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Mise à jour: 08-Sep-2002 | Revue de l'OTAN |
Edition Web
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L'OTAN
transformée:
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Au cours des dix-huit derniers mois, l'Alliance a accompli de remarquables progrès dans ces cinq domaines. Elle ne s'est pas uniquement contentée de se transformer mais elle a joué également un rôle essentiel dans la construction d'une nouvelle architecture de sécurité européenne. L'Alliance a cependant indiqué que cet objectif ne pouvait être atteint par une seule institution, quelle que fût sa réussite.
La sécurité, la stabilité et la prospérité dans la nouvelle Europe ne peuvent venir, au contraire, que d'un cadre institutionnel homogène, dont les principaux éléments seraient l'OTAN, une Union politique européenne et le processus institutionnalisé de la CSCE. C'est pourquoi, depuis le sommet de Londres, deux catégories d'actions ont principalement aidé la transformation de l'Alliance: celle qui tend à resserrer les liens entre ces trois institutions pour les inciter à interagir de manière plus créative, et celle qui a pour but d'optimiser le rôle politique de l'OTAN dans des domaines où elle peut apporter une contribution exceptionnelle à la future architecture de sécurité européenne.
De nouvelles relations avec l'Europe centrale et orientale
Les liaisons diplomatiques établies après le sommet de Londres
avec les pays d'Europe centrale et orientale ont été couronnées
de succès et ponctuées de nombreuses visites de dirigeants
politiques et militaires de ces pays au siège de l'OTAN. Parmi
les plus importantes, rappelons celles du président Ha-vel de la
République fédérative tchèque et slovaque,
le président Walesa de Pologne, le Premier ministre de Hongrie,
M. Antall, et au lendemain du sommet de Rome, le président Jelev
de Bulgarie. J'espère que, dans un proche avenir, nous pourrons
accueillir le président de Roumanie ainsi que le président
Gorbatchev, et d'autres dirigeants politiques de la nouvelle Union soviétique.
Le président Havel a en particulier rendu un hommage émouvant
au rôle qu'a joué l'Alliance pendant la guerre froide, en
déclarant que "si l'Europe occidentale jouit aujourd'hui d'un
tel climat démocratique et d'une telle prospérité
économique, c'est incontestablement parce qu'elle a créé,
entre autres, avec les Etats-Unis d'Amérique et le Canada, cette
alliance de sécurité en tant qu'instrument de protection
de sa liberté et des valeurs de la civilisation occidentale."
En ma qualité de Secrétaire général, je me
suis rendu dans toutes les capitales des pays avec lesquels nous entretenons
des relations, pour communiquer à leurs dirigeants, leurs parlements
et leurs peuples le désir de coopération de l'OTAN. Le SACEUR,
le président du Comité militaire et des fonctionnaires de
haut rang de l'Alliance ont effectué des visites similaires. Il
ne se passe pratiquement plus une semaine sans que moi-même ou mes
proches collaborateurs n'accueillent une ou plusieurs délégations
de responsables, de parlementaires, de représentants académiques
ou de journalistes d'Europe centrale et orientale. Les membres du Comité
politique de l'OTAN se sont rendus à Prague et à Moscou,
et nous avons organisé plusieurs séminaires importants où
ces pays étaient fortement représentés. L'un d'eux
s'est tenu à Prague, au printemps dernier, sur le thème
de la future sécurité européenne, et plusieurs autres
au siège de l'OTAN, sur des questions traitant de l'économie
de la défense, des plans civils d'urgence et de la gestion du trafic
aérien. Le sommet de Rome a été précédé
d'une autre première avec l'inauguraion, au Collège de la
Défense de l'OTAN à Rome et à l'Ecole du SHAPE d'Oberam-mergau,
de cours spéciaux destinés au personnel militaire de l'Union
soviétique et d'autres pays d'Europe centrale et orientale.
