Revue de l'OTAN
Mise à jour: 08-Sep-2002 Revue de l'OTAN

Edition Web
Vol. 39- No. 1
Fév. 1991
p. 3-10

L'Alliance atlantique à l'ère nouvelle

Manfred Wôrner
Secrétaire général de l'OTAN et président
du Conseil de l'Atlantique Nord.

La vie de toute institution est ponctuée de dates clés marquant la fin d'une phase d'évolution et l'avènement d'orientations et de tâches nouvelles. Les observateurs qui suivent les développements de l'Alliance considèrent généralement 1956 comme une date clé: cette année-là, en effet, fut publié le rapport des Trois Sages qui étendit considérablement l'importance et la portée des consultations politiques entre les alliés. L'année 1967, elle aussi, est un jalon important dans l'histoire de l'Alliance, ayant marqué à la fois l'adoption de la stratégie de la riposte graduée et la formulation de la doctrine Harmel, dans laquelle les pays membres affirment le rôle majeur de l'Alliance dans l'encouragement de la détente et la sauvegarde de la défense militaire. Bien que nous ne puissions pas encore la juger avec le recul historique nécessaire, je suis convaincu que l'année qui vient de se terminer constituera, elle aussi, une date clé dans le processus d'évolution et d'adaptation constantes de l'Alliance aux circonstances nouvelles.

Les douze derniers mois ont vu se réaliser bien des objectifs que l'Alliance souhaitait atteindre depuis longtemps déjà. Sans doute cette évolution a-t-elle été plus rapide et plus harmonieuse que même les plus optimistes n'auraient osé l'espérer. L'unification allemande s'est faite en accord total avec les souhaits du peuple allemand, sans imposer de statut de neutralité au pays ni porter préjudice à sa sécurité. En tant que membre à part entière de l'Alliance, la nouvelle Allemagne ne symbolise pas seulement la fin de la division du continent européen; elle contribue aussi à la stabilité et à la sécurité de l'Europe comme jamais n'aurait pu le faire une nation divisée.

Alors que l'unité allemande devient le nouveau facteur de stabilisation sur la scène politique, le traité conclu récemment sur les Forces armées conventionnelles en Europe (FCE) devrait se traduire par une amélioration similaire sur la scène militaire. Jamais, en matière de maîtrise des armements, un accord d'une telle portée impliquant autant de pays dans une analyse technique aussi complexe n'a été conclu aussi rapidement. Le traité FCE apportera une sécurité inédite au continent européen. Cependant, le Groupe consultatif mixte chargé de surveiller l'application du traité doit d'abord résoudre un certain nombre de difficultés, les Soviétiques s'étant conformés de manière nettement insuffisante aux engagements qu'ils avaient pris dans le cadre du Traité. Etant donné l'importance cruciale du Traité FCE, non seulement dans la codification des limites aux forces conventionnelles en Europe, et ce pour la première fois, mais également dans l'établissement d'une base solide de confiance entre l'Union soviétique et ses voisins occidentaux, j'espère que nous pourrons surmonter ces difficultés. Avec l'important document sur les Mesures de confiance et de sécurité (MDCS) que nous sommes également parvenus à élaborer, le processus FCE va progressivement soumettre les questions militaires aux mêmes principes de retenue et d'assurance que ceux que de nombreux pays appliquent depuis longtemps déjà dans leurs relations politiques et économiques. Aujourd'hui, l'Alliance voit se dessiner plus nettement le paysage d'une Europe où toute agression sera devenue politiquement impensable et militairement irréalisable.

L'unité allemande et le traité FCE sont indispensables à la disparition du syndrome d'affrontement entre l'Est et l'Ouest, même si nous devons attendre d'être assurés de la poursuite du processus de réforme et de démocratisation en Union soviétique et en Europe centrale et orientale avant d'affirmer que la Guerre froide appartient définitivement au passé. L'importance de l'année 1990 ne s'explique pas seulement par nos efforts pour tourner la page sur une période stérile et tragique, mais aussi par les progrès que nous avons réalisés dans la construction d'une ère nouvelle et meilleure. Au cours du sommet de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) à Paris, en novembre dernier, nous avons publié une Déclaration commune sur des relations pacifiques avec l'Union soviétique et les autres pays d'Europe centrale et orientale, dans laquelle nous affirmons notre désir de collaborer dans un esprit de partenariat (1). Au cours de ce même sommet, les pays participants ont adopté toutes les propositions que l'Alliance avait formulées dans sa Déclaration de Londres. Ces propositions visent à un renforcement du rôle de la CSCE en tant qu'enceinte propice à l'analyse de toutes les questions de sécurité et de coopération européennes, et ont inspiré la Charte de Paris pour une nouvelle Europe (2).

