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Mise à jour: 28-Feb-2000 | Revue de l'OTAN |
Edition Web
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La politique
de la Suisse en matire de scurit
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Les changements spectaculaires intervenus dans l'environnement stratgique europen depuis la fin de la Guerre froide, et en en particulier les crises qui ont clat dans les Balkans, ont conduit la Suisse adapter sa position traditionnelle en matire de scurit. Il n'est pas question de renoncer la neutralit, mais les Suisses cherchent maintenant renforcer leur scurit par une coopration avec d'autres pays et avec l'OTAN, notamment par le biais du Partenariat pour la paix (PPP). Et si leur lgislation leur interdit actuellement d'envoyer des units armes l'tranger, cette question fait maintenant l'objet d'un dbat public. M. Dahinden, de la Mission suisse auprs de l'OTAN, voque l'importance pour son pays de participer au PPP et au Conseil de partenariat euro-atlantique, en prconisant un renforcement de la coopration dans ces deux cadres.
Pendant des sicles, la politique de scurit de la Suisse a eu pour
bases la dfense autonome et la neutralit. Cependant, les changements
spectaculaires intervenus dans l'environnement stratgique europen et
les conflits des Balkans ont conduit les Suisses adapter leur position
traditionnelle en matire de scurit. Pour l'avenir prvisible, la scurit
devra tre renforce principalement par une coopration avec d'autres
pays et avec des organisations de scurit telles que l'OTAN. La Suisse
ne compte ni se joindre l'Alliance ni renoncer son statut de neutralit.
Elle est donc tout particulirement intresse par le succs durable du
programme du Partenariat pour la paix (PPP) et par l'attribution au Conseil
de partenariat euro-atlantique (CPEA) d'un rle plus fondamental.
![]() Le Ministre suisse des affaires trangres Joseph Deiss sentretient avec une rfugie kosovare albanaise au cours de sa visite au camp de rfugis de Spitalla, prs de Durrs, lest de Tirana, la capitale albanaise, le 16 mai. Les Suisses ragirent rapidement la crise du Kosovo en envoyant une aide humanitaire la rgion. (Photo Belga - 106Kb) |
Après la Seconde guerre mondiale, la sécurité de la Suisse s'est trouvée sensiblement améliorée lorsque ses voisins - la France, l'Allemagne et l'Italie - sont devenus membres d'une alliance attachée à la démocratie, aux libertés individuelles et au règne du droit. Pour la première fois depuis des siècles, la Suisse ne se situait plus au carrefour de grandes puissances hostiles. L'Alliance de l'Atlantique Nord a joué un rôle stabilisateur de premier plan sur tout le continent, en liant la sécurité de l'Europe à celle des Etats-Unis. Aujourd'hui, après la fin de la Guerre froide, l'OTAN demeure une garantie contre la renationalisation des politiques de sécurité et de défense des Etats de l'Europe de l'Ouest.
Les Suisses se sont félicités de l'ouverture de l'OTAN et de son adaptation à un environnement de sécurité en évolution, où ils voient un moyen efficace de promouvoir le développement de la sécurité et de la stabilité dans l'ensemble de la région euro-atlantique. Le PPP a permis à la Suisse d'établir des relations normales avec l'OTAN et d'engager avec elle un dialogue régulier, sur la base de ses étroits rapports politiques, économiques et culturels avec les divers Etats membres.
Seul l'avenir nous dira quel impact les événements de l'ex-Yougoslavie auront à long terme sur la politique étrangère et de sécurité de la Suisse. Par rapport à sa taille, celle-ci a accueilli plus de réfugiés de l'ex-Yougoslavie que tout autre pays de l'Europe de l'Ouest. La Suisse a été particulièrement affectée par la crise du Kosovo. Quelque 170 000 Kosovars albanais - soit près de 10 pour cent de la population du Kosovo - sont venus s'y installer. Au cours de la crise, un réfugié sur deux en Albanie et dans l'ex-République yougoslave de Macédoine (1) a déclaré que la Suisse serait sa destination finale préférée s'il ne pouvait pas rentrer au Kosovo.
L'arrivée en masse de réfugiés n'est pas pour la
Suisse la seule conséquence de près de dix années
de conflits dans les Balkans. Notre pays est aussi touché par le
trafic d'armes, le crime organisé et les affrontements entre différents
groupes ethniques de l'ex-Yougoslavie vivant sur son territoire.
La Suisse a rapidement réagi à la crise du Kosovo au moyen
des instruments traditionnels de sa politique étrangère.
Elle a lancé des programmes d'aide humanitaire et de reconstruction
de grande envergure. Au cours de la seule année 1999, quelque USD
200 millions ont été dépensés dans la région,
ce qui a fait de la Suisse un pays donateur de premier plan.