A mesure que ces relations se développent, l'Alliance fait clairement
comprendre qu'elle ne peut, à court terme, inviter ces pays à
rejoindre ses membres, ni leur offrir de garanties formelles en matière
de sécurité. Comme point d'ancrage de la sécurité
en Europe occidentale, l'OTAN aide pourtant les jeunes démocraties
à développer leur potentiel, avec un minimum d'instabilités
et de troubles et sans qu'elles aient à se soucier de menaces ou
d'intimidations. Cette fonction protectrice de l'OTAN a été
particulièrement importante pour les pays d'Europe centrale et
orientale dans les moments qui ont suivi le coup d'Etat à Moscou,
en août dernier. Dans une déclaration ministérielle
spéciale, nous avons rappelé que la sécurité
de ces pays "est pour nous une préoccupation directe et bien
réelle" et que nous considérons notre sécurité
comme "indissociablement liée" à la leur (4).
Les conséquences de toute tentative visant à abolir les
progrès réalisés depuis ces trois dernières
années au plan de la démocratie et de la liberté
en Europe sont donc plus qu'évidentes.
L'un des principaux résultats du sommet de Rome aura été
de porter à un niveau qualitatif inédit le processus de
liaison, en reconnaissance des progrès démocratiques réalisés
par les pays d'Europe centrale et orientale. A ce sommet, nous avons invité
ces pays, y compris les trois Etats baltes qui ont recouvré récemment
leur indépendance, à se joindre aux Alliés dans un
cadre de consultations institutionnalisées, qui revêtira
la forme de réunions périodiques au siège de l'OTAN,
avec la participation du Conseil de l'OTAN en session permanente et celles
des principaux Comités de l'OTAN. Ces pays sont également
invités à assister à certaines parties des sessions
ministérielles de l'Alliance. Nous entamerons prochainement cette
nouvelle phase de nos relations lorsque les ministres des Affaires étrangères
des pays d'Europe centrale et orientale se réuniront avec leurs
homologues de l'Alliance fin décembre à Bruxelles, dans
le cadre de la séance inaugurale d'un Conseil de coopération
de l'Atlantique Nord. Par cette initiative, l'Alliance montre qu'elle
peut répondre aux attentes des dirigeants de ces pays, désireux
précisément de voir nos liaisons diplomatiques portées
à ce niveau de qualité.
Parallèlement, l'Alliance atlantique et les autres grandes institutions
du monde libre joueront leur rôle pour aider les pays d'Europe centrale
et orientale à répondre à des besoins spécifiques.
Nous organisons des visites et des échanges, nous proposons des
programmes spéciaux d'étude des institutions démocratiques,
nous leur offrons de participer à nos programmes scientifiques
et, surtout, nous multiplions les contacts entre militaires. Notre but
est d'aider les nouveaux gouvernements à restructurer leurs forces
armées, s'ils le souhaitent, mais uniquement selon un modèle
défensif, ouvert et transparent, et entièrement soumis à
un contrôle démocratique. Nous poursuivons également
notre débat sur une toute nouvelle génération de
mesures de sécurité et de confiance, couvrant tous les types
d'activités militaires, les budgets, les doctrines militaires,
l'entraînement, etc. Parallèlement, nous favorisons les échanges
d'informations et d'expériences sur la vérification et la
conversion des industries de la défense en industries civiles.
Les relations entre l'OTAN et l'Union soviétique et les autres
pays d'Europe centrale et orientale forment un processus dynamique, qui
a évolué avec le temps et continue d'évoluer. L'Alliance
exigera cependant de ses nouveaux partenaires qu'ils respectent tous les
engagements pris dans le cadre de la CSCE et plus spécialement
dans l'Acte final d'Helsinki de 1975 et la Charte de Paris de novembre
1990. Nous attendons notamment de ces pays qu'ils poursuivent leurs réformes
politiques et économiques, qu'ils s'abstiennent de recourir à
la force pour tenter de résoudre les problèmes et qu'ils
respectent tous les accords sur la maîtrise des armements. L'Alliance
a récemment exprimé sa préoccupation au sujet d'une
éventuelle prolifération des armements nucléaires
en Union soviétique. Une déclaration distincte, faite également
à Rome, invite les autorités centrales comme celles des
républiques à ne pas se servir des armements nucléaires
comme moyen de négociation politique et à les maintenir
sous une autorité unique fiable.