Depuis la réunion des ministres des Affaires étrangères en juin 1990 à Turnberry (3) et le sommet de Londres de juillet 1990 (4), l'Alliance n 'aépargné aucun effort pour donner une expression concrète aux relations d'amitié qu'elle propose de développer avec ses anciens adversaires. L'Union soviétique et les autres pays d'Europe centrale et orientale ont établi des liaisons diplomatiques régulières avec l'Alliance, autorisant ainsi un échange d'informations et de vues particulièrement utile. Nous avons également entamé une série de consultations entre de hauts représentants des milieux politiques et militaires, comme en attestent les visites rendues à l'OTAN par des dirigeants élus de pays d'Europe centrale et orientale, et mes propres déplacements, intenses et émouvants, à Moscou, Prague, Varsovie et Budapest. Ces quatre capitales ont toutes réservé un accueil favorable au message dans lequel je réaffirme que l'ère d'affrontement est à présent révolue, et à mon invitation à oeuvrer ensemble à la construction d'une nouvelle Europe, plus sûre et plus prospère.

Ainsi, si l'on s'en réfère aux espoirs et aux attentes que formulait l'Alliance à pareille époque il y a un an, on peut dire que les développements de ces douze derniers mois en Europe se sont apparemment déroulés selon un scénario idéal - tellement idéal même que nos progrès n'ont pas manqué de soulever des questions quant à l'avenir de l'Alliance. Que peut encore faire une alliance politico-militaire telle que l'OTAN, dès lors que la menace qui dominait notre quotidien et toutes nos conjectures depuis près d'un demi-siècle a pratiquement disparu? Quels nouveaux objectifs F Alliance peut-elle atteindre avec ses seules ressources? Comment, d'un point de vue conceptuel, l'Alliance s'inscrit-elle dans une nouvelle architecture européenne, dont le but ne sera plus de repousser la menace unique, collective et écrasante d'une puissance externe et étrangère?

Certains commentateurs pensent que l'OTAN a fait son temps, estimantque l'identification inéquivoque et la perception égale d'une menace sont la seule raison d'être de la création et du maintien des alliances. Supprimez la menace et ces alliances sont privées de leur fondement, incapables de faire face à des risques et à des instabilités de moindre envergure perçus différemment par leurs pays membres. Les partisans d'une telle position considèrent qu'une telle issue est soit souhaitable, soit regrettable, mais inévitable; ceux qui la souhaitent pensent que la sécurité est aujourd'hui moins onéreuse et plus facile à obtenir, et sont dès lors prêts à se contenter de structures plus floues et moins fiables, comme celles de la CSCE; ceux qui la jugent regrettable mais inévitable pensent que, en l'absence d ' une menace clairement identifiée, les démocraties ne voudront ou ne pourront pas faire les sacrifices, ni prendre les engagements nécessaires à une défense occidentale adéquate, nonobstant le fait par trop évident que le monde "extérieur" n 'est pas enclin à développer des relations plus pacifiques comme c'est actuellement le cas en Europe.
A première vue, on pourrait s'étonner que ceux qui, compte tenu des événements, ne voient plus de raison d'être à l'OTAN ne soient ni nombreux, ni influents dans le débat sur l'avenir de notre organisation. Pour être crédibles, ils devraient démontrer que:

  • l'Alliance n'est qu'un groupement militaire, qui se concentre exclusivement sur une menace externe unique;

  • cette menace a changé à un point tel que le pays dont elle émanait peut être totalement négligé dans les calculs relatifs à la sécurité occidentale;

  • l'Alliance s'est montrée à ce point incapable de s'adapter à un nouvel environnement qu'elle se trouve aujourd'hui complètement dépassée.

Or, aucun de ces trois points ne peut être démontré de manière convaincante.
Davantage qu'une alliance militaire

En ce qui concerne le premier point, l'OTAN n'a hamais été une alliance militaire classique composée de nations disparates, voire antagonistes, dont le seul facteur d'union aurait été l'hypothèse que "l'ennemi de mon ennemi est mon ami". Dépendante, au départ, du leadership américain, l'Alliance a évolué avec le temps en une communauté politique de pays égaux partageant les mêmes valeurs et, de plus en plus, lesmêmes intérêts. Le Traité de Washington de 1949 ne mentionne à aucun moment l'Union soviétique mais souligne la nécessité d'une communauté permanente de démocraties occidentales, cherchant à se renforcer mutuellement par le biais de la coopération et travaillant de concert à l'établissement de relations internationales plus pacifiques. L'Alliance a joué un rôle majeur en rapprochant d'anciens ennemis comme la France et l'Allemagne, en luttant contre le néo-isolationnisme au sein de la plus grande puissance mondiale et en encourageant le développement de nouvelles normes de consultation et de coopération entre ses membres. Même en l'absence de menace soviétique au lendemain de la guerre, tous ces facteurs auraient apporté une contribution indispensable à la sécurité et à la prospérité européennes. Paul-Henri Spaak a dit un jour que Joseph Staline était le père de l'OTAN - ce qui n'est vrai que dans le sens où il a servi de catalyseur à l'avènement d'une forme unique de coopération internationale, nécessaire à la réalisation d'une mission d'endiguement et à d'autres tâches essentielles.