La coopération entre la Suisse et l'OTAN a atteint un niveau sans précédent durant les crises survenues en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo. A la fin de 1995, les Suisses ont ouvert aux troupes de l'IFOR leur espace aérien et leurs réseaux ferroviaire et routier. Le Ministère de la défense a engagé des programmes d'assistance bilatérale avec les forces armées de l'Albanie et de l'ex-République yougoslave de Macédoine. Aujourd'hui, ces programmes sont coordonnés dans le cadre du PPP avec l'OTAN et avec d'autres pays. L'expérience acquise a été très positive.
![]() Des hlicoptres suisses du HCR livrent du matriel daide humanitaire aux rfugis kosovars dans le nord de lAlbanie, le 20 avril. (Photo Belga - 52Kb) |
Alors que des centaines de milliers de personnes commençaient à fuir le Kosovo, la Suisse a lancé des programmes bilatéraux d'assistance humanitaire dans la région. Des hélicoptères de transport des forces armées helvétiques ont également été mis à la disposition du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). En plus de cette assistance, et à la demande des Ministres des affaires étrangères de plusieurs pays européens, la Suisse a engagé - avec la Grèce, la Russie et, par la suite, l'Autriche - un programme de soutien (Groupe FOCUS) à l'intention des personnes déplacées à l'intérieur du Kosovo. Un soutien a également été accordé aux victimes du conflit armé en Serbie. Cette opération n'aurait pu être réalisée sans une étroite coopération avec les autorités politiques et militaires de l'OTAN. L'expérience précédemment acquise par le biais du PPP s'est révélée très précieuse.
Notre législation interdit au gouvernement helvétique d'envoyer des unités armées à l'étranger. Les autorités fédérales ont néanmoins décidé de fournir une unité de soutien non armée au bataillon autrichien de la KFOR. Quelque 140 soldats suisses sont actuellement déployés au Kosovo. En même temps, un débat public a été engagé dans notre pays sur la question de savoir si cette interdiction d'envoyer des troupes armées à l'étranger devrait ou non être levée, ainsi que d'autres obstacles juridiques à la coopération internationale.
Le succès d'une coopération militaire dépend essentiellement d'une préparation minutieuse. L'expérience acquise au cours d'opérations comme celles de la SFOR, de l'AFOR et de la KFOR devient l'élément moteur de la poursuite du développement à la fois du Partenariat dans son ensemble et des Programmes de partenariat individuels des pays. Il en résulte des exercices plus mobilisateurs, un entraînement plus efficace et de nouveaux efforts visant à accroître l'interopérabilité.
Dans les premiers temps de la participation de la Suisse au PPP, celle-ci ne portait ni sur les exercices mettant en jeu des troupes ni sur des opérations autres que celles organisées dans le cadre des plans civils d'urgence. Cependant, notre participation à divers exercices d'état-major et à l'exercice annuel de l'OTAN concernant la gestion des crises nous a permis de mieux connaître les structures et les méthodes de travail de l'OTAN, de ses membres et d'autres pays.
Ce n'est que récemment que l'interopérabilité des forces armées est devenue partie intégrante de la coopération, et cette question va devenir plus importante avec la participation à la KFOR. Depuis 1999, la Suisse participe au Processus de planification et d'examen (PARP) du PPP. Cette participation offre des avantages qui dépassent largement le cadre du partenariat avec l'OTAN, et elle a aussi montré son utilité pour la coopération avec d'autres forces armées dans des entreprises bilatérales.
Lorsqu'il a décidé de participer au PPP, le gouvernement helvétique était déterminé à apporter une contribution nette au Partenariat. Cette contribution est effective dans des domaines tels que la recherche et le sauvetage, les situations d'urgence du secteur civil, la propagation du droit international humanitaire, la sensibilisation aux politiques de sécurité, le contrôle démocratique des forces armées, la formation médicale et la maîtrise des armements et le désarmement, plutôt que les activités militaires essentielles.
Au début de l'année 1999, le Centre de politique de sécurité de Genève - établissement international de formation financé par le gouvernement helvétique - a été homologué par le Conseil de l'Atlantique Nord comme l'un des premiers centres de formation du PPP. Dans le cadre du PPP, la Suisse a également créé le Réseau international de sécurité (ISN), en vue de promouvoir l'utilisation des techniques informatiques modernes dans le domaine de la politique de sécurité. L'un des projets liés à l'ISN porte sur l'indexage des informations devant faciliter la recherche de mots-clés sur le site web de l'OTAN.
Depuis l'époque de la Société des Nations, la Suisse s'est montrée favorable aux actions internationales visant à traiter les causes de conflits et à prévenir les dangers d'escalade. Aujourd'hui, la prévention des conflits, la diplomatie préventive et l'instauration de la confiance demeurent pour elle des priorités.
Le PPP a fait naître une nouvelle génération de mesures de confiance pragmatiques, tout en évitant les longs débats d'ordre conceptuel. Les contacts journaliers et la collaboration pratique entre les représentants politiques, militaires et civils des pays de l'OTAN et des Partenaires constituent une forme d'instauration de la confiance qui va bien au-delà des mesures classiques élaborées au cours de la Guerre froide. Le PPP a ainsi nettement rehaussé l'image de l'OTAN dans les pays non membres - même dans le cas de la Suisse, qui a toujours entretenu de bonnes relations avec l'Alliance et ses membres.