Réexamen de la stratégie de l'OTAN
Le second grand domaine de transformation - le réexamen de la stratégie
de l'OTAN - est analysé dans les deux articles qui suivent, rédigés
l'un par Michael Legge et l'autre par le général Galvin.
J'ajouterai simplement qu'au cours de ces quinze derniers mois, l'Alliance
a réalisé un travail considérable pour repenser non
seulement l'évaluation des risques, mais aussi tout son dispositif
de forces et sa structure de commandement. Ces travaux ont abouti à
la formulation d'un nouveau concept stratégique de l'Alliance,
approuvé par les chefs d'Etat et de gouvernement à Rome
et qui reflète la participation de la France au Groupe pour le
réexamen de la stratégie. Ce nouveau concept facilitera
la construction d'un pilier européen au sein de l'OTAN en encourageant
l'intégration et la planification des alliés européens.
Consolider la CSCE
En renforçant ses relations avec les pays d'Europe centrale et
orientale, l'Alliance a clairement indiqué qu'elle ne cherchait
pas à copier ou à saper le rôle de la CSCE. Elle considère
plutôt ces relations comme complémentaires d'une action de
consolidation de la CSCE, dont les nouvelles institutions doivent devenir
plus permanentes et acquérir l'autorité suffisante pour
assurer le respect des dispositions de 1 ' Acte final d'Helsinki et de
la Charte de Paris. L'engagement de l'Alliance à consolider le
processus de la CSCE avait déjà été clairement
exprimé dans la Déclaration de Londres de juillet 1990.
Les nouvelles institutions de la CSCE créées en novembre
1990 au sommet de Paris - Centre pour la prévention des conflits,
secrétariat, Bureau des élections libres et mécanisme
renforcé de consultations politiques - correspondent précisément
à ce que les Alliés avaient proposé à Londres.
On peut dire que le sommet de la CSCE à Paris, dans une certaine
mesure, a donné naissance à la nouvelle Europe unie. La
valeur de la Charte de Paris (6) peut être assimilée
à une nouvelle constitution visant à régir les relations
entre les Etats et dans les Etats. Nous avons également publié
une déclaration commune de 22 Etats, dans laquelle d'anciens adversaires
s'engagent à ne conserver que les forces armées nécessaires
à la prévention des conflits et à la sauvegarde d'une
défense efficace, à continuer à oeuvrer en faveur
de la maîtrise des armements et à compléter les mesures
de sécurité et de confiance en Europe (7).
Confirmant son engagement envers la CSCE, l'Alliance a, lors du sommet
de Rome, formulé plusieurs propositions détaillées
et ambitieuses pour la préparation de la conférence d'examen
de la CSCE à Helsinki, en mars 1992. Elle a notamment adopté
des initiatives particulières pour renforcer le mécanisme
d'urgence de la CSCE en assignant un rôle plus permanent au Comité
des hauts responsables et au Centre pour la prévention des conflits,
et en suggérant de consacrer des moyens plus importants à
la réalisation des décisions prises par la CSCE. Il convient
de noter plus particulièrement l'importance de la proposition alliée
de suspendre la règle de l'unanimité au sein de la CSCE
pour permettre l'adoption de mesures à rencontre de pays en infraction
avec l'Acte final d'Helsinki ou avec la Charte de Paris. Si cette proposition
est adoptée, elle pourrait, à mon avis, marquer un tournant
décisif dans l'évolution de la CSCE et sa transformation
en forum de sécurité efficace, doté des instruments
nécessaires pour mettre en oeuvre ses principes et ses décisions.
Un souffle nouveau pour la maîtrise des armements
Le sommet de Rome a également redynamisé le processus de
la maîtrise des armements, puisqu'il a été décidé
que les alliés concernés par les plans nucléaires
poursuivraient des consultations étroites sur l'élimination
des ogives nucléaires à courte portée basées
à terre, jusqu'à ce que ce processus soit totalement terminé.
