Edition Web
Vol. 42- No. 5
Oct. 1994
p. 26-30
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L'Europe
et le Moyen-Orient à la croisée
des chemins
Carlos Gaspar
Chercheur, Institut des Sciences sociales Université de Lisbonne
La fin de la guerre froide est à l'origine d'une double crise
en Europe et au Moyen-Orient, deux complexes de sécurité
régionaux voisins dont les frontières extérieures
et les dynamiques intérieures sont en train de changer rapidement,
suite à la fin de la rivalité entre les deux grandes puissances,
à la faillite du communisme russe, et à la désintégration
de l'Union soviétique.
Au-delà des asymétries entre les deux régions, on
peut constater des traits communs dans l'évolution de l'Europe
et du Moyen-Orient depuis la fin de la guerre froide: la restauration
de l'autonomie relative vis-à-vis des puissances extérieures
qui ont inégalement conditionné leur évolution pendant
plus de quarante ans, et les tentatives d'expansion de leurs espaces à
la recherche d'anciennes frontières historiques, une des causes
des conflits régionaux actuels, notamment dans les Balkans et dans
le Caucase.
Les voies parallèles des deux processus de transition conditionnent,
à leur tour, les rapports entre l'Europe et le Moyen-Orient. D'une
part, il y a des signes de reprise des interactions stratégiques
entre les deux complexes contigus, interrompues depuis le retrait britannique
et français du Moyen-Orient. D'autre part, ce retour à un
niveau plus normal des rapports entre les deux régions doit faire
face à une tendance croissante d'isolement réciproque, qui
s'exprime d'abord par la montée des mouvements radicaux de différenciation
identitaire. Enfin, ces facteurs de convergence et de divergence régionale
peuvent compliquer, à leur tour, l'évolution des dynamiques
intérieures respectives. En conséquence, ce qui se passe
aux frontières du nord du Moyen-Orient, et aux frontières
du sud de l'Europe, des deux côtés de la ligne de démarcation
qui sépare deux grandes civilisations, est devenu plus important
pour les uns et pour les autres.
Les frontières du Sud
Dans le cas du Moyen-Orient -de Rabat à Téhéran
et de Damas à Mogadiscio - le tournant de l'après-guerre
froide a été marqué à la fois par le retrait,
puis la désintégration, de l'Union soviétique, et
par la deuxième guerre du Golfe.
Le recul soviétique a bouleversé les équilibres
régionaux. Tout d'abord, il a laissé un certain nombre d'Etats
et de partis arabes - notamment la Syrie et l'Organisation de Libération
de la Palestine (OLP) - sans leur principal allié extérieur.
Ensuite, les Etats-Unis, restés seuls sur le terrain, ont choisi
de consolider leur statut en tant que principale puissance extérieure,
tout en modifiant leur politique régionale: leurs objectifs ne
sont plus axés sur la nécessité de contenir l'ancien
adversaire mais se concentrent désormais, d'une part, sur la défense
du statu quo, tel qu'il est établi par les rapports interétatiques
- l'opposition des Etats-Unis à la tentation hégémonique
de l'Iraq, ainsi que leur intervention en Somalie peuvent être interprétées
dans ce sens - et, d'autre part, sur le processus de paix israélo-arabe.
Mais la révision de la politique des Etats-Unis révèle
aussi une volonté de repli, pour limiter les interventions aux
cas de résurgence d'une menace contre la sécurité
d'Israël ou de l'émergence d'une puissance hégémonique,
en laissant les Etats du Moyen-Orient assumer leurs propres responsabilités
pour assurer la stabilité dans la région, une situation
sans précédent depuis la fin de la période coloniale.
Cette situation est devenue encore plus difficile, après la sécession
des six républiques de l'ex-Union Soviétique (Azerbaïdjan,
Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Turk-ménistan et Ouzbékistan)
dont la population est en majorité musulmane et qui font partie
du Moyen-Orient historique. Bien entendu, le statut définitif de
ces Etats par rapport à la Russie n'est pas encore fixé,
mais la possibilité existe d'une reconstitution du complexe de
sécurité du Moyen-Orient - de Marrakech à Boukhara
- par l'addition d'un ou deux sous-complexes régionaux aux marches
de la Russie.