Modification de la menace

En ce qui concerne le deuxième point, il est exact que nous devons nous habituer au nouveau paysage de la sécurité européenne, un paysage d'où a disparu la menace directe d'une agression soviétique massive et où la priorité n'est plus de faire face à un danger imminent. Cela ne veut pas dire pour autant que le pouvoir militaire ne continuera pas à abuser de sa position pour déterminer des relations politiques au sein des Etats, comme l'ont malheureusement démontré les récents événements de Vilnius. De même, les risques auxquels les Alliés se trouvent actuellement confrontés en Europe viennent moins d'une agression planifiée motivée par une idéologie que des conséquences stratégiques des risques et instabilités inhérents à de longues périodes de transformations économiques et sociales aussi soudaines que radicales - comme celles que nous vivons actuellement. Comme nous avons pu le constater récemment encore, la disparition de l'affrontement lié à la Guerre froide n'a pas éliminé l'incertitude. L'évolution de l'Union soviétique est aujourd'hui moins prévisible qu'elle ne l'a jamais été depuis l'accession de M. Gorbatchev au pouvoir.

La démission d'Edouard Chevardnadze a encore accru nos appréhensions. Comme Gorbatchev, cet homme symbolisait la nouvelle politique étrangère soviétique d'ouverture et de coopération; sa visite au siège de l'OTAN en décembre 1989 a marqué le début d'une nouvelle ère d'amitié et de coopération entre l'Alliance et l'Union soviétique. Ces appréhensions ont été considérablement avivées par les actes de répression menés, ces dernières semaines, dans les républiques baltes. De tels actes sont en contradiction flagrante avec les principes de la CSCE que l'Union soviétique s'est engagée à respecter, et mettent gravement en péril l'évolution de ce pays vers la démocratisation et la réforme économique. Si ces deux processus sont interrompus, l'Union soviétique, loin de parvenir à la paix et à la stabilité internes, sera entraînée dans un tourbillon infernal menant au chaos et à l'aggravation des rivalités nationalistes. C'est pourquoi l'Alliance insiste pour que M. Gorbatchev cesse de recourir à la force et poursuive une politique de négociations pacifiques, de réformes et d'ouverture. Nous nous sommes engagés à apporter notre plein appui et une assistance concrète au dirigeant soviétique s'il s'oriente dans cette voie.

Même si la situation est moins confuse en Europe centrale et orientale, il est encore trop tôt pour dire si les réformes y seront couronnées de succès. En 1990, nous avons également dû faire face aux inévitables conséquences de l'effondrement du communisme: immensité des défis à relever, pour des pays déjà proches de l'asphyxie après un demi-siècle de mauvaise gestion communiste; instabilité pouvant résulter d'une nouvelle division de l'Europe en fonction des richesses; reprise des options nationalistes et des luttes ethniques, non pas provoquées, mais invariablement exacerbées par l'échec économique. Déjà, on agite le spectre d'exodes massifs de populations fuyant les zones de tension pour trouver refuge à l'Ouest. Même dans le meilleur des scénarios, l'avènement d'une collectivité européenne partageant les mêmes normes de sécurité, des niveaux de vie équivalents et un même sens de la participation nécessiterait à la fois beaucoup de temps, des efforts soutenus de la part des pays concernés en vue de réformer leurs économies, et une aide massive et régulière de l'Ouest.

Ce serait aussi simplifier les choses à l'excès que de prétendre que la puissance militaire soviétique ne doit plus être prise en compte dans la planification de la sécurité européenne. En dépit de leurs problèmes internes, les Soviétiques éprouvent toujours, manifestement, le besoin de conserver un potentiel militaire considérable et ultra-moderne, pour que leur pays reste la nation la plus puissante - et de loin - d'Europe. Le niveau actuel des dépenses militaires soviétiques, la modernisation de leur équipement, notamment dans le domaine nucléaire, et les transferts massifs d'armements conventionnels plafonnés par le traité FCE au-delà de l'Oural attestent cet élément permanent de la vie internationale.