Sur le plan des armements conventionnels, les chefs d'Etat et de gouvernement
ont exprimé leur satisfaction quant aux résultats
atteints récemment et ils ont rappelé combien il était
important que le traité FCE soit ratifié et appliqué
dans les meilleurs délais. Tous les participants ont été
invités à contribuer à la poursuite de résultats
majeurs et positifs dans le cadre des négociations FCE-1A et des
mesures de confiance et de sécurité avant l'ouverture de
la conférence d'examen de la CSCE à Helsinki. En ce qui
concerne le processus de sécurité après la conférence
d'Helsinki, l'Alliance vise plus précisément à façonner
un nouvel ordre de coopération, où aucun pays n'aurait plus
à craindre pour sa sécurité. A cet égard,
nos efforts seront orientés essentiellement dans trois directions:
consolider la sécurité et la stabilité par le désarmement
et la maîtrise des armements, intensifier le dialogue sur la sécurité,
et renforcer les mécanismes de prévention des conflits.
L'identité de la sécurité européenne
Le dernier domaine dans lequel l'OTAN poursuit son processus de transformation a trait à l'appui et à l'encouragement actifs que nous apportons à un rôle spécifiquement européen en matière de politique étrangère et de défense. Nous devons reconnaître que, même s'ils demeurent la seule superpuissance, les Etats-Unis ne peuvent diriger seuls, ni supporter seuls les charges matérielles. La crise du Golfe, où les intérêts économiques européens etjaponais étaient plus gravement menacés que les intérêts américains, arappelé combien nous avons tousbesoin aujourd'hui les uns des autres. L'OTAN est pleinement consciente du fait que l'Europe ne peut assumer la part des responsabilités globales qui lui revient si les efforts des différents Etats européens restent dispersés, voire divergents. Et l'unification des efforts européens nécessite que ces Etats prennent entre eux des engagements contractuels.
Nous sommes actuellement confrontés à deux processus historiques
majeurs, pour ne pas dire décisifs. L'un a trait à l'unification
de l'Europe et à une union européenne dotée d'une
approche commune en matière de politique étrangère,
de sécurité et, à plus long terme, de défense.
L'autre porte sur la transformation de l'Alliance atlantique. Notre tâche
est de concilier ces deux processus de manière à ce qu'ils
se renforcent mutuellement. L'union européenne n'est réalisable
que moyennant le maintien et le renforcement du lien transatlantique.
A cet égard, le communiqué des ministres des Affaires étrangères
réunis à Copenhague en juin dernier - et approuvé
par les 16 Etats membres - définissait déjà les principes
devant régir les décisions pratiques nécessaires
pour assurer la transparence et la complémentarité requises
entre l'identité de la défense et de la sécurité
européennes à mesure qu'elle se développe au sein
de la Communauté et de l'UEO d'une part, et de l'Alliance d'autre
part - un processus qui nécessitera des relations très suivies
au plan de l'organisation (8).
A Rome, les chefs d'Etat et de gouvernement ont vigoureusement réaffirmé
la validité des principes énoncés à Copenhague,
tout en franchissant une étape supplémentaire. Ils ont en
effet décidé de préserver la cohérence opérationnelle
dont dépend l'OTAN et ont accueilli avec satisfaction la perspective
d'un renforcement du rôle de l'UEO à la fois comme composante
de défense du processus d'unification de l'Europe et comme moyen
de la consolidation du pilier européen de l'Alliance. Ils ont souligné
la nature différente des relations qu'entretient 1' UEO avec 1'
Alliance d'une part et avec l'union politique européenne d'autre
part. Les principes de Copenhague, renforcés au sommet de Rome,
constituent le critère reconnu d'après lequel nous devons
évaluer les récentes propositions anglo-italiennes et franco-germaniques,
ainsi que toutes les autres propositions qui pourraient être formulées
à l'avenir. Comme cela a été souligné au sommet
de Rome, les consultations au sein du Conseil de l'Atlantique Nord sur
les progrès de la conférence intergouvernementale sur l'union
politique de la Communauté européenne ont certainement été
très précieuses pour l'application de l'engagement pris
envers la transparence. Il appartient désormais aux Etats membres
de la CE de décider des dispositions qui refléteront le
mieux leurs objectifs quant à l'identité de sécurité
et quant au rôle de défense de l'Europe dans le renforcement
du pilier européen de 1' Alliance.