En tout état de cause, l'orientation de ces régimes postcommunistes
- soit dans le sens d'un modèle de sécularisation, qui pourrait
les rapprocher de la Turquie, soit dans le sens inverse d'un modèle
fondamentaliste radical et anti-occidental dans le sillage de l'Iran,
soit encore vers un modèle prétorien islamique, comme celui
du Pakistan - est en passe de devenir un enjeu crucial. L'issue de leurs
processus de transition politique ne manquera pas de changer la carte
stratégique de la région.
Les conséquences de la guerre du Golfe
Les effets de la deuxième guerre du Golfe ne sont pas moins importants
que ceux de la dissolution de l'Union soviétique. En premier lieu,
l'annexion du Koweït par l'Iraq a mis fin au nationalisme panarabe,
qui était le principal facteur d'unité entre les Etats arabes
dès leur indépendance et un instrument essentiel de la légitimation
des autocraties postcoloniales. Certes, le panarabisme n'avait jamais
réussi à unifier un bloc arabe stable, ni à dominer
la logique d'autonomisation des Etats, mais cette force de cohésion
transnationale avait néanmoins gardé une certaine capacité
de mobilisation sociale et avait permis de limiter les tensions interarabes,
jusqu'à la guerre du Golfe. Sans ce facteur de modération,
les dynamiques de fragmentation régionale seront les forces dominantes
de la crise régionale, peut-être pour longtemps.
En deuxième lieu, l'invasion iraqienne du Koweït a interrompu
une tendance vers la libéralisation politique et économique,
qui faisait son chemin dans certains Etats arabes, et aussi les efforts
de coopération sous-régionale, qui commençaient à
se développer, avec la création du Conseil de coopération
du Golfe, du Conseil de coopération arabe ou de l'Union du Maghreb
arabe. Paralysés par les divisions entre ses membres, ces Conseils
ne sont plus que des "coquilles vides". L'interruption des réformes
risque d'entraîner les régimes autoritaires plus vulnérables
vers des dérives répressives ou précipiter leur destitution
par la violence alors que le blocage des structures multilatérales
sous-régionales peut mener à une escalade des conflits interétatiques,
même dans le cas des complexes sous-régionaux - le Maghreb
par exemple - où ces tensions étaient plus contrôlées.
En troisième lieu, la guerre entre les Etats arabes et la riposte
décisive des Etats-Unis ont accentué la montée des
mouvements islamiques radicaux, dont l'opposition aux régimes autoritaires
laïques s'est renforcée avec la fin du mythe de l'unité
arabe, les conditions de l'intervention internationale contre l'Iraq,
et la crise de légitimité de certains régimes nationalistes.
Dans ce contexte, les mouvements intégristes, qui mobilisent les
courants de solidarité transnationale et les idéologies
d'unification régionale face à l'hégémonie
occidentale, et polarisent les oppositions internes, représentent
une vraie menace au statu quo politique. Mais pour le moment, les dynamiques
de fragmentation nationales et sous-régionales restent plus fortes
que les mouvements unificateurs panislamiques, qui menacent surtout les
régimes nationalistes et les élites occidentalisées.
En Egypte, les forces intégristes suivent une stratégie
d'islamisation graduelle du pouvoir "par le bas" de la société
vers l'Etat. En Algérie, elles ont paralysé le pouvoir à
la fois par la voie électorale et par le terrorisme. Au Soudan,
ces forces ont imposé indirectement leur régime, et au Tadjikistan,
elles ont conduit à la guerre civile. Elles peuvent aussi provoquer
la rupture du processus de paix israélo-arabe, si elles arrivent
à neutraliser leurs rivaux de l'OLP ou à radicaliser les
positions israéliennes. Enfin, les effets des mouvements islamiques
contre les élites se font aussi sentir de plus en plus au Maroc,
en Tunisie ou en Jordanie, et même au-delà des frontières
du Moyen-Orient, en Turquie.
La force des dynamiques de fragmentation semble prévaloir, et
ouvre le chemin à une prolifération des conflits dans l'ensemble
de la région. La frontière sud de l'Europe est donc en train
de devenir un "arc de crise", dont les effets se font surtout
sentir dans l'Europe du Sud.