Nonobstant les réductions numériques massives au niveau des stocks et de la production, les efforts militaires soviétiques dépassent de loin les besoins raisonnables en matière de défense ou tout ce que pourraient, individuellement ou collectivement, faire les pays de l'OTAN. Rappeler ces faits au lecteur n'équivaut pas à mettre en doute la sincérité de M. Gorbatchev dans sa quête d'un environnement international plus stable, ni à prétendre que la planification alliée doit continuer à tenir compte des pires cas de figure. Tous les alliés sont persuadés que les Soviétiques, à long terme, ont intérêt à la coopération et à l'interaction pacifique avec les pays de l'Ouest; pourtant, même la plus sincère des tentatives de réforme n 'est pas à l'abri des revers et des retournements de situation. Nos relations avec l'Union soviétique - où les réformes sont les plus difficiles à mettre en oeuvre et où l'opposition qu'elles rencontrent est la plus forte - présenteront donc, pendant quelques temps encore, une double facette. D'une part, nous espérons poursuivre et approfondir avec ce pays les relations de coopération que nous venons d'instaurer, et organiser ensemble la paix et la sécurité dans un esprit de partenariat; d'autre part, pourtant, l'Union soviétique doit encore prouver qu'elle aussi s'engage irrévocablement à poursuivre le même objectif. Il faudra longtemps avant que ne se dessine le futur visage de l'Union soviétique; la diplomatie ou les relations économiques ne peuvent, à elles seules, contrebalancer l'immense potentiel militaire ni l'importance stratégique de l'URSS. Aussi, face à ce risque résiduel, devrons-nous continuer de prendre certaines précautions et nous montrer vigilants.
Lorsqu'on parle d'une réduction de la menace classique pesant sur la sécurité alliée, il ne faut pas oublier l'importance croissante des défis trouvant leur origine en dehors du territoire de F Alliance. Comme la crise du Golfe F a montré, de nouveaux risques majeurs peuvent naître dans des zones inattendues. Bien sûr, depuis sa création, l'Alliance a dû faire face à des défis "hors zone", mais il existe aujourd'hui de sérieuses raisons de penser que désormais, plus aucun allié ne peut, individuellement, considérer de tels défis comme éloignés ou secondaires. La tendance au désarmement et à la compression des budgets de la défense dans les économies des pays industrialisés magnifie l'importance de nombreux arsenaux du Tiers Monde qui, à Finstarde celui de l'Irak, ont acquis une dimension globale. Ces arsenaux renferment de plus en plus d'armes de destruction massive qui pourraient être utilisées pour menacer directement le territoire de F Alliance ou exercercertaines pressions sur nos intérêts. Tout le long de la frontière sud de notre territoire se développe en effet un arc de tension allant, dans une certaine mesure, du Maghreb au Moyen-Orient. Les tensions y sont exacerbées non seulement par le maintien au pouvoir de dirigeants ambitieux et intolérants tels que Saddam Hussein, mais aussi par les retombées de problèmes de développement profondément enracinés qui alimentent la croissance démographique, les migrations, les conflits pour l'appropriation des ressources, le fondamentalisme religieux et le terrorisme. Aussi devons-nous nous rappeler, aujourd 'hui plus que jamais, que la sécurité de 1 ' Al liance ne s'arrête pas à nos frontières et qu'elle ne concerne pas uniquement les pays alliés qui possèdent des liens particuliers avec ces régions.

S'adapter aux circonstances nouvelles

J'en viens à présent au troisième point. L'Alliance a-t-elle pu évoluer au gré du nouvel environnement et devenir un "instrument" plutôt qu'un frein au changement nécessaire? Les progrès que nous avons réalisés ces douze derniers mois attestent que nous avons devancé les événements, que nous les avons façonnés plus que nous nous y sommes adaptés. Les décisions que nous avons prises au printemps et à l'été 1990 en vue de modifier noue stratégie militaire ont contribué de manière décisive à convaincre l'Union soviétiqued'accepter l'adhésion totale d'une Allemagne unie à l'Alliance; la souplesse dont les alliés ont fait preuve dans l'élaboration de dispositions lelatives à la sécurité du territoire de l'ex-RDA en constitue une autre preuve. L'importance considérable accordée à la coopération dans la Déclaration de Londres a convaincu les dirigeants soviétiques que l'OTAN était prête à tenir compte de leurs légitimes intérêts de sécurité, et qu'ils avaient tout intérêt à accepter la liberté et les réformes en Europe centrale et orientale s'ils voulaient gagner notre confiance et bénéficier de notre assistance. Alors qu'elle n'a pas encore terminé le réexamen de sa stratégie, l'Alliance a déjà assoupli sa position de défense en Europe, réduit les niveaux de préparation et les besoins de formation.

Nous avons manifesté la volonté de réduire nos armements au strict minimum compatible avec nos exigences de sécurité et, déjà, nous soumettons de nouvelles propositions de maîtrise des armements visant à stabiliser davantage encore l'équilibre des forces de l'après-FCE. Parmi ces propositions figurent des limitations d'effectifs, de nouvelles mesures de confiance et de sécurité, une négociation sur la réduction et la restructuration des armes nucléaires de courte portée basées en Europe, l'élimination réciproque de l'artillerie nucléaire et de nouvelles réunions ayant pour objet la discussion de doctrines, de budgets et de plans militaires en vue d'augmenter la transparence et les garanties mutuelles. Parallèlement aux contacts diplomatiques intenses évoqués plus haut, ces changements apportent la preuve que l'Alliance n'a pas besoin d'un ennemi pour exister et qu'elle n'a aucun intérêt à l'affrontement. L'Alliance cherche à transformer de manière fondamentale les relations de sécurité en Europe, plutôt qu'à simplement reproduire l'ancien modèle d'antagonisme Est-Ouest à des niveaux de forces assouplis etréduits. Ce processus d'adaptation de notre Alliance n'est pas un exercice ponctuel mais une attitude constante. Le Conseil de l'Atlantique Nord en session permanente s'est engagé dans la seconde moitié de l'année dernière à organiser des séances de brassages d'idées, qui devraient permettre de s'assurer que le réexamen de la stratégie alliée, loin de se limiter aux aspects de planification militaire et de défense, englobera toutes les tâches politiques dans le cadre d'un concept global cohérent.

