'apporter à la structure de la production agricole en temps de guerre; il procède à une enquête sur les ressources en machines agricoles, carburants, engrais et autres éléments essentiels au maintien et à l'accroissement de la production agricole en période de crise.

Le Comité d'Etude des Matières Premières Industrielles s'est jusqu'ici attaché à l'étude des problèmes que poseraient la disparition de produits en provenance de sources vulnérables, la nécessité de réduire les importations de produits volumineux en raison de l'insuffisance du tonnage disponible et la raréfaction de certains produits en raison de l'accroissement de la demande en temps de guerre.

Le Comité d'Etude du Ravitaillement et de l'Agriculture et le Comité d'Etude des Matières Premières Industrielles attachent une attention particulière à la constitution de stocks. Ils étudient notamment la nature des produits à stocker; l'importance des stocks et les meilleurs procédés de stockage; les méthodes d'achat, le gardiennage, l'entreposage, le renouvellement et le remplacement des stocks. Ces questions se heurtent à de sérieux problèmes financiers ; les pays sont naturellement peu enclins à affecter des fonds à la constitution de stocks et à aggraver ainsi la situation de leur balance des paiements.

Outre les questions actuellement examinées par les comités d'étude du Conseil de l'Atlantique Nord, il en existe une multitude d'autres, également importantes, peut-être, qui n'ont pas encore été abordées. Elles le seront par ordre de priorité dans un délai minimum. Dans ce domaine essentiel que constituent la sécurité, l'approvisionnement et l'administration du front intérieur en temps de guerre, le Conseil n'en est encore qu'au seuil d'une tâche dont l'urgence et l'importance sont sans égales.


Notes:

  1. Article 3 du Traité de l'Atlantique Nord.
  2. Le 14 septembre 1954, un Comité Médical a été institué en vue d'examiner l'effectif du personnel médical de chacun des pays de l'Alliance et de proposer éventuellement des solutions aux problèmes civils et militaires du temps de guerre.
  3. Abréviation de 'Planning Board for Océan Shipping'.
  4. Abréviation de 'Défonce Shipping Executive Board'.
  5. Abréviation de 'Planning Board for European Inland Surface Transport'.


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