Les perceptions sud-européennes
L'Europe de l'après-guerre froide, également en proie à
une crise de transition, doit faire face à deux zones d'instabilité
dans ses périphéries, à l'Est et au Sud.
Dans les deux cas, la résurgence de forces antioccidentales -les
courants identitaires nationalistes et religieux, les mouvements panslavistes
et panislamiques - qui s'inscrit dans un cadre d'insécurité
politique et de crise économique et sociale, est à l'origine
de conflits qui ne peuvent être isolés. De plus, ils risquent
d'entraîner, surtout en cas d'escalade, des divisions entre les
puissances européennes, ainsi que dans la communauté transatlantique,
et même de restaurer d'anciens clivages historiques, par exemple
la rivalité entre l'Allemagne et la Russie, ou un affrontement
entre l'Occident et l'Islam.
Bien entendu, les deux chaînes de crise ne constituent pas des
"arcs jumeaux", puisque les enjeux dans les deux périphéries
ne sont pas de la même nature. En Europe centrale et orientale se
joue, d'une part, la possibilité d'une réunification de
l'Europe, par l'extension des frontières de la démocratie
et l'élargissement de l'Union européenne et, d'autre part,
la définition des équilibres entre les Etats appartenant
au complexe de sécurité européen, de l'Atlantique
à l'Oural, qui est la clé de la stabilité de l'Europe.
Au Moyen-Orient, la démocratisation ne semble pas être à
l'ordre du jour, la question de l'expansion de l'espace de sécurité
européen ne se pose pas, et encore moins celle de l'intégration
dans les institutions communautaires européennes ou occidentales
et aucune puissance ou coalition régionale n'est en mesure de menacer
la sécurité de l'Europe.
Néanmoins, les problèmes de sécurité aux
frontières sud sont devenus plus importants après le retrait
de l'armée rouge du centre de l'Europe, la dissolution de l'Union
soviétique, et l'émergence d'une crise parallèle
au Moyen-Orient. Ces risques d'instabilité ont été
tout de suite mis en avant par l'invasion du Koweït qui aurait pu
déclencher une crise économique, si la coalition dirigée
par les Etats-Unis ne s'était pas opposée à la stratégie
d'hégémonie régionale de l'Iraq. D'autre part, certains
Etats du Sud sont non seulement plus sensibles aux effets de la crise
du Moyen-Orient mais également très concernés par
le déplacement vers l'Est du centre de gravité de la politique
européenne. L'instabilitié croissante au Moyen-Orient, notamment
sur les rivages de la Méditerranée, fait craindre à
ces pays les retombées politiques et sociales du flux de réfugiés
et d'immigrants. Ils ont également conscience d'une menace antioccidentale
diffuse en provenance d'une région voisine - parfois très
proche, pour ceux qui considèrent le détroit de Gibraltar
comme le "rio Grande de l'Europe".(1)
Si l'on accepte cette définition, l'importance de cette frontière
devrait pouvoir contrebalancer celle de l'autre frontière. Ainsi,
les risques deviendraient aussi des opportunités de rééquilibrage
des priorités européennes face aux deux arcs de crises,
contre les tendances qui pourraient reconduire l'Espagne ou le Portugal
à un statut semi-périphérique, perturber la position
de l'Italie, placée à la croisée des deux frontières,
ou celle de la France, le seul Etat-membre de l'Union européenne
ayant une politique moyen-orientale.