Alternatives à l'OTAN

A ce stade de notre réflexion, examinons de plus près deux alternatives à l'OTAN fréquemment suggérées: une organisation de défense exclusivement ouest-européenne, ou un système de sécurité collective reposant sur la CSCE. On s'aperçoit rapidement, à l'examen, qu'il ne s'agit pas d'options réelles. Il ne serait ni réaliste ni raisonnable de développer un potentiel de défense européen totalement indépendant. Même si ce potentiel s'avérait réalisable à court terme, il ne donnerait pas aux al 1 iés européens le même niveau de protection militaire que celui dont ils bénéficient au sein de l'Alliance, ni la même aptitude à peser sur des défis affectant leur sécurité hors d'Europe. Face à une telle initiative, les Etats-Unis et le Canada seraient amenés àpenser que leur contribution n'est ni nécessaire ni souhaitée. Dans un tel scénario, il serait difficile d'empêcher un retrait complet d'Europe des forces nucléaires et conventionnelles nord-américaines, ce qui laisserait un grand vide en matière de sécurité.

L'autre option souvent proposée est la CSCE. L'avantage de ce processus est qu'il implique la participation de l'Union soviétique et d'autres pays d'Europe centrale et orientale avec lesquels nous cherchons à établir un dialogue plus étroit et plus constructif. La CSCE offre des potentialités considérables pour traiter de problèmes qui, déjà, créent instabilité et tension en Europe et qui, s'ils ne sont pas abordés aujourd'hui, risquent d'avoir des conséquences bien plus graves encore demain: conflits frontaliers, tensions ethniques, violations des droits de l'homme et pratiques anti-démocratiques. Toutes ces raisons expliquent pourquoi l'Alliance se montre si déterminée à conférer à la CSCE une plus grande latitude pour lui permettre de gérer ces problèmes. Nos propositions aboutiront à la création d'institutions de la CSCE -notamment un Centre de prévention des conflits - dont chacune disposera d'un très grand potentiel de croissance. Cependant, même si la CSCE se montre apte à renforcer la sécurité, elle ne pourra pas nécessairement s'en porter garante, si elle échoue dans ses efforts de médiation ou dans ses tentatives de faire respecter des codes de conduite communs.

Les progrès réalisés par la CSCE ne proviennent ni de sa cohésion ni de sa dynamique internes, mais du consensus inébranlable manifesté par l'Alliance au sein de cette conférence, dans la définition des normes et dans le soutien qu'elle apporte au rôle de la CSCE.

Sans l'Alliance, une CSCE laissée à elle-même serait vulnérable à la règle du consensus entre 34 Etats ne partageant pas les mêmes intérêts ni les mêmes systèmes sociaux. Plutôt que d'adopter une attitude active en cas de crise, la CSCE pourrait se trouver totalement paralysée, notamment en 1 ' absence de tout mécanisme visant à obliger les contrevenants éventuels à appliquer ses principes. A court terme, la CSCE ne pourrait que refléter un état préexistant de sécurité collective, sans être capable de la créer pour autant. Il manque également à la CSCE cette structure de défense intégrée qui, comme l'a montré l'Alliance, s'avère essentielle pour surmonter les antagonismes passés et empêcher une dangereuse renationalisation de la sécurité. Alors que nous ne pouvons pas, aujourd'hui, quantifier les risques auxquels nous aurons à faire face demain, l'existence de cette structure de défense intégrée au sein de TOT AN constitue, et de loin, la meilleure police d'assurance contre l'incertitude, non seulement pour les alliés, mais également pour tous les autres Etats de la CSCE.

Les principaux champs d'action

L'Alliance n'est pas seulement nécessaire; elle demeure irremplaçable. Dès lors, la question à se poser n'est pas "l'OTAN doit-elle être maintenue?", mais "quelle doit être la destinée de l'OTAN?". Il est bien sûr impossible de prévoir avec exactitude quel sera le futur visage de l'Alliance, car il dépend de plusieurs facteurs impondérables: comment l'union politique européenne va-t-elle se développer, et à quel rythme? Quelle sera l'efficacité réelle d'une CSCE institutionnalisée, et les Nations unies seront-elles mieux à même de surmonter les problèmes de paix globale qui ne manqueront pas de se poser dans la foulée de la crise du Golfe? L'Union soviétique va-t-elle se muer, même lentement, en un Etat européen et en une société civile "comme les autres", et cette évolution se déclinera-t-elle au singulier ou au pluriel? Il ne faudrait pas pour autant assimiler ces inconnues à une crise d'identité de l'Alliance, tant il est vrai que les institutions européennes - la Communauté européenne, la CSCE, le Conseil de l'Europe et 1 'Union européenne occidentale - traversent toutes une phase de renouvellement et de redéfinition. L'important est que l'Alliance ait une idée claire de la nature des tâches qui lui incombent à court terme et de la direction générale qu'elle souhaite prendre. A l'issue de nos consultations ministérielles de Bruxelles, à la fin de l'année dernière, je suis convaincu que ces tâches ont été clairement identifiées et je prévois quatre grands champs d'action pour l'Alliance.

