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L'élargissement de l'OTAN
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Prospérité et sécuritéLes sondages d'opinion sont une méthode très à la mode pour saisir les dispositions de la population d'un pays. Le thème d'actualité dans les pays d'Europe centrale et les Etats baltes est inévitablement, et en majorité, leur double désir de prospérité et de sécurité, qui se traduit par la volonté politique des dirigeants de rejoindre les deux principales organisations censées pouvoir répondre à leurs attentes - à savoir, respectivement l'Union européenne et l'OTAN.Les sondages relatifs à ce problème sont particulièrement intéressants car ils peuvent conduire de nombreux gouvernements, après l'éventuel succès des négociations, à soumettre l'une des adhésions, ou les deux, à l'épreuve du référendum. La Slovaquie a d'ailleurs pris de l'avance, puisque elle envisage d'organiser un référendum sur l'adhésion à l'OTAN en mai avant même le sommet de l'Alliance qui se déroulera à Madrid en juillet prochain. Aussi devient-il essentiel d'avoir une idée des intentions de vote d'une population, et de ses raisons, pour comprendre et s'efforcer d'être à la hauteur du débat qui s'intensifie dans les pays candidats. Pour cela, il suffit en fait de poser deux questions. Tout d'abord, "Vous prononceriez-vous pour ou contre l'adhésion?", que l'on peut ensuite approfondir avec cette question complémentaire, qui va de soi: "Pour quelles raisons voteriez-vous pour ou contre?". Un résultat passableLes résultats globaux du dernier sondage de la Commission européenne Eurobaromètre des pays d'Europe centrale et orientale, réalisé en novembre 1996 (2), font apparaître qu'une légère majorité des personnes interrogées (53 %) aurait voté en faveur de l'adhésion à l'OTAN si le référendum avait eu lieu sur-le-champ. Seuls 10 % des répondants avaient l'intention de voter contre, tandis que 17 % étaient indécis. Les résultats étaient encore plus nets sur la question de l'adhésion à l'Union européenne: 61 % des personnes interrogées dans les dix pays examinés y étaient favorables, 7 % opposés et 15 % restaient indécis.Ces résultats sont à première vue extrêmement satisfaisants pour ceux qui soutiennent l'élargissement de l'OTAN et de l'Union européenne. Mais en les analysant, on se rend compte que si les résultats au niveau régional sont aussi positifs, c'est parce que les deux pays les plus peuplés - la Roumanie et la Pologne - sont de loin les plus fervents partisans de l'adhésion aux deux organisations. En effet, 76 % des Roumains et 65 % des Polonais sont favorables à l'adhésion à l'OTAN; 80 % des Roumains et 70 % des Polonais voteraient pour l'accession à l'Union européenne. Sur la question de l'adhésion à l'OTAN, un fossé sépare effectivement la Roumanie et la Pologne des huit autres pays examinés. A l'exception de la Slovénie, qui atteint le chiffre respectable de 39 % de votes favorables, aucun autre pays n'a plus d'un tiers de sa population en faveur de l'adhésion à l'OTAN, la majorité oscillant entre 27 et 32 %. Il faut préciser qu'il n'y a jamais de majorité contre l'adhésion à l'OTAN, bien que deux candidats - la Hongrie et la République tchèque - présentent une opposition importante, d'un quart à un cinquième de la population. On relève toutefois un cas plus positif: en Bulgarie, l'opposition à l'adhésion est passée de 28 % il y a un an, où la question était posée pour la première fois, à 13 % cette fois-ci (et ceci avant la prise de position du nouveau gouvernement, qui s'est engagé de manière décisive à poser la candidature du pays à l'OTAN). Il convient de signaler que les sondages en Estonie et Lettonie ne tiennent pas compte d'importants segments de la population auxquels la citoyenneté et le droit de vote ne sont pas reconnus. Si tous les résidents étaient inclus, le pourcentage des partisans de l'adhésion à l'OTAN se réduirait de 32 à 26 % en Estonie et de 31 à 27 % en Lettonie. En effet, dans ces deux pays, les minorités ne se prononcent en faveur de l'adhésion à l'OTAN qu'à 8 % (contre 30 % qui y sont opposés) et à 13 % (contre 26 % opposés) respectivement, avec dans les deux cas des majorités absolues de personnes qui s'avouent indécises ou répondent qu'elles ne "savent pas". Parmi les nationaux, les intentions de vote en faveur de l'adhésion à l'OTAN ont également diminué depuis l'an dernier, de 10 points en Lituanie et 15 en Estonie. En ce qui concerne l'Union européenne, des majorités relatives (43-49 %) se dessinent en faveur