Dans ce contexte, un certain nombre d'initiatives ont vu le jour, dès
1990, comme celle de l'Italie et de l'Espagne sur une Conférence
de sécurité et coopération en Méditerranée
- dont les limites allaient bien au-delà du pourtour méditerranéen
pour inclure l'ensemble du Moyen-Orient et aussi, suivant le modèle
de la Conférence de sécurité et coopération
en Europe, les Etats-Unis et la Russie-, à laquelle se sont ralliés,
dans une première phase, la France et le Portugal. D'autres initiatives
postérieures, qui suggèrent, par exemple, l'association
des Etats de l'Union du Maghreb arabe à l'UEO ou à l'OTAN
dans un cadre comparable au Conseil de coopération nord-atlantique,
vont dans le même sens d'un engagement équivalent aux deux
frontières. Cependant, les initiatives de ce type ont peu de chances
d'aboutir. D'abord parce qu'il n'est pas question de placer à un
niveau identique les deux arcs de crises, ni d'essayer d'intégrer
dans un cadre institutionnel les deux complexes de sécurité
de l'Europe et du Moyen- Orient. Ensuite, on doit constater l'absence
d'unité dans les perceptions et les intérêts des Etats
de l'Europe du Sud: la Grèce reste plutôt tournée
vers les Balkans et la Méditerranée orientale. L'Italie
n'est pas en mesure d'agréger une coalition sudiste pour mettre
en oeuvre le concept de la Méditerranée comme un "espace
stratégique unitaire". La France veut garder sa capacité
exclusive d'articuler des politiques différenciées dans
plusieurs complexes sous-régionaux du Moyen-Orient. L'Espagne est
surtout préoccupée par la crise maghrébine, et le
Portugal veut simplement ne pas être mis à l'écart
des démarches communes dans la Méditerranée occidentale.
Enfin, les Etats de l'Europe du Sud, ne sont pas prêts et n'ont
pas les moyens de faire face à la crise du Moyen-Orient comme un
ensemble au-delà des divisions sous-régionales qui séparent
l'instabilité au Maghreb du conflit israélo-arabe, ou des
rivalités du Golfe.
Le Centre et sa périphérie
Une comparaison de la situation du Moyen-Orient et de l'Europe sur le
plan de la sécurité, révèle leur asymétrie
sur de nombreux plans. L'Europe est une communauté d'Etats engagés
dans un processus d'intégration, alors que le Moyen-Orient demeure
une région où les dynamiques de fragmentation risquent de
mener à des conflits interétatiques, et leur frontière
commune sépare les démocraties des autocraties, les économies
de marché des économies sous-développées,
les sociétés modernes des structures sociales archaïques
déchirées par les phénomènes de modernisation.
En outre, ces différences sont encore accentuées par un
clivage entre deux grandes civilisations, par la démographie galopante
des Etats du Moyen-Orient, par leur dépendance économique
de leurs voisins européens et par la supériorité
de la puissance militaire des pays occidentaux.
Les rapports entre l'Europe et le Moyen-Orient sont donc des rapports
typiques entre un centre et une périphérie, surtout depuis
la fin de la guerre froide et la deuxième guerre du Golfe. Auparavant,
les Etats du Moyen-Orient étaient en mesure de jouer sur les divisions
est-ouest pour renforcer leurs positions régionales. Par ailleurs,
le contrôle des réserves pétrolières conférait
aux Etats arabes un instrument de pression politique très important,
dont l'efficacité a été démontrée à
deux reprises dans les années soixante-dix. Désormais, le
centre n'est plus divisé, ses forces militaires ne sont plus concentrées
sur sa frontière orientale, et le recours à la menace pétrolière
semble avoir perdu sa crédibilité, surtout après
l'aventure irakienne.
Cependant, l'impression ressentie par certains Etats d'Europe du sud
au sujet de l'intensification des risques ou des menaces qui pèsent
sur leur sécurité en provenance de la frontière sud
semble exagérée. Sur le plan militaire, les Etats du Moyen-Orient,
et notamment ceux qui se trouvent sur les rives méditerranéennes,
sont tout au plus en mesure d'empêcher des interventions extérieures,
et la prolifération des armes conventionnelles et non conventionnelles
n'est pas en mesure de modifier les déséquilibres stratégiques
entre le centre et la périphérie. La seule exception est
celle de Ceuta et Melilla, les enclaves espagnoles au Maroc, qui ne bénéficient
pas de la protection de l'Alliance atlantique. Dans le domaine économique,
l'importance des ressources énergétiques du Golfe et de
l'Afrique du nord peut créer une interdépendance moins asymétrique
du Moyen-Orient et de l'Europe, laquelle reste le principal marché
d'exportation des pays du sud et la plus importantesource d'investissement,
de transferts de technologie et aussi d'aide au développement.
Sur le plan politique, l'instabilité des autocraties séculaires
et l'émergence de régimes islamiques peut faire échec
à la démocratisation au Moyen-Orient et provoquer une radicalisation
antioccidentale, ce qui aurait pour résultat de consolider l'autonomie
du complexe de sécurité régionale, mais pas forcément
de se traduire par une menace directe contre l'Europe.