Le premier a trait à la construction du pilier européen de l'Alliance. Nous soutenons tous, avec enthousiasme, l'émergence d'une dimension européenne dans les domaines de la sécurité et de la défense. La dimension de sécurité européenne, qui résultera de l'union politique de l'Europe et finira par englober ladéfense, contribuera à la construction d'une Europe plus forte, plus unie, capable de supporter une plus grande part de responsabilités au sein de l'Alliance. Nous voulons que ce processus renforce le pilier européen de notre Alliance en même temps que sa dimension atlantique. Tous les alliés devraient être concernés au même titre par cette évolution. Au cours des mois à venir, le Conseil de l'Atlantique Nord développera, dans le cadre politique élargi du réexamen de notre stratégie, des propositions visant à établir une relation complémentaire par le biais d'une interaction plus soutenue avec l'UEO et la Communauté européenne. Nous apporterons les changements qui s'avéreront nécessaires pour adapter notre Alliance à cette nouvelle réalité.

Le deuxième champ d'action concerne l'élaboration de la future architecture européenne. Dans un environnement fondamentalement modifié, l'Alliance ne peut plus pourvoir à elle seule aux besoins de sécurité, comme c'était le cas à l'époque de la Guerre froide. Si l'Alliance reste le seul garant réel du maintien de la paix en Europe, elle ne peut concrétiser seule l'opportunité de paix qui se présente aujourd'hui. Cette mission est évidemment bien plus complexe et implique que nous nous penchions sur un concept de sécurité beaucoup plus flou. Dans ce contexte, l'intégration et l'assistance économiques, ainsi que la démocratisation interne des Etats, seront devenus des facteurs tout aussi importants que la défense militaire traditionnelle pour préserver la paix et éviter que les instabilités ne dégénèrent en tensions susceptibles d'alimenter à leur tour des conflits. Une telle tâche ne peut être confiée à une seule super-institution, qui serait chargée d'étudier à la fois les problèmes financiers, économiques, culturels, militaires, de maîtrise des armements et de droits de l'homme. Aussi, comme les ministres des Affaires étrangères de l'Alliance l'ont reconnu dans leur communiqué de décembre dernier (5), notre future architecture européenne se composera de plusieurs organisations qui, si elles se chevauchent parfois, n'en présenteront pas moins un caractère essentiellement complémentaire et interagiront mutuellement, tout en poursuivant chacune un objectif particulier.

Notre Alliance s'ouvrira alors pleinement aux autres grandes institutions de cette architecture, notamment à la Communauté européenne, à la CSCE et au Conseil de l'Europe. Nous viserons à développer des liens plus étroits et des relations plus complémentaires, en évitant les redondances et dans un esprit d'où les notions inutiles - et destructrices - de rivalité et de compétition auront été bannies. Nous nous efforcerons en particulier d'aider la CSCE à faire fonctionner réellement ses nouvelles institutions, notamment le Centre pour la prévention des conflits (CPC) qui pourrait jouer un rôle dans l'échange d'informations militaires et la vérification des accords sur la maîtrise des armements. Nous étudierons les moyens de mettre certaines de nos données, ainsi qu'une partie de notre expérience, à la disposition du CPC.

Le troisième champ d'action est celui de lapoursuite de notre dialogue avec l'Union soviétique et les pays d'Europe centrale et orientale. Au cours de leur réunion de décembre dernier, les ministres de Affaires étrangères de l'OTAN ont pris acte du désir immense de ces pays de voir s'établir de nouveaux rapports avec notre Alliance et de débattre de la sécurité comme d'un sujet d'accord entre les parties en présence. Bien que les alliés ne puissent offrir des garanties de sécurité à ces pays et qu'il soit encore prématuré de parler à leur égard de participation ou d'association à notre Alliance, nous pouvons mettre ce dialogue à profit pour les aider à surmonter leur sentiment de vulnérabilité et d'isolement. C'est pourquoi je me réjouis que les ministres soient convenus d'approfondir ce dialogue en élargissant les échanges de vue, en leur insufflant une dynamique nouvelle et en coopérant avec ces pays sur des questions d'intérêt commun.

A cet égard, je prévois que de nombreux dirigeants d'Europe centrale et orientale viendront prendre la parole devant le Conseil de l'Atlantique Nord, à Bruxelles, en 1991. Nous voulons multiplier nos échanges politiques et militaires et exploiter, dans toute la mesure du possible, notre Troisième dimension dans le domaine scientifique et de l'environnement ainsi que notre programme d'information, pour jeter des ponts entre l'Alliance, d'une part, et lacommunauté scientifique et l'opinion publique de ces pays, d'autre part. Quoi qu'il advienne, la stabilité politique et la prospérité restent, pour les alliés, les conditions fondamentales d'une paix durable. Le défi à relever est d'empêcher de nouveaux clivages économiques; c'est pourquoi nous ferons tout notre possible pour promouvoir la stabilité. A cette fin, nous développerons nos relations avec les pays d'Europe centrale et orientale pour mettre en pratique notre message de coopération. Nous soutiendrons également les attentes et les aspirations légitimes des peuples baltes. Dans une déclaration faite le 14 janvier dernier, le Conseil de l'Atlantique Nord appelait les autorités soviétiques à respecter pleinement les engagements pris par 1 ' Union soviétique dans le cadre de la CSCE - engagements dont l'expression la plus récente se trouve dans la Charte de Paris pour une nouvelle Europe - et à poursuivre le processus de réforme pacifique et de changement démocratique. Les alliés ont réitéré leur soutien à ce processus. Ils ont également exhorté les dirigeants soviétiques à mener un dialogue franc et sincère avec les dirigeants démocratiquement élus afin de parvenir à une solution négociée, basée sur les principes de F Acte final d'Helsinki, et ont invité toutes les parties concernées à faire preuve de retenue.