L'Alliance de demain
Le sommet de Rome n'a bien sûr pas pu répondre à toutes les questions qui se posent à propos du futur rôle et des futures tâches de l'OTAN. Il s'est attaché à étudier la phase actuelle de la transformation de l'Alliance et il ne fait aucun doute que d'autres sommets seront nécessaires pour poursuivre ce processus, et apporter d'autres adaptations en fonction des développements. Rome a cependant montré que l'OTAN était parvenue, en période de troubles, à maintenir clairement et fermement le cap qui avait été défini à Londres et à mener à bien des changements radicaux.
La nouvelle OTAN restera avant tout un moyen de défense commune, par le biais d'accords collectifs. De tous les organismes de sécurité qui existent dans le monde, l'OTAN est le seul à disposer d'engagements contractuels entre ses membres et d'un potentiel militaire commun pour l'action aussi bien que pour la consultation. Ainsi, elle est unique de par son aptitude à garantir la sécurité de ses membres - ce que tous les alliés sont, naturellement, déterminés à préserver. La structure militaire intégrée de 1 ' OTAN en particulier acquerra plus d'importance comme moyen permettant aux alliés de partager missions et responsabilités et de minimiser les risques qui auraient pu découler, pour la sécurité, des importantes restrictions imposées aux budgets nationaux de la défense. De plus en plus, tous les alliés, grands ou petits, auront besoin de 1 ' Alliance pour parvenir à un niveau de sécurité qu'ils ne pourraient atteindre individuellement, dans un environnement plus complexe et multidirectionnel.
Tous les participants qui ont pris la parole au sommet de Rome ont souligné
que, si l'OTAN est moins indispensable aujourd'hui pour la protection
à court terme, elle l'est au contraire davantage pour la stabilité
à long terme. Dans le contexte plus spécifique des efforts
que déploie 1 ' Europe de 1 ' Ouest pour se forger une identité
propre en matière de sécurité et de défense,
tous ont reconnu que ces efforts seraient vains, et même, qu'ils
affaibliraient la sécurité européenne s'ils n'étaient
pas liés aux Etats-Unis et au Canada. Il est certain que l'engagement
militaire de l'Amérique du Nord peut être réduit -
et il l'est d'ailleurs - de plus de cinquante pour-cent pour ce qui concerne
les Etats-Unis -mais il doit rester significatif sur le plan militaire.
Sans un engagement nord-américain, les pays européens perdraient
cet élément d'assurance qui leur a permis d'intégrer
et de surmonter des animosités historiques. Pour reprendre les
termes d'un commentateur, les Etats-Unis restent le "pacificateur"
de l'Europe - sans qui les pays européens seraient tentés
de renationaliser leurs politiques de défense et d'en revenir aux
pactes militaires fragiles du passé.
Il va de soi que nous formons le vu de voir se créer une
nouvelle Union soviétique, où la Russie et les autres républiques
soviétiques se transformeront en démocraties stables, dotées
d'économies de marché et de liens étroits avec la
communauté internationale, mais cela prendra du temps. Nous ne
savons pas encore si nous assisterons à l'avènement d'une
version soviétique de la Communauté européenne ou
à celui d'une Russie qui ressemblerait davantage à l'ancienne
URSS, avec des niveaux similaires de puissance conventionnelle et nucléaire.
L'effondrement du communisme n'est pas synonyme d'élimination totale
ou définitive des forces conservatrices qui, aux niveaux régional
et local, peuvent encore enrayer les réformes politiques et, surtout,
les réformes économiques dont dépend l'avenir des
républiques soviétiques. N'oublions pas qu'à elle
seule, la Russie est presque aussi grande que les Etats-Unis et le Canada
réunis. L'Alliance ne doit bien sûr pas contrebalancer la
puissance militaire soviétique de la même manière
qu'elle l'a fait jadis. En fait, elle peut exploiter les opportunités
qui se présentent de coopérer avec la nouvelle Union soviétique
et avec les autorités centrales et celles des républiques
qui se mettent en place, et elle le fait. L'Alliance reste cependant indispensable
en tant que contrepoids stratégique d'une masse géopolitique
impressionnante, toujours dotée d'une puissance militaire considérable.