Enfin, l'interpénétration sociale est le domaine où
les effets de la crise aux frontières du sud peuvent se faire le
plus sentir en Europe, moins en raison d'un afflux de réfugiés,
qui peut être contrôlé, que de réactions racistes
et de tendances à l'exclusion des communautés d'immigrés.
Cela peut également ouvrir le champ à des forces extrémistes
dont la croissance - par exemple en France et en Italie - peut mettre
en péril la stabilité des régimes démocratiques
et peut, à son tour, accroître les tensions entre l'Europe
et le Moyen-Orient. Si les crises dans les deux régions devaient
rétablir, à travers une plus grande insécurité
sociale, un rapport plus symétrique, l'hypothèse d'une "guerre
froide" entre l'Islam et l'Occident deviendrait probable. Cependant,
une telle dérive n'est pas inévitable et il est possible
de limiter les effets négatifs des processus de crise dans les
deux complexes de sécurité.
Les seuls instruments qui puissent avoir une certaine efficacité
immédiate dans les rapports entre le centre et la périphérie
sont les programmes économiques, et notamment les investissements
-au moins dans les secteurs prioritaires de l'énergie, des transports
et des télécommunications - qui sont indispensables pour
rendre crédible la nouvelle politique méditerranéenne
et aussi le support de l'Union européenne, essentiel au soutien
du processus de paix israélo-arabe. Ces mesures devraient permettre
de coordonner le développement de relations bilatérales
dans le cadre d'un effort communautaire pour contenir l'instabilité
politique au Moyen-Orient et réduire l'afflux des immigrants.
Sur le plan militaire, le principal garant de sécurité
vis-à-vis du Moyen-Orient et dans l'ensemble de la Méditerranée
reste les Etats-Unis, ainsi que l'ont démontré leur intervention
dans le Golfe, leur engagement dans le processus de paix israélo-arabe
ou la mise en place d'une flotte permanente de l'OTAN en Méditerranée.
Dans ce domaine, les Etats-Unis sont aussi, - que ce soit dans le cadre
de l'Alliance atlantique ou par leurs relations bilatérales -le
seul trait d'union solide entre leurs alliés de l'Europe du sud,
et entre ceux-ci et la Turquie, prise en étau entre les deux arcs
de crise.
Puisqu'il n'y a pas d'autre fédérateur qui puisse remplacer
les Etats-Unis, leur rôle doit être renforcé, mais
il faut en même temps mettre en valeur les dispositifs militaires
européens à la frontière sud et intensifier l'intégration
- ou, dans le cas de la France, ouvrir la voie de la réintégration
- des Etats de l'Europe du sud dans l'organisation militaire de l'OTAN:
le concept de Groupes de forces interarmées multinationales pourrait
être mis en oeuvre afin de constituer des forces d'intervention
et une flotte méditerranéenne supplémentaire, composée
d'unités françaises, italiennes, espagnoles et portugaises
et responsable de la sécurité en Méditerranée
occidentale. Une initiative de ce genre pourrait réduire les inquiétudes
des pays de l'Europe du sud et mobiliser leurs ressources militaires sans
avoir à les placer sous un commandement américain.
Les risques de division entre les Etats européens et occidentaux
face à une prolifération des conflits dans la périphérie
sud sub-sisteront tant qu'il n'y aura pas de politique commu-ne de sécurité
vis-à-vis du Moyen-Orient, définie dans le cadre de l'Union
européen-ne en liaison avec les Etats-Unis. Une telle politique
présuppose toutefois une révision des rapports entre l'Union
européenne et Israël, révision qui pourrait être
suscitée par les Etats membres de l'Union européenne et
de l'OTAN les plus menacés par l'instabilité de cette région
du monde.
La crise de l'après-guerre froide au Moyen-Orient pourrait ainsi
se transformer en catalyseur de la double consolidation des communautés
européenne et transatlantique, grâce à leurs efforts
en vue d'une politique cohérente, et stabilisatrice dans la région,
consolidation également indispensable à la résolution
de la crise en Europe.
(1) Le fleuve qui sert de frontière entre les
Etats-Unis et le Mexique

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