La crise du Golfe

Le quatrième et dernier champ d'action a trait aux nouveaux défis et plus particulièrement aux risques émanant de régions situées au pourtour du territoire de l'Alliance. La crise du Golfe a jeté le monde dans l'affrontement militaire le plus grave qu'il ait connu depuis de nombreuses années. Plusieurs facteurs ont incité les commentateurs à inviter l'Alliance à jouer un rôle majeur dans cette crise: l'agression flagrante par l'Irak d'un Etat voisin plus petit et sans défense, ruinant nos espoirs de voir se développer un ordre mondial plus civilisé au lendemain de la Guerre froide; les risques éventuels que présentaient pour notre sécurité l'immense potentiel militaire et l'ambition sans limite de l'Irak; les dangers qu'entraînent des perturbations des approvisionnements pétroliers pour notre prospérité et notre stabilité, et pour celles de nombreux pays actuellement sur la voie de la réforme ou en développement; enfin, le fait que la position de coopération adoptée par l'Union soviétique aux Nations unies évitait à l'Alliance un redoublement de prudence le long de l'ancien axe Est-Ouest.

La réaction de l'Alliance face à cette crise n'a laissé aucune place au doute. Les alliés ont fait preuve d'une totale solidarité et leur cohésion ne s'est pas effritée lorsque la crise a dégénéré en conflit armé. En effet, si l'on en juge d'après d'anciens conflits hors zone, cette solidarité a été d'une ampleur sans précédent et ne s'est pas vérifiée uniquement sur le terrain de la diplomatie. Les Européens ont apporté une contribution matérielle plus importante et tous les Alliés ont contribué à soutenir, soit la force internationale déployée dans le Golfe, soit les pays faisant les frais des sanctions décidées par les Nations unies. A cet égard, la rapidité exemplaire avec laquelle l'Alliance a réagi aux demandes de la Turquie en envoyant dans ce pays la composante aérienne de la force mobile du CAE, et les alliés, de manière individuelle, en fournissant des systèmes de défense aérienne, vaut d'être notée. Cette décision a également servi à rappeler à l'Irak notre détermination inébranlable à respecter les engagements stipulés dans l'Article 5 du Traité de Washington.
Les Etats-Unis n'ont donc pas été seuls dans le Golfe. De plus, l'objectif de l'Alliance ne doit pas être de procéder à un post-mortem de la question du partage des charges entre les alliés, ni de spéculer sur la manière dont elle pourrait ou devrait réagir à l'avenir à des crises similaires. A présent que la crise du Golfe est terminée, l'Alliance va néanmoins devoir en tirer les leçons qui s'imposent pour améliorer à la fois ses mécanismes de gestion et de prévention des crises. A l'évidence, ceux qui espèrent voir l'Alliance se muer en policier de la planète ou se poser en alternative au Conseil de sécurité des Nations unies, à l'instar d'un club de grandes puissances chargé de dissuader et de punir des agresseurs, seront déçus. Toute tentative d'assumer la responsabilité de chaque problème de sécurité pèserait trop lourd sur les structures de l'Alliance, tout en détournant celle-ci de sa mission première qui consiste à garantir la paix en Europe - une Europe appelée à surmonter quantité de problèmes urgents à l'avenir.

Pourtant, l'Alliance ne peut pas non plus se permettre de rester indifférente aux événements. La crise du Golfe démontre que les Nations unies ne peuvent jouer leur rôle que s'il existe une volonté politique et une solidarité internationale. La solidarité active de l'Alliance est un élément important lorsqu'il s'agit de faire prendre conscience aux nations de l'urgence d'une situation et de leur insuffler le sentiment d'une responsabilité collective. Il est certain que, si l'Alliance ne manifeste pas un élan politique décisif, représentant - comme c'est le cas -la position de deux régions industrielles et commerciales parmi les plus importantes, on peut se demander qui d'autre le fera. Il serait déraisonnable d'attendre des Etats-Unis qu'ils supportent seuls le poids politique, économique et surtout militaire d'un leadership mondial, sans susciter chez eux une réaction catastrophique de rancœur et d'isolationnisme. Le Traité de Washington engage en outre tous les alliés à oeuvrer à un ordre international plus pacifique, et ne limite pas la portée de nos consultations, de la planification de la sécurité ni de la coordination dans les domaines où cela s'avère possible. Il n'exclut pas non plus les actions communes. La crise du Golfe passée, je pense que nous explorerons certaines voies qui n'impliqueraient pas l'engagement des pays membres envers une action militaire collective dans des conflits extra-européens - une orientation qui nécessiterait, bien sûr, le consensus de tous les alliés. J'ai suggéré ainsi de mener des consultations étendues sur les risques potentiels, afin de voir si nous pouvons identifier des politiques ou des actions susceptibles d'écarter une crise, et sur la possibilité d'une entente interalliée qui enclencherait le mécanisme de coordination et de soutien de l'Alliance, une fois que les Alliés auront reconnu unanimement qu'un même problème donné affecte leurs intérêts de sécurité.