D'autres risques encore menacent la sécurité de nos Etats
membres. Ces risques sont liés à l'instabilité et
à l'incertitude qui prévalent en Union soviétique,
dans les pays d'Europe centrale et orientale, dans les Balkans et dans
la région en crise qui s'étend du Maghreb au Moyen et au
Proche Orient. L ' OTAN est la seule organisation de sécurité
collective qui fonctionne, mais il reste à mettre en place des
structures de sécurité paneuropéennes efficaces,
garantissant la paix et la stabilité.
Bien qu'elle tire sa force et sa vitalité du lien transatlantique,
de sa structure militaire intégrée et de son forum permanent
de consultations, l'Alliance de demain n'en élargira pas moins
son rôle politique pour promouvoir activement le dialogue et la
coopération. L'importance qu'elle revêt et les avantages
directs qu'elle apporte aux Etats qui n'en sont pas membres grandiront
avec le temps. Mais je ne pense pas que l'OTAN doive chercher à
se muer en une organisation de sécurité paneuropéenne
ni, comme certains le prétendent, à devenir, en fin de compte,
le bras de sécurité de la CSCE. Une telle évolution
diluerait les engagements entre les alliés et limiterait son aptitude
à traduire dans les faits un objectif commun. La CSCE est, de toute
évidence, le forum par excellence pour l'analyse des dimensions
politique, économique et juridique de situations de crise et de
tension en Europe. Parallèlement toutefois, si la présence
stabilisatrice de l'Alliance contribue déjà au bon fonctionnement
du processus de la CSCE et à la prévention de conflits potentiels,
la relation qui existe entre ces deux institutions doit devenir plus intense
et plus concrète.
Outre l'expérience et le savoir-faire qu'elle peut apporter à
la gestion du régime de maîtrise des armements après
la conférence de la CSCE à Helsinki, l'Alliance pourrait
également mettre sa logistique, ses ressources en matière
de renseignement et même ses forces de réaction rapide à
la disposition d'opérations de sauvegarde de la paix ou de missions
d'observation décidées par la CSCE ou les Nations unies.
Les concepts se référant à la délimitation
de zones perdront peu à peu leur importance. L'OTAN devra poursuivre
l'amélioration de ses instruments politiques et militaires pour
pouvoir gérer les nouveaux types de crises et de conflits et appuyer,
autant que possible, des missions humanitaires et pacifiques. Je dois
souligner qu'il s'agit là d'une opinion toute personnelle, pour
le long terme, et qu'elle est loin de faire l'unanimité des Etats
membres aujourd'hui. Mais je suis convaincu que c'est dans cette direction
que nous devons aller. Nous devons penser plus loin si nous voulons conserver
notre avance.
Notre Alliance a déjà accompli d'importantes progrès
dans son processus de transformation. Sa justification réside non
seulement dans son objectif initial, mais aussi dans la transformation
qu'elle a subie avec le temps. L'Alliance est devenue une communauté
de valeurs et de destin, un forum de consultations politiques sur des
questions vitales ayant trait à la politique étrangère
et à la sécurité. Elle est, en quelque sorte, un
facteur de changement. A cet égard, le sommet de Rome a pris les
décisions appropriées pour que l'Alliance poursuive clairement
sa route en fonction de ce nouveau cap. Elle deviendra laprincipale organisation
de sécurité dans la future architecture euro-atlantique
où tous les Etats, quels que soient leur taille et leur emplacement
géographique, devront bénéficier de la même
liberté, de la même coopération et de la même
sécurité.
(1) Le texte de la Déclaration de Rome est publié
dans la rubrique Documentation de ce numéro.
(2) Le texte de la Déclaration de Londres a
été publié dans la Revue de l'OTAN N°4, août
1990, p. 32
(3) Le texte du nouveau concept stratégique
de l'Alliance est publié dans la rubrique Documentation de ce numéro.
(4) Déclaration sur la Situation en Union soviétique,
publiée à l'issue de la réunion ministérielle
du Conseil de l'Atlantique Nord du 21 août 1991. Texte publié
dans la Revue de l'OTANN°4, août 1991, page 9.
(5) Voir rubrique Documentation