de l'adhésion dans cinq autres pays candidats (Bulgarie, République tchèque, Hongrie, Slovaquie et Slovénie). Parmi les pays candidats, ce sont les Etats baltes qui ont actuellement le plus faible taux de réponses positives concernant l'adhésion à l'Union européenne, avec seulement 29 % en Estonie, 34 % en Lettonie et 35 % en Lituanie, et jusqu'à 17 % de réponses négatives en Estonie. Le débat pour ou contre l'adhésionL'argument majeur des personnes favorables à l'adhésion à l'OTAN est son image de garant de la sécurité et de la stabilité dans la région (49 %). C'est en Pologne (59 %) et en Lituanie (58 %) que le désir de garanties de sécurité est le plus fort. En Pologne et en Estonie, de nombreuses personnes font également référence à la sécurité et à la protection vis-à-vis de la Russie comme une raison justifiant l'entrée dans l'OTAN (7 % pour la région tout entière). Cependant un pourcentage élevé (11 %) espère également que cet événement permettra d'augmenter le progrès et la coopération; cette interprétation non militaire est principalement roumaine. Enfin, 11 % des personnes interrogées attendent de l'OTAN qu'elle aide à contrôler et à réformer l'armée et le secteur militaire; un même pourcentage considère simplement que leur pays a besoin de l'appui de l'OTAN.La raison la plus fréquemment avancée pour justifier un vote contre l'adhésion à l'OTAN est la préférence pour la neutralité du pays. Cette opinion est notamment partagée par environ un cinquième des Lettons, des Hongrois, des Slovaques et des Bulgares. En revanche, les Polonais et les Roumains ne sont guère attirés par la neutralité. En effet, si une hostilité générale envers les forces armées et la guerre est invoquée plus souvent que la moyenne comme argument contre l'adhésion à l'OTAN en Estonie, Hongrie, Slovaquie, et dans la République tchèque, ce type de raisonnement est en revanche pratiquement inexistant en Pologne et en Roumanie. Le coût éventuel de l'adhésion à l'OTAN est perçu comme un facteur dissuasif surtout dans la République tchèque, en Estonie, en Slovaquie et en Hongrie. L'argument de poids en faveur de l'adhésion à l'Union européenne est l'amélioration générale qu'elle permet de réaliser (32 % dans toute la région) et l'espoir d'un redressement économique (26 %). Dans certains cas, l'entrée dans l'Union européenne est également vue comme un tremplin pour entreprendre des réformes structurelles. Le vote négatif est justifié avant tout par des arguments d'ordre économique. Les personnes interrogées, surtout dans les pays baltes, la République tchèque et la Slovénie, craignent que l'accession à l'Union européenne ne détériore leur situation économique, ne soit onéreuse ou n'apporte rien de plus à leur pays. Dans les pays baltes, la République tchèque, la Slovénie et la Hongrie, une part de la population supérieure à la moyenne est également préoccupée par la perspective d'une perte d'indépendance et d'identité nationale. ConséquencesComment ce type de sondage aide-t-il les organisations telles que l'OTAN et l'Union européenne à élaborer une politique cohérente en matière d'élargissement? Tout d'abord, les résultats permettent de réviser le degré de priorité accordé aux pays en fonction des différents niveaux de soutien et d'opposition à l'adhésion au sein de l'opinion publique. Les résultats peuvent être utilement comparés aux priorités politiques dans la région et l'on peut en tirer des conclusions. Deuxièmement, les raisons invoquées pour justifier un vote "pour" ou "contre" - reprises dans les compte rendus du sondage sous forme de réponses individuelles sont désormais disponibles. Elles permettent de préparer des messages différents spécifiquement ciblés en fonction des pays en utilisant une langue courante.Une chose est certaine: quel que soit ce message, les pays d'Europe centrale et les Etats baltes doivent choisir par eux-mêmes s'ils souhaitent adhérer ou non à une ou plusieurs institutions internationales. Il faut leur donner des informations impartiales et concrètes pour que les populations puissent prendre des décisions pondérées si des référendums sont organisés. L'objectif des politiques de l'information devrait précisément consister à fournir des faits. Sachant que, pendant quarante ans, la population de cette région a réussi à vivre en ignorant la propagande à laquelle elle était soumise, nous devons tous respecter les nouvelles démocraties et les encourager à faire leurs propres choix en toute connaissance de cause.
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