Le fait que l'Alliance accorde plus d'attention aux problèmes extra-européens ne signifie pas que les développements ultérieurs ressembleront nécessairement à la crise du Golfe, ni que l'Alliance est en quête de nouveaux scénarios de menace pour remplacer les anciens. En effet, dans la mesure où la solidarité de la communauté internationale a contraint Saddam Hussein à respecter les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, on peut espérer que moins d'agresseurs potentiels oseront suivre son exemple dans un proche avenir. Parallèlement, nous devons reconnaître que le monde à la fois plus interdépendant, moins militarisé et plus pacifique que notre Alliance souhaite promouvoir sera également plus sensible et plus vulnérable au chantage dont pourrait user un petit pays, occupant une position stratégique, tel que l'Irak. L'Alliance doit donc se préparer à affronter de longues périodes d'incertitude et l'éventualité récurrente de voir surgir l'inattendu; elle doit aussi être prête à dissuader le pire, en se montrant apte à prendre les décisions appropriées en temps opportun - ce qui, sans aucun doute, nécessitera qu'elle affine ses outils de gestion collective.

Bien sûr, il n'est pas question que l'Alliance agisse seule. Comme le montre la crise du Golfe,il faut pouvoir mettre en place une coalition plus large de partenaires pour surmonter ces nouveaux défis. L'un des problèmes où cette exigence se présente avec le plus d'acuité est celui de la prolifération, au-delà de la région explosive du Moyen-Orient, des armes de destruction massive et des technologies de missiles balistiques. Il est essentiel que nous multipliions nos efforts pour entraver cette prolifération et créer un code de conduite plus rationnel et plus étendu pour les transferts d'armements et de technologies vers le Tiers Monde. Les intérêts soviétiques sont autant enjeu que les nôtres à cet égard, et c'est là l'un des nombreux domaines où notre coopération en matière de sécurité avec l'Union soviétique et les autres pays d'Europe centrale et orientale pourrait avoir un effet bénéfique immédiat. Cette coopération sur des questions telles que la prolifération ne peut que renforcer le dialogue sur la sécurité en Europe, et aider l'Union soviétique en particulier à surmonter son sentiment d'isolement et de marginalisation culturelle et économique.

L'un des pères de l'intégration européenne, Jean Monnet, a comparé la Communauté européenne à un alpiniste qui, parvenu au sommet d'une montagne, découvre d'autres sommets, plus hauts encore, qu'il va lui falloirescalader. L'expérience de l'Alliance présente certaines analogies avec cet alpiniste. Travaillant sans relâche à mettre en oeuvre l'agenda ambitieux défini dans notre Déclaration de Londres et à donner une expression concrète à la politique de la main tendue énoncée à Turnberry, nous ne réalisons que trop bien que nous avons créé les conditions - plutôt que les objectifs - d'une Europe globale et libre et d'un ordre international plus sûr. La tâche qu'il nous reste à accomplir est immense, mais nos nouvelles missions n'en sont pas moins aussi ambitieuses et passionnantes que celles qui nous conduisaient hier à tenter de contenir la puissance militaire soviétique. Peut-être le sont-elles même davantage - mais je suis confiant. L'Alliance a démontré une fois encore son extraordinaire aptitude à anticiper les événements et à s'adapter à des circonstances nouvelles. Elle a fait preuve d'imagination, de radicalisme même en élaborant de nouvelles propositions, puis en oeuvrant avec acharnement à les mettre en oeuvre. C'est précisément en raison de ce dynamisme que le débat sur l'avenir de l'Alliance nous donne l'occasion de réaffirmer nos objectifs, plutôt que de les remettre en question. Si l'Alliance conserve la même importance qu'à l'époque de la Guerre froide, c'est à la fois parce que ses anciennes fonctions - recherche d'un contrepoids à la puissance soviétique et maintien du lien transatlantique - demeurent essentielles et parce que ce n'est qu'avec et par l'Alliance que nous pourrons mener à bien nos nouvelles missions de sécurité, nées de la disparition de l'affrontement en Europe et de l'émergence de défis liés à la mise en place d'une nouvel ordre mondial, plus juste et plus stable. C'est parce que l'OTAN existe que les pays occidentaux peuvent exercer leurs responsabilités et saisir l'occasion historique qui s'offre à eux de

  • promouvoir le changement

  • et de contribuer à la stabilité pour en garantir la réussite à long terme.

(1) Texte intégral repris dans la Revue del'OTAN,N°6, décembre 1990, page 26.
(2) Ibid, page 27.
(3) Pour le texte du communiqué, voir la Revue de l'OTAN, N° 3, juin 1990, page 32.
(4) Pour le texte de la Déclaration de Londres, voir la Revue de l'OTAN, N° 4, août 1990, page 32.
(5) Pour le texte, voir la Revue de l'OTAN, N°6, décembre 1990, page 22.