Bien sûr, il faudra plus qu'une coopération de cette sorte pour résoudre certains grands problèmes de sécurité qui se posent au niveau de l'Europe et suscitent encore des divergences fondamentales. Cependant, l'expérience acquise et la confiance instaurée par des activités conjointes facilitent la recherche de solutions et aident à éviter des perceptions erronées qui risqueraient de conduire à une dangereuse escalade.
Dans le cadre du PPP, les pays partenaires poursuivent des objectifs
trs diffrents. Certains cherchent amliorer leurs capacits, dans
l'optique d'une adhsion l'Alliance. Pour d'autres, le Partenariat est
une institution qui leur ouvrira la porte de la communaut euro-atlantique.
La Suisse, quant elle, considre le Partenariat comme un cadre de consultations
politiques et de coopration pratique avec l'OTAN. Pourtant, quelles que
soient les diffrences de points de vue, le Partenariat offre toujours
un potentiel considrable dont on n'a pas encore tir parti, notamment
en ce qui concerne la gestion des crises, une meilleure utilisation du
CPEA et une coopration pratique dans le cadre du PPP.
![]() La lgislation helvtique interdit aux Suisses denvoyer des units armes ltranger. Nanmoins, une unit de soutien non arme a t fournie au bataillon autrichien de la KFOR. (Photo AFO - 96Kb) |
Dès le Sommet de Madrid, en 1997, le Chef de la Délégation de la Suisse, M. Ogi, Conseiller fédéral, a déclaré que le CPEA était une instance particulièrement indiquée pour traiter les aspects pratiques et opérationnels de la gestion des conflits. Cela reste vrai aujourd'hui. La Suisse appuie le développement de capacités devant permettre aux pays de l'OTAN et aux Partenaires de réagir rapidement ensemble aux situations d'urgence, abstraction faite de la défense collective. Le CPEA devrait essentiellement centrer ses travaux sur les aspects militaires de la réponse aux crises, du maintien de la paix, des actions de soutien humanitaire et des secours en cas de catastrophe. L'établissement du Centre euro-atlantique de coordination des réactions en cas de catastrophe (EADRCC) en vue d'appuyer les activités de sauvetage du secteur civil par des moyens militaires a constitué une mesure importante. En outre, le Concept relatif aux capacités opérationnelles (OCC) qui a été lancé au Sommet de Washington offre un schéma directeur pour l'amélioration des aspects pratiques et opérationnels de la gestion des crises.
L'un des enseignements tirés des conflits des Balkans est que
la gestion des crises devient de plus en plus complexe. Il n'existe pas
de structures et de procédures bien délimitées, et
des organisations, des concepts
et des instruments différents interviennent en parallèle.
Les stratégies de gestion des crises sont en général
mises au point pendant les crises elles-mêmes. Et il est probable
que ces difficultés vont se retrouver dans les situations d'urgence
à venir.
Dans ce contexte, le CPEA peut et doit jouer un rôle important pour encourager une action plus cohérente de l'OTAN et des Partenaires lors de crises futures. Si l'on veut qu'un tel rôle soit efficace, il conviendra de réfléchir à l'expérience récemment acquise et de débattre librement les lacunes que comportent les travaux du CPEA et les améliorations qui doivent être apportées.
Depuis sa cration, en 1997, le CPEA a fourni un cadre prcieux la
consultation politique, particulirement en ce qui concerne le Kosovo
et les dveloppements en Bosnie-Herzgovine. Des amliorations restent
toutefois possibles. Souvent, le dbat politique pourrait avoir plus de
substance. Le CPEA doit tre davantage le point de dpart d'initiatives
de fond. Il a d'ailleurs dj pris de bonnes initiatives dans les domaines
du dminage humanitaire global, de la prolifration des armes de petit
calibre et des armes lgres, et de la coopration rgionale en matire
de scurit dans l'Europe du sud-est et le Caucase. Il appartient aux
pays partenaires eux-mmes de proposer les actions concertes que demandent
les problmes qui les intressent particulirement et de mieux exploiter
le potentiel du CPEA.
L'un des avantages incontests qu'offre le programme du PPP est la coopration directe entre militaires des pays allis et des Partenaires au niveau des oprations, des exercices, de l'entranement et de la formation. Les forces armes europennes sont gnralement confrontes des restrictions budgtaires, tout en recevant des missions additionnelles qui impliquent une coopration internationale. Cela vaut galement pour l'arme suisse.
Lors du Sommet de Washington, des mesures ont t prises pour relever ces dfis. Le Partenariat renforc et plus oprationnel prvoit une meilleure intgration des Partenaires dans les oprations d'urgence menes conjointement avec l'OTAN, hormis la dfense collective. La Suisse se rjouit l'ide d'apporter sa propre contribution cette entreprise commune.
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